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Direction de la séance

Proposition de loi

Démocratiser le sport en France

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 320 , 319 )

N° 204

15 janvier 2022


 

AMENDEMENT

présenté par

C Favorable
G  
Adopté

Le Gouvernement


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 9 BIS


Après l’article 9 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 modifiée relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne est ainsi modifiée :

1° L’article 61 est ainsi rédigé :

« Art. 61. – Le président de l’Autorité nationale des jeux adresse à la personne dont l’offre de jeu d’argent et de hasard en ligne est accessible sur le territoire français et qui ne peut se prévaloir de l’une des dérogations mentionnées à l’article L. 320-6 du code de la sécurité intérieure, une mise en demeure de cesser cette activité. Cette mise en demeure, qui peut être notifiée par tout moyen propre à en établir la date de réception, rappelle les dispositions de l’article 56 de la présente loi et invite son destinataire à présenter ses observations dans un délai de cinq jours.

« Le président de l’Autorité nationale des jeux adresse à la personne qui fait de la publicité en faveur d’un site de jeux d’argent et de hasard non autorisé ou qui diffuse au public les cotes et rapports proposés par un tel site, une mise en demeure de cesser cette activité. Cette mise en demeure, qui peut être notifiée par tout moyen propre à en établir la date de réception, rappelle les dispositions du premier ou du deuxième alinéa de l’article 57 applicable en l’espèce et enjoint à son destinataire de cesser cette promotion et l’invite à présenter ses observations dans un délai de cinq jours.

« Le président de l’Autorité nationale des jeux adresse aux personnes mentionnées au 2 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique une copie des mises en demeure adressées aux personnes mentionnées aux deux premiers alinéas. Il en enjoint à ces mêmes personnes de prendre toute mesure pour empêcher l’accès à ces contenus illicites et les invite à présenter leurs observations dans un délai de cinq jours. La copie des mises en demeure et l’injonction leur sont notifiées par tout moyen propre à en établir la date de réception.

« Lorsque tous les délais mentionnés aux alinéas précédents sont échus, le président de l’Autorité nationale des jeux notifie aux personnes mentionnées au 1 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 susvisée ainsi qu’à toute personne exploitant un moteur de recherche ou un annuaire les adresses électroniques des interfaces en ligne dont les contenus sont illicites et leur ordonne de prendre toute mesure utile destinée à en empêcher l’accès ou à faire cesser leur référencement, dans un délai qu’il détermine et qui ne peut être inférieur à cinq jours.

« Pour l’application de l’alinéa précédent, une interface en ligne s’entend de tout logiciel, y compris un site internet, une partie de site internet ou une application, exploité par un professionnel ou pour son compte et permettant aux utilisateurs finals d’accéder aux biens ou aux services qu’il propose.

« Le non-respect des mesures ordonnées en application de l’alinéa 4 est puni des peines prévues au 1 du VI de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

« Le président de l’Autorité nationale des jeux peut également être saisi par le ministère public et toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir afin qu’il mette en œuvre les pouvoirs qui lui sont confiés en vertu du présent article. » ;

2° Le troisième alinéa de l’article 57 est supprimé.

Objet

La lutte contre l’offre illégale de jeux d’argent constitue un objectif central de la politique de l’État sur ce sujet dès lors qu’elle porte une atteinte directe à l’ordre public et à l’ordre social mais également - et ce point est assez largement méconnu - au regard de son incidence sur l’économie du sport et sur l’intégrité des pratiques sportives.

En matière de paris sportifs, l’offre illégale se caractérise par des paris portant sur des compétitions ou manifestations sportives ou sur des types de résultats autres que ceux autorisés par l’Autorité nationale des jeux et qui figurent sur la liste des supports de paris autorisés établie par cette Autorité au regard notamment des risques de manipulations sportives que ces supports présentent[1].  

Les sites qui proposent cette offre illégale nourrissent, de façon toujours plus préoccupante, l’assuétude aux jeux d’argent, plus particulièrement à l’endroit des jeunes publics et des joueurs les plus fragiles. Par ailleurs, ces sites peuvent servir à la commission d’infractions diverses, telles que le blanchiment des capitaux, l’escroquerie, l’abus de faiblesse ou encore l’abus de confiance, l’énumération n’étant pas exhaustive. Mais il apparait que l’offre illégale peut également alimenter des manipulations sportives et, de manière plus générale, affecter le modèle économique du sport.

Les autorités britanniques, australiennes et hongkongaises considèrent ainsi publiquement que l’offre illégale fait courir un risque sur les manipulations sportives.

D’abord, parce que les opérateurs illégaux ne signalent pas les paris suspects et ne collaborent pas avec les autorités. Ensuite, parce que les opérateurs illégaux ne luttent pas contre le blanchiment de l’argent pour le crime organisé, quand ils ne sont pas directement contrôlés par les organisations criminelles elles-mêmes. Enfin, parce que de tels sites permettent de parier sur toutes les compétitions et sur tous les types de paris, ce qui augmente les risques de manipulation des compétitions sportives. C’est pourquoi l’article 11 de la convention de Macolin, signée par la France, traite spécifiquement de la lutte contre les paris sportifs illégaux[2].

Par ailleurs, les contrats de droit au pari assis sur les paris légaux ont permis aux organisateurs de compétitions sur le territoire français de recevoir au titre de ces contrats près de 13 millions d’euros en 2019 et 10 millions d’euros en 2020. Il va sans dire que les opérateurs qui proposent leur offre de paris sportifs illégalement sur le territoire français ne reversent rien aux organisateurs des compétitions sportives et s’enrichissent illégalement sur ces compétitions.

