Direction de la séance |
Projet de loi Suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français (1ère lecture) (PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE) (n° 97 , 96 ) |
N° 29 rect. 6 novembre 2018 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. REICHARDT et Mme KELLER ARTICLE 6 |
Supprimer cet article.
Objet
Cet article 6 supprime l'interdiction faite à l'assureur de protection juridique d'intervenir dans la négociation des honoraires entre l'assuré et l'avocat qu'il choisit. Cette suppression est motivée par le fait que cette interdiction ne serait pas prévue par la directive 2009/138/CE du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice (« Solvabilité 2 ») qui définit un cadre harmonisé pour l'assurance de protection juridique, en garantissant notamment le principe du libre choix de l'avocat par l'assuré.
Or, les articles L127-5-1 du code des assurances et L224-5-1 du code de la mutualité, modifiés par l’article 6 du projet de loi, résultent de la loi du 19 février 2007 portant réforme de l’assurance de protection juridique.
Le dispositif ainsi mis en œuvre par ces deux articles (interdiction générale faite aux assureurs de participer à la négociation des honoraires d’avocats intervenant en matière de protection juridique) est antérieur à la directive du 25 novembre 2009. Il ne saurait donc y avoir de surtransposition de la directive de 2009 par une loi datant de 2007.
En outre, l’intervention de l’assureur aux côtés de l’assuré pour négocier les honoraires avec son avocat, est contraire au principe de libre détermination des honoraires entre l’avocat et son client. Une telle intervention aurait pour conséquence de soumettre la défense de l’assuré à un tarif proposé et, en pratique imposé, par l’assureur, au risque d’aboutir à un nivellement par le bas des tarifs et, in fine, à un nivellement par le bas des prestations, ce qui est contraire à la nécessaire protection du consommateur.
De plus, la présence de l’assureur aux côtés de l’assuré lors de la négociation des honoraires de l’avocat va remettre en cause le libre choix de l’avocat reconnu par la directive « Solvabilité 2 ». La compagnie d’assurance pourra indiquer à l’assuré que s’il choisit tel avocat, avec lequel elle a un accord, les honoraires qu’elle acceptera d’avancer seront intégralement pris en charge. L’assuré sera alors fortement incité à choisir l’avocat ainsi désigné par son assureur, renonçant ainsi à son droit de choisir librement son avocat, Or, il s’agit d’un principe cardinal consacré par la Cour de Justice de l’Union européenne, qui a jugé que le justiciable qui a souscrit une assurance de protection juridique doit, en toutes circonstances, pouvoir décider de l’opportunité de faire appel à l’assistance d’un avocat, sans que l’assureur ne lui impose l’avocat choisi par lui.
Le dispositif de l’article 6 du projet de loi constitue également une atteinte au secret professionnel, en ce que plusieurs décisions ont reconnu que les honoraires payés par un client à un avocat sont couverts par le secret professionnel. En donnant la possibilité aux assureurs d’intervenir dans la négociation du montant des honoraires de l’avocat de l’assuré et dans la fixation de leur montant, il y a bien une atteinte au secret professionnel. Or, le secret professionnel représente le lien de confiance entre l’avocat et son client, c’est-à-dire par extension le lien de confiance entre le justiciable et l’institution de la justice. Rompre cette confiance entre l’avocat et son client, c’est rompre également la confiance du justiciable dans la justice.
L’intervention de l’assureur aux côtés de l’assuré dans la négociation des honoraires de l’avocat créé enfin les conditions d’un traitement différencié entre les cabinets d’avocats. Entre ceux qui auront accepté les conditions de rémunération imposées par les compagnies d’assurances et ceux qui auront refusé ces conditions ou qui ne seront jamais entrés en négociation avec les assureurs.
Le présent amendement tend ainsi à supprimer cet article 6.