Direction de la séance |
Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2025 (1ère lecture) (n° 129 , 138 , 130) |
N° 756 rect. 17 novembre 2024 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mmes SOUYRIS et PONCET MONGE, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mme SENÉE ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 15 BIS |
Après l'article 15 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 6323-1-11 est ainsi modifié :
a) Le II est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L’agrément prévu à chacun des alinéas précédents ou son renouvellement peut être conditionné à la réalisation d’une ou plusieurs des activités prévues à l’article L. 6323-1-1. » ;
b) Le III est ainsi modifié :
- À la seconde phrase du premier alinéa, remplacer les mots : « de l’instance dirigeante » par les mots : « des instances dirigeantes et des dirigeants » et les mots : « sociétés tierces » par les mots : « personnes morales de droit privé » ;
- le deuxième alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Le directeur général de l’agence régionale de santé refuse de délivrer l’agrément demandé ou de le renouveler dans le cas où :
« 1° Le projet de santé du centre ne remplit pas les objectifs de conformité prévus au I ;
« 2° Le projet de santé du centre ou son activité prévisible ou constatée n’est pas compatible avec les objectifs et les besoins définis dans le cadre du projet régional de santé prévu à l’article L. 1434-2 ou ne répond pas à l’une des conditions fixées en application du dernier alinéa du II ;
« 3° Un des contrats prévus au premier alinéa du présent paragraphe présente un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties au sens du I de l’article L. 442-1 du code de commerce ou n’est pas conforme à l’usage au sens de l’article 1194 du code civil ou a pour effet d’imposer au gestionnaire du centre de santé une charge excessive au regard de ses produits d’exploitation ou encore induit une charge qui n’est pas justifiée par l’intérêt des patients, par un objectif ou un besoin défini dans le projet régional de santé mentionné au 2° ou par la réalisation d’une des activités prévues à l’article L. 6323-1-…. » ;
- À la première phrase du troisième alinéa, les mots : « L’agrément délivré » sont remplacés par les mots : « Le premier agrément délivré » ;
- il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’agrément est délivré pour une durée qui ne peut excéder cinq ans. Il peut être renouvelé. » ;
c) À la première phrase du deuxième alinéa du IV le mot : « définitif » est supprimé ;
d) Après le IV sont insérés cinq alinéas ainsi rédigés :
« V bis. – Les dispositions des paragraphes II à IV ne sont applicables à un centre de santé créé ou géré par les personnes morales suivantes :
« 1° Une personne morale de droit public ;
« 2° Un organisme national ou local gestionnaire d’un régime obligatoire de sécurité sociale dès lors que les prestations sont offertes sans distinction à l’ensemble des assurés sociaux et de leurs ayant-droits ;
« 3° Une personne morale régie par le code de la mutualité qui offre des prestations d’assurance maladie ou maternité complémentaire, dès lors que les prestations sont offertes dans les conditions du 2° ;
« 4° Une association reconnue d’utilité publique qui gère un centre de santé depuis au moins dix années à la date de l’entrée en vigueur de la loi n° … du … de financement de la sécurité sociale pour 2025. » ;
2° Après l’article L. 6323-1-12, il est inséré un article L. 6323-1-12-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 6323-1-12-1. – La copie des contrats mentionnés au premier alinéa du III de l’article L. 6323-1-11 est transmise au directeur général de l’agence régionale de santé chaque année à la date anniversaire de l’agrément. Il est accompagné d’une note exposant les charges et produits imputables à l’exécution de ces contrats sur le dernier exercice comptable connu de l’organisme gestionnaire du centre de santé et exposant les prévisions de charges et produits imputables à l’exécution de ces contrats sur l’exercice comptable en cours. Cette obligation est applicable aux seuls contrats portant sur un montant total supérieur ou égal à 10 000 euros.
« Lorsque la condition prévue au 3° du III de l’article L. 6323-1-11 n’est plus satisfaite, le directeur général de l’agence régionale de santé peut prononcer à l’encontre de la personne morale gestionnaire du centre de santé, après qu’elle a été mise en demeure de présenter ses observations, une pénalité financière.
« Le montant de la pénalité est fixé en fonction de la gravité de l’atteinte aux intérêts de la personne morale gestionnaire du centre de santé ou, le cas échéant, de l’atteinte aux intérêts des régimes obligatoires de sécurité sociale. Il ne peut excéder dix fois le montant total du contrat ou des contrats en cause et 10 % du chiffre d’affaires annuel du centre de santé sur le dernier exercice connu.
« La pénalité est recouvrée par les organismes mentionnés à l’article L. 213-1 du code de la sécurité sociale désignés par le directeur de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale. Les articles L. 137-3 et L. 137-4 du même code sont applicables au recouvrement de la pénalité. Son produit est affecté selon les modalités prévues à l’article L. 162-37 dudit code.
