commission des affaires étrangères |
Proposition de résolution PPRE dénonçant les transferts forcés massifs d'enfants ukrainiens par la Russie (1ère lecture) (n° 419 rect. ) |
N° COM-1 3 avril 2023 |
AMENDEMENTprésenté par |
|
||||
Mme GARRIAUD-MAYLAM, rapporteur TITRE |
Rédiger ainsi cet article :
Proposition de résolution européenne condamnant les déportations d’enfants ukrainiens par la Fédération de Russie
Objet
Il s'agit, par cet amendement, de remplacer le verbe "dénoncer" par le verbe "condamner" et de parler de "déportations" plutôt que de "transferts forcés massifs".
commission des affaires étrangères |
Proposition de résolution PPRE dénonçant les transferts forcés massifs d'enfants ukrainiens par la Russie (1ère lecture) (n° 419 rect. ) |
N° COM-2 3 avril 2023 |
AMENDEMENTprésenté par |
|
||||
Mme GARRIAUD-MAYLAM, rapporteur ARTICLE UNIQUE |
Rédiger ainsi cet article :
Le Sénat,
Vu l’article 88-4 de la Constitution,
Vu le traité sur l’Union européenne, notamment son préambule,
Vu la Charte des Nations unies,
Vu la Convention des Nations unies du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide,
Vu la déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948,
Vu la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949 et le Protocole additionnel aux Conventions de Genève relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux,
Vu la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales,
Vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966,
Vu la Convention relative aux droits de l’enfant, signée à New York le 20 novembre 1989,
Vu le Statut de Rome de la Cour pénale internationale,
Vu la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, signée le 20 décembre 2006,
Vu le rapport de la commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine mise en place par le Conseil des droits de l’Homme, publié le 15 mars 2023,
Vu la communication de la Cour pénale internationale sur les mandats d’arrêt délivrés le 17 mars 2023 par sa Chambre préliminaire II à l’encontre de Vladimir Poutine et de Maria Lvova-Belova,
Vu les conclusions adoptées par le Conseil européen le 23 mars 2023,
Considérant la guerre d’agression menée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine depuis le 24 février 2022 ;
Considérant les nombreux éléments et témoignages concordants attestant que la Fédération de Russie procède à des transferts forcés d’enfants ukrainiens vers son territoire, recueillis notamment par l’Ombudsman de l’Ukraine, par la commission des droits de l’homme et par la sous-commission des droits de l’enfant de la Rada, mais aussi par la plateforme « Children of War » mise en ligne par le gouvernement ukrainien, avec le soutien du gouvernement canadien, par l’Institut de recherche sociale de Kharkiv, et par de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG), ainsi que ceux recensés dans le rapport de la faculté de santé publique de l’université de Yale du 14 février 2023 sur « le programme systématique de la Russie pour la rééducation et l’adoption des enfants d’Ukraine » ;
Considérant qu’il est fait état, notamment par les ONG, mais aussi dans le rapport de l’université de Yale précité, fondé sur des sources ouvertes, que la Fédération de Russie procède de manière administrative et massive à la naturalisation, au changement de nom et de filiation d’enfants transférés vers son territoire ;
Considérant le décret du Président de la Fédération de Russie en date du 30 mai 2022, facilitant l’acquisition de la nationalité russe et donc l’adoption des enfants ukrainiens, ainsi que les déclarations publiques d’officiels russes selon lesquelles des enfants ukrainiens ont été massivement déplacés et placés dans des familles russes depuis le début de la guerre d’invasion de l’Ukraine le 24 février 2022, et notamment celles de la commissaire aux droits de l’enfant de la Fédération de Russie, admettant que des orphelins ukrainiens ont été « déplacés » vers son pays depuis des établissements ukrainiens ;
Considérant que la commission d’enquête internationale indépendante sur l’Ukraine, mise en place par le Conseil des droits de l’Homme, a documenté dans son rapport trois situations principales dans lesquelles les autorités russes ont transféré des enfants ukrainiens d'une zone qu'elles contrôlaient en Ukraine vers une autre ou vers la Fédération de Russie : des enfants dont les parents ont été tués ou qui ont temporairement perdu contact avec eux ; des enfants séparés à la suite de la détention d'un parent à un « point de filtrage » ; et des enfants placés dans des institutions ;
Considérant que cette commission a également établi qu’un grand nombre d’enfants des zones sous contrôle russe, s’étant rendus dans des camps de vacances en Crimée ou en Russie avec l’accord de leurs parents, ont par la suite, après la libération de ces zones, été séparés de leurs familles de façon prolongée voire indéfinie ;
Considérant que cette commission d’enquête internationale a conclu que ces transferts violaient le droit international humanitaire et constituaient des crimes de guerre ;
