- mercredi 26 novembre 2025
- Proposition d'avis politique relatif à la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les documents d'immatriculation des véhicules et les données relatives à l'immatriculation consignées dans les registres nationaux des véhicules, abrogeant la directive 1999/37/CE du Conseil (COM(2025) 179 final) et sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2014/45/UE relative au contrôle technique périodique des véhicules à moteur et de leurs remorques et la directive 2014/47/UE relative au contrôle technique routier des véhicules utilitaires circulant dans l'Union (COM(2025) 180 final) - Examen du rapport d'information et de la proposition d'avis politique
- Pacte pour la Méditerranée - Communication
- jeudi 27 novembre 2025
mercredi 26 novembre 2025
- Présidence de M. Jean-François Rapin, président -
La réunion est ouverte à 13 h 30.
Proposition d'avis politique relatif à la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les documents d'immatriculation des véhicules et les données relatives à l'immatriculation consignées dans les registres nationaux des véhicules, abrogeant la directive 1999/37/CE du Conseil (COM(2025) 179 final) et sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2014/45/UE relative au contrôle technique périodique des véhicules à moteur et de leurs remorques et la directive 2014/47/UE relative au contrôle technique routier des véhicules utilitaires circulant dans l'Union (COM(2025) 180 final) - Examen du rapport d'information et de la proposition d'avis politique
M. Jean-François Rapin, président. - Mes chers collègues, nous avons deux points inscrits à l'ordre du jour.
Le premier concerne l'examen de l'avis politique préparé par nos collègues Pascale Gruny et Jacques Fernique sur un sujet qui parle à nos concitoyens : le contrôle technique des véhicules. C'est un sujet très concret, mais aussi, parfois, un sujet de crispation. Nous l'avons vu lorsque la France a imposé un contrôle technique obligatoire pour les deux-roues.
La Commission européenne a proposé deux textes qui révisent le précédent paquet sur le contrôle technique, datant de 2014. Cette révision est certainement nécessaire au regard de l'évolution des technologies des véhicules. C'est cependant un sujet qu'il faut regarder de très près, notamment la question du contrôle technique des véhicules de plus de dix ans. Je remercie donc nos collègues de nous faire part de leur analyse par le biais de leur proposition d'avis politique, qui sera accompagnée d'un rapport d'information présentant la démarche qui la sous-tend.
La formule de l'avis politique a été privilégiée par rapport à celle de la proposition de résolution pour que nos observations - comme je le dis souvent - soient adressées avant la finalisation des positions du Conseil et du Parlement européen.
Je laisse maintenant la parole aux rapporteurs.
M. Jacques Fernique, rapporteur. - En avril dernier, la Commission européenne a présenté deux propositions de directive visant à réviser le paquet « contrôle technique » de 2014. Ce paquet se compose de trois directives. La première porte sur le contrôle technique périodique des véhicules, qui exige de soumettre ceux-ci à la vérification d'une série d'exigences minimales et selon une fréquence minimale, par exemple quatre ans après la date de première immatriculation, puis tous les deux ans pour les voitures. Les États membres sont libres de fixer un cadre plus contraignant. La directive permet par exemple d'exclure les véhicules de collection du dispositif.
La deuxième directive concerne le contrôle routier des véhicules, c'est-à-dire les contrôles qui s'effectuent en bord de route, et qui vise uniquement l'inspection des véhicules lourds.
La troisième directive, enfin, porte sur les documents d'immatriculation des véhicules.
Plus de dix ans après sa mise en oeuvre, une révision de ce paquet « contrôle technique » est devenue indispensable. En effet, depuis 2014, la structure du parc de véhicules a fortement évolué et les véhicules sont dotés, pour beaucoup, de nouveaux systèmes de sécurité active ou de systèmes intelligents d'aide à la conduite. Les exigences minimales fixées par la directive actuelle sur les contrôles périodiques ne tiennent pas compte de ces évolutions. Il est donc nécessaire d'actualiser les protocoles pour garantir la conformité et l'entretien des véhicules électriques et hybrides notamment, mais aussi pour surveiller les nouvelles technologies embarquées.
Par ailleurs, certaines mesures, comme la mesure de l'opacité des fumées d'échappement, sont devenues totalement obsolètes ou inutiles pour contrôler les émissions de polluants atmosphériques, notamment les particules fines et les dioxydes d'azote (NOx). De nouvelles méthodologies de contrôle et d'équipement pour réaliser ces contrôles doivent être déployées pour s'assurer du niveau des émissions et, surtout, que les systèmes de dépollution ne sont pas défectueux ou manipulés.
Outre l'amélioration de la qualité et de l'objectivité de ces contrôles, cette proposition de révision vise également, d'une part, à doter les États membres de nouveaux outils pour lutter contre la fraude au compteur kilométrique -qui n'est pas du tout négligeable, nous le verrons- et, d'autre part, à favoriser la dématérialisation des certificats d'immatriculation et de contrôle et à faciliter les échanges d'informations entre États.
Ce paquet « contrôle technique » est l'une des pièces essentielles du plan d'action de l'Union visant à améliorer, d'une part, la sécurité routière et, d'autre part, la lutte contre les émissions de polluants et les émissions sonores. Concernant la sécurité routière, nous déplorons, hélas, toujours près de 20 000 décès sur les routes de l'Union européenne en 2024. En France, 3 432 personnes sont décédées. Ce nombre ne baisse plus, puisqu'il est en augmentation de 1 % depuis 2023. Les principales causes des accidents de la route sont la conduite sous l'influence de l'alcool ou de drogues, la distraction au volant due au téléphone, aux SMS, aux écrans, voire à la télévision pour certains poids lourds, les excès de vitesse, bien sûr, ainsi que diverses erreurs humaines. Le mauvais état ou la mauvaise conception de l'infrastructure - surface glissante, marquage inadéquat, mauvais entretien - en sont également responsables. L'amélioration des dispositifs de sécurité des véhicules et la mise en place des contrôles périodiques et routiers en bord de route ont conduit à ce que les défaillances des véhicules ne constituent plus qu'une faible part des accidents. Elles en demeurent toutefois un facteur contributif, et une part de ces défaillances reste évitable via un contrôle efficace et effectif.
