Question de Mme Chantal Jouanno (Paris - UMP) publiée le 19/10/2012
Question posée en séance publique le 18/10/2012
Mme Chantal Jouanno. Madame la ministre, mes chers collègues, ma question s'inscrit dans les pas de mes prédécesseurs, ou plutôt de mes« prédécesseures », puisque seules des femmes ont posé des questions.
Nous constatons toutes que les inégalités persistent : différences de salaires, emplois plus précaires, accession plus difficile à des postes de responsabilité dans les entreprises et différence dans la répartition des tâches...
On l'a dit précédemment, tout cela repose sur un problème de stéréotypes inculqués dès le plus jeune âge. C'est pourquoi je voudrais revenir sur un sujet qui, vous le savez, me tient à coeur, celui de l'hypersexualisation des enfants.
Ce sujet ne renvoie pas seulement au problème des petites lolitas, où l'on pourrait voir un jeu sans danger. Il renvoie plus lourdement à une question de société. Certes, des problèmes individuels ou psychoaffectifs peuvent se poser. Mais il ne servira à rien de parler, demain, d'égalité salariale si nous ne faisons rien pour combattre ces différents stéréotypes qui se retrouvent non seulement à l'école, mais surtout dans les jeux vidéo, les dessins animés, les clips vidéo et les magazines pour jeunes filles.
Sur ce sujet de l'hypersexualisation, nous avions fait des propositions extrêmement précises qui ont été beaucoup discutées au sein de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Notre objet était d'ailleurs moins l'hypersexualisation que la lutte contre les inégalités qui sont inculquées dès le plus jeune âge.
Madame la ministre, j'aimerais savoir si vous comptez reprendre ces différentes propositions, non seulement celles qui viennent d'être évoquées, à savoir la nécessité d'« asexuer » les livres scolaires et l'éducation dans son ensemble, et de permettre une orientation plus équilibrée entre les garçons et les filles, mais peut-être aussi de mettre un terme aux excès que sont les concours de « mini Miss », lesquels n'existent pas au masculin ! (Applaudissements.)
Mme Laurence Cohen. Absolument !
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Réponse du Ministère des droits des femmes publiée le 19/10/2012
Réponse apportée en séance publique le 18/10/2012
Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame Jouanno, je sais que la question de l'hypersexualisation des petites filles est un sujet qui vous préoccupe, et à raison. J'ai évidemment pris connaissance du rapport que vous avez remis à Mme Bachelot-Narquin sur cette question. Je vous remercie d'ailleurs de me l'avoir adressé.
Vous dénoncez l'érotisation du corps d'enfants sans repères, lesquels sont amenés à adopter des comportements d'adulte, ce qui est bien évidemment dévastateur au regard de leur développement personnel. Un tel phénomène concerne d'ailleurs aussi bien les petites filles que les petits garçons, il faut le souligner. En effet, certaines exigences pesant sur les garçons - on attend d'eux qu'ils se conforment à un certain nombre de clichés gravitant autour des idées de virilité et de domination - peuvent aussi, parfois, engendrer malaise ou souffrance.
Vous formulez un certain nombre de recommandations qui associent des mesures d'interdiction, d'information et de sensibilisation.
Sachez que nous sommes en train d'expertiser juridiquement la question de l'interdiction. Nous reparlerons donc très prochainement avec vous de ces questions, en particulier des concours de beauté, qui soulèvent un certain nombre de problèmes.
Dans votre rapport, vous insistez surtout, comme nous le faisions à l'instant, sur la nécessité d'une éducation à la sexualité, au sens large du terme. Il s'agit en réalité d'une éducation au respect, à l'égalité des sexes, à la dignité, éducation qui fait cruellement défaut aujourd'hui dans le cadre scolaire, les dispositions de la loi du 9 mai 2001 n'étant pas appliquées en la matière.
Font également cruellement défaut, dans les médias et la publicité, des messages positifs sur ces sujets.
J'ai relevé que les agences de régulation, qu'il s'agisse du Conseil supérieur de l'audiovisuel, de l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité ou de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, s'intéressent à une seule dimension, celle de la dignité. Elles n'arrêtent la diffusion d'images que si elles estiment que celles-ci portent atteinte à la dignité des femmes. Il faut désormais qu'elles prennent également en compte les messages sexistes et vecteurs de stéréotypes, comme celui de la domination masculine sur le corps des femmes.
Telles sont donc nos pistes de réflexion, dont nous aurons l'occasion de reparler.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Jouanno, pour la réplique.
Mme Chantal Jouanno. Madame la ministre, vous pouvez vous appuyer sur la charte nationale, élaborée par Roselyne Bachelot-Narquin, pour l'amélioration de l'image des femmes dans les médias, qui visait à faire évoluer l'ensemble des instances de régulation, ce qui n'est pas toujours très simple.
Aujourd'hui, la France n'est pas encore massivement touchée par ce problème d'hypersexualisation, mais il n'existe aucune barrière qui résistera durablement aux stratégies de marketing s'appuyant sur un tel ressort. La Grande-Bretagne a fait de ce sujet une priorité nationale, portée par le Premier ministre lui-même.
Il est de notre responsabilité collective de ne pas enterrer ce sujet.
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