Mardi 2 décembre 2025

- Présidence de M. Laurent Lafon, président -

La réunion est ouverte à 16 h 00.

Proposition de loi visant à intégrer les accompagnants des élèves en situation de handicap dans la fonction publique et à garantir une meilleure inclusion des élèves en situation de handicap et à besoins éducatifs particuliers - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne Mme Marie-Pierre MONIER rapporteur sur la proposition de loi n° 872 (2024-2025) visant à intégrer les accompagnants des élèves en situation de handicap dans la fonction publique et à garantir une meilleure inclusion des élèves en situation de handicap et à besoins éducatifs particuliers, présentée Mmes Marie-Pierre MONIER, Colombe BROSSEL et plusieurs de leurs collègues.

Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits « Enseignement supérieur » - Examen du rapport pour avis

M. Laurent Lafon, président. - Mes chers collègues, nous poursuivons nos travaux par l'examen du rapport pour avis de M. Stéphane Piednoir consacrés à l'enseignement supérieur.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à l'enseignement supérieur. - Avec une très légère augmentation de 0,7 % par rapport à l'année dernière, l'enseignement supérieur fait partie des budgets relativement préservés dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2026. 18,8 milliards d'euros lui sont alloués, répartis entre le programme 150 dédié aux formations supérieures et à la recherche universitaire, et le programme 231 relatif à la vie étudiante.

Dans le cadre de l'effort de redressement des finances publiques, cette préservation se fait cependant au prix de plusieurs renoncements à des évolutions programmées, parfois de longue date, notamment en ce qui concerne la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 (LPR) ou la réforme des bourses étudiantes.

D'une manière générale, ce budget constitue un budget d'attente, qui s'inscrit dans la ligne des arbitrages budgétaires rendus l'an passé, et qui appelle notre vigilance sur plusieurs points.

Sur le programme 150 tout d'abord, qui porte, avec 15,5 milliards d'euros, l'essentiel des crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche, trois points doivent retenir notre attention.

En premier lieu, les crédits prévus au titre de la sixième marche de la LPR, soit 87 millions d'euros, sont inférieurs de 20 millions d'euros à l'annuité programmée. Pour la deuxième année consécutive, la trajectoire prévue par la LPR n'est donc pas respectée. Au total, 55 millions d'euros de crédits manqueront entre 2025 et 2026, conduisant à la remise en cause de la création de 440 contrats doctoraux, ainsi qu'à l'annulation de plusieurs mesures de revalorisation de la rémunération des différentes catégories de personnels de l'enseignement supérieur.

Cette sous-exécution de la LPR est aggravée par le fait que cette enveloppe de crédits intègre, de manière à mon avis discutable, 44,5 millions d'euros de moyens nouveaux destinés au déploiement des nouveaux contrats d'objectifs, de moyens et de performance (Comp), ou Comp à 100 %.

Au total, les crédits de la LPR se limiteront au financement de mesures statutaires en faveur des personnels non enseignants et des jeunes chercheurs, notamment via la création de chaires de professeur junior et la revalorisation des contrats doctoraux. Cette situation pose la question de la pertinence des lois de programmation en matière d'enseignement supérieur.

Le programme 150 est marqué, en deuxième lieu, par une nouvelle mise à contribution des établissements, selon l'habitude désormais bien ancrée de ne pas compenser entièrement les mesures salariales ou sociales décidées par l'État.

Les établissements devront ainsi absorber une hausse de 200 millions de leur contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », dont 80,9 millions d'euros seulement sont financés par le programme. S'y ajouteront 60 millions d'euros de dépenses nouvelles au titre de la protection sociale complémentaire (PSC), que les établissements devront mettre en oeuvre entre le 1er mai et le mois de décembre. Au total, ce sont ainsi 180 millions d'euros qui seront mis à la charge des établissements, et qui ne pourront être absorbés qu'au prix d'un recul de leur investissement ou d'un ajustement de leur offre de formation.

Ces dépenses sociales nouvelles viendront s'ajouter aux dépenses salariales non compensées au cours des dernières années, notamment les mesures dites Guerini, qui ont créé un reste à charge pérenne de 145 millions d'euros annuels.

Tandis que le ministère continue de justifier ces transferts non compensés par les marges de manoeuvre confortables dont disposeraient les établissements, pointant les 5,6 milliards d'euros de trésorerie agrégée des opérateurs du programme, notre commission a récemment démontré qu'il n'en était rien. Les travaux de nos collègues Laurence Garnier et Pierre-Antoine Levi sur la stratégie universitaire de l'État ont en effet souligné que la situation financière des établissements, conjuguée au manque de fiabilité de leur suivi comptable et à la dégradation de leur relation avec l'État, devait conduire à la suspension des mesures de mobilisation de leur trésorerie.

J'ajouterai, quant à moi, que, quand bien même le chiffre de 1 milliard d'euros de trésorerie immédiatement mobilisable avancé par le ministre serait exact et pertinent, ce qui n'est pas démontré, il ne représenterait que 7 à 8 millions d'euros par opérateur.

Je vous proposerai donc, conformément aux préconisations que nous avons adoptées dans notre rapport du 22 octobre dernier, un amendement de crédits visant à réduire de moitié le montant restant à la charge des établissements au titre du CAS « Pensions », soit 60 millions d'euros.

En troisième lieu, l'année 2026 sera marquée par la première mise en oeuvre des Comp à 100 % dans les dix établissements préfigurateurs des régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Nouvelle-Aquitaine, avant leur généralisation dans le courant de l'année.

Ces instruments pourraient constituer un outil intéressant en vue de la refondation du modèle d'allocation des moyens aux établissements, dont notre récent rapport a pointé les insuffisances. Malgré les demandes de précision adressées au ministère, les contours de ces contrats demeurent cependant très flous, l'objectif affiché oscillant entre une contractualisation « au premier euro » et une prise en compte de l'entièreté de la « stratégie » des établissements. Il semble en tout état de cause acquis qu'ils ne conduiront pas dans l'immédiat à une remise à plat des modalités de détermination de la subvention pour charges de service public (SCSP) des établissements.

Un point positif réside cependant dans le fait que le ministère semble s'être saisi des critiques formulées par le Sénat comme par la Cour des comptes sur le format actuel des Comp, marqué par un nombre insoutenable d'indicateurs. La direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (Dgesip) m'indique avoir lancé un travail visant à rationaliser leur nombre, avec une cible d'une dizaine d'indicateurs partagés.

J'en terminerai, sur le programme 150, en soulignant que la dégradation de nos finances publiques, conjuguée à celle de la situation financière de la plupart des universités, appellera la mobilisation de ressources nouvelles à court ou moyen terme.

La commission des finances a ainsi adopté un amendement inscrivant dans la loi de finances le principe de la progressivité des droits d'inscription, qui devrait, selon elle, permettre de dégager à terme 500 millions d'euros de ressources nouvelles pour les universités. Il est assorti d'un second amendement tendant à réduire en conséquence le soutien budgétaire de l'État aux établissements, à hauteur de 75 millions d'euros pour 2026.

Si je ne suis pas opposé, sur le principe, à l'augmentation des droits d'inscription universitaires selon le principe de la progressivité, cette proposition me paraît prématurée. Notre commission, au travers du rapport d'information de Laurence Garnier et de Pierre-Antoine Levi, a estimé qu'une telle évolution requerrait la réunion de plusieurs paramètres, parmi lesquels la réforme des bourses et le maintien du soutien budgétaire de l'État. La proposition de la commission des finances ne suit aucunement cette logique et, pour ma part, je ne la soutiendrai pas en l'état.

J'estime par ailleurs que les établissements disposent en attendant d'autres marges de manoeuvre pour augmenter leurs ressources tirées des droits d'inscription, à commencer par l'application de la majoration des droits pour les étudiants extracommunautaires, alors que 92 % d'entre eux en sont aujourd'hui exonérés, de manière totale ou partielle, sur décision des établissements. Lorsque l'on offre aux universités un levier pour obtenir des ressources nouvelles, il convient que celles-ci les utilisent.

J'en viens à présent aux crédits du programme 231 relatif à la vie étudiante, doté de 3,2 milliards d'euros, en baisse de 26 millions par rapport à l'année dernière.

Cette baisse résulte principalement du statu quo sur les bourses sur critères sociaux.

On observe, depuis plusieurs années, une tendance à la diminution du nombre de boursiers, sous l'effet de la progression des formations privées et en apprentissage, qui ne sont pas éligibles aux bourses, mais surtout de l'absence d'indexation des barèmes sur l'inflation. Chaque année, la hausse des salaires nominaux conduit ainsi à la sortie de nombreux étudiants du système. Une première réforme engagée en 2023 par Sylvie Retailleau avait permis d'améliorer la situation, en étendant le bénéfice des bourses à 13 000 étudiants supplémentaires et en augmentant sensiblement leur montant.