S'inscrivant dans la poursuite de l'objectif de réduire de 50 % le nombre de tués et de blessés graves sur les routes entre 2020 et 2030, la Commission européenne estime que les différentes mesures proposées pourraient permettre de sauver quelque 7 000 vies et d'éviter quelque 65 000 blessés graves entre 2026 et 2050. Ces nouvelles dispositions viennent utilement compléter les mesures du paquet « permis de conduire » qui vient d'être adopté. Notre rapport sera d'ailleurs complété pour en présenter les principaux points.
Concernant la lutte contre les émissions de polluants atmosphériques, le transport routier, nous le savons, est responsable de près de 36 % des émissions de dioxyde d'azote et de plus de 8 % des émissions de particules fines. Cette pollution est bien sûr beaucoup plus importante en agglomérations urbaines denses. Selon les estimations figurant dans l'étude d'impact de la directive, en 2018, jusqu'à 70 000 décès prématurés dans l'Union, soit plus de 10 000 décès en France, avaient été attribués aux émissions dues au transport routier. La Commission européenne estime que la mise en place des mesures qu'elle préconise devrait réduire les émissions de polluants de près de 20 % d'ici à 2030.
De même, selon l'Organisation mondiale de la santé, le bruit constitue, après la pollution de l'air, le deuxième facteur environnemental ayant le plus d'impact sur la santé en France. En France, une étude menée par l'Agence de la transition écologique - l'ADEME - et le Conseil national du bruit a évalué le coût social du bruit, tenez-vous bien, à 147,1 milliards d'euros par an, dont 54,8 % sont liés au bruit routier. Le bruit lié au transport a d'ailleurs été l'objet d'un rapport de nos collègues de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, Guillaume Chevrollier et Gilbert-Luc Devinaz, intitulé « Prévenir l'exposition au bruit lié au transport, une politique publique à mettre en musique ».
Pour toutes ces raisons, nous soutenons pleinement les objectifs que cherche à atteindre cette proposition de révision. Toutefois, si la sécurité routière n'a pas de prix, elle a un coût. C'est pourquoi nous sommes restés, vous allez le voir, très vigilants sur la faisabilité et l'acceptabilité sociale des mesures envisagées. Ces mesures devront être strictement proportionnées au regard des coûts opérationnels et financiers qu'elles impliquent pour les services de l'État, pour les entreprises - constructeurs et contrôleurs techniques - et surtout pour les citoyens propriétaires de véhicules qui, in fine, supporteront la charge de ces évolutions.
La première mesure proposée concerne l'adaptation nécessaire du contrôle technique aux nouveaux véhicules et à leur technologie embarquée. En effet, comme je l'ai indiqué précédemment, la structure du parc automobile a fortement évolué. En 2024, le diesel thermique ne représente plus que 7,2 % des achats de véhicules neufs. La motorisation hybride non rechargeable à essence progresse nettement et devient la motorisation dominante, représentant 33,4 % des ventes. La part des motorisations électriques et hybrides rechargeables représente, elle, 25,2 % des ventes. De même, depuis 2024, en application de la réglementation européenne, tous les nouveaux véhicules sont dotés de systèmes de sécurité active et de systèmes intelligents d'aide à la conduite, les ADAS, systèmes conçus pour éviter les collisions et réduire le nombre de victimes et de blessés graves.
Pour répondre à cette double évolution, la Commission européenne propose de modifier les annexes des directives pour y inclure de nouveaux éléments à contrôler pour les véhicules électriques à batterie et les véhicules hybrides. Nous nous félicitons de ces ajouts, mais nous restons vigilants sur le fait que les nouvelles méthodologies définies puissent être facilement déployées auprès de l'ensemble des centres de contrôle technique et que les investissements nécessaires restent proportionnés aux objectifs visés. L'extension du nombre de nouveaux points de contrôle - près de 600 - pourrait ainsi être peut-être moins ambitieuse et le choix de ces points, être repriorisé.
Nous soulignons également l'importance de pouvoir associer les constructeurs automobiles à cette démarche. Aussi soutenons-nous la proposition présentée par la Commission européenne - c'est très important - visant à ce que les constructeurs mettent gratuitement à la disposition des autorités compétentes des États membres les informations techniques qui seront nécessaires au contrôle technique. Ces autorités devront ensuite, bien sûr, mettre ces données à la disposition de leurs centres de contrôle.
Afin de lutter contre la fraude au compteur kilométrique et en s'inspirant des exemples belge et néerlandais, la Commission européenne propose d'étendre l'obligation d'enregistrer systématiquement les relevés kilométriques. Cette obligation, qui s'applique pour l'instant aux seuls centres de contrôle technique périodique, serait étendue à tout fournisseur de services qui effectue des travaux de réparation ou d'entretien sur un véhicule contre paiement : ateliers, garages, etc. Elle propose également que les constructeurs automobiles envoient régulièrement les relevés kilométriques de leurs véhicules connectés.
L'étude d'impact de la Commission estime que l'économie réalisée par la mise en place de ces mesures serait de près de 9,9 milliards d'euros pour les acheteurs de l'Union et de 1,55 milliard d'euros pour les seuls acheteurs français. En effet, elle estime le taux de fraude kilométrique en France à 3,7 % sur le marché national de l'occasion et à 10,4 % pour les achats transfrontaliers, ce qui représente près de 760 000 véhicules. Des véhicules qui coûtent donc plus cher à ceux qui en font l'acquisition du fait d'un kilométrage truqué. La triche est, en moyenne, de l'ordre de 30 000 kilomètres. Nous soutenons donc cette proposition, qui permettra de réduire de façon importante la fraude sur le marché de l'occasion. Toutefois, nous nous inquiétons de la pertinence d'imposer, dès à présent, cette obligation à tous les acteurs. Cela pourrait créer des charges administratives et de mise en place disproportionnées. Aussi préférons-nous que cette obligation se limite, dans un premier temps, aux constructeurs automobiles ainsi qu'aux garages et concessionnaires agréés par ces derniers.
