Direction de la séance |
Projet de loi PLF pour 2020 (1ère lecture) PREMIÈRE PARTIE (n° 139 , 140 , 141, 142, 143, 144, 145, 146) |
N° I-612 20 novembre 2019 |
AMENDEMENTprésenté par |
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MM. JACQUIN, RAYNAL, KANNER, ÉBLÉ, BOTREL et CARCENAC, Mme ESPAGNAC, MM. FÉRAUD, Patrice JOLY, LALANDE et LUREL, Mme TAILLÉ-POLIAN, M. ANTISTE, Mme ARTIGALAS, MM. ASSOULINE, BÉRIT-DÉBAT et Joël BIGOT, Mmes BLONDIN et BONNEFOY, M. Martial BOURQUIN, Mmes CONCONNE et CONWAY-MOURET, MM. COURTEAU, DAUDIGNY, DEVINAZ, FICHET et GILLÉ, Mmes GRELET-CERTENAIS, HARRIBEY et JASMIN, M. JOMIER, Mme Gisèle JOURDA, MM. KERROUCHE et LECONTE, Mme LEPAGE, M. MARIE, Mmes MEUNIER et MONIER, M. MONTAUGÉ, Mmes PEROL-DUMONT et PRÉVILLE, MM. SUEUR et TEMAL, Mme VAN HEGHE et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 32 |
Après l'article 32
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois après la promulgation de la loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’opportunité de lever un emprunt à moyen et long termes visant à couvrir à due concurrence l’écart entre les dépenses prévues par la trajectoire fixée par la loi n° du d’orientation des mobilités et les ressources actuellement identifiées pour financer les investissements de l’État dans les infrastructures de transport pour la période 2019-2037 prévus par la présente loi.
Objet
Pour assurer le financement de la programmation des investissements prévus par la loi d’orientation des mobilités sur la période 2019-2037, les auteurs de l’amendement proposent que l’État lève un emprunt à moyen et long terme et demandent au gouvernement de remettre un rapport au Parlement à ce sujet pour attester de cette opportunité.
En effet, afin de répondre aux besoins d’entretien, de renouvellement, de modernisation et de nouvelles capacités en matière d’infrastructures de transport et de mobilité, le projet de loi du gouvernement comporte une programmation financière des investissements à réaliser sur le moyen et long termes, qui selon l’exposé des motifs « s’appuie sur des ressources pérennes ».
Le projet de loi indique par ailleurs que parmi les trois scénarii présentés par le conseil d’orientation des infrastructures (COI) dans son rapport publié en octobre 2018, le gouvernement privilégie le scénario 2 et précise « que les besoins de ce scénario au cours des dix prochaines années sont compatibles avec les ressources disponibles ».
Mais, la réalité de ces ressources au niveau envisagé est fragile et semble déjà compromise.
Comme le souligne le rapport annexé à la LOM, cette programmation « suppose la mise en place de ressources additionnelles pérennes au profit de l’AFITF, à hauteur de 500 M€ par an à partir de 2020 ».
Parmi les solutions envisagées, une vignette poids lourds serait envisagée. Mais, dans un contexte de concurrence exacerbé dans le secteur du transport routier et d’accroissement de l’intolérance à l’impôt, la mise en place d’une telle vignette demeure très hypothétique.
De plus, la perte d’une partie des recettes des amendes radars (248 M€ sur les 400 M€ prévus pour 2018) laisse à présager que le rendement du produit annuel de ces amendes, censé abondé le budget de l’AFITF sera bien moindre que celui escompté par le gouvernement.
A cela s’ajoute le fait que la crise des « gilets jaunes » et les engagements budgétaires décidés par le gouvernement pour en sortir (ralentissement de la trajectoire carbone, par exemple) vont priver également l’AFIFT de ressources potentielles au long cours.
