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Direction de la séance

Projet de loi

Représentation devant les cours d'appel

(1ère lecture)

(n° 140 , 139 )

N° 28 rect.

18 décembre 2009


 

AMENDEMENT

présenté par

C
G  
Non soutenu

MM. FOUCHÉ, BEAUMONT, Paul BLANC, CHATILLON, HOUPERT, BERNARD-REYMOND et LEFÈVRE


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 13


Après l'article 13, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de publication de la présente loi ont droit en outre à une indemnité destinée à compenser le préjudice de carrière résultant de la perte de leur outil de travail. Cette indemnité est égale à 10 % de la valeur de l'office mentionnée au premier alinéa de l'article 13 pour chaque année séparant, à la date de publication de la présente loi, le bénéficiaire de l'âge de soixante-cinq ans. 

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Objet

Le présent amendement a pour objet d'indemniser les avoués à la Cour en exercice du préjudice spécifique causé par la suppression de leur profession, c'est-à-dire la perte irrémédiable de leur outil de travail.

Il ne crée aucun droit nouveau mais se borne à appliquer le droit existant tel que l'a précisé la Cour européenne des Droits de l'Homme, par exemple dans l'arrêt du 22 avril 2002 n° 46044/99 - lallement c/ France. Il comble ainsi une lacune du projet de loi, et vise à prévenir les recours devant le Conseil Constitutionnel, le Conseil d'Etat et la Cour Européenne des Droits de l'Homme que les personnes spoliées ne manqueraient pas d'intenter.

On sait en effet, que par un arrêt du 8 février 2007 (arrêt Gardedieu) le Conseil d'État a décidé que la responsabilité de l'État pouvait être engagée du fait de la contrariété d'une loi à un engagement international, sur le terrain de la responsabilité pour faute, sans qu'il soit alors besoin de prouver un préjudice anormal et spécial, tout préjudice étant susceptible d'être indemnisé.

Or, dans l'affaire Lallement c/ France, la Cour européenne des droits de l'homme, a rappelé le principe de la « restitutio in integrum » (cf. arrêt en satisfaction équitable,  § 10), c'est-à-dire de la réparation intégrale, dès lors que le manquement de l'Etat est constaté.

Par son arrêt principal du 11 avril 2002, elle a « constaté que l'expropriation litigieuse a eu pour effet d'empêcher le requérant de poursuivre de manière rentable son activité. L'intéressé ayant perdu son « outil de travail » sans indemnisation appropriée, la Cour a conclu à la violation de l'article 1 du Protocole no 1. Elle a en outre souligné que seul le préjudice causé spécifiquement par cette violation de la Convention est susceptible de justifier l'allocation d'une somme au titre de « satisfaction équitable ». (cf. arrêt en satisfaction équitable, § 10).

Par son arrêt en satisfaction équitable du 12 juin 2003, elle a retenu, pour chiffrer la somme due par l'Etat français, un total de 10 ans de pertes de revenus au titre de la perte de l' « outil de travail » (nb : déduction faite des sommes perçues par ailleurs au titre de l'expropriation proprement dite, indemnité de réemploi comprise).

Il convient de rappeler que le Président de la Commission des lois de l'Assemblée Nationale a très justement souligné que « l'indemnisation doit tenir compte, au cas par cas, de la situation, faute de courir le risque d'une annulation par la juridiction administrative, pour non-respect de la Convention européenne des droits de l'homme » (cf. Compte rendu des travaux en Commission du 23 septembre 2009, page 14).

 

- Le principe de l'indemnisation du préjudice de carrière

 

Le préjudice de carrière consiste à apprécier la perte de revenus futurs subie par un professionnel qui se voit privé de son outil de travail et de son métier.

Il n'est pas sérieusement contestable, et constitue le poste essentiel de l'indemnisation, puisqu'il appréhende la problématique de l'avenir.

L'indemnisation des avoués ne peut pas se limiter à la valeur de leur office : car il s'agit de la perte d'un outil de travail, c'est-à-dire d'un actif dynamique créateur de valeur dans le temps. Sa disparition induit à l'évidence une perte d'exploitation pendant de longues années, de sorte qu'il est impossible de raisonner comme s'il s'agissait d'indemniser un actif statique (ex. un terrain ou une maison dans le cadre d'une expropriation).