Une seconde phase de la réforme, annoncée pour la rentrée 2025, devait permettre d'indexer enfin ces prestations sur l'inflation et de corriger les effets de seuil du système actuel par une linéarisation des échelons, pour un coût total estimé par le ministère entre 350 et 400 millions d'euros. Du fait de la situation budgétaire et politique, cette seconde phase a été reportée sine die, en conséquence de quoi le nombre de boursiers est revenu en 2024-2025 à son niveau d'avant la réforme de 2023.

Les crédits destinés aux aides indirectes aux étudiants, c'est-à-dire principalement à la restauration et au logement, sont en revanche en légère hausse, du fait de l'augmentation de 14 millions d'euros de la subvention versée au Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous).

Cette hausse vise principalement à couvrir la progression rapide de son activité de restauration, soumise à une forte tension depuis les mesures de modération tarifaire mises en place lors de la crise sanitaire. La présidente du Cnous estime que, alors que le coût réel d'un repas est estimé à 8 euros, que le plafond d'emploi du réseau n'évolue pas, et qu'il rencontre par ailleurs des difficultés de recrutement, l'augmentation du nombre de repas à un euro conduit à une « fragilisation déraisonnable » de son activité de restauration.

Il faut, par ailleurs, observer que les mesures d'économies opérées sur les aides directes, c'est-à-dire les bourses ou les aides personnalisées au logement (APL), tendent à augmenter le recours aux aides indirectes, selon un effet report principalement supporté par le réseau des oeuvres. Dans ce contexte, l'augmentation de sa dotation budgétaire ne peut être que saluée ; le Cnous demeure cependant contraint de réfléchir à des mesures d'économies, de resserrement de son activité et de péréquation entre ses structures.

J'en termine, sur les aides indirectes, avec la loi du 13 avril 2023, dite loi Levi, dont la montée en charge est poursuivie et dont l'enveloppe budgétaire est préservée à la hauteur des besoins constatés sur le terrain. Ainsi, 211 conventions de partenariat avec des structures de restauration collective sont à présent en vigueur, et 35 millions d'euros sont prévus pour 2026.

Enfin, dans la perspective de l'examen à venir par le Parlement du projet de loi relatif à la régulation de l'enseignement supérieur privé, je me suis penché sur les conditions de l'octroi de financements publics aux formations supérieures privées, notamment via les crédits de l'apprentissage.

Alors que les formations privées accueillent désormais plus du quart des étudiants, je constate que le système actuel est marqué par une surrégulation des établissements privés de qualité, qui s'oppose à l'absence globale de contrôle dont bénéficient les structures que nous pourrions qualifier d'« officines commerciales ».

Les établissements d'enseignement supérieur privés d'intérêt général (Eespig) et, plus généralement, les établissements privés de qualité sont en effet soumis à de fortes contraintes pour des contreparties de plus en plus limitées. En témoigne la baisse de la dotation par étudiant allouée aux Eespig, qui a diminué de 28 % lors de la dernière décennie.

Face à la concurrence débridée du secteur privé lucratif, certaines écoles rencontrent par ailleurs des difficultés nouvelles de recrutement. Dans ce contexte, certains établissements envisagent de quitter le statut d'Eespig ou l'univers régulé de la délivrance de titres et de diplômes nationaux pour bénéficier de la même souplesse que leurs concurrents. Cette évolution ne peut que nous inquiéter au regard non seulement des perspectives ouvertes aux étudiants, mais aussi de la nécessité pour notre pays de conserver une offre de formation technique afin de relever le défi de la souveraineté de notre industrie, qui en a bien besoin.

À rebours de ces inquiétudes nouvelles, ces dernières années ont vu un développement rapide - que personne n'avait anticipé - de formations privées à but très lucratif, dont le modèle de formation repose sur la délivrance de certifications professionnelles plutôt que de diplômes nationaux, et le modèle économique sur la captation des financements publics de l'apprentissage. Depuis la réforme de 2018, le nombre d'apprentis dans l'enseignement supérieur a parallèlement connu une croissance spectaculaire de 253 %, principalement portée par les écoles de commerce et les autres formations privées. Cette évolution a donné lieu à 6,5 milliards d'euros de dépenses publiques, entre 2020 et 2023, au titre de la prise en charge des contrats d'apprentissage par l'État.

Les fonds publics de l'apprentissage sont ainsi dévoyés au profit d'établissements à l'environnement pédagogique très insuffisant, associant un faible taux d'enseignants permanents à une proportion importante de cours à distance, et aux pratiques commerciales trompeuses.

Face à cette situation, les mesures mises en oeuvre, très timides, sont centrées sur la lutte contre la fraude et sur un objectif global d'économies, plutôt que sur la promotion de la qualité pédagogique des organismes bénéficiaires.

Il me semble au contraire que, pour véritablement réguler les dépenses de l'apprentissage tout en protégeant les étudiants, le levier le plus efficace consisterait à flécher les financements associés vers les établissements dont la qualité aura pu être reconnue.

Cette ambition suppose une évolution du système d'évaluation des établissements du supérieur, qui doit être étendu à tous les établissements bénéficiant de financements publics.

Alors que l'existence du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres) est menacée par plusieurs amendements déposés sur le projet de loi de simplification de la vie économique- l'examen en commission mixte paritaire ne cesse d'être repoussé et devrait a priori avoir lieu en janvier prochain -, il me semble au contraire que cette instance doit occuper une place centrale dans le dispositif. Son statut d'autorité publique indépendante ainsi que son savoir-faire en font en effet l'acteur le plus légitime.

J'ai par ailleurs pu constater que sa nouvelle présidente a engagé un grand chantier de simplification des modalités de contrôle et d'évaluation, qui est largement salué par les acteurs. L'objectif en est notamment de limiter la durée de l'évaluation à un an, de faire passer sa périodicité de cinq à six ans, et de rationaliser les critères utilisés. L'institution travaille par ailleurs à développer son acculturation aux spécificités des établissements privés, par un travail en commun avec la commission d'évaluation des formations et diplômes de gestion (CEFDG), et qui devra également associer la commission des titres d'ingénieur (CTI).

Dans le contexte du nécessaire redressement de nos comptes publics, et en gardant ces quelques points de vigilance à l'esprit, je vous propose de donner un avis favorable à ce budget d'attente, corrigé à la marge par la limitation du montant restant à la charge des établissements au titre du CAS « Pensions », selon l'amendement que je vous propose d'adopter.

M. Yan Chantrel. - Je vous remercie pour la qualité de votre rapport, qui est très complet. Le budget que vous nous avez présenté aujourd'hui affiche, en apparence, une hausse très modeste de 175 millions d'euros, soit une évolution de 0,64 %. En réalité, cette hausse ne compense pas l'inflation attendue, de 1,3 % pour 2026. En euros constants, le budget décroît.

Les finances des universités restent largement grevées par les surcoûts liés à la hausse des prix de l'énergie ; par la non-compensation intégrale par l'État des mesures dites Guerini, dont le reste à charge est évalué à 150 millions d'euros pour 2026 ; par les nouvelles obligations réglementaires concernant la PSC, dont le coût est estimé à 62 millions d'euros ; et par le relèvement de 4 points du CAS « Pensions », qui n'est compensé qu'à hauteur de 81 millions d'euros, sur un coût total de 200 millions d'euros.

L'État décideur refuse d'être payeur : nous déposerons des amendements afin de compenser ces coûts, qui font peser sur nos universités un poids démesuré. Les conséquences sur leurs capacités d'accueil - près de 30 000 places ont été supprimées en master et en licence à la rentrée 2025 - et sur les conditions de cet accueil sont lourdes.

Le programme 231 relatif à la vie étudiante enregistre également une baisse de 3,22 millions d'euros, mais la baisse la plus significative concerne les bourses sur critères sociaux, justifiée par le ministère au titre d'une baisse du nombre de boursiers en lien avec l'apprentissage. Cet argument est particulièrement inaudible alors que la précarité des étudiants augmente. Par ailleurs, les besoins en aide alimentaire se multiplient pour répondre à l'urgence sociale qu'entraîne, d'une part, la non-indexation des bourses sur l'inflation et, d'autre part, l'effet de seuil du système actuel d'éligibilité aux bourses.

Ainsi, le nombre de boursiers diminue annuellement, tandis que la précarité augmente. J'y vois la démonstration de l'inadéquation du système aux besoins de la jeunesse. Il est plus que jamais urgent de mettre en place cette réforme structurelle des bourses, qui nous est promise depuis deux ans.

