commission des affaires étrangères |
Projet de loi Programmation militaire pour les années 2015 à 2019 (1ère lecture) (n° 494 ) |
N° COM-4 17 juin 2015 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. de LEGGE au nom de la commission des finances ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 4 BIS(NOUVEAU) |
I. – Après l’article 4 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre II du titre Ier du livre III de la partie 2 du code de la défense est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa de l’article L. 2312-1 est complété par les mots : « ou d’une commission parlementaire mentionnée aux articles 43 ou 51-2 de la Constitution » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 2312-4, après les mots : « devant elle », sont insérés les mots : « ou une commission parlementaire mentionnée aux articles 43 ou 51-2 de la Constitution » ;
3° Après le mot : « considération », la fin de la deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 2312-7 est ainsi rédigée : « , d’une part les missions du service public de la justice, le respect de la présomption d’innocence et les droits de la défense, ou l’exercice du pouvoir de contrôle du Parlement, d’autre part le respect des engagements internationaux de la France ainsi que la nécessité de préserver les capacités de défense et la sécurité des personnels. » ;
4° Au premier alinéa de l’article L. 2312-8, après le mot : « juridiction », sont insérés les mots « ou à la commission parlementaire ».
II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et de son intitulé ainsi rédigés :
Chapitre …
Dispositions relatives au secret de la défense nationale
Objet
Le présent amendement vise à ouvrir aux commissions parlementaires (permanentes, spéciales ou d’enquête) la procédure qui permet aujourd’hui aux juridictions françaises de demander la déclassification et la communication d’informations, protégées au titre du secret de la défense nationale, à l’autorité administrative en charge de la classification.
Cette procédure prévoit qu’une telle demande entraîne la saisine de la commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN), qui rend un avis dont le sens peut être « favorable », « favorable à une déclassification partielle » ou « défavorable ».
Le sens de l’avis ne lie pas l’autorité administrative ayant procédé à la classification, mais est communiqué à l’organe qui a fait la demande de déclassification et est publié au Journal officiel.
L’objectif de la loi n° 98-567 du 8 juillet 1998, qui a créé cette procédure en instituant la CCSDN, était de concilier la protection du secret de la défense nationale et l’exigence de transparence nécessaire à la bonne marche de la justice. La solution retenue protège les prérogatives de l’exécutif tout en donnant un droit de regard à une entité tierce – la CCSDN – sur la nécessité de la classification décidée par une autorité administrative.
Le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2011-192 QPC du 10 novembre 2011 a rappelé que « tant le principe de la séparation des pouvoirs que l’existence d’autres exigences constitutionnelles » imposent « d’assurer une conciliation qui ne soit pas déséquilibrée entre le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable ainsi que la recherche des auteurs d’infractions et les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation ».
Le principe de séparation des pouvoirs ainsi que d’autres exigences constitutionnelles – telles que celles énoncées à l’article 24 de la Constitution, qui prévoit que le Parlement « contrôle l’action du Gouvernement » et « évalue les politiques publiques », ou encore aux articles XIV et XV de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui disposent que « tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi (...) » et que « la société a la droit de demander compte à tout agent public de son administration » – imposent de la même manière d’assurer une conciliation entre les exigences liées à la fonction de contrôle du Parlement et celles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation.
Aujourd’hui, cet équilibre n’est pas assuré. En effet, l’effectivité des pouvoirs de contrôle du Parlement et de ses organes est subordonnée à une décision administrative, sans possibilité de recours ni de contestation.
De ce fait, le secret de la défense nationale peut être détourné de sa finalité – la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation – afin de faire obstacle à la mission de contrôle du Parlement.
Le risque de détournement n’est pas théorique, comme l’a montré la classification du rapport réalisé l’an dernier par l’IGF, le CGA et la DGA sur les recettes exceptionnelles du ministère de la défense, très défavorable aux sociétés de projet que le Gouvernement voulait mettre en place dans le cadre du projet de loi Macron.
Cette situation ne semble pas conforme à l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, aux termes duquel : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».
C’est ce à quoi le présent amendement tend à remédier.
Il faut relever que lors de l’examen de la loi du 8 juillet 1998, le Sénat avait adopté un amendement en ce sens, à l’initiative de nos anciens collègues Nicolas About, rapporteur pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et Jean-Paul Amoudry, rapporteur pour avis de la commission des lois.