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Direction de la séance

Projet de loi

Lutte contre les violences sexuelles et sexistes

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 590 , 589 )

N° 40 rect.

3 juillet 2018


 

AMENDEMENT

présenté par

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

Mmes ROSSIGNOL, de la GONTRIE, LEPAGE, BLONDIN, Martine FILLEUL et CARTRON, M. COURTEAU, Mmes JASMIN, MONIER, MEUNIER, CONWAY-MOURET et LUBIN, MM. Jacques BIGOT, DURAIN et FICHET, Mme HARRIBEY, MM. KANNER, KERROUCHE, LECONTE, MARIE, SUEUR, SUTOUR, TEMAL

et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 2 BIS (SUPPRIMÉ)


I. – Après l'article 2 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l’article 371-1 du code civil est complété par les mots : « et à l’exclusion de tout traitement cruel, dégradant ou humiliant, y compris tout recours aux punitions et châtiments corporels ».

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigé :

Titre …

Dispositions renforçant la protection des mineurs contre toutes les violences

Objet

Cet amendement s’attaque aux violences dès la racine. Il vise à affirmer le principe que toute personne, a fortiori tout enfant, a droit au respect de son intégrité physique. Poser, dans le code civil, l’interdit clair du recours aux punitions corporelles, permet de dire aux enfants que leur corps leur appartient. Le respect de leur corps leur est dû en toutes circonstances : le présent amendement s’inscrit dans la lutte contre le continuum des violences infligées aux enfants, dont les violences sexuelles sont une partie.

A cet égard, nous souhaitons rappeler qu’affirmer que l’intégrité physique des enfants est un droit inaliénable est d’autant plus indispensable étant donné que, parmi les femmes victimes de viols et de tentatives de viol au cours de leur vie, 56 % l’ont été avant leurs 18 ans, dont 40 % avant leurs 15 ans ; tandis que les viols et tentatives de viols commises sur des hommes ont très majoritairement lieu durant leur minorité : 76 % avant leurs 18 ans dont 60% avant leur 15 ans (source : enquête VIRAGE réalisée en 2015).

Pour les femmes comme pour les hommes, le cercle familial et proche est la première sphère de vie où ont lieu les viols et les tentatives de viol (devant le couple, les espaces publics, les études et le travail). Dans plus de 8 cas sur 10, ces agressions intrafamiliales, qu’elles concernent les femmes ou les hommes, ont lieu avant les 15 ans de la victime.

75% des maltraitances graves commencent par des violences corporelles, comme le souligne la Fondation pour l’enfance et l’association « Stop VEO ». Cela n’est pas anecdotique : un interdit strict doit être posé. Les expériences traumatisantes vécues durant l’enfance impactent toute la vie des victimes, et la manifestation de troubles sociaux, émotionnels, cognitifs voire mentaux en est la conséquence la plus répandue, mais également la moins grave. Dans le cortège des effets secondaires, on retrouve également l’adoption de comportements à risque pour la santé, la morbidité, des handicaps, des problèmes sociaux, et enfin un risque accru de morbidité. Les adultes maltraité.e.s physiquement pendant l’enfance présentent de manière très significative davantage de pathologies (alcoolisme, tentatives de suicide, précarité sanitaire, obésité, toxicomanie, etc.).

Les enfants sont des êtres vulnérables, fragiles et dépendants. Ils sont également les seuls en France à n’être protégés ni des coups ni des humiliations sous couvert d’éducation et de droit de correction (qui fait obstacle à toutes les politiques de prévention des maltraitances infligées aux enfants : il n’existe pas de seuil en deçà duquel les châtiments corporels sont compatibles avec l’intérêt supérieur de l’enfant). Or les atteintes à l’intégrité physique et psychologique des enfants ont des conséquences sur leur bien-être, leur santé et leurs apprentissages, mais également sur leur propre capacité à protéger leur intégrité.

Le présent amendement a donc un rôle préventif. Les châtiments corporels sont des atteintes à l’intégrité des enfants : les interdire, c’est participer à la lutte contre toutes les violences faites aux enfants, y compris les violences sexuelles. Un enfant corrigé est un enfant dont l’intégrité corporelle n’est pas respectée, qui risque par conséquent davantage de banaliser par la suite d’autres formes de violence dont il pourrait être victime.

Cet amendement, dans la continuité du 1er plan interministériel de lutte contre toutes les violences faites aux enfants actuellement en vigueur (et dont le principe est soutenu par Madame Nicole BELLOUBET, Garde des Sceaux, ministre de la Justice, et Madame Agnès BUZYN, ministre des Solidarités et de la Santé), renforce l’arsenal législatif de la France en matière de protection de l’enfance. Il répond aux engagements internationaux de la France en tant que partie de la Convention internationale des droits de l’enfant (article 19[1]) et aux recommandations formulées par le Défenseur des droits en 2017[2].

La portée symbolique et pédagogique de cette rédaction permet de lutter contre la méconnaissance du contenu des droits de l’enfant, en participant à lever les doutes d’éventuel.le.s témoins de situations de maltraitance. L’efficacité de cette disposition repose avant tout sur la sensibilisation des parents et futurs parents (grâce à des outils comme le carnet de santé, ou le Livret des parents).

Il ne s’agit pas de créer une sanction de nature pénale à l’encontre des parents : la rédaction proposée relève exclusivement du code civil, et affirme de manière claire que l’éducation des enfants ne passe pas par la violence.

Cet amendement affirme l’interdiction des violences éducatives ordinaires, l’illégalité des châtiments corporels et la nécessité d’une éducation bienveillante, seule à même d’assurer l’intérêt supérieur de l’enfant.

 

[1] « Les États parties prennent toutes les mesures législatives, administratives, sociales et éducatives appropriées pour protéger l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle, pendant qu’il est sous la garde de ses parents ou de l’un d’eux, de son ou ses représentants légaux ou de toute autre personne à qui il est confié. ».

[2] Rapport « Droits de l’enfant en 2017 – Au miroir de la Convention internationale des droits de l’enfant »