commission des lois |
Proposition de loi constitutionnelle Souveraineté de la France (1ère lecture) (n° 646 rect. ) |
N° COM-9 4 décembre 2023 |
AMENDEMENTprésenté par |
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M. FRASSA, rapporteur ARTICLE 3 |
Rédiger ainsi cet article :
I. - L’article 55 de la Constitution est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le premier alinéa n’est pas applicable lorsque l’application d’un traité ou d’un accord porterait atteinte à une règle ou un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France ou priverait de garanties effectives une exigence constitutionnelle.
« Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu que l’application d’un traité ou d’un accord porterait atteinte à une règle ou un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France ou priverait de garanties effectives une exigence constitutionnelle, la question est renvoyée au Conseil d'État ou à la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. À l’exception des cas où le deuxième alinéa trouve manifestement à s’appliquer, le Conseil d’État ou la Cour de cassation soumet la question au Parlement avant de rendre sa décision.
« Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »
II. - L’article 88-1 est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Le droit de l’Union européenne n’a pas une autorité supérieure à celle des lois lorsque son application porterait atteinte à une règle ou un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France ou priverait de garanties effectives une exigence constitutionnelle.
« Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu que l’application du droit de l’Union européenne porterait atteinte à une règle ou un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France ou priverait de garanties effectives une exigence constitutionnelle, la question est renvoyée au Conseil d'État ou à la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. À l’exception des cas où le deuxième alinéa trouve manifestement à s’appliquer, le Conseil d’État ou la Cour de cassation soumet la question au Parlement avant de rendre sa décision.
« Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »
Objet
L’action du législateur en matière migratoire est aujourd’hui manifestement et excessivement contrainte par le droit de l’Union européenne, le droit de la Convention européenne des droits de l’homme ainsi que par la jurisprudence des cours chargées de veiller à leur application. L’arrêt C-143/22 du 21 septembre 2023 de la Cour de justice de l’Union européenne imposant d’appliquer les procédures prévues par la directive retour à l’étranger qui a fait l’objet d’un refus d’entrée aux frontières intérieures n’en est que le dernier exemple en date.
L’objet de l’article 3 est, sous cet angle, de redonner au droit français des marges de manœuvres sur une matière qui relève au premier chef de la souveraineté de la France. Pour autant, les effets juridiques du dispositif proposé par cet article semble aller bien au-delà de l’objectif recherché, en ce qu’il permet, par sa généralité, d’écarter l’application de toute norme internationale pour une disposition législative donnée, sans aucune distinction. En outre, en confiant au législateur organique le soin de déroger à une norme constitutionnelle et en donnant à certaines lois ordinaires une autorité supérieure à celle des traités, il opèrerait deux bouleversements de la hiérarchie des normes sans précédents et dont les effets sont difficilement mesurables.
En conséquence, le présent amendement prévoit un dispositif alternatif s’inspirant des clauses de sauvegarde qui ont été énoncées respectivement par le Conseil constitutionnel (décision n° 2006-540 DC du 27 juillet 2006) et le Conseil d’État (arrêt du 21 avril 2021, n° 393099, French Data Network) afin de faire primer, dans des cas limités, la Constitution sur le droit européen.
L’amendement consacre ainsi le principe selon lequel la primauté sur la loi de la norme conventionnelle internationale ou européenne s’efface lorsque son application porterait atteinte à une règle ou un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France ou priverait de garanties effectives une exigence constitutionnelle. Ce faisant, il donne une assise constitutionnelle aux clauses de sauvegarde dégagées par voie jurisprudentielle mais dont le Conseil constitutionnel comme le Conseil d’État n’ont fait qu’un usage modéré.
La mise en œuvre de ce principe passerait par un dispositif nouveau assimilable à une « question parlementaire de souveraineté ». Lorsque, à l’occasion d’une instance, il serait soutenu que l’application d’un traité ou d’un accord porterait atteinte à une règle ou un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France ou priverait de garanties effectives une exigence constitutionnelle, la question serait renvoyée au Conseil d'État ou à la Cour de cassation. Dans l’hypothèse où ce moyen ne devrait pas manifestement être retenu, le Conseil d'État ou la Cour de cassation devrait soumettre la question au Parlement avant de rendre sa décision.