« Le directeur général de l’agence régionale de santé peut ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de sa décision de prononcer une pénalité financière ou d’un extrait de celle-ci selon les modalités qu’il précise. Les frais en sont supportés par la personne morale gestionnaire du centre de santé. »
II. Le code général des impôts est ainsi modifié :
La section V quinquies du chapitre III du titre III du livre premier II du code général des impôts est complétée par un article 1635 bis… ainsi rédigé :
« Art. 1635 bis…. – I. – Est subordonné au paiement d’un droit perçu au profit de la Caisse nationale de l’assurance maladie le dépôt de toute demande d’agrément, de renouvellement d’agrément ou de modification d’agrément d’un centre de santé en application des dispositions de l’article L. 6323-1-11 du code de la santé publique,
« II. – Le montant de ce droit est fixé, dans la limite de 50 000 €, par arrêté des ministres chargés du budget, de la santé et de la sécurité sociale. Il peut varier selon les particularités du centre de santé. Le montant du droit perçu à l’occasion d’une demande de renouvellement d’inscription ou de modification d’inscription est fixé, dans les mêmes conditions, dans les limites respectives de 60 % et de 20 % du droit perçu pour une demande d’agrément initial.
« III. – Le versement du droit est accompagné d’une déclaration conforme au modèle prescrit par l’administration. Ce droit est recouvré et contrôlé selon les mêmes garanties et sanctions qu’en matière de droits d’enregistrement. ».
III. – Les agréments délivrés en application des dispositions du II et du III de l’article L. 6323-1-11 du code de la santé publique, dans leur rédaction antérieure à la présente loi, sont caduques à l’issue d’une période de 18 mois suivant l’entrée en vigueur des dispositions du I.
La demande de renouvellement d’un agrément qui devient caduque en application de l’alinéa qui précède peut être formulée dès l’entrée en vigueur des dispositions du I.
Objet
Les centres de santé sont des acteurs essentiels de l’offre de soins de proximité pour de nombreux Français, en particulier pour les plus vulnérables d’entre eux. Issus pour certains des anciens dispensaires, ces centres de santé font depuis longtemps partie de l’offre de soins. Ils constituent même dans certaines zones urbaines ou rurales la seule offre accessible. Afin de favoriser le développement des centres de santé, la loi du 21 juillet 2009 dite « Hôpital Patients Santé Territoires » en avait assoupli le cadre juridique, en supprimant le régime d’autorisation préalable qu’elle avait remplacé par un régime de déclaration d’ouverture. Cet assouplissement, fondé sur une présomption de conformité du centre de santé avec la législation et avec l’intérêt public, s’inscrivait dans un contexte où la très grande majorité des centres de santé relevaient d’opérateurs historiques tels que les communes, les sociétés mutualistes ou la Croix Rouge française. Hélas, une fois assoupli, ce cadre juridique a été en partie dévoyé. Des opérateurs sans scrupule ont profité de la suppression de l’agrément préalable en 2009 et des libertés permises par la forme associative pour détourner le modèle des centres de santé et en faire des centres de profits. Non seulement la logique financière s’est substituée à l’intérêt du patient et à la santé publique, mais encore de nombreux patients ont été victimes d’escroqueries et d’atteintes à leur intégrité corporelle, tandis que les caisses d’assurance maladie étaient les victimes de fraudes organisées et de grande ampleur.
Face aux scandales sanitaires (Dentexia en 2015, Proxidentaire en 2021) le législateur est intervenu à trois reprises, afin de mettre fin aux abus et aux infractions, et de tenter de restaurer la confiance des patients. L’article 71 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 a donné aux directeurs généraux des agences régionales de santé la faculté de prononcer une pénalité financière en cas de manquements répétés d’un centre de santé à son engagement de conformité. Issue d’une proposition de loi qui a recueilli un large consensus au sein des deux chambres, la loi n° 2023-378 du 19 mai 2023 visant à améliorer l’encadrement des centres de santé a rétabli un régime d’autorisation, prenant la forme d’un agrément, des centres de santé dentaires et ophtalmologiques, et a renforcé le contrôle de l’Etat. Auparavant, l’ordonnance du 22 janvier 2018 prenait plusieurs mesures visant à prévenir les dérives lucratives, notamment l’interdiction de la distribution des bénéfices issus de l’exploitation du centre de santé, en insérant un nouvel article L. 6323-1-3 dans le code de la santé publique.
Face à l’imagination des entrepreneurs, qui industrialisent l’offre de soins à leurs seuls profits, et plus encore face aux escrocs, ces dispositions de l’article L. 6323-1-3, qui prévoient que les éventuels bénéfices doivent être mis en réserve ou réinvestis, notamment au profit d’un autre centre de santé, sont insuffisantes. Un des mécanismes de détournement des honoraires versés par les patients et par l’assurance maladie est la surfacturation au centre de santé de prestations telles que la location de locaux ou de matériels, les services administratifs et comptables, ou l’usage de marques par des opérateurs liés aux personnes physiques ou morales qui exercent effectivement le contrôle du centre de santé. Différents contrats conclus entre le gestionnaire du centre de santé et ces opérateurs, directement ou par le biais d’autres associations ou de sociétés commerciales, voire une cascade de société commerciales, permettent de dissimuler plus ou moins habilement les transferts financiers abusifs.
Le présent amendement reprend la recommandation n°3 du rapport de notre mission d’information « Financiarisation de l’offre de soins : une OPA sur la santé ? » de renforcer les capacités de contrôle de l’activité des centres de santé.
