Direction de la séance |
Projet de loi PLFRSS pour 2023 (1ère lecture) (n° 368 , 375 , 373) |
N° 1151 rect. bis 3 mars 2023 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mme LUBIN ARTICLE 1ER |
Supprimer cet article.
Objet
Si les régimes dits "spéciaux"sont « spéciaux », ce n’est pas parce qu’ils seraient le lieu de privilèges, mais parce qu’ils fonctionnent sur la base d’une solidarité restreinte à une profession (les marins, les militaires) ou à une entreprise (comme la SNCF ou la RATP) qui ont pris en compte une certaine forme de pénibilité de ces travailleurs (horaires atypiques, fréquence des astreintes et usure physique notamment).
Doit-on en conclure que ces travailleurs ont été choyés, privilégiés ? Non. Ce sont les travailleurs du régime général qui sont depuis trop longtemps délaissés au regard de l’évolution des modes de production toujours plus astreignants et des conditions de travail toujours plus exigeantes voire pénibles.
Pour preuve, la sous-déclaration croissante des accidents du travail et des maladies professionnelles.
En novembre 2022, le ministère du travail a publié une étude statistique qui recense 783 600 accidents du travail en 2019, soit plus de 2 500 accidents du travail par jour ouvrable. 780 salariés en sont morts.
Si l'on reporte le nombre de décès au nombre de travailleurs, nous obtenons un ratio de 3,5 accidents mortels pour 100 000 salariés. En comparant aux résultats des autres pays européens, nous dépassons le double de la moyenne européenne (1,7) alors que le taux d'incidence est par exemple de 0,5 aux Pays-Bas, de 0,7 en Suède et de 0,8 en Allemagne. Cela fait de la France, le pays européen ayant le plus fort ratio de décès du travail d'Europe !
Or ces statiques sont en dessous de la réalité : les chiffres que le ministère a publiés sont sous-estimés. En effet, ni les accidents du travail dans la fonction publique d'État ni chez les travailleurs soumis aux régimes spéciaux (marins, cheminots, énergie…) n'y sont comptabilisés. Il faut ajouter aussi les accidents du travail non déclarés du fait des pressions patronales, évalués par certains chercheurs à 750 000 par an.
Les causes de cette accidentologie sont pourtant connues : pression des cadences de travail, urgence des délais, intensification de la demande de productivité. Il faut y ajouter la précarisation des statuts des travailleurs et le recours à la sous-traitance qui accentue le premier phénomène et exclue les travailleurs des mesures de formation et de prévention.
Le danger et la pénibilité du travail conduisent à ce que l'espérance de vie en bonne santé après 65 ans n'augmente que peu en France. Il y a 40 000 accidents conduisant à une reconnaissance d'incapacité. Les inégalités face à la mort sont aussi trop fortes. Et ce sont les ouvriers et les employés qui en paient le prix. C'est pourquoi nous refusons l'impôt sur la vie que constitue cette réforme des retraites : les gains d'espérance de vie ont déjà été pris en compte par les réformes antérieures. Y compris pour les régimes spéciaux qui ont déjà été réformés dans une logique d'alignement avec les autres régimes de retraite, en 2008, 2010 et 2014.