commission des lois |
Proposition de loi Sortir la France du piège du narcotrafic (1ère lecture) (n° 735 rect. (2023-2024) ) |
N° COM-43 20 janvier 2025 |
AMENDEMENTprésenté par |
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Mmes NARASSIGUIN et de LA GONTRIE, M. BOURGI, Mmes HARRIBEY et LINKENHELD et MM. CHAILLOU, KERROUCHE et ROIRON ARTICLE 2 |
Rédiger ainsi cet article :
Après l’article 706-26 du code de procédure pénale, sont insérés des articles 706-26-1 à 706-26-8 ainsi rédigés :
« Art. 706-26-1. – Le procureur national anti-criminalité organisée, la cour d’assises et le tribunal correctionnel de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des articles 43, 52, 704 et 706-42 pour la poursuite, l’instruction et le jugement des délits mentionnés aux articles 222-36 à 222-40 du code pénal et des infractions qui leur sont connexes, dans les affaires qui sont ou apparaîtraient d’une très grande complexité, en raison notamment du grand nombre d’auteurs, de complices ou de victimes ou du ressort géographique sur lequel elles s’étendent. Le procureur national anticriminalité organisée est seul compétent pour la poursuite des crimes mentionnés aux articles 222-34, 222-35 et 222-38 et au deuxième alinéa de l’article 222-36 du même code et des infractions qui leur sont connexes.
« En ce qui concerne les mineurs, le procureur national anti-criminalité organisée, le juge des enfants, le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs de Paris exercent, dans les conditions définies au premier alinéa du présent article, une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application des dispositions du code de la justice pénale des mineurs.
« Lorsqu’il est compétent pour la poursuite des infractions entrant dans le champ d’application du présent article, le procureur national anti-criminalité organisée exerce ses attributions sur toute l’étendue du territoire national.
« Art. 706-26-2. – Le procureur national anti-criminalité organisée est seul compétent pour la poursuite des infractions commises ou révélées par les personnes relevant de l’article 706-87-1 et de l’article 132-78 du code pénal, lorsqu’elles concernent le trafic de stupéfiants, et des articles 222-43 et 222-43-1 du même code. Cette compétence s’étend aux infractions connexes.
« Art. 706-26-3. – Sans préjudice des dispositions du troisième alinéa de l’article 41, lorsqu’il exerce sa compétence en application des articles 706-26-1 et 706-26-2, le procureur national anti-criminalité organisée peut requérir, par délégation judiciaire, tout procureur de la République de procéder ou de faire procéder aux actes nécessaires à la recherche et à la poursuite des infractions mentionnées à l’article 706-26-1 dans les lieux où ce dernier est territorialement compétent.
« La délégation judiciaire mentionne les actes d’enquête confiés au procureur de la République ainsi requis. Elle ne peut prescrire que des actes se rattachant directement à l’enquête pour laquelle elle a été délivrée.
« Elle indique la nature de l’infraction objet de l’enquête. Elle est datée et signée par le procureur national anti-criminalité organisée et revêtue de son sceau.
« Le procureur national anti-criminalité organisée fixe le délai dans lequel la délégation doit lui être retournée, accompagnée des procès-verbaux relatant son exécution. La délégation judiciaire et les procès-verbaux doivent lui être transmis dans les huit jours suivant la fin des opérations exécutées en vertu de cette délégation, à défaut de délai fixé par cette dernière.
« Les magistrats commis pour son exécution exercent, dans les limites de la délégation judiciaire, tous les pouvoirs du procureur national anti-criminalité organisée mentionnés aux articles 706-26-1 et 706-26-2.
« Art. 706-26-4. – Pour le jugement des délits et des crimes mentionnés à l’article 706-26-1, le premier président de la cour d’appel de Paris peut, sur les réquisitions du procureur général, après avis des chefs des tribunaux judiciaires intéressés, du bâtonnier de Paris et, le cas échéant, du président de la cour d’assises de Paris, décider que l’audience du tribunal correctionnel, de la chambre des appels correctionnels de Paris ou de la cour d’assises de Paris se tiendra, à titre exceptionnel et pour des motifs de sécurité, dans tout autre lieu du ressort de la cour d’appel que celui où ces juridictions tiennent habituellement leurs audiences.
« L’ordonnance prise en application du premier alinéa du présent article est portée à la connaissance des tribunaux intéressés par les soins du procureur général. Elle constitue une mesure d’administration judiciaire qui n’est pas susceptible de recours.
« Art. 706-26-5. – Le procureur de la République près un tribunal judiciaire autre que celui de Paris peut, pour les infractions mentionnées à l’article 706-26-1, requérir le juge d’instruction de se dessaisir au profit du procureur national anti-criminalité organisée. Les parties sont préalablement avisées et invitées par le juge d’instruction à faire connaître leurs observations ; l’ordonnance est rendue huit jours au plus tôt et un mois au plus tard à compter de cet avis.
« Le procureur national anti-criminalité organisée peut également, dans les conditions prévues au présent article, solliciter le procureur de la République près le tribunal judiciaire saisi de l’affaire aux fins d’obtenir le dessaisissement du juge d’instruction.