Le présent amendement conditionne l’agrément du centre de santé à la communication de ces contrats et à leur vérification. Le directeur général de l’agence régionale de santé sera désormais tenu de refuser l’agrément du centre de santé dès lors qu’une des conditions de celui-ci n’est pas remplie. Au nombre des conditions figure la conformité des contrats à l’objet social et à l’intérêt du gestionnaire. Ainsi, un bail dont le montant du loyer excéderait les conditions du marché immobilier, ou qui porterait sur des locaux qui ne répondent pas aux besoins d’un centre de santé, justifierait le refus de délivrance ou de renouvellement de l’agrément. L’amendement limite par ailleurs la validité de l’agrément dans le temps. L’échéance automatique de l’agrément évitera à l’assurance maladie de continuer à verser des prestations à un centre de santé qui ferait durer outre mesure une éventuelle procédure de retrait de son agrément. Le présent amendement inverse en quelque sorte la charge de la preuve. Ce ne sera plus aux agences régionales de santé de démontrer l’existence d’éventuels abus mais, au contraire, aux gestionnaires de centres de santé de démontrer qu’ils agissent en conformité avec les lois et règlements et répondent à l’ensemble des conditions d’agréments, y compris la bonne organisation de l’accès aux soins et l’intérêt de la santé publique. Par ailleurs, l’obligation de déclaration d’intérêt est étendue à tous les dirigeants, de fait ou de droit, et aux membres de toutes les instances dirigeantes, par exemple le bureau, mais aussi le conseil d’administration, deux instances couramment mises en place par les associations.
Enfin, afin de sanctionner les abus et de dissuader leur réitération, dans la lignée de l’article 71 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, l’amendement prévoit qu’une pénalité financière puisse être prononcée par le directeur général de l’agence régionale de santé en cas de sur-facturation ou de contrats de prestation fictifs, sans préjudice de sanctions pénales éventuelles pour les délits d’atteinte à la probité, à l’encontre des personnes physiques et morales auteures ou complices de ces délits et de leur recel.
Outre le produit des pénalités qui pourront être prononcées par le directeur général de l’agence régionale de santé, qui viendront abonder les recettes des régimes obligatoires de sécurité sociale, le présent amendement devrait rendre immédiatement moins attractifs le développement et l’exploitation des pseudo centres de santé dentaires ou ophtalmologiques, qui prospèrent au détriment des patients et de l’assurance maladie. Il en résultera une économie qui est difficile à évaluer, mais qui est certainement très significative. Ainsi, lorsque l’Assurance Maladie a engagé en 2023 une procédure de déconventionnement de grande ampleur, à l’encontre de 13 centres de santé d’un même réseau, elle a fait état publiquement d’un préjudice à son encontre de 7,8 millions d’euros. Or ce sont une centaine de centres ophtalmologiques, conçus sur un modèle similaire à ceux qui ont été déconventionnés, qui ont ouvert entre 2018 et 2023 en France selon la société d’intelligence économique Xerfi.
En outre, le renforcement du pouvoir de contrôle des agences régionales de santé les replacera en première ligne dans la lutte contre les fraudes et les abus, et soulagera ainsi les services de contrôle médical des caisses.
Le surcoût du dispositif d’agrément ainsi renforcé, notamment en termes de temps passé par les agents des agences régionales de santé à instruire les demandes, sera compensé par le versement d’une redevance. La redevance sera versée à la Caisse nationale de l’assurance maladie, et non directement aux agences régionales de santé. Toutefois, celles-ci sont financées notamment par un contribution du régime obligatoire d’assurance maladie des travailleurs salariés. La redevance sera versée à l’occasion de la demande initiale et, pour un montant minoré, lors de chaque renouvellement ou changement. Le montant de la redevance sera ajusté par arrêté interministériel en fonction du surcoût du dispositif d’agrément renforcé. Le législateur peut difficilement anticiper ce surcoût compte tenu de l’économie faite par ailleurs sur l’instruction des demandes d’agrément, aujourd’hui présentées par des gestionnaires publics ou mutualistes, qui seront demain dispensés de la procédure.
Enfin, afin de ne pas disperser les efforts des agences régionales de santé, les centres de santé créés par des personnes publiques seront exemptés d’agrément. Seront également exemptés, sous certaines conditions, les centres de santé créés par des organismes de sécurité sociale obligatoire, par des organismes complémentaires d’assurance maladie relevant du code de la mutualité, ainsi que ceux créés par des associations reconnues d’utilité publique ayant une longue expérience de la gestion de centre de santé. Compte tenu, d’une part, de l’objet social de ces opérateurs privés ainsi exemptés de la procédure d’agrément et, d’autre part, des contrôles qui sont exercés sur eux par l’autorité administrative et par les juridictions financières, la procédure d’agrément n’est pas nécessaire.
Le présent amendement a été rédigé par des membres de la commission « Santé » des Ecologistes avec le concours, notamment, de la Fédération nationale des centres de santé (FNCS) et de l’Union syndicale des médecins de centres de santé (USMCS).