Direction de la séance |
Projet de loi Énergie et climat (1ère lecture) (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) (n° 658 , 657 , 646) |
N° 210 15 juillet 2019 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. VIAL et Mme LAMURE ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 1ER OCTIES |
Après l’article 1er octies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Afin de répondre à l’enjeu et l’urgence de l’industrie grosse consommatrice d’électricité, le ministre chargé de la transition écologique et solidaire et le ministre chargé de l’économie et des finances établissent dans les six mois suivant la publication de la présente loi un rapport sur les politiques et actions concernant :
– la restructuration de la production électrique nucléaire et hydraulique au sein d’une même entité et les mesures permettant de créer des contrats de longue durée nécessaires au maintien et développement de l’industrie dite électro-intensive ;
– l’évaluation du dispositif d’effacement, le rendement de la redevance capacitaire, son retour aux industriels et les raisons de la même utilisation du dispositif d’effacement ainsi que les possibilités de rendre l’utilisation de l’effacement industriel prioritaire à toute capacité thermique ;
– l’évaluation des coûts et moyens à mobiliser pour améliorer les outils de production au regard des exigences d’une politique énergie carbone.
Objet
Le projet de loi Énergie Climat rappelle dans son exposé des motifs que la France s’est dotée dès 2000 d’objectifs et de plans stratégiques pour réduire ses émissions de gaz à effets de serre (GES).
En 2015, la France a également publié la première Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) avec trois budgets « carbone » jusqu’en 2028.
En 2016, la France a adopté la première Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE) qui fixe à 2023 des objectifs ambitieux.
Cette PPE qui définit la trajectoire du Gouvernement est actuellement en cours de révision.
Le Gouvernement souligne avec justesse que « cette transformation doit s’accompagner d’une gouvernance renforcée qui puisse réunir et croiser les expertises en matière de climat » et annonce dans le prolongement de l’engagement du Président de la République la création du Haut Conseil pour le Climat (HCC).
Il faut attendre l’article 8 du projet de loi pour que soit évoqué discrètement « le calcul des compléments de prix du mécanisme à l’Accès Régulé de l’Electricité Nucléaire Historique (ARENH) » au moment même où il est demandé que l’enveloppe de l’ARENH soit portée de 100 Twh à 150 Twh avec une demande d’affectation pour les industriels gros consommateurs et que le Gouvernement lance au même moment la restructuration d’EDF. Il s’agit pourtant d’un projet majeur qui consiste à regrouper dans une seule entité le nucléaire et l’hydraulique qui constitue la spécificité et la force de la France de pouvoir disposer d’une énergie décarbonée parmi les plus faibles du monde.
Or, ce n’est qu’à l’occasion de l’étude d’impact (page 46) qu’est évoquée de façon curieuse la place des entreprises en précisant « la création du Haut Conseil pour le Climat n’a pas d’impact direct sur les entreprises »… (sic) en poursuivant toutefois « il appartiendra en effet au Haut Conseil pour le Climat de formuler des recommandations sur les investissements stratégiques industriels… ».
Or, il y a lieu d’être préoccupé et inquiet de ce constat au regard de l’engagement politique du ministre de la transition écologique et solidaire qui lors de sa prise de fonction déclarait le lien qu’il devait y avoir entre écologie et économie.
Les travaux de la Délégation sénatoriale aux entreprises et la récente mission sur la sidérurgie montre non seulement importance du rôle de l’énergie pour les industries grosses consommatrices et l’extrême urgence à pouvoir apporter une réponse à certaines entreprises qui se trouveront en fin de régime tarifaire dès 2020.
Les réponses apportées par le Gouvernement lors du débat de la loi à l’Assemblée Nationale en se contentant de se référer à « la boite à outils » montrent une méconnaissance préoccupante de la situation de l’industrie française grosse consommatrice.
Il importe de rappeler que la Commission Européenne, à laquelle on reproche souvent son manque d’intérêt pour l’industrie, soulignait dès 2014 son soutien « pour une renaissance industrielle européenne » en insistant sur « l’importance d’enrayer le déclin industriel et de réaliser l’objectif de porter la part de l’industrie à 20% du PIB d’ici 2020 »… en précisant que l’Union doit disposer de politiques plus cohérentes en ce qui concerne le marché intérieur… y compris l’énergie.
