EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Depuis leur création en 1995, les zones de revitalisation rurale (ZRR) sont le fer de lance d'une politique publique d'accompagnement des territoires ruraux qui a fait la preuve de son efficacité. Ce dispositif offre aux élus du bloc communal, attachés à ce zonage, la possibilité de dynamiser les implantations économiques et commerciales sur leur territoire, à travers notamment un régime d'exonérations fiscales et sociales adapté ainsi qu'un soutien financier renforcé de la part de l'État. En 2022, les quelque 17 700 communes classées en ZRR ont bénéficié de 386 M€ de dépenses fiscales.

Au fil des années et des prorogations successives, les contours de la géographie prioritaire de la ruralité ont cependant perdu de leur visibilité et le zonage retenu ne cible plus de façon pertinente et équitable les territoires les plus fragiles. Le maillage actuel souffre, en effet, de nombreuses imperfections : les critères retenus -- la densité démographique et le revenu médian -- ainsi que leur application à l'échelle intercommunale sont à l'origine d'effets de seuils qui pénalisent les communes qui sont parfois légèrement au-dessus des seuils, mais proches de l'un ou l'autre de ces critères.

En dépit de ces imperfections, il est indispensable de pérenniser ce zonage, qui permet au législateur de mieux prendre en compte l'espace rural dans toutes ses dimensions : dans les territoires à faible densité, un vaste espace entraîne nécessairement des sujétions supplémentaires, particulièrement pour le bloc communal, qui doivent être reconnues et compensées par l'État.

Le classement actuel s'éteindra à la fin de cette année 2023. Le Gouvernement n'a pas d'autre choix que de réformer profondément un dispositif à bout de souffle et de proposer une remise à plat complète du zonage et des bénéfices qui lui sont attachés. Dans ce contexte, dans une logique d'anticipation et dans un esprit de responsabilité, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat a souhaité formuler des propositions pour que des critères plus justes et mieux ciblés soient définis dans la continuité de précédents travaux menés en 20191(*).

L'objectif poursuivi participe d'une volonté de simplification que les élus appellent de leur voeu : ce nouveau dispositif pourrait en effet devenir un zonage intégrateur absorbant ou se substituant à d'autres aides et exonérations existantes dans une logique d'efficacité, de cohérence et de simplicité.

La présente proposition de loi concrétise le fruit de cette réflexion : le zonage ZRR rénové doit s'appuyer sur des critères renouvelés et plus nombreux qu'actuellement, afin de mieux cerner les fragilités des territoires ruraux. La nouvelle mouture du zonage intégrerait a minima 24 000 communes.

À cet égard, une attention particulière mérite d'être portée aux territoires de montagne soumis à de fortes contraintes topographiques.

Pour mieux répondre aux besoins de revitalisation au plus près des territoires, c'est à la maille communale -et non plus à l'échelle de l'intercommunalité- que les critères doivent s'apprécier. De même, pour différencier les mesures de soutien en fonction des degrés de fragilité des communes, ces critères doivent pouvoir être déclinés en trois niveaux.

Un volet complémentaire dédié aux instruments du zonage (exonérations fiscales, exonérations sociales...) sera nécessaire pour parfaire cette réforme. Une réflexion sur l'automaticité de l'accès aux aides pour tous les bénéficiaires est inévitable afin de limiter le non-recours à des exonérations qui restent encore trop méconnues. En outre, le nouveau zonage, plus dynamique, pourrait mieux intégrer la problématique des logements vacants pour que l'effet d'entraînement bénéficie plus directement aux habitants d'une commune classée en ZRR.

L'article 1er modifie donc les critères de classement des communes en ZRR, en prévoyant un critère principal (densité démographique) et un panachage de huit critères secondaires (mesurant le niveau de vie et le cadre de vie) appréciés à la maille communale, dont trois au maximum sont pris en compte.

Les huit critères proposés sont :

- le taux de chômage ;

- le déclin démographique de la commune ;

- l'accès aux professionnels de santé, mesuré par un indicateur statistique -l'accessibilité potentielle localisée- pour mieux prendre en compte les difficultés réelles d'accès au soin et appréhender les complexités propres aux déserts médicaux ;

- la part d'agriculteurs et d'artisans ou commerçants dans la population, plus marquée dans les communes rurales ;

- le nombre d'équipements et de services accessibles au public par habitant ( 188 sont identifiés par l'Insee, par exemple bureaux de poste, commerces, écoles, hôpitaux, gymnases...) ;

- l'âge médian, reflet du vieillissement de la population ;

- le taux de vacance des logements, symptôme d'une dévitalisation du territoire ;

- les contraintes topographiques propres aux territoires de montagne en intégrant parmi les critères secondaires le critère du classement en zone agricole défavorisée (ZAD), zonage incluant zones de montagne et zones défavorisées simples (ZDS) qui englobent les espaces à fortes contraintes géographiques.

Cette règle de décision conduit au classement de 24 000 communes a minima réparties en trois catégories différentes, en fonction de leur degré de fragilité.

Ce dispositif est plus simple qu'il n'y paraît : destiné à s'adapter à la diversité des situations des collectivités rurales, il présente l'avantage de ne pas imposer de charge sur les collectivités qui n'ont pas de démarche particulière à effectuer pour être classées en ZRR.

Enfin, l'article 1er intègre ces critères au code général des collectivités territoriales, afin de renforcer la cohérence du dispositif.

L'article 2 garantit la recevabilité financière de cette proposition de loi.

L'article 3 précise ses conditions d'entrée en vigueur fixées au 1er janvier 2024.

* 1 Rapport d'information n° 41 du 9 octobre 2019, « Sauver les zones de revitalisation rurale (ZRR), un enjeu pour 2020 », présenté par M. Bernard DELCROS, Mme Frédérique ESPAGNAC et M. Rémy POINTEREAU.