Considérant que les juges de la CPI ont estimé, dans leur communication du 17 mars 2023 sur les mandats d’arrêt délivrés à l’encontre du Président de la Fédération de Russie et de sa commissaire aux droits de l’enfant, qu’il existait « des motifs raisonnables de croire que la responsabilité de chacun des suspects est engagée à raison du crime de guerre de déportation illégale de population et du crime de guerre de transfert illégal de population depuis certaines zones occupées de l’Ukraine vers la Fédération de Russie, ces crimes ayant été commis à l’encontre d’enfants ukrainiens. » ;
Considérant que deux missions mises en place dans le cadre du « mécanisme de Moscou » de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont mis en lumière des informations crédibles concernant des transferts forcés et la déportation de civils ukrainiens par la Russie , y compris d’enfants non accompagnés, et que ce mécanisme a, de nouveau, été invoqué le 30 mars 2023, par 45 États de l’OSCE dont la France, afin d’enquêter sur « d’éventuels cas de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, associés à ou résultant du transfert forcé d’enfants dans des parties du territoire ukrainien temporairement contrôlées par la Russie et/ou de leur déportation vers la Russie » ;
Considérant, enfin, d’après l’article 6 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, que le transfert forcé d’enfants est un élément sous-jacent du crime de génocide, s’il est commis « dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial, ou religieux, comme tel » ;
Condamne avec la plus grande fermeté les déportations d’enfants ukrainiens perpétrées par la Fédération de Russie ainsi que le processus d’assimilation forcée et accélérée mis en œuvre par les autorités russes à l’égard de ces enfants ;
Appelle la Fédération de Russie à respecter ses obligations au regard du droit international et, par conséquent, à cesser immédiatement les déportations d’enfants ukrainiens vers son territoire ou vers les territoires qu’elle contrôle, à communiquer sans délai les noms et la localisation de ces enfants et à permettre et faciliter leur retour en Ukraine ;
Invite le gouvernement français à lancer une initiative diplomatique internationale en faveur des enfants ukrainiens, afin de faire pression sur les autorités russes pour qu’elles permettent aux organisations humanitaires internationales, et en particulier aux instances des Nations unies, d’avoir accès à ces enfants sur le territoire russe et dans les zones contrôlées par la Russie pour ouvrir des canaux de communication et engager rapidement le processus de retour des enfants ukrainiens en Ukraine ;
Invite l’Union européenne et ses États membres à veiller à la mise en œuvre effective des mandats d’arrêt de la CPI sur le territoire de l’UE et à soulever cette question dans les relations et négociations avec les pays tiers, afin de contribuer à rendre la justice pénale internationale plus effective au plan mondial ;
Appelle le Gouvernement français à accroître le volume des moyens et ressources tant humains que matériels et financiers mis à disposition de l’Agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale (Eurojust), de l’équipe commune d’enquête sur les crimes internationaux présumés en Ukraine et du centre international chargé des poursuites pour le crime d'agression contre l'Ukraine en cours de constitution ;
Encourage le gouvernement français et l’Union européenne à renforcer leur soutien humain, matériel et financier à la CPI afin que celle-ci puisse élargir ses investigations pour identifier les personnes responsables des crimes commis contre les civils et en particulier contre les enfants en Ukraine ;
Demande en conséquence à l’Union européenne et à ses États membres de mettre en œuvre tous les moyens techniques et humains à leur disposition, en coopération avec les autorités ukrainiennes pour identifier, documenter et recenser tous les cas de transferts forcés et de déportation d’enfants engagés par la Fédération de Russie depuis le début du conflit et d’identifier les responsables de ces actes afin d’engager des sanctions immédiates et d’ouvrir la voie à des poursuites judiciaires ultérieures ;
Encourage le gouvernement français et la commission européenne à mettre à disposition des institutions et ONG ukrainiennes et européennes les moyens nécessaires à un accompagnement médical, psychologique et social adapté, dans la durée, des enfants victimes, et à soutenir plus généralement, les efforts du gouvernement ukrainien pour réformer le système de prise en charge des enfants orphelins ou vulnérables en Ukraine ;
Invite le Gouvernement français à plaider pour que l’Union européenne étende la liste des sanctions, à l’encontre des personnes ou institutions collaborant aux déportations d’enfants ukrainiens sur le territoire de la Fédération de Russie ;
Invite le Gouvernement à soutenir ces orientations et à les faire valoir dans les négociations en cours et à venir au Conseil.