Considérant votre intervention, monsieur le rapporteur, je suis étonné de votre avis favorable sur les crédits de l'enseignement supérieur. En 2026, la somme globale consacrée à chaque étudiant est de 13 060 euros par an, soit 1 000 euros de moins qu'il y a dix ans ; signe que l'État n'a pas accompagné l'augmentation massive des effectifs étudiants, soumettant ainsi l'université à une pression qui continue d'augmenter.

Vous l'avez dit, l'enseignement privé lucratif connaît un essor considérable, exploitant le désespoir des jeunes à coups de frais de scolarité exorbitants, alors même qu'ils délivrent des diplômes en carton, si je puis dire, sans valeur sur le marché du travail. Ces établissements, qu'il faut à tout prix réguler, font même une concurrence déloyale à l'enseignement privé de qualité, notamment aux Eespig.

Nous proposerons prochainement une proposition de loi sur ce sujet, qui vous tient également à coeur, monsieur le rapporteur.

Pour toutes ces raisons, nous donnerons un avis défavorable à ces crédits sur l'enseignement supérieur.

M. Pierre Ouzoulias. - Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour la franchise de vos propos et pour les constats que malheureusement nous partageons, notamment s'agissant de la fin de la LPR. Nous avons consacré beaucoup de temps à cette loi de programmation qui n'a finalement que fort peu contraint le budget de l'État, ce qui pose problème pour un éventuel renouvellement d'un exercice de ce type.

Plus profondément, je m'interroge : pourquoi tant de lois de programmation sont-elles appliquées, mais pas celle qui concerne la recherche et l'enseignement supérieur ? Force est de constater qu'une loi de ce type ne suffit pas en l'absence de prise de conscience politique de l'intérêt de faire progresser son budget au sein d'une loi-cadre.

Nous devrions nous interroger sur ce point, alors que tous nos voisins - je pense notamment au Royaume-Uni et à l'Allemagne -, qui se trouvent parfois dans des situations budgétaires plus complexes que la nôtre, considèrent que la seule façon de sortir de la crise que nous traversons consiste à engager des moyens considérables pour la recherche. Nous faisons l'inverse.

Vous avez évoqué un budget d'attente, mais j'estime qu'il s'agit plutôt d'un budget d'accompagnement du déclin, voire d'un budget de soins palliatifs : nous sommes en train de mettre sous perfusion des universités dont toutes nous disent que leur budget sera totalement déficitaire dans très peu de temps, les contraignant à passer sous la tutelle du recteur. En clair, cela signifie la fin de l'autonomie des universités.

L'élément le plus triste de votre rapport réside dans la perte de 440 contrats doctoraux, ce qui est d'une extrême gravité. La France est en effet le seul pays de l'OCDE à perdre entre 5 % et 10 % de docteurs chaque année, et ce budget s'inscrit dans la même tendance, alors que nous avons besoin d'eux dans des domaines tels que l'intelligence artificielle (IA). De surcroît, nous sommes complètement dépendants des doctorants étrangers : si ceux-ci ne viennent plus étudier en France, la moitié des formations risque de fermer.

Enfin, concernant les tarifs différenciés, il me paraît politiquement impossible de faire accepter une hausse des droits d'inscription si l'État consacre par ailleurs des sommes folles à des établissements privés lucratifs, sans aucun contrôle.

Nous voterons bien évidemment contre ce budget.

Mme Laurence Garnier. - Deux tiers des universités se trouvent dans une situation financière difficile, notamment en raison de la non-compensation de mesures décidées unilatéralement par l'État, telles que les mesures Guerini ou la hausse de la contribution au CAS « Pensions », qui devra être absorbée par les établissements à hauteur de 200 millions d'euros dans ce budget. Vous avez, monsieur le rapporteur, déposé un amendement visant à compenser partiellement cette dernière mesure, tandis que le rapport d'information rédigé par Pierre-Antoine Levi et moi-même préconisait une compensation complète.

Pour autant, vous avez rappelé les contraintes pesant sur nos finances publiques et nous considérons donc que l'amendement représente un premier pas qui a le mérite d'envoyer un signal à nos universités, qui se retrouvent dans une position difficile de manière récurrente, à la suite de ces décisions de l'État.

Vous avez rappelé, en outre, que Bercy lorgne la trésorerie de nos universités. Or si celle-ci peut paraître imposante facialement - 5,5 milliards d'euros -, elle comporte, comme nous l'ont rappelé de nombreux présidents d'université, une grande part de trésorerie « fléchée », c'est-à-dire d'ores et déjà destinée à financer des appels à projets pluriannuels.

Sur un autre point, vous avez évoqué les Comp, qui ont vocation à devenir des contrats d'objectifs et de moyens (COM) à part entière, mais dont les contours restent très flous. Il est en tout cas certain que la SCSP telle qu'elle existe actuellement est pour le moins illisible et suscite de nombreuses incompréhensions de la part des présidents d'université.

J'en viens aux potentielles recettes supplémentaires et donc aux droits d'inscription, en rappelant que l'écrasante majorité des étudiants extracommunautaires est exonérée, totalement ou partiellement, de la majoration desdits frais. Cela mérite débat : je rappelle qu'un étudiant français qui s'inscrit en licence doit s'acquitter de 178 euros, là où les frais devraient s'élever à 2 770 euros pour un étudiant extracommunautaire.

Si ne suis pas opposée à ce que les étudiants extracommunautaires aient à payer des droits d'inscription plus élevés, n'oublions pas que nombre d'entre eux arrivent en France avec peu de ressources : plus de la moitié des étudiants étrangers accueillis dans nos universités viennent du Moyen-Orient, du Maghreb ou d'Afrique subsaharienne, et on peut raisonnablement penser qu'une partie d'entre eux ne serait pas en mesure de s'acquitter du montant majoré des droits d'inscription.

L'ouverture d'une réflexion sur l'augmentation des droits d'inscription pour les étudiants français fait quant à elle partie des recommandations de notre rapport, en précisant que cette réflexion devrait être menée parallèlement à une réforme des bourses et sans diminuer, par ailleurs, le montant alloué aux établissements universitaires par l'État, ce qui n'est pas le sens de l'amendement déposé par notre collègue de la commission des finances.

Enfin, il importe de garder à l'esprit que toutes les réflexions sur la hausse des droits d'inscription ne seront pas de nature à régler la question du financement de nos universités, car ils ne représentent que 2,7 % de leur budget.

J'en termine avec le coût de l'échec étudiant : seuls 36 % de nos étudiants obtiennent leur licence en trois ans et la moitié l'obtiennent en cinq ans - c'est-à-dire après deux redoublements - malgré les efforts et les dispositifs déployés par de nombreuses universités. Cet échec étudiant, majeur, a un coût pour nos finances publiques estimé à 554 millions d'euros par cohorte d'étudiants, et je pense qu'il faut mettre ce sujet sur la table.

Mme Laure Darcos. - Je félicite à mon tour le rapporteur pour son travail, bien qu'il dépeigne un tableau affligeant de la situation : nous avons tous le moral en berne, et moi en particulier.

Je tiens en préalable à excuser Mme Paoli-Gagin, qui n'a pu se joindre à nous. Elle ne m'avait pas consultée au sujet de l'amendement qu'elle a déposé et je lui ai indiqué qu'il serait difficile de le faire adopter en l'état par notre commission.

Je souhaite vous lire le mail que m'a adressé un président d'université, qui montre à quel point l'opacité absolue entretenue par l'État concernant les financements des universités est grave : « Les données financières des universités sont publiées sur data.enseignementsup-recherche.gouv.fr. Les derniers éléments publiés sont le compte financier de 2023 et le budget initial de 2024. Depuis, les universités ont voté un compte financier pour 2024, mais aussi le budget initial 2025, et éventuellement des rectificatifs. Lors de l'élaboration du budget initial, l'ensemble des crédits notifiés aux établissements figurent dans un document dit “notification préliminaire”. Ce document n'a pas été reçu en 2024 ni en 2025. » En clair, l'État cache aux universités l'ensemble du compte financier.

Il poursuit : « Pour cette année, nous avons reçu le vade-mecum en pièce jointe et des orientations par mail. Dans le budget d'établissement, le rectorat nous demande d'afficher strictement le montant notifié, qui est systématiquement inférieur au montant notifié au cours de l'année, notamment en juillet dans la notification intermédiaire et en fin d'année dans la notification finale.

« Cela oblige les établissements à établir un budget négatif, car l'ensemble des recettes de la part de l'État ne sont pas inscrites. Au surplus, l'université est dans l'obligation de trouver des financements externes qui ne sont pas connus au moment de l'élaboration du budget initial. Il ne s'agit ainsi pas d'une mauvaise gestion ou d'un manque de compétences.

« Sur la trésorerie, nous avons l'obligation d'avoir quinze jours de fonds de roulement et trente jours de trésorerie au regard du décret financier. Par effet multiplicateur, les 864 millions d'euros de 2024 - moindres aujourd'hui sur les fonds non fléchés - ne couvrent sans doute pas plus les besoins attendus pour les universités et les organismes nationaux de recherche.

