Direction de la séance |
Projet de loi constitutionnelle mandat d'arrêt européen (1ère lecture) (n° 102 , 126 ) |
N° 1 21 janvier 2003 |
AMENDEMENTprésenté par |
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MM. DARNICHE, DULAIT, de VILLEPIN et MOINARD, Mme BRISEPIERRE, MM. GOURNAC et HÉRISSON et Mme Gisèle GAUTIER ARTICLE UNIQUE |
Compléter le texte proposé par cet article pour compléter l'article 88-2 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :
Elle détermine les conditions dans lesquelles un mandat d'arrêt européen peut être émis en cas de soustraction par un ascendant d'un enfant mineur des mains de ceux qui exercent l'autorité parentale, ou auquel il a été confié, ou chez qui est fixée sa résidence habituelle. »
Objet
Cet amendement vise à étendre préventivement l'incrimination d'enlèvement parental d'enfant à la liste actuellement non-exhaustive des 32 autres infractions établies dans le cadre du mandat d'arrêt européen.
Conséquence logique de la multiplication des migrations faisant suite aux accords de Schengen de 1993, les mariages mixtes se développent et les divorces aussi. Lorsque tout se déroule bien, les pouvoirs publics n'en entendent jamais parler ... mais lorsque tout se dérègle, le drame familial surgit et ce sont avant tout les enfants qui pâtissent de plein fouet – et durablement – de ce type de conflit parental.
En effet, lésés ou simplement meurtris, certains couples binationaux intra-européens (parfois même issus de pays tiers, voire tout simplement franco-français) commettent l'irréparable dans le cadre de la séparation ou du divorce. Ils enlèvent leur(s) propre(s) enfant(s) à leur ex-conjoint et s'enfuient du jour au lendemain à l'étranger.
Depuis cinq ans, les dossiers de "rapts parentaux d'enfants" sont en augmentation constante et "près d'un millier d'enfants sont déplacés par an à l'étranger et retenus illégalement hors du territoire de la République" (Cour d'appel de Dijon, chambre correctionnelle, 19 décembre 1985, Gazette du Palais, 23 avril 1985). Tournant trop fréquemment au drame, ces affaires passionnelles connues des autorités françaises (ministère de la Justice, ministère des Affaires étrangères) doivent cesser pour qu'enfin les "enfants-otages" – qui ont la chance d'avoir leurs parents – ne soient plus pénalisés en grandissant loin de leur mère ou de leur père, dans ce sentiment si déstructurant d'angoisse permanente et d'inutile abandon.
Ne nous leurrons pas, l'Union européenne est actuellement dépourvue d'un droit familial commun et il n'existe à ce jour aucune instance européenne permettant de résoudre efficacement ce problème douloureux.
Que les adultes circulent librement dans un espace économique sans frontières est une chose, que les enfants disparaissent sans laisser d'adresse et au détriment de leur propre équilibre affectif en est une autre ...
C'est pourquoi, tant de manière préventive qu'en matière de protection de l'enfance et de sanction parentale, il revient au Législateur de réaffirmer que la "coresponsabilité parentale" s'impose à chacun des adultes à l'égard de leurs enfants et de s'employer à trouver ensemble une série d'outils juridiques nécessaires à la prévention du risque de déplacement illicite parental d'enfant vers l'étranger et des moyens appropriés de contrôle pour endiguer durablement cet inquiétant phénomène de société.
De plus - et sans jouer les Cassandre -, l'intégration prochaine des nouveaux pays candidats à l'Union européenne risque, à n'en pas douter, d'augmenter ce chiffre inquiétant et intolérable. Que ferons-nous lorsqu'il sera trop tard ?
C'est donc fort logiquement qu'aux côtés d'incriminations lourdes telles que la cybercriminalité, la fraude, le blanchiment d'argent, la corruption, la traite des êtres humains, l'homicide, le racisme ou le terrorisme, il nous paraît nécessaire et judicieux d'inscrire la "soustraction parentale d'enfant" afin de permettre la prévention d'une part, et de favoriser le retour rapide des enfants disparus d'autre part, par l'activation efficace et sans faille du mandat d'arrêt européen.