Le Rapport de l'Assemblée Nationale a souligné que « les avoués ne pourront pas continuer à exercer leur profession », « que le projet de loi va (...) avoir pour effet de priver les avoués de leur clientèle », qui constitue un bien au sens de l'article premier du premier protocole additionnel à la Convention EDH, et rappelé que la jurisprudence de la  Cour européenne des droits de l'homme commandait d'indemniser le préjudice spécifique résultant de la perte d'un outil de travail (cf. Rapport, pages 32 et suivantes).

Le principe du préjudice de carrière est donc acquis.

- Les modalités d'indemnisation du préjudice de carrière

Il s'agit du volet dynamique et subjectif de l'indemnisation. Il est évident que sur ce point la disparition de la profession aura des conséquences très différentes selon les situations.

L'arrêt Lallement c/ France, déjà cité, commande « d'examiner chaque situation individuelle in concreto » (cf. arrêt principal, § 23).

Le Rapporteur, devant la Commission des lois de l'Assemblée Nationale, a proposé que les avoués perçoivent « une indemnité couvrant le préjudice du fait de la perte de revenus résultant de la suppression de leur office », et évoqué « une indemnisation au cas par cas ».

Le Président de la Commission des lois de l'Assemblée Nationale a souligné la nécessité de prendre en compte « le préjudice économique, qui varie selon la situation individuelle des avoués ».

Le rapport Cazes définit le préjudice de carrière comme « la somme des revenus attendus de l'activité professionnelle jusqu'à l'âge de la retraite minorés des revenus potentiels » (cf. rapport, page 50).

Le préjudice de carrière dépend donc de deux paramètres essentiels :

- les revenus antérieurs à la loi (i).- l'âge du professionnel (ii),

(i) La perte de revenus futurs implique de prendre en considération les revenus antérieurs à la loi.

 

Le ratio résultats/CA de la profession est très homogène et en moyenne de 0,44 (cf. rapport Cazes, page 37). Ce qui signifie que chaque année, l'outil de travail dégage un bénéfice moyen correspondant à 44% du chiffre d'affaires.

La corrélation entre la valorisation de l'office et les revenus annuels est donc pertinente.

Dans un but de simplicité, il est donc proposé d'indemniser le préjudice de carrière par un coefficient majorateur de la somme due au titre de la perte du droit de présentation.

Le coefficient majorateur ne peut être de 0,44 par an, puisque :

- d'une part, il faut tenir compte de l'abattement au titre des revenus prévisibles de l'activité future,- d'autre part, il s'agit de capitaliser une perte future : il faut donc tenir compte de l'aléa inhérent à toute indemnisation d'une perte future (mortalité, érosion monétaire). Tous les barèmes de capitalisation reposent d'ailleurs sur des calculs mathématiques complexes qui prennent en considération cette actualisation du préjudice.

Un coefficient annuel de 0,10 soit 10% est proposé (au lieu de 0,44 soit 44%). Il correspond à moins du quart de la rentabilité annuelle d'un office. Il permet donc une indemnisation raisonnable du préjudice de carrière.

(ii) Il est évident que le préjudice « de carrière » est d'autant plus important que la carrière du professionnel est devant lui.

Le fait d'être privé d'un outil de travail lorsque l'on commence à s'en servir, ou lorsque l'on a fini de s'en servir (ou sur le point de finir), est radicalement différent.

Le préjudice de carrière, s'il existe chez les professionnels âgés, est bien sûr beaucoup plus important chez les professionnels les plus jeunes (nb : les avoués de moins de 40 ans ne représentent que 20% de la profession).

Tous les barèmes de capitalisation utilisés en droit commun retiennent d'ailleurs des coefficients multiplicateurs décroissant avec l'âge (cf. par exemple le barème Lambert Faivre, appliqué par les juridictions).

Enfin, le préjudice de carrière ayant pour objet d'indemniser la perte de revenus futurs, il convient, pour permettre une approche la plus fine possible du paramètre de l'âge, de retenir comme critère le nombre d'années séparant chaque professionnel de l'âge théorique de départ à la retraite (65 ans).



NB :La présente rectification porte sur la liste des signataires.