Direction de la séance |
Projet de loi prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 (1ère lecture) (n° 82 , 84 ) |
N° 1 rect. 16 novembre 2005 |
Question préalableMotion présentée par |
|
||||||||
MM. BADINTER, BEL et les membres du Groupe socialiste, rattachés et apparentés TENDANT À OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE |
Objet
La loi du 3 avril 1955 envisage l'instauration de l'état d'urgence dans des situations de « calamité publique », ou « en cas de péril imminent résultant d'atteintes graves à l'ordre public ».
Au regard de cette dernière condition, la prolongation de l'état d'urgence demandée par le gouvernement est une mesure inadaptée car elle n'est pas indispensable en la circonstance.
Le gouvernement ne nous a pas encore démontré quelles sont les mesures de droit commun auxquelles il ne peut pas recourir en dehors de l'état d'urgence.
L'expérience de ces derniers jours, au moment où l'expression de la violence était la plus vive, a prouvé que les dispositions de droit commun suffisent à rétablir l'ordre et à ramener la paix civile sans qu'il soit nécessaire de recourir systématiquement à des procédures exceptionnelles. Inversement, on constate que le recours à ces dernières n'a pas empêché la poursuite des incidents dans certains départements.
Si le Sénat accepte d'entériner le projet du gouvernement, la France vivra sous ce régime d'exception jusqu'au 21 février 2005.
Dès lors que l'on constate une diminution progressive et régulière des violences urbaines près de trois semaines après le début de ces violences, comment justifier une mesure d'une telle ampleur, avec les conséquences qu'elle peut avoir, tant sur les libertés publiques qu'individuelles ? La liberté d'aller et venir, la liberté de se réunir sont menacées, des perquisitions, de jour comme de nuit, dans les domiciles, sont possibles sans le contrôle de l'autorité judiciaire, ainsi que des réquisitions, des assignations à résidence...
La prorogation de l'état d'urgence ne doit pas devenir une mesure de convenance policière qui trouverait à s'appliquer « le cas échéant » ainsi que le précise l'exposé des motifs du projet de loi.
Vaut-il mieux « employer la force que d'avoir à la craindre » ou renoncer à la force par crainte de devenir coupable ? Entre ces deux extrêmes, il existe une voie salutaire qui n'exclut ni le respect de nos libertés publiques ni le souci de l'efficacité. La fermeté ne conduit pas nécessairement à l'exception dès lors que le gouvernement saura garder son sang-froid.