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Direction de la séance |
Projet de loi Projet de loi de finances pour 2026 (1ère lecture) PREMIÈRE PARTIE (n° 138 ) |
N° I-353 24 novembre 2025 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. HOUPERT ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 28 |
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Après l’article 28
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 3° bis du I de l’article 286 du code général des impôts est complété par les mots : « ou par une attestation individuelle de l’éditeur, conforme à un modèle fixé par l’administration ».
Objet
Le présent amendement a pour objet de réintroduire, dans le code général des impôts, la faculté pour un éditeur de logiciels de caisse de délivrer une attestation individuelle conforme au modèle fixé par l’administration. Cette possibilité, qui coexistant auparavant avec le dispositif de certification, a été supprimée par un amendement adopté dans le cadre du PLF 2024/2025.
Sa suppression a eu pour conséquence de rendre la certification à la fois obligatoire et exclusive, contraignant éditeurs et commerçants à recourir systématiquement à une procédure de certification onéreuse, assurée par un nombre très restreint d’organismes accrédités.
1. Un impact économique direct et disproportionné sur les petites structures
Pour un éditeur indépendant ou un autoentrepreneur, le coût de mise en conformité lié à la certification est évalué à environ 15 000 € la première année, puis 6 000 € par an. Pour des structures de très petite taille, ces montants représentent plusieurs mois de chiffre d’affaires et peuvent conduire à des cessations d’activité et à la disparition d’offres locales spécialisées.
Les commerçants subissent, eux, les coûts de migration, d’adaptation et de formation lorsqu’ils doivent abandonner des solutions sur-mesure ou locales au profit de caisses certifiées standardisées. Les charges supplémentaires supportées par les éditeurs sont inévitablement répercutées sur leurs clients, dans des secteurs déjà fragilisés (restauration, textile, commerce de proximité).
La charge administrative induite est, elle aussi, disproportionnée : la constitution et la mise à jour des dossiers de certification (spécifications, documentation d’architecture, procédures d’exploitation et de maintenance, preuves techniques) représentent souvent plusieurs semaines, voire jusqu’à deux mois de travail administratif par an, indépendamment du coût financier. Cette lourdeur renforce encore le risque de disparition des petits acteurs.
2. Un frein à l’innovation et aux solutions sur-mesure
Depuis la mise en place du régime de certification en 2014, les technologies ont profondément évolué : architectures cloud, solutions SaaS, développement itératif et mises à jour fréquentes. La procédure de certification, conçue pour un contexte technologique antérieur, est aujourd’hui inadaptée : elle entrave la réactivité technique, complique les mises à jour de sécurité et ne tient pas compte des spécificités des offres modernes.
L’absence de différenciation, dans la loi, entre les différentes architectures de systèmes (logiciel local, solution cloud, services hybrides, etc.) conduit à imposer des obligations qui sont, pour certains modèles, techniquement et juridiquement mal calibrées.
3. Aucun lien établi entre auto-attestation et fraude
En 2024, le Gouvernement a lui-même indiqué ne pas disposer d’éléments démontrant qu’un logiciel auto-attesté serait plus exposé à la fraude à la TVA qu’un logiciel certifié. Les formes de fraude prédominantes demeurent la non-saisie des recettes (notamment en espèces) et la tenue d’une double comptabilité, pratiques qui peuvent persister indépendamment du régime de certification du logiciel.
La suppression de l’option d’attestation ne s’attaque donc pas aux sources réelles de fraude, mais risque au contraire d’éliminer des acteurs sérieux et innovants qui contribuent à diffuser des outils de conformité adaptés aux besoins des commerçants.
4. Un risque de concentration et de verrouillage du marché
La certification obligatoire, dans les conditions actuelles, favorise la concentration du marché entre un nombre extrêmement limité de certificateurs (de facto un duopole), tandis que les éditeurs, parfois réduits à quelques salariés, doivent supporter des coûts fixes récurrents élevés.
Ce contexte crée un marché captif, réduit la concurrence, menace la diversité des solutions disponibles et fragilise la résilience du tissu d’éditeurs français.
Arguments juridiques et opérationnels en faveur du rétablissement de l’attestation
Le rétablissement de la possibilité d’attestation individuelle permet de revenir à un régime dual :
soit la certification, pour les éditeurs ou produits standardisés qui souhaitent y recourir ;
soit l’attestation, pour les petites structures, solutions sur-mesure et éditeurs indépendants.
Ce dispositif gradué permet de concilier l’objectif de lutte contre la fraude avec le principe de proportionnalité des contraintes imposées aux opérateurs économiques.
Le régime d’attestation était déjà assorti de sanctions particulièrement dissuasives en cas de fraude ou de fausse déclaration, ce qui limitait fortement les risques de dérive.
Références factuelles et parlementaires
Lors de la séance publique du 25 juin 2025, plusieurs députés ont dénoncé le caractère précipité de certaines modifications et alerté sur les effets potentiellement « ravageurs » de la suppression de l’auto-attestation, en rappelant que la mesure devait entrer en vigueur au 31 août 2025.
Le BOFiP du 16 avril 2025 a accordé une tolérance d’application d’un an. Cette tolérance illustre la nécessité de rouvrir le débat et d’adapter le dispositif à l’occasion du PLF 2026.
Conclusion
La disparition de l’option d’attestation individuelle a pour effet d’imposer aux plus petits acteurs un coût économique et administratif sans commune mesure avec leurs capacités, de freiner l’innovation et de ne pas cibler les formes de fraude effectivement constatées.
En rétablissant un régime dual — certification ou attestation individuelle conforme au modèle de l’administration — le présent amendement vise à retrouver un équilibre entre l’exigence légitime de lutte contre la fraude et le respect du principe de proportionnalité des obligations pesant sur les entreprises.
Il s’agit ainsi de corriger une évolution dont les conséquences pratiques s’annoncent manifestement déstabilisantes pour une part significative de l’économie numérique et du commerce de proximité en France.