Mme Pascale Gruny, rapporteur - Jacques Fernique l'a dit tout à l'heure, nous avons été particulièrement vigilants concernant l'impact social et la soutenabilité économique des mesures proposées. L'un des enjeux majeurs des textes présentés par la Commission européenne concerne les véhicules les plus anciens, qui présentent le plus de défauts et sont donc davantage impliqués dans des collisions. La Commission européenne estime qu'un contrôle annuel des voitures et véhicules utilitaires légers de plus de dix ans pourrait largement contribuer à réduire le nombre de collisions et les émissions nocives.
S'il est incontestable que les véhicules anciens font l'objet d'une proportion plus importante de contre-visites, ces dernières sont davantage liées à des défauts d'entretien qu'à l'âge des véhicules. Aucun effet bénéfique de cette annualisation ne peut être démontré.
Sachant que l'âge moyen du parc automobile français est de plus de onze ans, la moitié des véhicules seraient soumis à cette nouvelle mesure. Cette annualisation entraînerait une augmentation drastique du volume de contrôle, soit plus de 8,2 millions de contrôles supplémentaires par an !
Surtout, les propriétaires des véhicules les plus anciens sont souvent aussi les particuliers les plus modestes. Leur imposer un contrôle technique annuel sans effet bénéfique dûment établi n'apparaît pas justifiable et est difficilement acceptable sur le plan social. Cette proposition ne peut donc être soutenue.
Nous nous opposons ainsi à ce que cette mesure devienne obligatoire et préférons que soit laissé le choix aux États membres d'appliquer des règles plus contraignantes s'ils le souhaitent. Les négociations en cours au Conseil s'orientent dans ce sens.
Le transport routier contribue à une part importante des émissions nocives de polluants atmosphériques, en particulier de NOx et de particules fines, comme l'indiquait Jacques Fernique. Or, les méthodes de contrôle actuelles pour les émissions à l'échappement ne sont pas adaptées. Ces méthodes ne permettent pas de détecter les véhicules diesel équipés de filtres à particules défectueux ou d'un catalyseur manipulé qui produisent des émissions élevées de particules et de NOx. La Commission propose donc d'imposer la mesure du nombre de particules et des émissions de NOx lors des contrôles techniques et des contrôles routiers. Nous soutenons ces mesures qui visent à réduire les émissions de polluants des véhicules, qui nuisent à l'environnement et, bien sûr, à la santé publique. Toutefois, les méthodologies de mesure ne sont pas encore bien établies.
Hormis la mesure des particules fines pour les véhicules diesel, les mesures de NOx sont toujours l'objet de débats. En effet, le protocole de mesure proposé par la Commission européenne doit être effectué avec un moteur chaud, ce qui semble incompatible avec les modalités actuelles de déroulement d'un contrôle technique ou nécessite des investissements disproportionnés. C'est pourquoi nous engageons la Commission européenne et les experts nationaux à poursuivre leurs travaux afin de trouver une méthodologie à la fois scientifiquement établie, mais opérationnellement et économiquement acceptable. Pour compléter le contrôle périodique de l'émission de polluants, la Commission européenne propose de soumettre les véhicules utilitaires légers à un contrôle annuel de leurs émissions un an après la date de première immatriculation. Nous nous interrogeons sur la pertinence et l'acceptabilité sociale d'un tel contrôle dès la première année. En revanche, nous sommes convaincus de la nécessité de supprimer toute velléité de manipuler le système de dépollution de son véhicule pour éviter une opération de maintenance ou pour améliorer à court terme ses performances. Nous demandons donc que soient développées des méthodologies permettant de mettre en évidence le retrait des filtres à particules ou la modification des systèmes de dépollution. Concernant les deux-roues, la Commission européenne propose de rendre le contrôle obligatoire. Ce contrôle obligatoire, vous le savez tous, car il y a eu beaucoup de débats à ce sujet, est déjà mis en place en France. Nous demandons cependant que la proposition de révision laisse des marges de manoeuvre suffisantes aux États membres pour transposer cette obligation. Évitons de rouvrir ce dossier qui a été particulièrement complexe. En réaction aux accidents liés à la dégradation accélérée des airbags Takata, qui a causé le décès de 18 personnes et fait 26 blessés graves, et suivant une des recommandations du rapport d'une mission d'inspection, les autorités françaises ont proposé que la directive offre la possibilité, pour les États membres qui le souhaitent, de prévoir dans leur droit national des dispositions permettant d'utiliser les opérations de contrôle technique afin de faciliter les opérations de rappel des véhicules présentant des risques de sécurité graves. Cette mesure pourrait être prise dans un cadre strictement national. Toutefois, l'inscription de cette possibilité en droit européen permettrait de sécuriser juridiquement l'ensemble de la procédure. Nous soutenons donc pleinement cette position des autorités françaises qui répond à un enjeu de sécurité majeur.
La Commission européenne a par ailleurs proposé plusieurs modifications de la directive sur le contrôle routier. Elle fixe un pourcentage national de contrôle des poids lourds équivalent à 5 % du nombre de véhicules de cette catégorie, alors qu'actuellement, il ne s'agit que d'un objectif européen.
Elle fixe également un objectif de 2 % pour les véhicules utilitaires légers, qui étaient jusque-là exclus du champ de la directive. Nous le jugeons disproportionné, puisqu'il conduirait à un accroissement conséquent des effectifs et des moyens dans un contexte budgétaire déjà très contraint. Cela conduirait en effet à passer de 65 000 à 195 000 contrôles routiers. Nous soutenons ainsi la position de compromis qui semble se dessiner au Conseil pour demander que les contrôles sur route des véhicules de la catégorie N1 correspondent au moins à 10 % des contrôles à effectuer pour les véhicules lourds.
Par ailleurs, à l'unisson des positions défendues par le Gouvernement français, nous considérons que les contrôles techniques sur route doivent rester fondés sur des constatations simples et demeurer limités en termes de nombre de points à contrôler, sans recours à des équipements spécialisés.
