commission des affaires économiques |
Proposition de loi Marché de l'assurance emprunteur (1ère lecture) (n° 225 ) |
N° COM-28 17 janvier 2022 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. GREMILLET, rapporteur ARTICLE 1ER |
Rédiger ainsi cet article :
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 113-12-2 du code des assurances, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La date d’échéance à prendre en compte pour l’exercice du droit de résiliation mentionné à l’article L. 113-12 est, au choix de l’assuré, la date d’anniversaire de la signature de l’offre de prêt par celui-ci ou toute autre date d’échéance prévue au contrat. » ;
II. – Le troisième alinéa de l’article L. 221-10 du code de la mutualité est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La date d’échéance à prendre en compte pour l’exercice du droit de résiliation mentionné au premier alinéa du présent article est, au choix du membre participant, la date d’anniversaire de la signature de l’offre de prêt par celui-ci ou toute autre date d’échéance prévue au contrat. »
Objet
Le présent amendement substitue à la possibilité de résilier à tout moment le contrat d’assurance emprunteur les dispositions du compromis trouvé entre sénateurs et députés lors de l’examen de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (loi ASAP) en décembre 2020, qui renforcent significativement l’information des assurés en la matière mais qui avaient été censurées par le Conseil constitutionnel au titre de l’article 45 de la Constitution. Ces dispositions, fruits d’un consensus transpartisan, garantissent en effet le maintien d’un équilibre satisfaisant entre mise en concurrence des acteurs du marché et possibilité pour les profils les plus risqués d’accéder à la propriété.
Cet article 1er propose en effet que les assurés puissent procéder à la résiliation et à la substitution de leur contrat d’assurance emprunteur à tout moment au cours de la durée de leur prêt, tandis qu’ils ne peuvent le faire aujourd’hui qu’une fois par an, dans les deux mois qui précèdent la date d’échéance de leur contrat. Or les éléments qui avaient justifié en 2020 le refus du Parlement d’adopter un tel dispositif restent non seulement pertinents, mais ont en outre été renforcés et confirmés depuis par le travail d’analyse du Comité consultatif du secteur financier.
Premièrement, la résiliation à tout moment engendrerait vraisemblablement la poursuite, si ce n’est l’accélération, de l‘augmentation forte des tarifs pour les profils présentant un plus haut niveau de risques (les personnes âgées, les personnes souffrant de pathologies de santé, les catégories socioprofessionnels financièrement modestes, etc.), à rebours du principe de mutualisation permettant à toutes les catégories de la population d’accéder à la propriété. En effet, les économies réalisées par les profils peu risqués (jeunes, cadres, etc.), permises depuis 2010 par le droit de mettre en concurrence les assureurs suite à l’intervention du législateur, se sont par exemple accompagnées ces trois dernières années d’une augmentation de 30 % des tarifs des plus de 55 ans. Le rapport de novembre 2020 du Comité conclue ainsi que : « pour eux [les contrats groupes bancaires], la baisse des tarifs sur les moins de 40 ans et la hausse pour les plus de 50 ans peut être interprétée comme un début de démutualisation ». Aucun acteur professionnel entendu par le rapporteur n’a par ailleurs contesté cette réalité.
Autrement dit, puisque de plus en plus de profils sans risque résilient le contrat souscrit auprès du bancassureur, l’augmentation du niveau moyen du risque du portefeuille qui en résulte pour cet acteur se traduit par une augmentation des tarifs pour les profils risqués. Or il est de plus en plus fréquent que des emprunteurs empruntent au-delà de 40 ou 50 ans, c’est-à-dire à un âge où le risque augmente, en fonction des trajectoires de vie (divorce, revente pour achat d’une résidence plus grande, etc.), et soient donc confrontés à cette hausse conséquente des prix.
Deuxièmement, la perte de pouvoir d’achat qui en résultera pour un profil risqué sera, toutes choses égales par ailleurs, supérieure au gain de pouvoir d’achat réalisé par un profil sans risque, selon différentes estimations transmises au rapporteur. L’accélération du mouvement de démutualisation conduirait donc à une segmentation des tarifs qui se traduirait par un gain modeste pour les bénéficiaires de la résiliation à tout moment mais par une perte importante pour les autres.
