commission des lois |
Projet de loi Différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification (1ère lecture) (n° 588 rect. , 719, 720, 721) |
N° COM-755 rect. bis 29 juin 2021 |
AMENDEMENTprésenté par |
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MM. MENONVILLE, LONGUET et GUERRIAU, Mme MÉLOT et MM. LAGOURGUE, WATTEBLED, Alain MARC et MÉDEVIELLE ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 9 |
Après l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa du a) du 2° du II de l’article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, pour les groupements sur le territoire desquels est situé un laboratoire souterrain destiné à mener des recherches sur les formations géologiques profondes où pourraient être stockés des déchets radioactifs, seules les bases intercommunales d'imposition de cotisation foncière des entreprises situées en dehors du périmètre de droit exclusif prévu à l'article L. 542-8 du code de l'environnement sont prises en compte pour le calcul de ce produit ; »
Objet
Depuis l’adoption en 2006 de la loi de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs, le législateur est régulièrement appelé à prendre des mesures spécifiques concernant le site de Bure, où se développent les installations souterraines du laboratoire de recherches et du centre de stockage en couche géologique profonde de déchets radioactifs à haute activité et à vie longue.
Sur ce territoire est levé un produit de cotisation foncière des entreprises important, qui est encaissé par le groupement à fiscalité propre dont Bure fait partie. Ce groupement fait application du régime de la fiscalité professionnelle unique (art. 1609 nonies C du CGI). Cependant, une grande partie du produit fiscal de Bure est reversé, au titre de l'attribution de compensation ... à Bure - qui, avec seulement 81 habitants, n'avait que très peu de charges à transférer. Le solde est conservé par l'EPCI, qui regroupe 51 communes, 17 600 habitants, soit 336 habitants par commune en moyenne. Un tiers d'entre elles bénéficient d'un accompagnement financier spécifique du fait qu'une partie de leur territoire est distante de moins de 10 kilomètres de l'accès principal aux installations de Bure. Les autres n'en ont que des retombées très limitées. En effet, comme la plupart sont très peu peuplées (la moitié comptent moins de 200 habitants), l'EPCI n'est pas amené à y déployer beaucoup d'activités. La plupart des communes n'ont donc, au final, que très peu de retombées de la richesse fiscale de Bure.
Et pourtant, les budgets très étroits de ces mêmes communes doivent payer les conséquences bien réelles d'un enrichissement largement fictif. C'est dû à la prise en compte, dans leur potentiel fiscal et financier, de l'ensemble des produits fiscaux encaissés par l'EPCI, réparti entre elles au prorata de leur population après déduction des attributions de compensations. Le potentiel fiscal des communes du territoire a « explosé » en 3 ou 4 ans : + 52 % pour les communes de la partie Nord du territoire, + 54 % (et jusqu’à + 117 % pour l’une d’entre elles) pour la partie Ouest, et jusqu’à + 443 % (et jusqu’à + 996 % pour l’une d’entre elles) pour les plus proches de Bure - commune dont le potentiel fiscal a baissé ...
La moitié de ces communes ont moins de 150 000 euros de recettes annuelles de fonctionnement. Or du fait de ce potentiel fiscal artificiellement "dopé", leurs recettes ne cessent de se réduire :
· Les montants qui leur sont versés par l’État au titre des différentes composantes de la DGF ont baissé de plus de 30 % en 4 ans, la baisse dépassant 33 % dans plus de la moitié des communes. Plus de la moitié des communes reçoivent moins de 20 000 euros de DGF désormais.
· Le prélèvement du territoire sur les ressources fiscales des communes au profit du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communes (FPIC) est fortement accru pour la même raison. Les communes du territoire recevaient au global 150 000 euros de FPIC en 2017. En 2020, elles ont été prélevées de 241 000 euros. En 2017, 8 communes seulement étaient contributrices au FPIC et en 2020, toutes le sont désormais !
· Leur contribution au financement du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) a fortement augmenté, elle aussi, pour la même raison. Pour la quasi totalité des communes du territoire, elle augmente, chaque année, de + 20 % : le rythme d'augmentation est seulement freiné par son plafond fixé par décret pour l'impact de ce facteur (cf. l'art. R1424-32 du CGCT). A contrario, la contribution de Bure, elle, baisse de 20 % par an ...
Ces implications mécaniques d’une législation complexe, peu adaptée aux caractéristiques uniques de ce site, menacent aujourd’hui l’équilibre financier de beaucoup de ces très petites communes. Elles n’ont aucune marge de manœuvre, avec des charges et des revenus déjà très serrés. Certaines communes se trouvent dans une situation financière très critique. Elles ne peuvent même plus faire face aux charges très modestes qui leur incombent encore (elles n’ont même plus l’école à leur charge, pour celles qui ne l’avaient pas déjà fermée). Or ces communes représentent le dernier échelon de proximité des services publics, de la vie démocratique et de la cohésion sociale dans ce département rural, dont la population ne cesse de baisser depuis 1962.
Aussi il est impérieux d'apporter à cette situation unique et catastrophique, une correction dérogatoire, en excluant, du calcul du potentiel fiscal des communes de ce groupement, les bases de CFE localisées dans le périmètre de Bure. Cette richesse très localisée n'a quasiment aucune retombée pour la plupart de ces très petites communes, alors que l'explosion de leur richesse fictive, "potentiel fiscal", menace tout simplement leur survie en tant que cellules de base de notre tissu démocratique.