Pour développer le contrôle routier à une plus grande échelle, la Commission européenne a proposé la mise en place de dispositifs de télédétection qui contrôlent les émissions sonores et les émissions atmosphériques d'au moins 30 % du parc automobile national, tous véhicules confondus. Les autorités françaises sont particulièrement défavorables à l'ensemble du dispositif proposé, qui apparaît complexe, non mature sur le plan technique et qui risquerait d'entraîner une charge administrative et financière considérable. Une majorité d'États membres a également exprimé son opposition à cette mesure. Compte tenu des dispositions déjà applicables en matière de contrôle technique périodique, du risque majeur en termes d'acceptabilité sociale et du manque de maturité technique d'une telle mesure, nous demandons que cette mesure devienne facultative. Nous préférons en effet encourager les États membres, voire les collectivités locales qui le souhaitent, à effectuer des expérimentations. La fixation d'objectifs contraignants n'interviendrait qu'à l'issue de leur retour d'expérience.
Le troisième objectif poursuivi par cette proposition de révision vise à accélérer la dématérialisation des certificats, à favoriser l'échange d'informations entre États membres et à faciliter la reconnaissance mutuelle des dispositifs des autres États membres.
Concernant la dématérialisation des certificats, nous encourageons cette mesure et veillons à ce qu'une version papier puisse toujours être délivrée gratuitement aux personnes qui le demandent. Par ailleurs, nous souhaitons que la gratuité des certificats numériques d'immatriculation ne fasse pas obstacle à la perception de frais pour la procédure d'enregistrement.
Concernant l'échange d'informations, nous prenons acte de la proposition de la Commission d'utiliser la plateforme Move-Hub pour faciliter les transferts de données. Toutefois, nous demandons que la mise en place de ce système d'échange ne conduise pas à des doublons et à des charges administratives inutiles et que seules les données strictement nécessaires à l'objectif recherché soient transmises et échangées.
Concernant la reconnaissance mutuelle des dispositifs nationaux, nous prenons acte de la mesure visant à ouvrir la possibilité aux propriétaires ou détenteurs de voitures particulières de procéder à un contrôle technique périodique dans un État membre autre que celui d'immatriculation. Dans ce cas, le certificat de contrôle technique délivré aura seulement une durée de validité de six mois.
En revanche, s'agissant de la reconnaissance mutuelle des certificats d'immatriculation, nous demandons que celle-ci soit conditionnée à la reconnaissance des conditions d'homologation des véhicules. En effet, les autorités françaises ont recensé de nombreux cas de véhicules importés qui obtiennent une homologation dans d'autres États membres alors qu'elle aurait été rejetée en France. Une reconnaissance automatique comporterait des risques majeurs pour la sécurité des véhicules importés. Enfin, plusieurs États membres ont demandé un rallongement du délai de transposition de deux à trois années. Nous soutenons cette demande au regard de l'ampleur des mesures proposées et des déclinaisons opérationnelles à mettre en oeuvre. Pour votre parfaite information, je vous indique que le Conseil « Transports, télécommunications et énergie » devrait arrêter sa position sur cette proposition de révision lors de sa réunion du 4 décembre 2025. La commission des transports et du tourisme du Parlement européen, compétente au fond sur ces textes, vient de débuter ses travaux en vue d'une présentation de son rapport en janvier. Le Parlement ne prévoit pas d'adopter sa position avant le 18 mars 2026. Tel est l'objet de l'avis politique que nous vous présentons.
M. Jean-François Rapin, président. - Je vous remercie tous les deux pour ce sujet important, qui touche directement nos concitoyens.
Mme Pascale Gruny, rapporteur. - Il s'agit, en effet, d'un sujet qui nous touche tous à un moment ou à un autre. Ayant beaucoup travaillé sur la sécurité routière, j'estime que tout ce que nous pouvons mettre en place pour éviter des accidents, des blessés et des morts doit l'être. Le contrôle technique en est un élément important.
J'appelle également votre attention sur l'inspection des centres de contrôle qui est, bien sûr, mise en place pour lutter contre la fraude et qui a fait la preuve de son utilité.
M. Jacques Fernique, rapporteur. - Quelques remarques sur les enjeux importants de cette révision. Il y a, effectivement, l'obligation du contrôle technique annuel pour les véhicules anciens de plus de dix ans. Sur ce point, les positions convergent entre les États et la situation évolue dans le bon sens.
Sur la question de la pollution atmosphérique, si les contrôles techniques ont évolué depuis leur création en 1992, on ne peut que constater que les dispositifs de mesure en France sont vieillissants et inadaptés. Ils peuvent détecter ce que l'on appelle les « fumées noires », mais ne peuvent pas faire une mesure précise du dioxyde d'azote et des particules fines. Il faut savoir que, même avec la fin de la commercialisation des véhicules thermiques neufs à l'échéance de 2035, nous aurons encore pendant trente à quarante ans des véhicules thermiques en circulation via le marché de l'occasion. Il est donc important que la mesure de la pollution puisse entrer dans les protocoles des contrôles techniques de façon moderne et adaptée. Sur ce point, l'idée est de donner délégation à la Commission européenne pour travailler sur des protocoles fiables et praticables, en s'appuyant sur les pays européens qui sont les plus avancés dans ce domaine.
Enfin, la télédétection est une piste d'avenir que nous pouvons continuer à expérimenter. Le dispositif n'est pas encore mûr. S'y engager à marche forcée, comme le propose la Commission européenne, serait beaucoup trop coûteux et requerrait des moyens disproportionnés. Cela d'autant plus que la télédétection, là où il y a des expérimentations, ne permet de repérer que les cas extrêmes. Ce n'est pas un dispositif qui effectue un contrôle fin des véhicules.
La commission adopte à l'unanimité la proposition d'avis politique qui sera adressé à la Commission européenne et dont le texte est disponible en ligne sur le site du Sénat.
Elle approuve également à l'unanimité le rapport d'information et sa publication.
M. Jean-François Rapin, président. - Je vous remercie.
Pacte pour la Méditerranée - Communication
M. Jean-François Rapin, président. - Nous accueillons notre collègue Alain Joyandet, en tant que membre de l'Assemblée parlementaire de l'Union pour la Méditerranée (AP-UpM). Pascal Allizard et Gisèle Jourda vont nous présenter le pacte pour la Méditerranée, présenté par la Commission européenne le 16 octobre dernier. Il m'a paru important que vous deux puissiez rapidement nous faire part de vos observations sur ce pacte, dans la mesure où il revient à la France de présider la réunion « Méditerranée » de la prochaine réunion plénière de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC).
