Direction de la séance |
Projet de loi PLF pour 2020 (1ère lecture) PREMIÈRE PARTIE (n° 139 , 140 , 141, 142, 143, 144, 145, 146) |
N° I-755 20 novembre 2019 |
AMENDEMENTprésenté par |
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MM. SUEUR, RAYNAL, ÉBLÉ, BOTREL et CARCENAC, Mme ESPAGNAC, MM. FÉRAUD, Patrice JOLY, LALANDE et LUREL, Mme TAILLÉ-POLIAN et MM. MARIE, TEMAL, KERROUCHE et JACQUIN ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 33 TER |
Après l’article 33 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Le livre IV est complété par un titre ainsi rédigé :
« Titre ...
« De l’affectation des recettes provenant de la confiscation des biens mobiliers ou immobiliers détenus directement ou indirectement par des personnes étrangères politiquement exposées reconnues coupables d’infractions en matière de probité
« Art. 706-183. – I. – Il est créé, au sein du budget de l’État, un fonds destiné à recueillir les recettes provenant de la confiscation des biens mobiliers ou immobiliers détenus directement ou indirectement par des personnes étrangères politiquement exposées reconnues coupables, en France, en application des articles 321-1 à 321-5 et 324-1 à 324-4 du code pénal, des délits de recel ou de blanchiment du produit de biens ou de revenus provenant d’un crime ou d’un délit commis, dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions, au préjudice d’un État étranger.
« Les sommes recouvrées et le produit de la vente des biens confisqués, déduction faite le cas échéant des frais de procédure engagés dans la limite d’un plafond fixé par décret, sont affectés à l’amélioration des conditions de vie des populations et au renforcement de l’état de droit ainsi qu’à la lutte contre la corruption dans le ou les pays où les infractions susvisées ont eu lieu.
« La procédure d’affectation des fonds repose sur les principes de transparence, de redevabilité, d’efficacité, de solidarité et d’intégrité.
« Les modalités de mise en œuvre des dispositions du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.
« II. – Les ressources du fonds sont constituées par les recettes provenant desdits avoirs confisqués.
« III. – Un rapport annuel d’évaluation est publié et transmis aux commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. » ;
2° Après le troisième alinéa de l’article 706-161, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’agence a pour mission l’abondement du fonds prévu à l’article 706-183. »
II. – En cas d’impossibilité absolue d’affecter les fonds dans les conditions prévues à l’article 706-183 du code de procédure pénale, ces derniers sont affectés au budget général de l’État français.
III – La perte de recettes résultant pour l’État du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Objet
Le présent amendement reprend une proposition de loi, déposée par l'auteur de l'amendement et adoptée par le Sénat en mai 2019 afin d'instaurer un fonds d'affectation des avoirs issus de la corruption transnationale.
Selon une estimation de la Banque mondiale, les pays en développement et en transition perdent chaque année entre 20 et 40 milliards de dollars du fait de la corruption transnationale - un chiffre qui représente 20 à 40 % du montant de l'aide annuelle au développement.
À l'instar d'autres pays développés, la France héberge bon nombre de ces flux financiers illicites. La loi prévoit des sanctions patrimoniales et des mécanismes de recouvrement afin d'appréhender les produits de la corruption transnationale.
En France, la loi prévoit quatre destinations, par le biais de l'AGRASC, pour les fonds provenant des avoirs confisqués : l'indemnisation des parties civiles ; l'abondement de fonds spéciaux ; l'autofinancement de l'AGRASC ; l'abondement du budget général de l'État (affectation par défaut).
La confiscation des produits de la corruption transnationale se trouvant en France emporte le plus souvent transfert de leur propriété à l'État français et rien ne permet de garantir l'affectation des avoirs illicites confisqués au profit des pays et des populations qui en ont été privés.
Rien ne justifie que les avoirs ayant fait l'objet d'une décision de confiscation ne soient pas utilisés au bénéficie des populations d'origine - qui sont les premières victimes de la corruption. Toute autre solution ne peut que constituer une « double peine », les populations concernées subissant en effet les conséquences de la corruption de leurs élites dirigeantes et, en outre, des dysfonctionnements de leur appareil judiciaire.
La situation qui prévaut actuellement en France contraste avec les principes relatifs à la disposition et au transfert des avoirs confisqués en matière de grande corruption élaborés en 2005 par le G8. Le principe n° 2 prévoit notamment : « À chaque fois que cela est possible et approprié, sans porter préjudice aux autres victimes, les biens recouvrés dans des affaires de grande corruption devraient bénéficier aux populations des États victimes ».
La proposition de loi adoptée à l'unanimité par le Sénat vise à mettre en place un fonds dédié afin d'organiser l'affectation des avoirs afin que ces avoirs puissent être restitués aux pays d'origine. Lors de l'examen de la proposition de loi, le gouvernement s'était engagé à s'emparer de ce sujet lors de l'examen du projet de loi de finances de 2020. La ministre au banc, Mme Amélie de Montchalin, avait ainsi déclaré : "Nous mènerons ce projet à terme, pour nous assurer que les crédits nécessaires figureront bien sur la ligne budgétaire appropriée dans le cadre du prochain budget". Cependant, aucune mesure n'a été prise par le Gouvernement pour inscrire le présent dispositif dans le PLF pour 2020.