« Il serait pertinent que le ministre présente le montant que représentent ces deux obligations pour l'université et le compare au montant disponible réel à partir des comptes financiers de 2024 votés en 2025.

« Le plus grave concerne les actions spécifiques qui sont demandées sur les budgets, notamment le soutien handicap calculé a priori sur le nombre d'étudiants en situation de handicap. Il leur est en effet notifié que les actions spécifiques non pérennes ne doivent pas être intégrées en tant que recettes pouvant ainsi remettre en cause l'inscription de ces politiques, puisque cela creuse le déficit. »

Mme Mathilde Ollivier. - Je tiens à exprimer mon indignation en réaction à la fin de votre rapport : près de 6,5 milliards d'euros sont consacrés à l'apprentissage, soit un montant bien supérieur aux impacts des mesures Guerini et de la PSC, estimés à 400 millions d'euros ou à 500 millions d'euros par an. Une enveloppe de 6,5 milliards d'euros est donc allouée aux établissements privés à but lucratif pour qu'ils se développent...

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. - L'enveloppe ne concerne pas que les établissements privés et porte sur trois années, de 2020 à 2023.

Mme Mathilde Ollivier. - Il serait intéressant d'avoir le détail de la répartition entre les différentes catégories d'établissements. En tout état de cause, au lieu de débattre de la PSC et du CAS « Pensions », au sujet desquels nous déposerons tous des amendements, nous devrions discuter de la LPR et des moyens permettant de rendre la recherche et l'enseignement supérieur français compétitifs à l'international, la plupart des acteurs ayant compris que l'avenir de nos pays et de nos économies se joue dans ce domaine. Je m'attriste donc que nous discutions de la compensation des mesures précédemment adoptées au lieu de nous atteler à un travail de prospective pour notre enseignement supérieur.

Par ailleurs, les frais différenciés sont, selon nous, une mesure dangereuse en ce qu'ils remettent en cause les principes mêmes sur lesquels se fonde l'enseignement supérieur. Si une discussion doit avoir lieu sur ce sujet, je pense qu'elle mérite un débat bien plus large qu'un amendement au PLF.

Pour ce qui est du programme 231 « Vie étudiante », l'absence d'indexation des bourses sur l'inflation conduit à ce que le nombre de boursiers soit le plus faible depuis dix ans, alors que l'accès à l'enseignement supérieur est déjà très inégalitaire et que la pauvreté augmente, notamment chez les jeunes.

La classe d'âge la plus pauvre est ainsi celle des moins de 18 ans, avec un taux de pauvreté de 11,4 % ; la deuxième classe d'âge la plus pauvre étant celle des 18-29 ans, avec un taux de pauvreté s'élevant à 10 %. Or réduire l'enveloppe des bourses ou l'accès aux différentes catégories de bourses touche au premier chef les plus pauvres, ainsi empêchés d'accéder à l'enseignement supérieur.

Nous voterons donc contre ce budget.

M. Jean Hingray. - Le moins que l'on puisse dire, c'est que la présentation du PLF pour 2026 a contribué à faire naître un débat musclé - et sans doute indispensable - au sein des universités françaises. Le sniper est le ministre lui-même qui, au cours d'une audition récente au Sénat, a osé prononcer les propos suivants : « La situation budgétaire des établissements, ce n'est pas Zola non plus ! » Cette phrase a déclenché une vive polémique, ce qui n'a pas empêché le ministre de souligner, par ailleurs, l'excellence des universités de notre pays.

Le montant des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » marque une hausse de presque 2 % par rapport à 2025. Pour autant, nous sommes atterrés par la trajectoire de la LPR, qui n'est pas respectée depuis 2025 : les crédits de la LPR sont ainsi inférieurs de 55 millions d'euros au montant qui aurait dû être atteint pour l'année 2026.

Que faut-il en conclure ? Que la parole de l'État n'est pas tenue, ce qui contribue évidemment à déstabiliser l'ensemble de l'écosystème, privé de cap et en panne de confiance, comme l'avaient souligné nos collègues Laurence Garnier et Pierre-Antoine Levi dans leur récent rapport d'information intitulé Relations stratégiques entre l'État et les universités.

Une autre conclusion possible est que notre système de recherche a atteint une limite, du fait d'une démographie négative des chercheurs ou de la montée en puissance généralisée de l'IA.

En réalité, l'ensemble de l'écosystème est en mutation rapide : par exemple, la hausse spectaculaire de l'apprentissage - 665 000 jeunes en 2024, contre environ 327 000 jeunes en 2020 - a nécessairement un impact sur le nombre de bénéficiaires de bourses sur critères sociaux dans la mesure où les apprentis n'y ont pas accès. Rappelons également que 50 % des étudiants franchissent le stade de la licence en trois à cinq années et que le coût d'une année de formation étudiante est d'environ un peu plus de 12 000 euros, comme le soulignait Laurence Garnier.

Le ministre a donc raison : le budget des universités augmente, mais leurs dépenses suivent une trajectoire analogue. Il est vrai qu'elles doivent faire face à une hausse mécanique des flux, le baccalauréat ne jouant toujours pas son rôle de filtre.

La situation financière de l'enseignement supérieur est donc difficile. En attendant la réforme des bourses et des droits d'inscription, et si quelques lueurs d'espoir existent - avec les 35 millions d'euros déployés pour la loi visant à favoriser l'accès de tous les étudiants à une offre de restauration à tarif modéré, dite loi Levi -, le tableau d'ensemble est sombre.

Nous vous soutiendrons, monsieur le rapporteur.

M. François Patriat. - Dans un contexte budgétaire contraint, les crédits alloués à l'enseignement supérieur sont préservés et les opérateurs se voient stabilisés. Avec une hausse à hauteur de 260 millions d'euros en 2026, ce budget parvient en effet à trouver un certain équilibre.

Ce budget devrait notamment permettre l'application de la réforme de la formation initiale des enseignants, qui est l'une des conditions nécessaires pour mieux recruter et mieux former dans l'intérêt des élèves et de leur réussite.

Nous saluons la volonté de territorialiser le pilotage de l'enseignement supérieur, ambition qui s'accompagne de l'inscription dans le PLF d'une enveloppe de 44,5 millions d'euros.

Toutefois, la hausse de quatre points du taux de contribution des employeurs au CAS « Pensions », qui ne devrait être compensée qu'à moitié - à hauteur de 81 millions d'euros - devrait avoir un impact sur le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », à savoir une augmentation des charges de personnel des organismes de recherche. Le risque pèse en particulier sur des universités déjà en difficulté, nombre d'entre elles étant confrontées à une hausse de leur coût de fonctionnement.

Concernant le programme 231 « Vie étudiante », l'un des principaux enjeux est celui de la lutte contre la précarité, qui reste une réalité préoccupante dans la mesure où la moitié des étudiants vit avec moins de 100 euros par mois. Elle touche les étudiants dans de nombreux domaines, qu'il s'agisse de l'alimentation, de l'accès à la santé ou au logement.

Le fait de pouvoir vivre et de travailler dans des conditions décentes est l'une des conditions de réussite pour nos étudiants. Dans ce contexte, les mesures de soutien au pouvoir d'achat des étudiants prévues sont donc à saluer : parmi elles figurent la pérennisation des repas à 1 euro et du tarif social à 3,30 euros, l'accès à une offre de restauration pour les étudiants des zones blanches ou encore le renforcement des moyens pour les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous).

Cependant, la non-indexation du barème des bourses sur l'inflation est dommageable, car elle risque d'avoir des effets sur la précarité des étudiants et d'entraîner une diminution du nouveau de bourses.

Par conséquent, monsieur le rapporteur, nous soutiendrons votre amendement et nous suivrons vos préconisations.

M. Max Brisson. - Nous soutenons la volonté du rapporteur de réduire l'impact de la hausse de la contribution des établissements au CAS « Pensions ». Le dialogue restant difficile entre la commission des finances et la nôtre, je l'invite à se rapprocher à nouveau du rapporteur général et du rapporteur spécial de ladite commission afin de tâcher de trouver un compromis, le prélèvement prévu étant disproportionné dans la situation actuelle.

Je suis gêné par la méthode et le dis d'autant plus aisément que les rapporteurs pour avis et les rapporteurs spéciaux appartiennent à tous les groupes de notre assemblée : nous travaillons sur le fond des sujets toute l'année, puis nous voyons arriver des préconisations de la commission des finances au moment du budget. Tout en veillant à prendre des décisions parfaitement raisonnables et responsables, il me semble qu'il serait bienvenu de consulter celles et ceux, qui, dans chacun de nos groupes, travaillent sur le fond des sujets.

