Direction de la séance |
Proposition de loi Lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur (1ère lecture) (n° 186 , 185 ) |
N° 1 19 décembre 2024 |
Exception d'irrecevabilitéMotion présentée par |
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M. SALMON, Mme GUHL, MM. JADOT, GONTARD, BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et MELLOULI et Mmes OLLIVIER, PONCET MONGE, SENÉE, SOUYRIS et Mélanie VOGEL TENDANT À OPPOSER L'EXCEPTION D'IRRECEVABILITÉ |
En application de l’article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur (n° 186, 2024-2025).
Objet
La présente motion propose de déclarer irrecevable, en application de l’article 44, alinéa 2, du Règlement, la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, dont certains articles portent de graves atteintes à des dispositions constitutionnelles et au droit de l’Union européenne.
Plusieurs dispositions de la présente proposition de loi méconnaissent des droits garantis par la Charte de l’environnement, en particulier celui de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé (article 1er), mais également le devoir de participation à la préservation de l’environnement (article 2).
Dans sa décision n° 2020-809 DC du 10 décembre 2020, le Conseil constitutionnel a en effet considéré que le législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, est tenu de « prendre en compte, notamment, le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement mentionné à l’article 2 de la Charte de l’environnement et ne saurait priver de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé consacré par l’article 1er de la Charte de l’environnement. »
Les auteurs de ce texte proposent de supprimer des dispositions actuellement en vigueur dont l’objectif est précisément de contribuer à garantir ce droit à un environnement équilibré et respectueux de la santé.
C’est le cas à l’article 2, qui prévoit de supprimer l’interdiction, inscrite à l’article L.253-8 du Code rural et de la pêche maritime, de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes ou présentant des modes d’action identiques à ceux de ces substances ainsi que des semences traitées avec ces produits.
Les dispositions relatives à la hiérarchie des usages de l’eau et à la définition des zones humides prévues par l’article 5 constituent également un recul important en matière de protection de l’environnement, la destruction des zones humides étant une cause majeure de la perte de la diversité biologique.
Enfin, cette proposition de loi prévoit la possibilité pour le ministre chargé de l’Agriculture de suspendre une décision du directeur général de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) sur la base de considérations économiques. Un tel principe est contraire au droit de l’Union européenne, le règlement N° 1107/2009 disposant qu’en matière de « délivrance d’autorisations pour des produits phytopharmaceutiques, l’objectif de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement, en particulier, devrait primer l’objectif d’amélioration de la production végétale ».
Au-delà des articles 2 et 5, l’ensemble de ce texte constitue une atteinte lourde de conséquences au principe de non-régression énoncé par l’article L. 110-1 du Code de l’environnement. C’est donc cette proposition de loi dans son ensemble qui s’oppose aux principes constitutionnels inscrits dans la Charte de l’environnement.
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Proposition de loi Lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur (1ère lecture) (n° 186 , 185 ) |
N° 2 19 décembre 2024 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. SALMON, Mme GUHL, MM. JADOT, BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE, GONTARD et MELLOULI et Mmes OLLIVIER, PONCET MONGE, SENÉE, SOUYRIS et Mélanie VOGEL ARTICLE 1ER |
Supprimer cet article.
Objet
Cet article rend facultatif le conseil stratégique phytosanitaire, met fin à l’interdiction des remises, rabais et ristournes sur les pesticides et à la séparation du conseil et de la vente pour les produits phytopharmaceutiques, mesures votées dans le cadre de la loi Egalim en 2018 afin de réduire l’utilisation des pesticides.
Le cumul des activités de vente et de conseil des pesticides entraîne de manière certaine des conflits d’intérêts et des conseils orientés pouvant conduire à une sur-utilisation des pesticides. Celle-ci pénalise en premier lieu les agriculteurs, à la fois économiquement et sur le plan de leur santé, en plus de ses effets globaux néfastes sur la santé et l’environnement.