« L’ordonnance par laquelle le juge d’instruction se dessaisit peut, à l’exclusion de toute autre voie de recours, être déférée dans les cinq jours de sa notification, à la requête du procureur de la République, du procureur national anti-criminalité organisée ou des parties, à la chambre criminelle de la Cour de cassation. La chambre criminelle désigne, dans les huit jours suivant la date de réception du dossier, le magistrat chargé des poursuites ou de l’instruction. Le procureur de la République ou le procureur national anti-criminalité organisée peuvent également saisir directement la chambre criminelle de la Cour de cassation lorsque le juge d’instruction n’a pas rendu son ordonnance dans le délai d’un mois prévu au premier alinéa du présent article.
« L’arrêt de la chambre criminelle est porté à la connaissance du juge d’instruction et du ministère public et est notifié aux parties.
« Art. 706-26-6. – Par dérogation à l’article 712-10, sont seuls compétents le juge de l’application des peines du tribunal judiciaire de Paris, le tribunal de l’application des peines de Paris et la chambre de l’application des peines de la cour d’appel de Paris pour prendre les décisions concernant les personnes condamnées par le tribunal correctionnel, la cour d’assises, le juge des enfants, le tribunal pour enfants ou la cour d’assises des mineurs de Paris statuant en application des articles 706-26-1 et 706-26-2, quel que soit le lieu de détention ou de résidence du condamné.
« Pour prendre les décisions concernant les personnes condamnées pour une des infractions mentionnées à l’article 706-26-1 pour lesquelles n’a pas été exercée la compétence prévue aux articles 706-26-1 et 706-26-2, le juge de l’application des peines du tribunal judiciaire de Paris, le tribunal de l’application des peines de Paris et la chambre de l’application des peines de la cour d’appel de Paris exercent une compétence concurrente à celle qui résulte de l’application de l’article 712-10.
« Ces décisions sont prises après avis du juge de l’application des peines compétent en application du même article 712-10.
« Pour l’exercice de leurs attributions, les magistrats des juridictions mentionnées aux premier et deuxième alinéas du présent article peuvent se déplacer sur l’ensemble du territoire national, sans préjudice de l’application des dispositions de l’article 706-71 sur l’utilisation de moyens de télécommunication.
« Le ministère public auprès des juridictions du premier degré de Paris compétentes en application du présent article est représenté par le procureur national anti-criminalité organisée en personne ou par ses substituts.
« Art. 706-26-7. – La juridiction saisie en application des articles 706-26-1 et 706-26-2 reste compétente quelles que soient les incriminations retenues lors du règlement ou du jugement de l’affaire, sous réserve de l’application des articles 181 et 469. Si les faits constituent une contravention, le magistrat compétent prononce le renvoi de l’affaire devant le tribunal de police compétent en application de l’article 522.
« Art. 706-26-8. – Dans les cas prévus à l’article 706-26-5, le mandat de dépôt ou d’arrêt conserve sa force exécutoire ; les actes de poursuite ou d’instruction et les formalités intervenus avant que la décision de dessaisissement ou d’incompétence soit devenue définitive n’ont pas à être renouvelés. »
Objet
Cet amendement vise à remplacer la création d’un Parquet national anti-stupéfiants (PNASt), prévue par l’article 2 de la proposition de loi, par un Parquet national anti-criminalité organisée (PNACO).
Actuellement, l’article 2 propose d’établir un Parquet national anti-stupéfiants sur le modèle du Parquet national antiterroriste (PNAT) et du Parquet national financier (PNF). Ce nouveau parquet aurait pour mission de centraliser, coordonner et dynamiser les actions judiciaires dans la lutte contre le trafic de stupéfiants sur l’ensemble du territoire national. Cette mesure répond à la recommandation n°21 du rapport de la commission d’enquête du Sénat sur le narcotrafic et traduit une volonté d’intensifier les efforts contre ce fléau.
Toutefois, bien que la lutte contre le narcotrafic demeure une priorité, il apparaît que les groupes criminels impliqués dans ce domaine diversifient de plus en plus leurs activités illicites, notamment dans le blanchiment d’argent, le trafic d’armes, le proxénétisme ou encore la traite des êtres humains. Ces activités sont interconnectées et s’inscrivent dans une logique de criminalité organisée transnationale. Limiter les compétences d’un parquet national à la seule lutte contre le narcotrafic pourrait donc réduire l’efficacité globale des actions judiciaires contre ces organisations.
Pour beaucoup de magistrats, la coexistence du Pnast et de la Junalco risque d’être une source de complexification avec une multiplication des strates.
Tout comme le Ministère de la Justice, qui semble également privilégier l’idée d’un parquet national élargi à l’ensemble de la criminalité organisée (PNACO), et non limité à la lutte contre les stupéfiants, le groupe socialiste propose donc, à travers cet amendement, de transformer la Junalco en Pnaco et non plus de créer le Pnast.
Il s’agit d’insister sur la nécessité d’étendre les compétences du parquet national à l’ensemble des formes de criminalité organisée souvient liée au narcotrafic, afin de mieux combattre des groupes criminels aux activités multiples et interconnectées, incluant par exemple le blanchiment, le trafic d’armes et la traite des êtres humains.
Les auteurs de cet amendement souhaitent également rappeler la nécessité de ne pas tout centraliser à Paris, un traitement régional des affaires avec des acteurs proches du terrain est très souvent plus efficace. Aussi, la création de ce parquet national anti-criminalité organisée doit aller de pair avec un renforcement des JIRS (juridictions interrégionales spécialisées), leur présence démultipliée dans toutes les régions et une augmentation de leurs moyens.