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Direction de la séance |
Projet de loi Projet de loi de finances pour 2026 (1ère lecture) PREMIÈRE PARTIE (n° 138 ) |
N° I-66 22 novembre 2025 |
Question préalableMotion présentée par |
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MM. SAVOLDELLI, BARROS et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky TENDANT À OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE |
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En application de l’article 44, alinéa 3., du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2026 (n° 138, 2025-2026).
Objet
Les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen, Écologiste et Kanaky estiment que le projet de loi de finances pour 2026 ne peut, en l’état, faire l’objet d’une délibération sereine, dès lors qu’il repose sur une représentation déformée de la situation du pays, et sur une grille d’analyse qui naturalise des déséquilibres issus des de la politique économique néolibérale assumée depuis 2017.
Ce budget prétend, une fois encore, corriger un déficit dont chacun sait qu’il n’a rien d’un accident, mais qu’il a été méthodiquement construit par huit années de politiques fiscales privilégiant les détenteurs de capitaux : suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune, baisse de l’impôt sur les sociétés, flat tax sur les revenus du capital, suppression de la fiscalité locale, et multiplication d’allègements et de transferts au bénéfice des entreprises sans contreparties d’emploi ou d’investissement.
En substituant aux recettes pérennes de l’État une architecture d’exonérations, de niches et d’aides publiques, le Gouvernement a créé lui-même la fragilité budgétaire dont il prétend maintenant faire une fatalité macroéconomique.
Cette stratégie fait peser sur la Nation tout entière un coût considérable : endettement croissant, de plus en plus financiarisé et soumis aux marchés ; explosion des dividendes et des rachats d’actions ; concentration accélérée du patrimoine financier au profit des 1 % les plus riches ; et, dans le même temps, au regard des besoins, un affaiblissement durable des financements des services publics, des collectivités territoriales, et de l’investissement public dans la transition écologique.
Le gouvernement, ayant orchestré les conditions de ce déséquilibre, entend aujourd’hui invoquer une rigueur qu’il n’a jamais exigée de ceux qui ont le plus profité de son œuvre fiscale. La décomposition du solde structurel montre en effet que plusieurs évolutions pèsent mécaniquement sur les finances publiques en 2026 : d’abord la hausse de la charge de la dette, qui dégrade le solde structurel à hauteur de 0,2 point de PIB, ensuite une baisse des recettes hors prélèvements obligatoires qui contribue à une dégradation supplémentaire de 0,2 point, enfin le fait que l’élasticité des prélèvements obligatoires à l’activité serait de nouveau légèrement inférieure à l’unité, ce qui retranche encore 0,1 point. Ainsi, 0,5 point du solde structurel ne dépend d’aucune décision budgétaire : il constitue la part non discrétionnaire de l’ajustement.
Dès lors, pour obtenir une amélioration nette du solde structurel de 0,8 point, le gouvernement devra mettre en œuvre un effort discrétionnaire total de plus d'un point de PIB, soit plus de 31 milliards d'euros d'ajustement. Cet ajustement repose très majoritairement sur la dépense publique : environ deux tiers de l’effort, soit 0,6 point de PIB (environ 17 milliards), proviendront de la diminution ou de la limitation de la progression des crédits publics, toutes administrations confondues. C’est donc l’État, ses opérateurs, les collectivités territoriales, et l’ensemble de la sécurité sociale, donc les classes moyennes et populaires, qui en supporteront l’essentiel. Le dernier tiers de l’effort structurel sera issu de mesures nouvelles en recettes, estimées à 0,4 point de PIB (environ 14 Mds), incluant la montée en charge de mesures votées en loi de finances initiale et la reconduction partielle de contributions supplémentaires demandées aux plus grandes entreprises et à certains patrimoines financiers, la suppression de l’abattement de 10% pour les retraités, ainsi qu'initialement le gel du barème de l’impôt sur le revenu.
Dans cette distribution, l’État lui-même n’est pas épargné. L’augmentation affichée de ses dépenses (+10,5 Md€) masque une réalité plus austère : hors Défense, les crédits reculent et la trajectoire consolidée d’emplois publics, avec –3 119 ETP, atteste une volonté de réduire le périmètre et l’intensité d’intervention du service public. Ce mouvement intervient précisément au moment où les urgences sociales, environnementales et territoriales appellent son renforcement.
Dans ce contexte, les collectivités territoriales sont de nouveau mises à contribution à hauteur de 20% de l'effort structurel, soit 4,7 Milliards (en réalité 8 Milliards en tenant compte d'un périmètre plus large) via notamment la reconduction du DILICO à hauteur de 2 Md€, dispositif qui restreint leur autonomie, constitue une ponction déguisée sur leurs ressources et compromet leur capacité à investir dans des équipements essentiels, à maintenir un niveau de service à la population et à assurer la cohésion territoriale. Cette pression sur les finances locales aggravera les inégalités.
Enfin, le texte soumis aujourd’hui au Sénat, élaboré sous l’autorité d’un ancien Premier ministre politiquement vient parachever le coup de force décidé par Emmanuel Macron à l’issue des élections législatives de 2024 ayant placé le Nouveau Front Populaire en tête du scrutin. C’est pourquoi les membres du groupe CRCE-K proposent de rejeter le projet de loi de finances pour 2026 en votant cette motion.