L'Union européenne ne peut évidemment pas ignorer la Méditerranée, la mare nostrum que nous avons en partage, même si nous savons que les États riverains de la Méditerranée ont leurs propres intérêts et leur propre stratégie d'influence. Il suffit à cet égard de considérer la différence d'approche, par exemple, entre la France et l'Italie vis-à-vis de l'Algérie. Cette stratégie européenne intéresse directement notre pays et mérite donc d'être décortiquée, d'autant plus que certaines critiques ont pu se faire jour concernant le traitement de certains aspects, notamment en termes de migration, un lien ayant pu être fait en ce domaine avec l'accès au programme Erasmus. Je cède donc la parole à nos collègues rapporteurs.
M. Pascal Allizard, rapporteur. - Le contexte géopolitique particulièrement fragmenté et incertain a mis en relief l'importance et l'actualité de la politique de voisinage de l'Union européenne. Le voisinage oriental a concentré beaucoup d'attention et d'inquiétude, particulièrement depuis le déclenchement de la guerre d'agression en Ukraine par la Russie. L'onde de choc du conflit au Proche-Orient, mais aussi, dans la période récente, nos relations compliquées avec l'Algérie et la persistance de l'épineuse question migratoire ne cessent pourtant de rappeler que la Méditerranée est aussi une mer européenne et que la politique de voisinage au sud est une ardente nécessité.
La présidente de la Commission européenne semble l'avoir compris et a inscrit la politique méditerranéenne de l'Union parmi ses - nombreuses - priorités. Dès le début de son second mandat, elle a créé un nouveau poste de commissaire européenne chargée de la Méditerranée, confié à Mme uica, Croate, ancienne maire de Dubrovnik, qui exerçait d'autres fonctions de commissaire dans le collège précédent. Dotée d'une nouvelle direction générale dirigée par un Italien, celle-ci a eu dès sa nomination pour mission de préparer, de concert avec la haute représentante Kaja Kallas, une nouvelle stratégie. Celle-ci a été présentée le 16 octobre dernier - c'est donc très récent - sous la forme d'une communication conjointe intitulée « Le pacte pour la Méditerranée. Une mer, un pacte, un avenir ». Ce pacte a fait l'objet de conclusions spécifiques adoptées par le Conseil « affaires étrangères » la semaine dernière, le 20 novembre. Il sera présenté ce vendredi 28 novembre à Barcelone aux pays partenaires méditerranéens de l'Union européenne, réunis au niveau ministériel dans le cadre d'un événement solennel commémorant le lancement, il y a trente ans déjà, du « processus de Barcelone », qui entendait fonder une nouvelle coopération régionale par la mise en oeuvre d'un partenariat euro-méditerranéen.
Sans refaire l'histoire des développements intervenus depuis 1995 de part et d'autre de la Méditerranée, il importe néanmoins de rappeler que ce ne fut pas, si j'ose dire, un long fleuve tranquille, tant ils ont fait naître d'espoirs, mais aussi de désillusions. Qui se souvient aujourd'hui de la déclaration de Barcelone de 1995 ? Elle entendait faire de la région un espace de paix, de prospérité partagée et d'échanges entre les sociétés. Les guerres, la tragédie humanitaire de Gaza, le durcissement de régimes autoritaires, la compétition entre puissances, de même que les tensions migratoires, ont accentué les divisions, l'instabilité et les tentations de repli ou de stratégie défensive de court terme. C'est un vrai contraste avec l'optimisme qui prévalait en 1995 ! La cohésion affichée alors entre pays du sud de l'Europe et la coopération proclamée avec les pays de l'autre rive se sont petit à petit érodées, fragmentées. Il fallait agir pour revitaliser l'idée euro-méditerranéenne à hauteur des enjeux stratégiques qui n'échappent désormais à personne, y compris au nord de l'Europe, ce qui est en soi un vrai progrès. Il fallait insuffler une dynamique positive, un nouveau souffle à une véritable politique européenne pour l'ensemble de la Méditerranée, qui ne peut se résumer à la gestion à court terme des flux migratoires ou des échanges commerciaux, ni à la juxtaposition de politiques et d'intérêts purement nationaux.
Tel est le sens profond du pacte pour la Méditerranée. Ce mot « pacte » peut interroger. Il ne s'agit aucunement d'un traité, ni même d'un accord qui viendrait se substituer aux accords d'association existants. Ceux-ci continuent à structurer juridiquement les relations entre l'Union européenne et ses États membres, d'une part, et les pays signataires, d'autre part. Rappelons que l'Union a conclu des accords d'association avec huit pays de la Méditerranée : l'Autorité palestinienne en 1997, la Tunisie en 1998, le Maroc et Israël en 2000, l'Algérie et la Jordanie en 2002, l'Égypte en 2004 et le Liban en 2006. Ces accords ont vocation à perdurer en parallèle du pacte pour la Méditerranée. Celui-ci crée en effet un cadre de dialogue politique régulier entre les signataires sous la forme d'un conseil d'association, censé, dans le meilleur des cas, se réunir une fois par an. Ces accords visent à favoriser la coopération économique, commerciale et financière, ainsi que l'intégration régionale, notamment en facilitant les échanges de marchandises et de services.