Ces remarques n'enlèvent rien à la nécessité de réduire le déficit, et je comprends nos collègues de la commission des finances - en particulier son rapporteur général -, confrontés à des commissions qui considèrent que les politiques dont elles traitent sont essentielles et que les économies doivent être réalisées chez les voisins : partant de ce constat, il est logique de souhaiter mettre tout le monde à contribution, mais un peu de dialogue permettrait sans doute de trouver des solutions.

Quant à la méthode du Gouvernement, qui est liée à un contexte politique particulier et à des délais budgétaires contraints, comme l'a rappelé le président Patriat, nous restons dans le cadre d'une politique du rabot, qui ne pourra créer que des crispations. Alors que l'excellent rapport d'information de Pierre-Antoine Levi et de Laurence Garnier pose des pistes de réorganisation, je peine à identifier celles-ci dans ce projet de budget.

Des questionnements sur l'autonomie, la progressivité des droits d'inscription, la prévisibilité des moyens et la diversification des ressources mériteraient ainsi d'être abordés, mais nous nous trouvons face à la seule logique du rabot qui ne permet pas de définir une politique. Le même constat peut malheureusement être dressé, politique après politique et commission après commission.

M. Jean-Gérard Paumier. - Je remercie notre rapporteur, Stéphane Piednoir, pour la qualité de ses travaux. Je tiens à formuler une série d'observations concernant la non-compensation de nombreuses mesures de ce budget et ses conséquences pour le fonctionnement, la formation et la recherche de nombreuses universités, dont celle de mon département, à Tours.

Je pense notamment au relèvement de quatre points du taux du CAS « Pensions », passant de 78 % à 82 %. Alors que son coût est estimé à 200 millions d'euros à l'échelle nationale, il n'est compensé par l'État qu'à hauteur de 80 millions d'euros : à Tours, cette absence de compensation aura un impact de 1,7 million d'euros sur l'année 2026.

Je songe, ensuite, à la mise en oeuvre sans compensation de la part employeur de la PSC des agents du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, qui entraînera une dépense supplémentaire d'environ 60 millions d'euros à l'échelle nationale en 2026. Pour Tours, cela équivaut à une dépense supplémentaire de l'ordre de 670 000 euros en 2026 et d'environ 1 million d'euros à partir de 2027.

En outre, la non-compensation intégrale des mesures Guerini de revalorisation salariale dans la fonction publique, qui a déjà eu un impact de 2,2 millions d'euros entre 2023 et 2025 pour une université telle que celle de Tours, entraînera un surcoût du même montant en 2026.

Enfin, la non-compensation depuis une dizaine d'années de la variation de la masse salariale - appelée en l'état à se poursuivre l'année prochaine - aboutit à ce que le phénomène glissement vieillesse technicité (GVT) représente pour l'université de Tours un coût d'environ 1,2 million d'euros.

Force est de constater que ces mesures contredisent le principe de décideur-payeur et risquent de placer de nombreuses universités dans une situation financière plus que délicate. En l'état, les mesures de ce budget occasionneront un coût de plus de 5,8 millions d'euros pour l'université de Tours, soit l'équivalent de 65 emplois d'enseignants-chercheurs. Cette situation n'étant pas une exception, il me semblait indispensable de relayer ces fortes inquiétudes.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. - Je partage un certain nombre de vos constats - des constats plutôt désagréables -, et il n'est pas évident d'émettre un avis sur un tel budget qui, s'il affiche, facialement, une hausse, ne respecte pas la LPR et contient des mesures que l'État ne compense pas.

Pour faire écho aux propos de Max Brisson, je dirai que nous sommes dans un contexte politique qui ne permet pas le Grand Soir avec le budget de l'enseignement supérieur, comme du reste avec n'importe quel autre budget. Nous savons à quel niveau d'endettement notre pays se trouve : il n'a aucune marge de manoeuvre pour envisager une politique d'envergure dans un domaine où pourtant - Pierre Ouzoulias l'a relevé - se prépare l'avenir de notre pays.

On bricole... Le budget pour 2026 contient des mesures mises bout à bout pour permettre à nos universités, ainsi que nos organismes de recherche, de continuer à fonctionner, tant bien que mal.

On ne fera vraisemblablement pas l'économie de remettre tôt ou tard sur la table la question d'un mode de calcul transparent de la subvention pour charges de service public ni celle - Laurence Garnier l'a souligné - des conditions d'accueil à l'université. Nous avons eu ce débat au sein de la commission il y a quelques semaines : sans doute demande-t-on trop à l'université, sans lui accorder les contreparties nécessaires.

Madame Ollivier, le montant de dépenses de 6,5 milliards d'euros consacrées à l'apprentissage concerne l'ensemble de l'enseignement supérieur, qu'il soit public ou privé, sur une durée de trois ans. Il ne s'agit cependant, en l'absence de tout contrôle annuel des dépenses liées à l'apprentissage dans notre pays, que d'une estimation fondée sur une revue de dépenses de l'inspection générale des finances (IGF).

En ce qui concerne les droits d'inscription universitaires, je suis favorable à la poursuite de la réflexion, que le rapport d'information sénatorial déposé le 22 octobre dernier a déjà engagée, sur leur possible augmentation. Pour autant, une telle décision ne saurait relever d'un décret, comme cela est envisagé dans l'amendement que la commission des finances a adopté. J'en ai fait part à notre collègue rapporteure spéciale de la mission « Recherche et enseignement supérieur » au sein de cette commission à l'occasion d'une réunion et j'espère que mon point de vue sera pris en compte.

L'avis favorable que je vous propose d'émettre s'accompagne de grandes réserves sur notre modèle d'enseignement supérieur, tant privé que public. Plutôt libéral, je suis aussi très attaché à la régulation, que Yan Chantrel a évoquée. Ainsi, si je suis enclin à accepter le développement de l'offre privée dans l'enseignement supérieur, c'est à la double condition qu'elle soit de qualité et qu'elle réponde à certains standards ; et il est impératif que ces deux critères fassent l'objet d'une vérification, dès lors que des crédits publics destinés l'apprentissage se dirigent pour une large part vers ces établissements privés.

Article 49 (état B)

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis. L'amendement que je vous propose vise à réduire de 60 millions d'euros la dépense nouvelle mise à la charge des établissements publics d'enseignement supérieur au titre de la hausse de la contribution au CAS « Pensions », soit 200 millions d'euros dont 80 millions d'euros seulement compensés par le projet de loi de finances. L'amendement est gagé sur le programme 193 « Recherche spatiale ». Nous verrons quelle sera la position du Premier ministre sur ce choix...

L'amendement CULT.1 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'enseignement supérieur de la mission « Recherche et enseignement supérieur », sous réserve de l'adoption de son amendement.

Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits « Recherche » - Examen du rapport pour avis

M. Laurent Lafon, président. - Nous passons à l'examen des crédits relatifs à la recherche.

Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure pour avis sur les crédits relatifs à la recherche. - Avant de vous présenter le budget pour 2026 de la recherche, je souhaite revenir sur l'année 2025, qui a été marquée par la revoyure, au printemps dernier, de la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur (LPR).

Prévue à l'article 3 de la loi, cette revoyure, qui doit intervenir au moins tous les trois ans, consiste en une actualisation permettant de vérifier la bonne adéquation entre les objectifs fixés par la LPR, ses réalisations et les moyens consacrés.

Alors qu'elle aurait dû avoir lieu en 2023, elle a été sans cesse reportée par les ministres successifs, malgré les appels réguliers de notre commission à respecter l'échéance des trois ans. Le premier de ces appels a été lancé dès juillet 2022 par Laure Darcos et Stéphane Piednoir, dans leur rapport d'information sur la mise en oeuvre de la LPR. Plusieurs ont suivi, à l'occasion de chaque exercice budgétaire.

C'est finalement le ministre Philippe Baptiste qui a décidé d'activer la revoyure au début de cette année, initiative qui doit être mise à son crédit. Cependant, la méthode choisie, celle d'un « événement interne » selon l'expression du ministère, réunissant les acteurs de l'enseignement supérieur de la recherche autour de débats thématiques, n'est pas satisfaisante.

Ne pas associer le Parlement au bilan d'étape d'une loi de programmation relève presque de la faute politique ! Certes, le ministre nous a dit, il y a quelques semaines lors de son audition, sa disponibilité pour nous rendre compte de cet événement interne, mais cela arrive trop tard puisque nous examinons aujourd'hui un budget censé concrétiser la sixième « marche » de la LPR.

Une revoyure en bonne et due forme, associant le Parlement, le ministère et les acteurs de l'enseignement supérieur et de la recherche (ESR) nous aurait permis de réfléchir collectivement aux moyens que l'État, contraint à des arbitrages pour redresser ses comptes, est prêt à consacrer à un secteur crucial pour l'avenir du pays et qui nécessite un investissement sur le temps long.