Des évolutions sur cette législation seraient à envisager comme le suggérait le rapport Travers-Potier : mise en place d’un ordre des conseillers, prescription obligatoire préalable à l'achat de produits phytosanitaires, évolution du dispositif des certificats d'économies de produits phytosanitaires.
Abandonner ces dispositions plutôt que travailler à les rendre plus ambitieuses est un non-sens, alors que les preuves scientifiques sur les effets délétères des pesticides s’accumulent.
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Proposition de loi Lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur (1ère lecture) (n° 186 , 185 ) |
N° 3 19 décembre 2024 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. SALMON, Mme GUHL, MM. JADOT, BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE, GONTARD et MELLOULI et Mmes OLLIVIER, PONCET MONGE, SENÉE, SOUYRIS et Mélanie VOGEL ARTICLE 2 |
Supprimer cet article.
Objet
Cet amendement propose de supprimer l’article 2, qui représente un recul environnemental et sanitaire important et dont on peut interroger la conformité avec le droit européen.
Le rôle de l’Anses est d’assurer la sécurité sanitaire humaine et animale dans les domaines de l'environnement, du travail et de l'alimentation. Les enjeux socio-économiques doivent bien évidemment être pris en compte et ils le sont déjà. En effet, l’article L. 1313-1 du code de la santé publique prévoit déjà que l’ANSES mène des analyses socio-économiques dans son domaine de compétence.
Toutefois, au regard du rôle qui lui incombe, en tant qu’agence sanitaire, l’ANSES ne doit pas mettre les enjeux économiques sur le même plan que les enjeux sanitaires et environnementaux comme le suggère l’introduction d’une balance bénéfices/risques proposée par cet article. Cela ne semble par ailleurs pas conforme au droit de l’Union européenne : le règlement 1107/2009 précisant que « Lors de la délivrance d’autorisations pour des produits phytopharmaceutiques, l’objectif de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement, en particulier, devrait primer l’objectif d’amélioration de la production végétale ». Cela est aussi confirmé par un jugement de la Cour de Justice de l’Union européenne du 19 janvier 2023.
L’article 2 prévoit également d’autoriser l’usage d’aéronefs sans pilote pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques.
Rappelons tout d’abord que l’article 9 de la directive 2009/128/CE pose le principe d'une interdiction des traitements aériens par produits phytopharmaceutiques dans l'Union européenne. Ce principe est assorti de dérogations qui doivent respecter des conditions strictes, en particulier l'absence d'autre solution viable ou la présence d’« avantages manifestes » de cette pratique par rapport à l'application terrestre des pesticides.
Les membres du groupe Écologiste, Solidarité et Territoires estiment, de façon globale, que le triptyque « robotique, génétique, numérique » plébiscité par la politique gouvernementale, et dans l’esprit duquel s’inscrit cet article, n’est globalement pas le bon levier pour orienter la politique agricole, car il favorise l’agrandissement des exploitations, privilégie la mécanisation à l’installation de paysans nombreux permettant de faire vivre les territoires, et limite leur autonomie en les rendant dépendant d’industriels et d’acteurs du numérique, souvent étrangers, pour la conduite de leur ferme, acteurs qui collectent au passage des données parfois stratégiques.
De plus, dans ce cas précis de l’épandage par drone, on constate une absence d’éléments permettant d’établir l’efficacité et la sécurité de ce dispositif sur les plans de la santé et de l’environnement, en particulier sur le risque de dérives, dans un contexte agricole français marqué par une forte proximité entre le parcellaire agricole et des habitations ou des cours d’eau.
Enfin, cet article abroge l’ensemble des dispositions relatives à l’interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes. De nombreuses études ont pourtant démontré la nocivité de leur impact sur l’environnement et la santé humaine, en premier lieu celle des agriculteurs. Ces substances chimiques attaquent le système nerveux des insectes, notamment des pollinisateurs, entraînant un déclin des populations.
Les apiculteurs ont d’ailleurs vécu au quotidien les ravages des pesticides sur leurs essaims. Le Conseil d’État, saisi à de nombreuses reprises par des organisations environnementales, a systématiquement annulé depuis 20 ans toutes les autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques à base de néonicotinoïdes car elles ne font pas la preuve de leur innocuité à l’égard des abeilles exigée par la législation européenne.
Ces insecticides sont généralement persistants dans les sols et peuvent migrer vers les milieux aquatiques, menaçant ainsi l’ensemble de la biodiversité.
L’interdiction des neurotoxiques néonicotinoïdes, mise en place il y a six ans pour protéger les écosystèmes, a déjà subi des dérogations inadmissibles accordées à la filière betteravière, que la Cour de Justice de l’Union Européenne a jugées illégales en janvier 2023.
Au regard de tous ces éléments, cet article est particulièrement problématique, à l’heure où les études scientifiques sur l’impact des pesticides sur la santé et l’environnement continuent de s’accumuler.
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Proposition de loi Lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur (1ère lecture) (n° 186 , 185 ) |
N° 4 19 décembre 2024 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. SALMON, Mme GUHL, MM. JADOT, BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE, GONTARD et MELLOULI et Mmes OLLIVIER, PONCET MONGE, SENÉE, SOUYRIS et Mélanie VOGEL ARTICLE 3 |
Supprimer cet article.
Objet
Le gouvernement avait déjà assoupli les exigences en matière d'évaluation environnementale par décret, en juin 2024, malgré une forte opposition relevée lors de la consultation publique avec près de 15 000 contributions défavorables au projet. Assouplir une nouvelle fois le régime d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) constitue une nouvelle atteinte au principe de non-régression du droit de l'environnement.
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Proposition de loi Lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur (1ère lecture) (n° 186 , 185 ) |
N° 5 19 décembre 2024 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. SALMON, Mme GUHL, MM. JADOT, BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE, GONTARD et MELLOULI et Mmes OLLIVIER, PONCET MONGE, SENÉE, SOUYRIS et Mélanie VOGEL ARTICLE 5 |
Supprimer cet article.
Objet
Cet amendement vise à supprimer l’article 5 qui propose de modifier la hiérarchie des usages de l’eau et la définition des zones humides, au détriment de la protection de l’environnement et au mépris des enjeux sanitaires.
Cet article porte atteinte aux principes constitutionnels inscrits dans la Charte de l’environnement, en particulier le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, et le devoir qui s’applique au législateur de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement.
Certaines dispositions sont également contraires au droit de l’Union européenne, puisqu’elles s’opposent à l’atteinte des objectifs fixés par la Directive-cadre sur l’eau (Directive 2000/60/CE) concernant le bon état écologique des masses d’eau.
En associant au principe de gestion équilibrée et durable de la ressource en eau un principe de « non-régression du potentiel agricole » cet article remet en cause l’ensemble de la politique sanitaire et écologique de la gestion de l’eau. Il risque de rendre plus complexe l’interprétation du droit par les pouvoirs publics et les usagers mais aussi par le juge.
En plaçant les usages agricoles avant les exigences de bon fonctionnement des milieux aquatiques, de libre-écoulement des eaux et de protection contre les inondations au sens de l’article L. 211-1 du Code de l’environnement, cet article constitue un grave recul en matière de protection des écosystèmes. Il modifie aussi la définition des zones humides inscrite dans la loi afin de réduire leur périmètre et donc leur protection, alors que les scientifiques et les organismes chargés de la protection des écosystèmes ont largement documenté leur disparition et leur importance pour la biodiversité, le fonctionnement du cycle de l’eau et la lutte contre les inondations.
Le rapport « Prévenir et maîtriser les risques liés à la présence de pesticides et de leurs métabolites dans l'eau destinée à la consommation humaine » des inspections des ministères de la Santé, de l’Ecologie et de l’Agriculture, récemment rendu public, démontre par ailleurs « l’échec global de la préservation de la qualité des ressources en eau pour ce qui concerne les pesticides ». Les inspections préconisent entre autres de renforcer les mesures favorables à la préservation de la qualité de l’eau vis-à-vis des produits phytosanitaires, via un soutien renforcé aux pratiques agroécologiques. Au contraire, le présent article s’inscrit dans une vision court-termiste. En l’absence de tout encadrement et de toute distinction entre les usages agricoles de l’eau, il favorise les pratiques agricoles intensives et ouvre la voie à l’accaparement des ressources par les acteurs disposant des moyens financiers pour réaliser des ouvrages.
Cet article traduit l’idée que la protection des milieux aquatiques, le principe de libre écoulement des eaux et la lutte contre les inondations constituent des entraves à la production agricole. En réalité, celle-ci est avant tout victime de l’effondrement de la biodiversité, de l’usage excessif d’intrants qui appauvrissent les sols et du changement climatique.
En aggravant les maux auxquels elles devraient remédier, ces dispositions constituent un parfait exemple de maladaptation. Face au changement climatique, il convient au contraire d’encourager des pratiques agricoles plus diversifiées, moins dépendantes de l’irrigation et plus adaptées aux spécificités des territoires.
Enfin, la réforme proposée de la répartition des sièges des comités de bassin n’est pas justifiée. Elle se ferait au détriment de représentants d’usages essentiels, comme les activités de protection des milieux et les associations de consommateurs. Rappelons sur ce point que le financement de la politique de l’eau dans son ensemble repose à 53% sur les ménages et à seulement 9% sur les activités agricoles, d’après une étude du Cercle Français de l’eau « Panorama du financement global de la politique de l’eau en France métropolitaine » (2024).
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Proposition de loi Lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur (1ère lecture) (n° 186 , 185 ) |
N° 6 19 décembre 2024 |
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M. SALMON, Mme GUHL, MM. JADOT, BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE, GONTARD et MELLOULI et Mmes OLLIVIER, PONCET MONGE, SENÉE et SOUYRIS ARTICLE 6 |
Supprimer cet article.
Objet
Cet amendement vise à supprimer l’article 6, qui propose de limiter les procédures judiciaires contre les auteurs d’infractions environnementales.
Cette disposition ne relève pas du domaine de la loi, puisqu’il s’agit d’une consigne adressée au Préfet dans le cadre de l’exercice de ses missions.
Les auteurs de cet amendement s’opposent par ailleurs à la volonté de réduire les peines appliquées en cas de préjudice environnemental.
L’idée selon laquelle la plupart des agriculteurs seraient soumis à des contrôles récurrents et représentant une charge trop importante pour eux est contestable. Dans un rapport commandé en février 2024 alors que le sujet des contrôles prenait de l’ampleur dans le débat public, les services d’inspection des ministères de l’Agriculture (CGAAER), de l’Intérieur (IGA), de la Transition écologique (IGEDD) et de la Justice (IGJ) concluent que 89 % des exploitations agricoles n’ont pas été contrôlées par le moindre service administratif.
Ce même rapport révèle également que le taux de poursuite est plus faible en droit pénal de l’environnement (31,6 % contre 59 % de poursuite tous contentieux confondus en 2022).
Concernant spécifiquement le travail des agents de l’Office français de la biodiversité (OFB), les contrôles des exploitations agricoles restent rares et les procédures principalement engagées suite à des infractions constatées en flagrance. Pour l’année 2023, 92 % des 3 370 procédures diligentées par l’OFB contre des exploitants agricoles concernent des infractions constatées en flagrance.
D’après les statistiques de l’OFB pour l’année 2021, sur environ 20 000 contrôles administratifs, les agriculteurs représentent 19 % des personnes contrôlées (3600 contrôles sur 389 000 exploitations en France métropolitaine dans le dernier recensement agricole de 2020), derrière les particuliers (44 %) et devant les entreprises (11 %) et collectivités (10 %).