Trois de ces accords ont depuis lors été transformés en partenariats stratégiques avec l'ajout d'un important volet migratoire, en premier lieu avec la Tunisie, le 16 juillet 2023. La France est le premier investisseur en Tunisie, loin devant l'Allemagne et l'Italie. Réciproquement, la Tunisie est le premier investisseur africain en France, avec plus de 240 projets en 2024. Le partenariat stratégique avec l'Égypte a été signé le 17 mars 2024. Signalons que le tout premier sommet UE-Égypte a eu lieu le 22 octobre dernier. Dans le contexte de la guerre à Gaza, la coopération politique de la France, mais également des pays européens avec l'Égypte, s'est renforcée. C'est à Charm el-Cheikh que s'est tenu, le 13 octobre dernier, le sommet matérialisant le soutien de la communauté internationale à la mise en oeuvre de la première phase du plan Trump, instaurant un cessez-le-feu fragile mais encourageant à Gaza. Le Caire accueillera dans les prochaines semaines, avec l'appui de la France et de l'Union européenne, une conférence internationale sur la reconstruction de Gaza. L'économie égyptienne continue à souffrir des suites de la guerre d'agression russe en Ukraine. L'Union européenne lui apporte un soutien financier majeur : l'Égypte bénéficie en effet d'une assistance macrofinancière de 7,4 milliards d'euros, seconde plus importante AMF accordée par l'Union européenne à un pays tiers, le premier étant l'Ukraine. Le partenariat stratégique avec la Jordanie a été conclu le 25 janvier 2025. Celle-ci se distingue dans la région par sa stabilité politique. Le roi Abdallah II, qui règne depuis 1999, associe de plus en plus le prince héritier à la gestion des affaires du royaume.
Deux nouveaux accords de partenariat sont en cours de négociation avec le Maroc et le Liban. La réunion du premier Conseil d'association depuis huit ans avec le Liban est prévue à la fin de cette année ou au début de l'année prochaine. Elle marquera ainsi le soutien de l'Union au processus de reconstruction et de stabilisation en cours dans ce pays, qui fait l'objet d'un fort engagement de la France. Un Conseil d'association avec le Maroc, partenaire extrêmement important, est également prévu début 2026. Souhaitons que la Commission européenne puisse proposer rapidement des solutions constructives respectant à la fois la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne et les attentes légitimes de ce pays. La jurisprudence, c'est la décision du 4 octobre 2024 annulant les accords de 2019 entre l'Union européenne et le Maroc sur la pêche et les produits agricoles, dont les attendus ont choqué Rabat. Les attentes légitimes sont celles relatives au règlement politique de l'intégration du Sahara occidental, tout récemment conforté par la résolution 2797 du Conseil de sécurité des Nations unies en date du 31 octobre dernier.
N'étant ni un instrument juridiquement contraignant ni une simple déclaration unilatérale, qu'est-ce donc que ce pacte ? Il marque d'abord un profond changement de méthode - certains diraient de paradigme - dans la manière dont il a été élaboré. Il ne s'agit en effet ni d'un emballage de projets dormant dans les tiroirs ou sur les étagères, ni d'un acte unilatéral, inégal, par lequel une Europe aux prétentions hégémoniques dicterait en quelque sorte ses volontés ou accompagnerait, non sans paternalisme, ses partenaires du Sud.
Ce que signifie le mot « pacte », c'est un partenariat d'égal à égal, fruit d'un processus de consultation sans précédent et sans guère d'équivalent à ce jour dans la conduite de la politique extérieure de l'Union. Nous ne manquons pas de contre-exemples dans d'autres domaines ; il me semble donc important de souligner cette démarche d'écoute, de co-construction et de co-création qui a guidé la commissaire et la haute représentante. L'une et l'autre ont pris leur bâton de pèlerin pour faire le tour des capitales méditerranéennes, celles des États membres, afin de faire remonter les attentes, les souhaits, les projets, et de les regrouper. Les partenaires du Sud ne sont plus insérés dans une relation qu'ils percevaient comme déséquilibrée, l'objectif étant de mieux prendre en compte leurs intérêts pour dégager des priorités d'action vraiment communes.
Après avoir été approuvé par le Conseil « Affaires étrangères » la semaine dernière, ce pacte doit donc être endossé par les États partenaires du Voisinage Sud le 28 novembre à Barcelone. Cette approche partenariale regroupe, à l'issue du processus de consultation, pas moins de dix-sept initiatives qui seront déclinées en une centaine d'actions concrètes. C'est pourquoi elle débouchera, au premier trimestre 2026, sur un plan d'actions. Ce pacte se veut un cadre flexible qui permettra une participation variable des partenaires à la mise en oeuvre des différentes initiatives. Outre les dix partenaires de la Méditerranée, les organisations internationales - en particulier l'Union pour la Méditerranée - et des organisations de la société civile comme la Fondation Anna Lindh sont étroitement associées.
Un élément très important doit être souligné : ce pacte regroupe, pour les valoriser, des actions jusqu'à présent éparpillées dans plusieurs secteurs, mais à budget constant. Le principal instrument mobilisé dans le présent cadre financier pluriannuel 2021-2027, dont il reste deux ans à courir, est l'instrument européen pour le voisinage, le développement et la coopération internationale, qui est le principal pilier du budget de l'action extérieure de l'Union européenne.
Venons-en à son contenu concret. Ce pacte propose un cadre de coopération structuré en trois piliers. Le premier pilier : l'humain d'abord. Le deuxième pilier : l'économie et l'environnement. Le troisième pilier : la sécurité. Dans le premier pilier du pacte, intitulé « Les personnes, moteurs du changement, des liens et de l'innovation », la Commission européenne souligne le déclin démographique à l'oeuvre au sein de l'Union ainsi que les pressions démographiques et économiques dans les pays du Sud, mettant en avant l'opportunité, avec ce pacte, d'investir dans l'éducation, les compétences et les mobilités de manière à renforcer la coopération entre l'Union européenne et la rive Sud de la Méditerranée.
Le pacte promet ainsi des initiatives dans le domaine de l'enseignement supérieur, de la formation professionnelle, de l'emploi, de la culture, du tourisme et du sport, en mettant fortement l'accent sur la jeunesse. Parmi les initiatives proposées figure la création d'une université méditerranéenne, non pas à travers un nouvel établissement en dur, mais plutôt par la certification de formations et de diplômes conjoints dans des établissements préexistants de part et d'autre de la Méditerranée. Parmi les initiatives de ce premier pilier peuvent également être citées la mise en place d'un mécanisme pour protéger et promouvoir le patrimoine culturel méditerranéen, mais aussi la création d'une assemblée parlementaire des jeunes pour la Méditerranée et le développement d'un service civique méditerranéen à travers une plateforme digitale.