Nous voici donc devant un projet de budget pour 2026 de la recherche qui enregistre une très légère augmentation - cela doit être souligné alors que d'autres budgets sont en baisse -, mais dans une proportion bien inférieure à l'annuité programmée.

Stéphane Piednoir nous a expliqué le montant et l'affectation des crédits ouverts sur le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » au titre de la LPR.

Sur le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », qui est le principal support de financement de la recherche publique, l'apport de moyens nouveaux est de 44,3 millions d'euros, soit une différence de près de 317 millions d'euros par rapport à la programmation.

Cet apport est principalement consacré à la poursuite de la revalorisation des métiers de la recherche, mais sur un périmètre de mesures très restreint. Seront ainsi financés l'année prochaine le repyramidage des emplois de la filière des ingénieurs et techniciens de recherche et la revalorisation de la rémunération des contrats doctoraux. En revanche, d'autres mesures de ressources humaines, comme la poursuite de la revalorisation du régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs, sont mises à l'arrêt.

Le ministère m'a par ailleurs confirmé qu'une enveloppe de 11,9 millions d'euros était bien prévue pour le déploiement des chaires de professeur junior, dispositif apprécié des opérateurs de recherche pour recruter des profils scientifiques spécifiques.

Au total, le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 ne concrétise donc, sur les programmes 150 et 172, qu'un quart, voire un cinquième de la sixième « marche », selon que l'on y intègre ou non le montant consacré aux nouveaux contrats d'objectifs, de moyens et de performance (Comp) des établissements d'enseignement supérieur.

Ce non-respect de la trajectoire budgétaire, pour la deuxième année consécutive et dans une proportion plus marquée, constitue, à mes yeux, une dangereuse remise en cause de la dynamique de réinvestissement que la LPR avait réussi à enclencher durant les premières années de la programmation.

Même si le nécessaire redressement de nos comptes publics impose de faire des choix et de partager les efforts, la recherche ne doit pas servir de variable d'ajustement, à l'heure où la France doit plus que jamais assurer sa souveraineté dans ce domaine.

Cette sous-exécution de la LPR est aggravée par le fait que l'Agence nationale de la recherche (ANR), dont notre commission avait veillé à accroître sensiblement les moyens d'intervention pendant les premières années de la programmation, est aujourd'hui financièrement fragilisée.

Sa situation mérite quelques explications qui sont nécessaires à la bonne compréhension du problème.

La gestion des appels à projets de recherche entraîne mécaniquement un écart entre les autorisations d'engagement (AE) et les crédits de paiement (CP) : les premières servent à lancer l'appel à projets et à lui donner une visibilité pluriannuelle, tandis que les seconds permettent de financer les porteurs de projets au fur et à mesure de leur avancement.

Avec le déploiement de la trajectoire prévue par la LPR, les AE de l'ANR ont été substantiellement supérieures à ses CP de 2021 à 2024, de l'ordre de 280 millions d'euros par an en moyenne. L'Agence se retrouve aujourd'hui avec un niveau de CP insuffisant pour couvrir les décaissements liés aux projets qu'elle s'est déjà engagée à financer.

Face à cette difficulté, sur laquelle la présidente de l'ANR m'avait déjà alertée l'année dernière, des mesures de lissage, consistant en des décalages de versement aux porteurs de projets, ont été mises en place.

Avec le PLF 2026, l'ANR se retrouve confrontée au même problème : l'enveloppe de CP prévue, en augmentation de 20 millions d'euros par rapport à 2025, ne permet toujours pas de couvrir ses engagements passés. L'Agence chiffre en effet son besoin en ressources à 70 millions d'euros, soit une différence de 50 millions d'euros.

L'ANR semble exclure de nouvelles mesures de lissage, estimant être allée au maximum de ce qu'elle pouvait faire, sans porter préjudice aux porteurs de projets. Elle indique également que, dès 2027, le niveau de sa trésorerie ne sera plus suffisant. En conséquence, la seule solution viable consiste à augmenter le niveau de ses CP, scénario qui se heurte toutefois aux contraintes budgétaires.

Ce sujet de la mise à niveau des CP, qui concerne les appels à projets passés, pose également la question de la poursuite de la dynamique des AE, dont dépendent les futurs appels à projets. Faut-il freiner cette dynamique afin de limiter, à l'avenir, le besoin de CP, mais au risque de porter atteinte aux résultats obtenus grâce à la LPR quant au taux de succès des appels à projets ? Ce taux, qui était de 19,2 % avant la LPR, a connu une progression significative jusqu'en 2023, année où il a atteint 25,2 %.

Le niveau du taux de succès a aussi des répercussions sur celui du préciput, cet abondement financier versé par l'ANR en complément du financement des projets de recherche.

L'évolution du taux de succès dépend mécaniquement du niveau des AE : leur diminution entraîne de facto un recul du taux de succès, sans baisse simultanée du nombre de projets déposés ou du coût moyen des projets, qui sont des variables dites « libres » sur lesquelles l'ANR n'a pas ou peu prise. Celle-ci indique qu'une baisse de 40 millions d'euros de ses AE se traduit par une baisse de l'ordre de 1 % du taux de succès.

En loi de finances pour 2025, le volume des AE de l'ANR a été réduit de 90 millions d'euros. Une nouvelle diminution, à hauteur 70 millions d'euros, est prévue dans le PLF 2026.

Ces baisses vont inévitablement entraîner un recul du taux de succès, déjà perceptible cette année puisqu'il atteindrait moins de 23 %, contre 24,2 % en 2024. Ce repli est néanmoins jugé « acceptable » par l'ANR, car il permettra à la France de rester dans les standards internationaux.

En revanche, une baisse plus significative pourrait faire repasser le taux de succès sous la barre des 20 %, soit le taux d'avant la LPR, et provoquer un nouveau décrochage de la recherche française.

J'évoque ce scénario plus maximaliste, car c'est celui qui est proposé dans l'amendement adopté par nos collègues de la commission des finances et visant à annuler 150 millions d'euros d'AE et 30 millions de CP sur le budget de l'ANR. Notre commission ne peut raisonnablement pas soutenir une telle initiative, qui nous éloignerait encore plus de l'objectif, toujours loin d'être atteint, d'un effort national de recherche au moins égal à 3 % du PIB.

Ce projet de budget est aussi marqué par une nouvelle mise à contribution des opérateurs de recherche pour le financement de mesures salariales ou sociales décidées par l'État.

Les opérateurs devront ainsi prendre en charge une hausse de 68 millions d'euros de leur contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », dont seulement 16 millions d'euros leur seront compensés. S'y ajoutera un surcoût de 62,5 millions d'euros au titre de la protection sociale complémentaire (PSC), pour laquelle aucune compensation n'est prévue.

Ces dépenses nouvelles viennent en plus des mesures dites « Guerini » de 2023 et 2024, compensées à hauteur de 45 millions d'euros pour un surcoût de 100 millions, et d'une première mesure CAS « Pensions », non compensée pour les organismes de recherche - à l'inverse des universités.

Pour absorber ces charges nouvelles qui s'accumulent au fil des ans, les opérateurs de recherche procèdent à des prélèvements sur leur trésorerie libre d'emploi qui, à force, s'assèche. Dès 2026, certains pourraient être contraints de recourir à des mesures d'économies affectant directement leurs activités de recherche : baisse des dotations de base des laboratoires, réduction des campagnes d'emploi et des campagnes d'équipement. Ce scénario a notamment été évoqué par le président de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) lors de sa récente audition.

Si l'ensemble des opérateurs de recherche n'est sans doute pas dans une situation financière aussi critique que celle que connaissent les universités, j'alerte tout de même sur le fait que le caractère répété et cumulatif de ces transferts de charges pourrait, à plus ou moins brève échéance selon les organismes, altérer leur capacité à exercer leurs missions.

Dans le contexte du nécessaire redressement de nos comptes publics, je vous propose de donner un avis favorable à ce projet de budget, assorti des points de vigilance que j'ai mentionnés.

Je précise que, dans mon rapport écrit, j'ai aussi souhaité aborder deux thématiques, non strictement budgétaires, mais sur lesquelles il me paraissait important de faire un point d'étape : d'une part, les deux chantiers structurels en cours dans le secteur de la recherche - le déploiement des agences de programmes et la démarche de simplification -, d'autre part, les effets directs et indirects sur notre recherche des menaces qui pèsent sur la science américaine, avec notamment l'enjeu autour de l'hébergement des données scientifiques.

M. David Ros. - Merci de la précision de votre rapport et de celui de Stéphane Piednoir, étant observé que vos travaux sont étroitement liés dans leur objet.