Objet
Les déportations d'enfants ukrainiens par la Russie sont l'un des volets les plus dramatiques de la guerre d'agression déclenchée par les Russes contre l'Ukraine le 24 février 2022. La proposition de résolution européenne est, dans ce contexte, très bienvenue. Les modifications proposées visent à actualiser le texte pour prendre en compte les importants développements intervenus au cours des dernières semaines :
-Le 15 mars 2023, un rapport de la commission d’enquête internationale sur l’Ukraine du Conseil des droits de l’Homme, reposant sur l’examen de 164 cas d’enfants âgés de 4 à 18 ans, issus des régions de Donetsk, Kharkiv et Kherson, a conclu que les transferts d'enfants opérés par les Russes violaient le droit international humanitaire et constituaient des crimes de guerre.
-Le 17 mars 2023, la Cour pénale internationale a émis deux mandats d’arrêt, respectivement contre le Président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, et contre sa commissaire aux droits de l’enfant, Maria Lvova-Belova. C'est un événement considérable qui oblige à revoir en profondeur le texte de la PPRE, pour l'adapter au nouveau contexte créé par ces mandats d'arrêt.
-Le 23 mars 2023, le Conseil européen, prenant note des mandats d'arrêt émis par la CPI, a demandé à la Russie d'"assurer le retour en toute sécurité des Ukrainiens transférés de force ou déportés en Russie, en particulier des enfants".
-Le 30 mars 2023, 45 États de l’OSCE dont la France ont invoqué le mécanisme de Moscou, afin d’enquêter sur « d’éventuels cas de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, associés à ou résultant du transfert forcé d’enfants dans des parties du territoire ukrainien temporairement contrôlées par la Russie et/ou de leur déportation vers la Russie ».
Sur le fond, les mandats d'arrêt de la CPI sont historiques. La justice pénale internationale est en marche. Le constat sur les déportations d'enfants ukrainiens en Russie (ou à l'intérieur des zones contrôlées par la Russie) est désormais largement documenté et partagé au plan international, non seulement par le gouvernement ukrainien et pas les ONG ukrainiennes, mais aussi par plusieurs instances internationales, par le Conseil européen et par les gouvernements nationaux dont la France. Il s'agit donc désormais de passer de ce constat, et de l'indispensable condamnation des agissements russes, à des pistes d'action. Le gouvernement ukrainien a identifié 19500 enfants déportés (ce qui ne représente qu'une partie de la réalité). 327 enfants sont revenus. Le retour de tous les enfants enlevés est encore possible. Ces enfants et leurs familles ont besoin de notre aide.
C'est pourquoi le texte proposé invite le gouvernement à lancer une initiative diplomatique en faveur des enfants ukrainiens, en lien avec les organisations humanitaires internationales. Cette initiative diplomatique pourrait impliquer l’UE bien sûr, mais aussi des pays plus neutres dans leur approche de la guerre, donc plus susceptibles d’être entendus par les Russes. Il s’agit de faire pression sur les autorités russes pour qu’elles permettent aux organisations humanitaires internationales, en particulier les instances des Nations unies, telles que l’Unicef, d’avoir accès aux enfants sur le territoire russe et dans les zones contrôlées par la Russie.
Le texte proposé appelle en outre le gouvernement et l’UE à accroître leur soutien aux différents mécanismes d’investigation en cours, notamment leur soutien humain, matériel et financier à la CPI, afin que la CPI puisse élargir ses investigations pour identifier les personnes responsables des crimes commis contre les civils et, en particulier, contre les enfants en Ukraine.
Ce texte invite aussi l’Union européenne et ses États membres à veiller à la mise en œuvre effective des mandats d’arrêt de la CPI sur le territoire de l’UE et à soulever cette question dans les relations et négociations avec les pays tiers.
Il paraît également nécessaire d'aider les institutions ukrainiennes et les ONG à accompagner les enfants victimes, et de soutenir, plus généralement, les efforts du gouvernement ukrainien pour réformer le système de prise en charge des enfants orphelins ou vulnérables en Ukraine, pays où 1,2 % des enfants étaient hébergés dans des institutions avant la guerre.
Il paraît, enfin, utile de raccourcir la PPRE, en passant d'environ 2500 à environ 1500 mots, dans l'esprit de la décision récemment prise au Parlement européen de limiter les résolutions d'urgence à 500 mots pour les rendre plus lisible sur le plan politique.