Il convient donc de contenir cette augmentation des tarifs pour les profils risqués en préservant le dispositif actuel de résiliation annuelle, qui a fait ses preuves de façon satisfaisante puisqu’il s’est traduit jusqu’à présent par une baisse des tarifs pour plusieurs catégories d’emprunteurs et par une hausse concomitante du niveau de garanties proposées. Le surcroît d’économies permis par la résiliation à tout moment semble bien trop minime pour prendre le risque de rompre cet équilibre fragile et d’aboutir à l’exclusion de l’accès au prêt immobilier des profils fragiles, vulnérables ou âgés.
Troisièmement, il existe une grande confusion dans le débat public sur les gains de pouvoir d’achat que la résiliation à tout moment permettrait de générer. Les chiffres importants parfois avancés, entre 5 000 et 15 000 euros, ne sont pas étayés et reposent soit sur des hypothèses non précisées, soit, lorsqu’ils sont explicités, sur des hypothèses maximalistes (prêt de 20 ans alors que la durée moyenne est de 8 ans, couple dont chaque membre s’assure à 100 %, etc.). Les estimations transmises par les pouvoirs publics au rapporteur font plutôt état d’un montant d’économies de 1 300 euros sur 10 ans pour un primo-accédant de 35 ans ne présentant pas de risque.
En tout état de cause, cet article 1er n’a pour objet que d’augmenter la probabilité qu’un consommateur perçoive les bénéfices de la mise en concurrence, déjà effective, et non pas de créer de nouveaux gains. En effet, ainsi que l’a noté le rapport du CCSF (cf. supra), la mise en concurrence depuis une dizaine d’année fonctionne déjà et a indéniablement permis une baisse des tarifs, dont celle des bancassureurs qui se sont alignés sur leurs concurrents pour maintenir leurs parts de marché ; seuls quelques emprunteurs piégés par des manœuvres dilatoires de la part de leur prêteur n’ont pu en percevoir les bénéfices.
Compte tenu de ces éléments, le présent amendement propose de conserver l’équilibre satisfaisant actuel, qui allie possibilité de résilier le contrat chaque année et refus d’accélérer encore la démutualisation, de clarifier le flou de certaines dispositions parfois utilisé par certains prêteurs pour complexifier les démarches de l’assuré souhaitant résilier le contrat groupe bancaire, et d’améliorer l’information des emprunteurs. C’est en effet sur cet aspect que se joue la possibilité pour les emprunteurs de bénéficier effectivement du droit de résiliation que la loi leur a octroyé à plusieurs reprises, et non pas sur une résiliation à tout moment qui n’améliorerait pas leur degré d’information. La concurrence actuelle sur ce marché fonctionne et fait baisser les tarifs ; seules certaines manœuvres dilatoires empêchent sa pleine effectivité pour tous les assurés.
En particulier, la notion de « date d’échéance », à partir de laquelle est calculée aujourd’hui rétroactivement la période de deux mois durant laquelle l’assuré est autorisé à résilier, recouvre diverses réalités selon les acteurs (date de signature de l’offre de prêt, date de mise à disposition des fonds, date de signature du certificat d’adhésion, etc.). Or cette hétérogénéité des pratiques peut parfois complexifier inutilement la démarche de résiliation pour le consommateur.
Le présent amendement entend donc reprendre une partie des dispositions de la proposition de loi tendant à renforcer l'effectivité du droit au changement d'assurance emprunteur présentée par le sénateur Martial Bourquin en 2019, adoptée à l’unanimité du Sénat puis reprise à l’article 115 de la loi ASAP pré-promulgation suite à un compromis entre sénateurs et députés, qui clarifie cette notion de date d’échéance. Désormais, cette dernière devra être comprise comme la date d’anniversaire de la signature de l’offre de prêt ou, si une autre date figure explicitement dans le contrat, comme cette autre date.
L’amendement procède aux mêmes modifications dans le code de la mutualité.