L'état difficile de l'université emporte assurément des conséquences sur la recherche, l'université ayant pour double mission l'enseignement supérieur et la recherche. S'y ajoutent la non-compensation de la contribution des organismes de recherche au CAS « Pensions » - ces organismes sont du reste souvent les partenaires des universités pour le fonctionnement des unités mixtes de recherche (UMR) -, la situation complexe de l'ANR et une sixième « marche » ratée de la LPR, qui évoque davantage une descente qu'une ascension.

Certes, la revalorisation du doctorat est mise en avant, mais elle reste très inférieure à ce que prévoyait la LPR et à ce qui se fait ailleurs en Europe ou aux États-Unis. L'enjeu est celui de la reconnaissance du diplôme national de doctorat non seulement par les décideurs publics, ainsi que le mettait en avant le rapport d'information sur les relations stratégiques entre l'État et les universités de nos collègues Laurence Garnier et Pierre-Antoine Levi, mais également dans le monde privé. Le dispositif « jeunes docteurs » du crédit d'impôt recherche (CIR), favorisant la reconnaissance des docteurs en entreprise, a par exemple été supprimé par la loi de finances de 2025. Autant d'éléments qui mettent à mal la recherche, en dépit de l'importance qu'elle revêt pour notre pays, sa souveraineté et son avenir.

Le budget pour 2026 a été qualifié de budget d'attente ; cependant, les moments de vérité sont nécessaires et il faut réagir. Si je partage les constats de nos deux rapporteurs pour avis sur les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », j'en arrive à une conclusion diamétralement opposée à la leur : ce budget ne correspond pas aux ambitions affichées pour notre pays et l'avis du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) sera donc défavorable.

M. Pierre Ouzoulias. - Je partage l'expression de mon collègue sur la qualité de ce rapport : vous avez, en très peu de temps, acquis une connaissance fine du budget, pourtant extrêmement complexe, de la recherche.

Max Brisson, à la suite de la présentation du rapport pour avis de Stéphane Piednoir, faisait état d'une dissension gauche-droite sur le rôle de la recherche. Elle n'a pas toujours existé et il fut une période où nous partagions les mêmes objectifs dans ce domaine. Permettez-moi de citer le général de Gaulle : « Sans la science et les savants, un pays comme la France ne serait plus qu'un paysage et des souvenirs », « La France ne peut être la France sans la grandeur ; or celle-ci, au XXe siècle, se fonde d'abord sur la science et sur la technique ». N'avons-nous pas aujourd'hui abandonné cette vue très progressiste d'une science au service tant de la souveraineté que du développement humain ? Et n'est-ce pas sous cet angle que quelque chose s'est cassé ?

On finit par considérer que la science et la connaissance ne servent pas à l'évolution de notre société. C'est un mal typiquement français : quand on franchit le Rhin, un fonds spécial de 500 milliards d'euros, qualifié de « bazooka budgétaire », doit permettre de porter la part du budget de la recherche et de la connaissance de 3,07 % à 3,5 % du PIB de l'Allemagne. Dans le même temps, en France, nous acceptons une baisse continue de cette part, ramenée aujourd'hui à quelque 2,14 % de notre PIB.

L'Allemagne consacre notamment des crédits très importants à l'accueil des chercheurs étrangers, dans un contexte, semblable au nôtre, de crise démographique majeure. D'autres pays font le même constat de la nécessité d'attirer des chercheurs étrangers : l'Arabie saoudite, par exemple, offre aux chercheurs un salaire moyen mensuel équivalent à 6 000 euros. L'université du Roi-Saoud (King Saud University, KSU), qu'une délégation de notre commission a visitée, bénéficie, du reste, d'équipements sans commune mesure avec ceux dont nous disposons en France.

Cette forme de précarisation de l'ESR que nous subissons me devient insupportable.

Le constat est également accablant au sujet de l'ANR. Notre collègue rapporteur spécial de la commission des finances Jean-François Rapin considère qu'il faut en diminuer le budget, afin de contraindre les chercheurs à solliciter les crédits européens. Or ils ne pourront le faire, tant la bureaucratie européenne excède leur capacité administrative, tandis que l'ANR a énormément progressé dans ce domaine.

Les universités connaissent aujourd'hui des difficultés telles pour gérer les crédits de la recherche qu'elles demandent de plus en plus à leurs chercheurs fonctionnaires de se constituer en autoentrepreneurs, afin de les rémunérer de leurs travaux sur factures. Nous en arrivons à des situations totalement ubuesques !

M. Max Brisson. - Les conclusions des deux rapports sur les crédits de l'enseignement supérieur et ceux de la recherche pour 2026 ont pu sembler contradictoires avec les exposés qui les ont précédées, mais les rapporteurs s'en sont expliqués.

Cependant, n'est-il tout de même pas choquant d'abandonner la LPR en catimini ? Notre pays connaît certes une situation financière difficile, mais, en consacrant 2,3 % de son PIB à la recherche, contre 3,5 % en Allemagne ou en Suède, j'ai l'impression que la sixième « marche » y est prise en descendant. Et, plutôt que de dire le contraire de ce que l'on est train de faire, cela mériterait au moins un débat.

Enfin, l'amendement de la commission des finances relatif à l'ANR et à sa mécanique spécifique des AE et des CP, inscrite dans le temps - celui des programmes de recherche -, ne nous ramène-t-il pas, pour sa part, tout simplement à zéro, c'est-à-dire à la situation qui prévalait avant la LPR ?

Mme Laure Darcos. - Je suis dépitée : cette LPR, nous ne l'avions acceptée pour une période de dix ans, quand nous la voulions pour sept ans, qu'afin de concentrer les efforts sur l'ANR, avec le doublement de ses moyens dès les deux premières années. En 2017, le taux de succès des appels à projets de l'ANR n'excédait pas 12 % à 13 %. On donne un coup d'arrêt brutal à la progression rassurante, en comparaison de nos voisins européens ou d'États d'autres continents, de notre recherche au cours des dernières années.

J'ai eu l'occasion de le dire à Claire Giry, la présidente-directrice générale de l'ANR : il est sans doute reproché à l'Agence de n'avoir pas pu, deux années de suite, décaisser davantage de CP, et notre commission des finances, toujours à la recherche d'économies, en a retenu l'existence d'une trésorerie d'un niveau exceptionnellement élevé. Dans le champ qui est le sien, l'ANR porte quatre projets sur cinq : il lui faut par conséquent, à l'instar du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou, dans un autre domaine, du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), disposer d'une trésorerie importante.

Nous allons nous battre pour essayer de défendre ses crédits, mais je suis inquiète et quelque peu pessimiste quant à l'issue. Il nous faudra de nouveau nous mobiliser. Le seul point positif consiste actuellement dans le dispositif des chaires de professeur junior.

Mme Mathilde Ollivier. - La rapporteure a fait une analyse critique de l'absence de suivi des engagements pris dans le cadre de la LPR. En 2025, pour les programmes 150 et 172, seul un tiers de l'effort prévu par la LPR a été financé. En 2026, seul un quart du montant supplémentaire programmé serait atteint. Ainsi, année après année, les financements dédiés aux engagements pris sont de plus en plus insuffisants.

La France a du retard en matière de recherche et de développement. La part de la recherche dans le PIB stagne à 2,19 %, en deçà de la moyenne des pays de l'OCDE. En février 2025, le Collège des sociétés savantes académiques de France a mené une étude. Dans ce cadre, plus de 2 200 scientifiques ont été interrogés sur la recherche française et leur diagnostic est sévère : seuls 15 % d'entre eux estiment que le système actuel de financement de la recherche publique est satisfaisant. Il s'agit d'un signal d'alarme important. En effet, les chercheurs sont mobiles, explorent la possibilité de travailler dans des centres de recherche qui leur offrent des conditions matérielles intéressantes et leur permettent de développer des projets. Si nous décrochons sur ce point, nous pourrions perdre une partie de l'excellence construite en France.

J'en viens à l'idée que les centres de recherche et les universités devraient davantage se tourner vers les financements européens. Des présidents d'université nous ont confié que certaines équipes de recherche demandent à leurs chercheurs de ne plus tenter d'obtenir ces crédits parce qu'ils n'ont plus le personnel nécessaire pour encadrer ces projets. Il y a donc une dissonance entre ce qu'on demande aux chercheurs et la réalité qui est la leur.

Enfin, en la matière, il faudrait clarifier certaines choses. En effet, nous reprochons à certaines universités de ne pas suffisamment tenter d'obtenir des crédits européens, mais, dans certains cas, des projets sont attribués à des chercheurs du CNRS hébergés par des universités.

Nous donnerons un avis défavorable à l'adoption de ces crédits.

M. Jean Hingray. - La dynamique de la recherche semble toujours effective puisque les crédits qui lui sont dédiés atteignent 12,6 milliards d'euros en CP.