Mme Gisèle Jourda, rapporteure. - Le deuxième pilier du pacte, son volet économique, est intitulé « Des économies plus fortes, durables et intégrées ». Huit domaines sont concernés.
Le premier est celui du commerce et de l'investissement. Outre le renforcement des accords commerciaux en vigueur, déjà évoqués, par l'identification de secteurs d'intérêts mutuels, il s'agit d'attirer davantage les investisseurs dans les pays du Sud, de part et d'autre de la Méditerranée, et dans les deux sens, grâce à la mobilisation du gisement potentiellement considérable d'investissements croisés.
Le deuxième domaine concerne l'écosystème des start-ups. La Commission propose notamment l'initiative « StartUp4Med », pour libérer le potentiel de croissance des micro, petites et moyennes entreprises, qui représentent 90 % du nombre total d'entreprises dans les pays du sud de la Méditerranée et se heurtent à de nombreux obstacles dans leur développement. Il s'agirait de mettre en place un mécanisme régional de soutien aux start-ups pour améliorer leur accès au financement.
Le troisième est relatif aux infrastructures numériques et à la cybersécurité. La Commission européenne propose une offre commerciale technologique pour des économies numériques intégrées, reposant en particulier sur le développement d'une infrastructure numérique de confiance, passant par des câbles sous-marins, mais aussi par les réseaux 5G, par exemple. Il s'agit également de faciliter l'émergence d'écosystèmes liés à l'intelligence artificielle.
Le quatrième domaine concerne les énergies renouvelables et les énergies propres. Les dix pays de la Méditerranée ont toutes les caractéristiques nécessaires pour produire de l'énergie propre, mais ils doivent être soutenus dans leur transition. Tel est l'objet de l'initiative transméditerranéenne sur les énergies renouvelables et les technologies propres (T-MED), visant à accélérer cette transition carbone de la région et à permettre notamment l'exportation d'énergie propre vers l'Union européenne.
Le cinquième est celui des initiatives pour une Méditerranée durable et résiliente. Sont proposées des mesures visant à soutenir la coopération régionale dans le domaine de l'environnement et du climat, afin de favoriser une transition propre.
Le sixième concerne l'économie bleue et durable. L'initiative « Une Méditerranée bleue, saine et prospère » s'inscrit en complément du pacte européen pour l'océan et de la stratégie de résilience hydrique de l'Union européenne.
Le septième est relatif au transport durable et à la connectivité, avec l'initiative pour des transports durables. Il vise à renforcer le commerce et à accélérer la décarbonation des activités économiques, de façon à étendre le réseau transeuropéen de transport (TEN-T) aux pays de la Méditerranée et à établir des liens avec le corridor dit IMEC (Inde - Moyen-Orient - Europe).
Le huitième et dernier domaine de ce pilier concerne le partage du savoir. Le pacte vise aussi à améliorer le recueil et l'échange de données statistiques, de nombreux pays du Sud souffrant de l'absence de statistiques fiables.
Le troisième pilier du pacte, intitulé « Sécurité, réponse aux crises et gestion des migrations », rappelle les enjeux de sécurité communs auxquels est confronté l'espace euroméditerranéen, et ceux-ci sont nombreux : risques naturels, migration illégale, gestion des frontières, instabilité politique.
Pour relever ces défis, des initiatives sont proposées dans quatre domaines. Le premier a trait à la paix et à la sécurité. Le pacte propose une initiative UE-Méditerranée pour la paix et la sécurité, qui passe notamment par la création d'un forum régional sur la paix et la sécurité.
Le deuxième axe vise à renforcer la capacité régionale de réponse aux crises. Dans une région qui se réchauffe 20 % plus vite que la moyenne mondiale, l'initiative « Préparation aux catastrophes en Méditerranée » vise à renforcer les capacités de réaction dans l'ensemble de l'espace méditerranéen. Une plateforme européenne de lutte contre les incendies, basée à Larnaca, au centre de commandement que M. Allizard avait visité l'an dernier, comporterait une académie de sapeurs-pompiers pour renforcer la formation et la préparation à la lutte contre les feux de forêt endémiques ainsi que la prévention.
Venons-en au troisième axe, qui est l'un des points les plus délicats puisqu'il concerne la gestion des migrations. Le pacte rappelle la responsabilité partagée de la gestion des migrations dans le respect du pacte sur la migration et l'asile. Il propose de soutenir cette approche commune, mais également les coopérations bilatérales, notamment en matière de prévention de la migration illégale.
Le quatrième et dernier domaine concerne la coopération judiciaire et policière, particulièrement en matière de sécurité aux frontières. Le pacte mêle à cette approche le développement des partenariats pour les talents, afin de faciliter les liens entre les employeurs de l'Union européenne et les demandeurs d'emploi des pays partenaires.
Le pacte dispose d'un volet humain et sécuritaire important. Cela peut poser question quant à son application effective et concrète. Il faudra examiner précisément sa déclinaison dans le plan d'action annoncé, en particulier son articulation avec le pacte sur la migration et l'asile.
La dimension externe de la politique migratoire de l'Union européenne est en effet devenue une priorité politique, dans un contexte d'instabilité politique dans les principaux pays d'origine et de transit, et alors que la mise en oeuvre du pacte sur la migration et l'asile n'est pas encore effective, comme nous l'ont rappelé la semaine dernière nos collègues Ronald Le Gleut et Audrey Linkenheld, rapporteurs sur la refonte de la directive « retour ». Un sujet de préoccupation particulier tient à l'extension proposée du programme Erasmus+. Certains de nos interlocuteurs ont relativisé cette extension en termes quantitatifs, arguant que les pays concernés sont déjà éligibles et participent déjà au programme en tant que pays tiers non associés. Il nous a été assuré que la situation actuelle, qui n'intègre pleinement que six pays à ce programme, perdurera sans changement. Pour mémoire, ces pays sont la Turquie, la Macédoine du Nord, la Serbie, l'Islande, la Norvège et le Liechtenstein. Il s'agirait en fait de positionner les échanges universitaires euro-méditerranéens - surtout, d'ailleurs, de doctorants, d'enseignants et de chercheurs - sur la carte de la « bataille mondiale pour l'éducation », selon les mots de Nadia Hai, ancienne ministre et ambassadrice déléguée pour la Méditerranée, lors de son audition. À ce stade, nous aurions besoin de faire la lumière sur le contenu réel, la portée et l'impact de cette mesure. Nous avons entendu des chiffres et des explications contradictoires. Pour tenter de clarifier cette situation, nous pourrions, Monsieur le Président, demander des précisions au Gouvernement.
Une autre interrogation porte sur la dynamique géographique du pacte. Bien qu'il se concentre sur le sud de la Méditerranée, le pacte pourrait, en effet, au fil du temps, étendre son champ d'application vers les pays du Golfe, de l'Afrique subsaharienne, des Balkans occidentaux ou de la Turquie. Cette dernière a insisté pour ne pas être considérée comme l'un des dix pays partenaires du Sud, tenant à son statut à part de pays candidat. L'extension géographique du pacte ne semble cependant pas d'actualité pour le moment. Une autre interrogation sérieuse porte sur le risque de doublons et d'empilement des structures. La Commission européenne répond que ce pacte propose un cadre de coopération concrète visant à rendre visibles les actions déjà menées et s'appuyant sur les instruments de politique et les structures existantes. La France et l'Espagne, en particulier, suivies par le Conseil, tiennent à défendre et à promouvoir dans la mise en oeuvre du pacte l'Union pour la Méditerranée, créée en 2008 à l'initiative de la France dans le prolongement direct du processus de Barcelone, qui comprend les vingt-sept États membres de l'Union européenne et seize pays méditerranéens. Notre collègue Alain Joyandet, que je salue, y représente le Sénat.
Un autre point d'attention tient à la gouvernance du pacte. Au niveau de l'Union européenne, la Commission prévoit d'assurer, avec le Service européen pour l'action extérieure, la coordination et le suivi technique de la mise en oeuvre du pacte, qui fera l'objet d'un point semestriel au sein du Conseil « Affaires étrangères », sur la base d'un rapport fourni par la Commission et la haute représentante en amont de la réunion ministérielle annuelle « Voisinage Sud ». Il est important que la direction politique du pacte reste dans les mains des États membres, c'est-à-dire du Conseil, et non de la seule Commission européenne, qui tend à étendre sans cesse ses prérogatives en matière d'action extérieure.
Enfin, comme nous l'avons déjà souligné, le financement du pacte ne bénéficie d'aucune enveloppe nouvelle qui lui serait dédiée. On peut s'interroger sur son articulation avec la stratégie Global Gateway, pour laquelle la présidente de la Commission européenne annonce des chiffres faramineux - plus de 300 milliards d'euros - sans que le partage entre les investissements publics et l'effet de levier des bailleurs et investisseurs privés soit toujours lisible. On peut également s'interroger, à titre plus prospectif, sur son articulation avec le futur instrument Global Europe. Lisibilité, obligation de rendre des comptes, clarté et rapport régulier sont donc ici plus que jamais essentiels.
Cela me paraît d'autant plus important que sont à l'oeuvre dans la région des jeux d'acteurs puissants et bien connus, de la Chine, de la Russie et de la Turquie notamment. Vu le caractère central de la politique de voisinage Sud, l'Union européenne s'est engagée avec ce pacte dans une phase de relance de cette politique. Puisse-t-elle se positionner comme un partenaire solide et fiable pour incarner, sans naïveté mais avec détermination, la défense de nos intérêts communs en Méditerranée. Elle offrirait ainsi un contre-modèle aux logiques unilatérales, aux guerres commerciales, au mépris du multilatéralisme, au climato-scepticisme ou aux projections irréalistes, si elle arrive à incarner la Méditerranée. Une telle politique faite de respect du droit international, de solidarité, de coopération, si elle est menée dans son voisinage immédiat, gagnera en crédibilité, en puissance et en rayonnement ailleurs.
M. Alain Joyandet. - Je vous remercie pour cette invitation, Monsieur le Président. En tant que représentant du Sénat à l'Assemblée parlementaire de l'Union pour la Méditerranée (Ap-UpM), je m'interroge sur l'articulation de ce pacte avec l'UpM. Je me rendrai au Caire, dans quelques jours, pour le forum et le sommet des présidents de l'AP-UpM.
M. Pascal Allizard, rapporteur. - Nous sommes peut-être, avec Gisèle Jourda, passés un peu vite sur cette articulation avec l'Union pour la Méditerranée concernant ce projet de pacte qui, pour le moment, n'a pas encore été soumis à l'UpM. Le pacte sera présenté officiellement lors de la réunion ministérielle de l'UpM le vendredi 28 novembre, et non, je le regrette, devant l'Assemblée parlementaire de l'UpM.
La France, soutenue notamment par l'Espagne, insiste pour que l'UpM ait un rôle central dans la mise en oeuvre de ce pacte.
M. Jean-François Rapin, président. - Monsieur Joyandet, il m'intéresserait d'avoir un retour de votre réunion de l'Assemblée parlementaire de l'UpM, en vue de la réunion « Méditerranée » que je vais moi-même présider, avec mon homologue de l'Assemblée nationale, lors de la prochaine réunion plénière de la COSAC plénière, qui aura lieu les lundi 2 et mardi 3 décembre à Copenhague. S'agissant de la communication des rapporteurs sur le pacte, puis-je considérer que vous approuvez, mes chers collègues, le principe de la publication de la note d'actualité ?
Il en est ainsi décidé. Je vous remercie.
Je vous rappelle que nous aurons demain matin à 8 h 45 une réunion du Bureau de notre commission. Nous entendrons ensuite, à 9h30, le chef du service de vigilance et protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum) au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. L'audition portera en particulier sur le bouclier européen pour la démocratie, présenté par la Commission européenne le 12 novembre dernier.
La réunion est close à 14h40
jeudi 27 novembre 2025
Bouclier européen pour la démocratie - Audition de M. Marc-Antoine Brillant, chef du Service de vigilance et protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum) au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale
Le compte rendu sera publié ultérieurement.