Or, les chiffres font apparaitre qu’à ce jour l’industrie manufacturière représente 10% du PIB en France contre 20,3% en Allemagne.
S’agissant de l’emprunte carbone il importe de rappeler que l’industrie française a su adapter ses outils de production pour offrir les émissions les plus faibles.
Ainsi, comparée à titre d’exemple à la Chine et pour une tonne de produit fini l’émission de CO2 en France est 8 fois plus faible pour la fabrication de l’aluminium, 5 fois plus faible pour le PVC et 3 fois plus faible pour le silicium.
Ces industries pourraient encore améliorer leur performance carbone dans leurs outils de production si elles disposaient d’une véritable politique d’accompagnement sur la durée.
Une telle politique volontariste pourrait concerner prioritairement le recyclage des matériaux qui pourrait être traité en France alors qu’ils sont exportés dans des pays moins vertueux en matière d’empreinte carbone.
Le maintien et le développement d’une telle industrie nécessite donc que soit définie une vraie politique de l’énergie. A titre d’exemple l’activité industrielle des HEI se trouve confrontée à une concurrence mondiale dont le prix de l’énergie varie de 15 à 30 € entre le Canada, le Moyen-Orient, la Russie, l’Amérique du Sud, l’Islande, les Etats-Unis et la Norvège … et un prix de 50 € en France.
Sans revenir sur l’enjeu du prix de l’ARENH précédemment évoqué, la situation de l’hydraulique mérite tout autant d’être soulignée.
Lors de l’adoption de la PDE en 2016 l’enjeu de l’hydraulique des barrages et du fil de l’eau a été largement débattu avec des engagements et orientations du Gouvernement de l’époque dont aucun n’a abouti à ce jour mettant d’ailleurs certaines entreprises en situation particulièrement difficile.
La restructuration du nucléaire et de l’hydraulique sous l’autorité de l’Etat impose donc la prise en compte urgente des enjeux de l’industrie grosse consommatrice.
Mais cette industrie a également démontré la place qu’elle pouvait tenir et les avantages qui pourraient en résulter pour tous dans un système électrique de plus en plus impacté par la montée en puissance des énergies renouvelables générant un déséquilibre de plus en plus fort entre l’offre et la demande.
Ainsi, si l’hiver requiert un renforcement de capacités, en revanche l’été se trouve excédentaire pendant environ 7 mois de 20 à 30 % justifiant une affectation prioritaire à l’industrie.
Cette vision stratégique doit être conduite au regard d’une évaluation de la politique mise en œuvre en matière capacitaire et d’effacement qui ne manque pas d’interroger. Dans le prolongement de l’excellent rapport de Bruno SIDO posant les principes du capacitaire, la loi Nome a posé les principes qui permettent aujourd’hui à la France de disposer sur le plan législatif, réglementaire et technique de tous les outils nécessaires à l’effacement de la consommation électrique en France dont l’ADEME a, dans un rapport de septembre 2017 préventé «l’évaluation du potentiel par régulation de process dans l’industrie et le tertiaire » en évaluant le gisement et le prix de référence pour le secteur industriel.
Or, en dépit de cet environnement particulièrement favorable, la France n’a cessé de diminuer sa capacité d’effacement industrielle alors que sa rémunération est largement assurée. Aujourd’hui la redevance capacitaire s’élève à 2.6 Md € payés par les consommateurs dont plus de 600 M€ payés par les industriels eux-mêmes (alors qu’ils sont des consommateurs en ruban) alors que les capacités d’effacements dont ils peuvent bénéficier en déduction n’ont été que de 20 M€ en 2018 et 35 M€ en 2019. Dès lors les industriels qui s’engagent dans ce dispositif d’effacement ils ne bénéficieront que 10 % du produit de la redevance. Ces quelques exemples montrent à l’évidence la nécessité et l’urgence d’évaluer et de réadapter les politiques et actions en matière d’énergie en faveur de l’industrie.