Les enjeux attachés à la lutte contre l’offre illégale sont d’autant plus forts qu’il s’agit d’un phénomène d’ampleur, qui s’est accru avec les effets induits par la crise sanitaire de la Covid-19. Selon différentes études récentes, le nombre de personnes qui jouent en France sur ces sites illégaux est actuellement estimé entre 1,4 et 2,2 millions de personnes contre 500 000 en 2016.

A ce jour, la lutte contre l’offre illégale est portée par l’Autorité nationale des jeux (ANJ), qui « participe à la lutte contre les offres illégales de jeu et contre la fraude »[3]. L’instrument mis à sa disposition pour mener cette lutte consiste, depuis 2010, en la mise en œuvre d’une procédure de blocage judiciaire des sites illégaux par les fournisseurs d’accès à internet[4].

Le recul de plus de dix années de mises en œuvre de cette procédure montre cependant que cet instrument n’est plus à la hauteur de cette problématique et apparait, à bien des égards, inadapté au fonctionnement même de l’offre l’illégale. La raison première tient à l’extrême lenteur de cette procédure, malgré les efforts du tribunal de grande instance de Paris pour en faciliter le déroulement : 4 à 6 mois s’écoulent le plus souvent entre le moment où un site illégal est identifié et celui auquel le président de cette juridiction statue. L’exercice est d’ailleurs parfois vain, le site réapparaissant peu après son blocage par les fournisseurs d’accès à internet avec un nom de domaine et une interface différents. Le coût annuel des procédures judiciaires de blocage engagées par l’Autorité, procédures qui imposent le recours aux services d’un avocat et d’un huissier chargés d’élaborer et de notifier les actes de procédure, s’élève aujourd’hui à près de 450 000 euros, soit près de 10% du budget annuel de l’Autorité.

Au I du présent article [XXX] modifiant l’article 61 de la loi du 12 mai 2010, il est proposé de remplacer la procédure judiciaire de blocage des sites illégaux en matière de jeux d’argent par une procédure de blocage administratif, en vertu de laquelle le président de l’Autorité nationale des jeux dresserait, sous le contrôle du juge administratif, la « liste noire » des sites dont les fournisseurs d’accès à internet seraient tenus de bloquer l’accès dans un court délai. Une telle procédure, qui est déjà pratiquée dans de nombreux pays de l’Union européenne, permettrait à ANJ, outre l’économie des frais de procédure, d’être plus réactive et plus efficace dans son action. 

Le président de l’ANJ mettrait en demeure l’opérateur illégal et son hébergeur d’empêcher l’accès au site illégal en France, lesquels seraient invités à faire valoir leurs observations dans un délai ne pouvant être inférieur à cinq jours. A défaut d’exécution par ces derniers de cette mise en demeure, le président de l’ANJ pourrait ordonner aux fournisseurs d’accès à internet d’empêcher l’accès au site en cause, l’expérience permettant de présumer que les fournisseurs d’accès exécuteront spontanément cette décision de blocage. Dans le cas contraire, ces derniers seraient soumis aux peines prévues au 1 du VI de l'article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. Les fournisseurs d’accès à internet pourraient toutefois contester directement la demande de blocage du président de l’ANJ devant le juge administratif.

La procédure de blocage administratif prévue à l’article 61 de la loi du 12 mai 2010 s’appliquerait également et de manière analogue à toute personne qui ferait de la publicité, par quelque moyen que ce soit, en faveur d'un site de paris ou de jeux d'argent et de hasard non autorisé en vertu d'un droit exclusif ou de l'agrément prévu à l'article 21 de cette même loi. Elle viendrait ainsi se substituer au dispositif de blocage judiciaire actuellement en vigueur prévu par les dispositions du 3e alinéa de l’article 57 de la loi du 12 mai 2010 susmentionnée.

La publicité en faveur de l’offre illégale de jeux d’argent et de paris sportifs est en effet largement répandue sur internet, notamment via les réseaux sociaux et le recours à des influenceurs qui assurent la promotion de cette offre auprès d’un jeune public particulièrement vulnérable. Ici encore, les enjeux économiques ne sont pas neutres puisque les auteurs de ces publicités sont rémunérés à hauteur de la clientèle qu’ils dirigent vers les sites.

Dans un souci de coordination, le troisième alinéa de l’article 57 de la loi du 12 mai 2010 serait supprimé.

Il faut rappeler qu’une telle mesure, qui relève de l’exercice de la police administrative, ne porterait aucunement atteinte à la liberté d’expression et de communication que garantit l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. En effet, la fourniture par un opérateur d’une offre de jeux ou de paris en ligne ne relève pas de l’exercice de cette liberté dès lors que ne sont autorisés à proposer de tels jeux ou paris que ceux qui disposent de droits exclusifs (La Française des jeux et le Pari Mutuel urbain) ou d’un agrément délivré par l’ANJ, de sorte que sont illégales toutes les offres de jeux qui sont proposées par des personnes qui ne disposent pas d’une telle autorisation administrative.

Le mécanisme proposé s’inspire enfin de celui retenu par le législateur dans le cadre de la loi du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, qui insère dans le code de la consommation un nouvel article L. 521-3-1 confiant à l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation le pouvoir d’ordonner des mesures de restriction d’accès à une interface en ligne dont le contenu est manifestement illicite.

[1] Article 12-I et II de la loi n°2010-476 du 12 mai 2010 modifiée relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

[2] Pour se rapporter directement à la convention : https://rm.coe.int/16801cdd7f

[3] Alinéa 3 de l’article 34-I de la loi du 12 mai 2010 modifiée relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.

[4] Article 61 de la loi du 12 mai 2010 2010 modifiée relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne.