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Direction de la séance

Projet de loi

Projet de loi de finances pour 2026

(1ère lecture)

PREMIÈRE PARTIE

(n° 138 )

N° I-212

22 novembre 2025


En attente de recevabilité financière

 

AMENDEMENT

présenté par

C
G  

Mme JOUVE


ARTICLE 5


I. – Alinéas 32 à 38

Supprimer ces alinéas.

II – Pour compenser la perte de recettes résultant du I, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... – La perte de recettes résultant pour l’État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Objet

Le projet de loi de finances pour 2026 introduit une augmentation drastique de la taxation des biocarburants français issus de l’agriculture, notamment le Superéthanol-E85 (+380 %) et le B100 (+400 %). Cette décision, prise sans aucune consultation préalable, s’appuie sur des fondements techniques discutables et ignore délibérément ses répercussions économiques, sociales, agricoles, industrielles, environnementales et stratégiques pour la souveraineté nationale. Aucune étude d’impact n’a été réalisée pour en évaluer les conséquences.

Cette hausse fiscale, en supprimant l’avantage économique actuel, risquerait de pousser les consommateurs, les automobilistes et les transporteurs à abandonner ces carburants décarbonés et locaux au profit de carburants fossiles importés, bien plus polluants. Or, le Superéthanol-E85, composé jusqu’à 85 % de bioéthanol, est produit en France à partir de ressources 100 % locales (blé, maïs, betterave, résidus vinicoles et agroalimentaires). De même, le B100, entièrement fabriqué à partir de colza français, ne contient ni huile de palme ni soja. Ces biocarburants représentent un atout majeur pour la transition écologique, l’industrie locale et l’indépendance énergétique et protéinique de la France.

Une telle mesure, adoptée de manière précipitée, aurait des conséquences désastreuses : elle fragiliserait les revenus de 120 000 agriculteurs, menacerait 30 000 emplois industriels, ralentirait la décarbonation des transports et entraînerait une hausse généralisée des prix des carburants. Pire, elle compromettrait la souveraineté énergétique et protéinique du pays, alors que les filières françaises de biocarburants produisent chaque année plus d’un million de tonnes de tourteaux de colza et 540 000 tonnes de drêches de céréales, réduisant ainsi la dépendance aux importations de soja et portant l’autonomie protéinique de la France à 55 % (contre 30 % dans le reste de l’UE).

Cette décision irait à l’encontre des objectifs de stabilité économique et de visibilité à long terme, tout en favorisant les importations de carburants fossiles. Elle méconnaît également les graves répercussions qu’elle aurait sur les filières sucrière, amidonnière et oléagineuse, où la France est leader en Europe. Les biocarburants, produits dans des bioraffineries dont la priorité est l’alimentation humaine (sucre, amidon, huile), offrent une diversification essentielle des débouchés, garantissant la compétitivité des filières françaises face à la concurrence internationale (États-Unis, Brésil, etc.). Affaiblir ce secteur reviendrait à fragiliser l’ensemble de ces industries dans un marché de plus en plus ouvert aux importations.

C’est pourquoi le présent amendement propose de supprimer cette hausse fiscale abrupte dans le projet de loi de finances pour 2026. Cette suppression permettrait d’engager une concertation approfondie avec tous les acteurs concernés, en intégrant les enjeux agricoles, industriels, sociaux et environnementaux, et en s’appuyant sur les évolutions réglementaires européennes en matière d’émissions de CO₂ pour les véhicules légers et lourds d’ici 2035. La contribution de l’agriculture à la souveraineté protéinique et énergétique de la France en dépend.