De son côté, la commission du développement durable du Sénat a sanctuarisé l’affectation du produit de l’augmentation de la TICPE prévue par la loi de finances pour 2015 à l’AFITF. Malgré cela, les ressources pérennes et assurées font encore largement défaut pour que soient atteints les objectifs fixés par la programmation du scénario 2 proposé par le COI.
Par ailleurs, la commission a fait figurer au rapport annexé le fait que les ressources affectées à l’AFITF devraient permettre, à terme, de mettre en œuvre la totalité des projets prévus dans le cadre du scénario 3 du Conseil d’orientation des infrastructures et de réévaluer ceux pour lesquels aucun financement n’est prévu sur la période 2019-2037. Atteindre ces objectifs nécessite là aussi de trouver de nouvelles ressources pérennes.
Dans ce cadre, et pour assurer le financement des investissements ainsi prévus par le projet de loi, les auteurs de l’amendement proposent que l’Etat lève un emprunt à moyen et long terme.
En effet, force est de souligner que le contexte actuel, marqué par une extrême faiblesse des taux d’intérêt, y est particulièrement propice. Cela n’a pas échappé aux grandes entreprises qui ont depuis quelques années massivement levé des dettes à 10 ou 15 ans sur les marchés financiers pour profiter de taux d’intérêt très bas et utiliser sur le moyen terme les fonds ainsi levés.
Il est de la responsabilité du politique de se donner les moyens d’entretenir comme de développer des infrastructures de transport pour permettre d’assurer à nos enfants et petits-enfants un patrimoine à la hauteur des enjeux qu’exige aujourd’hui la transition écologique et à laquelle le secteur des transports et des mobilités peut fondamentalement contribuer.
Comme le souligne Jean Pisani-Ferry « on regardera sans doute demain comme un grand paradoxe que par manque de crédibilité et de confiance mutuelle, des États qui empruntaient à 0,7 % dans un contexte de croissance nominale de 3% n’aient pas davantage tiré parti d’une fenêtre aussi exceptionnelle (…).« (…) La dette publique française frôle aujourd’hui 100 % du produit intérieur brut (PIB) du pays. Il est inévitable et salutaire que l’approche de ce seuil suscite un débat. Sommes-nous en danger? Quelle stratégie adopter pour réduire la dette? Commençons par l’évidence : il n’y a pas de risque immédiat. Nous sommes toujours dans une période de déficits sans pleurs, parce que l’État français emprunte sur dix ans à un taux nettement inférieur à 1 % qui ne compense même pas l’inflation. Tendanciellement, si cela continue, la charge des intérêts représentera moins d’un point de PIB, comme à la fin des années 1970 lorsque la dette ne pesait que 20 % du PIB. Certes, les taux vont remonter, mais sans doute lentement et, surtout, la maturité moyenne de la dette est de plus de sept ans : quand bien même la normalisation serait brutale, l’impact sur la charge annuelle d’intérêts demeurera graduel ». Cela n’implique pourtant pas de céder à l’insouciance. Pour deux raisons. La première est que la dette n’a guère servi à augmenter l’actif public. Il serait légitime de nous endetter pour équiper le pays, investir dans les compétences ou accélérer la transition écologique. Mais nous n’osons pas le faire. En revanche, nous le faisons sans vergogne pour consommer. Or, rien ne justifie de léguer aux générations futures un double passif, financier et écologique (…) ». Jean Pisani-Ferry, Le monde, 5 octobre 2018.
Même si les auteurs de l’amendement estiment qu’une politique plus volontariste dans un secteur qui constitue un levier fondamental de la transition énergétique serait souhaitable, cet amendement ne vise pas à créer des charges supplémentaires qui l’exposerait à subir le couperet de l’article 40 de la constitution pour irrecevabilité financière.
Il vise donc uniquement à mettre en face des charges financières prévues par ce projet de loi, les moyens de financement sur le moyen et long termes qui font aujourd’hui défaut, fautes de dispositifs de financements pérennes identifiés.