Toutefois, certains secteurs stratégiques sont étonnamment sous-dotés, notamment ceux de l'aéronautique civile et de l'énergie nucléaire. L'amendement de Stéphane Piednoir ne devrait pas améliorer cette situation.

Par ailleurs, les partenariats entre les entreprises et les partenaires institutionnels européens connaissent un net recul, ce qui est inquiétant. Il faudrait obtenir davantage de crédits européens, notamment du programme Horizon Europe.

L'amendement de M. Rapin pose question. Comme nous l'enseignait Maurice Thorez : « S'il est important de bien conduire un mouvement revendicatif, il faut aussi savoir le terminer ».

Mme Laurence Garnier. - Le taux de succès des appels à projets de l'ANR s'élève à 23 %, ce qui reste acceptable selon Claire Giry, présidente-directrice générale de l'Agence. Il est important que ce curseur soit fixé au plus juste. Le taux doit rester attractif pour les chercheurs, afin de permettre d'attirer les meilleurs, tout en n'étant pas trop élevé, ce qui pourrait conduire à sélectionner des projets qui ne seraient pas suffisamment qualitatifs.

Par ailleurs, il est nécessaire de prendre en compte la pluriannualité de ces appels à projets, qui a un effet miroir sur la trésorerie de nos universités. Selon ces dernières, le coût réel des projets accueillis est supérieur aux crédits octroyés par l'ANR, en raison de charges diverses. Selon l'ANR, ce problème serait réglé grâce au préciput. Il serait intéressant de dénouer cette dissension entre les acteurs. Nous devons y voir clair afin d'utiliser au plus juste les crédits publics affectés à la recherche.

Enfin, le financement de la recherche correspond à 2,2 % du PIB, ce qui est mieux qu'en Espagne et en Italie, qui connaissent des taux d'environ 1,5 %, mais ce qui est moins bien qu'au Royaume-Uni et en Allemagne, où ce pourcentage s'élève respectivement à 3 % et à 3,5 %. Cependant, dans ces pays qui font mieux que nous, la recherche privée est dynamique et les crédits publics sont comparables. La recherche de crédits privés constitue un enjeu sur lequel il faut nous pencher, pour que les entreprises françaises alimentent la dynamique de la recherche, en complément de la recherche publique.

Mme Karine Daniel. - Je voudrais préciser que d'autres lignes budgétaires affectent aussi le fonctionnement des universités en la matière ; je songe notamment aux crédits du plan France 2030, mais aussi à ceux qui font fonctionner les instituts de recherche technologique (IRT) et les instituts hospitalo-universitaires (IHU). Il faudra aussi nous mobiliser quand ils seront examinés en séance.

M. Laurent Lafon, président. - Effectivement, ces crédits n'appartenant pas au périmètre couvert par notre commission, nous n'avons pas à nous prononcer dessus. Il faudra être vigilants en séance.

M. Stéphane Piednoir. - Comme l'a dit Laure Darcos, nous nous sommes un peu fait berner en cédant sur la durée prise en compte par la LPR. Si nous nous en étions tenus à une durée de sept ans, l'application toucherait à son terme et l'impact des réductions budgétaires serait sans doute moins important. Pour l'enseignement supérieur et la recherche, il manque 370 millions d'euros par rapport à ce que prévoyait la loi.

La création de l'ANR avait vocation à augmenter le taux de succès des appels à projets et à accompagner l'augmentation du préciput. Ces deux objectifs ont globalement été atteints. Cependant, il nous faut interroger notre modèle de recherche.

D'abord, le professeur de mathématiques que je suis ne parvient pas à comprendre le décalage entre les CP et les AE. On vote des AE élevées et puis, à un moment, le couperet tombe : les CP ne sont pas disponibles et les projets ne sont pas financés. C'est ce que pointe Jean-François Rapin dans l'objet de son amendement.

Ensuite, malgré les efforts fournis, la France connaît un net recul en ce qui concerne sa contribution aux publications mondiales. À cet égard, un besoin de simplification se fait entendre. Depuis l'étranger, notre système est incompréhensible. Il y a eu des tentatives de clarification, mais les tutelles restent trop nombreuses sur de trop nombreux projets. Il faut simplifier et donner de la lisibilité au système.

Enfin, un effort doit être fourni, au sein des organismes de recherche et des universités publiques, pour engager des partenariats avec le secteur privé. En la matière, nous avons affaire à des blocages idéologiques, qui doivent être dépassés pour que nous enclenchions une dynamique et puissions atteindre peu à peu les objectifs définis par la stratégie de Lisbonne.

Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure pour avis. - Laure Darcos et David Ros, d'abord, je vous remercie pour l'engagement et la fidélité dont vous avez fait preuve lors des auditions que nous avons menées. Ensuite, je partage votre position, notamment sur le CAS « Pensions ».

Concernant le manque d'attractivité évoqué par Pierre Ouzoulias et Mathilde Ollivier, une conférence s'est tenue au printemps dernier, Choose Europe for Science, financée par France 2030. Nous ne pourrons jamais offrir les mêmes conditions matérielles en France que dans certains pays. Cependant, nous comptons des organismes de recherche et des établissements de grande qualité, qui sont reconnus. J'espère que le programme Choose France for Science portera ses fruits et que nous pourrons accueillir, dans les meilleures conditions possibles, les chercheurs qui ne s'épanouiraient plus dans leur pays.

Je ne peux que m'associer aux propos de Max Brisson sur l'amendement portant sur l'ANR, qui constitue un abandon de la LPR et un retour en arrière.

En ce qui concerne le taux de succès de l'ANR, je partage la vision de Laurence Garnier : il faut trouver un juste milieu. Le bon curseur représente la clé de l'équilibre, de la raison et de la responsabilité.

Enfin, j'avais déjà évoqué le rapprochement du public et du privé l'an dernier, lors de la présentation de mon rapport. Il faut nous inspirer des modèles des pays voisins. Le ministre a évoqué des mesures à prendre, mais nous sommes toujours dans l'attente de leur concrétisation.

Nous avons entamé des négociations avec l'auteur de l'amendement que nous avons évoqué.

J'essaierai de rendre compte de chacune de vos interventions en séance, afin de pouvoir peser au nom de notre commission.

M. Laurent Lafon, président. - En séance, nos votes seront importants puisqu'ils pourront peser en faveur ou en défaveur de tel ou tel amendement.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la recherche au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

La réunion est close à 18 h 00.

Mercredi 3 décembre 2025

- Présidence de M. Laurent Lafon, président -

La réunion est ouverte à 9 h 05.

Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits « Audiovisuel public » - Examen du rapport pour avis

M. Laurent Lafon, président. - Nous débutons nos travaux par l'examen du rapport pour avis de Cédric Vial sur les crédits relatifs à l'audiovisuel public.

M. Cédric Vial, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à l'audiovisuel public. - L'audiovisuel public contribue à construire un référentiel commun dans une société de plus en plus fragmentée. Son existence est d'autant plus légitime que la culture et l'information constituent des vecteurs d'influence déterminants au niveau mondial. Néanmoins, alors que la maîtrise des dépenses publiques est une nécessité, un effort de rationalisation de l'audiovisuel public apparaît nécessaire. Il l'est d'autant plus que la concurrence des acteurs du numérique s'intensifie. Pour y faire face, l'audiovisuel public ne peut demeurer immobile.

Je commencerai par vous livrer quelques chiffres incontournables de ce projet de loi de finances (PLF) pour 2026.

Les crédits de l'audiovisuel public s'élèvent à 3,878 milliards d'euros, en baisse de 71 millions d'euros, après avoir déjà diminué de 78 millions d'euros l'an dernier.

Les médias internationaux, c'est-à-dire Arte France, France Médias Monde et TV5 Monde, ne sont pas impactés, bénéficiant de dotations stables, et même en hausse pour France Médias Monde, grâce à un apport du budget de l'aide au développement à hauteur de 10 millions d'euros.

En revanche, les trois autres sociétés de l'audiovisuel public contribuent à l'effort de réduction des dépenses publiques avec des dotations en baisse. Cette baisse est de 65,3 millions d'euros pour France Télévisions (- 2,6 %) ; de 4,1 millions d'euros pour Radio France (- 0,6 %) ; et de 1,5 million d'euros pour l'Institut national de l'audiovisuel (INA) (- 1,4 %).

L'essentiel de cette diminution des crédits porte donc sur le principal opérateur, France Télévisions, auquel le Gouvernement demande de réaliser un effort de 146 millions d'euros. Ce chiffre prend en compte, non seulement la baisse de la dotation, mais aussi une évolution tendancielle des charges, estimée par le Gouvernement à 37 millions d'euros, mais dont le mode de calcul n'est pas précisé. Il est également tenu compte de la nécessité de résorber le déficit enregistré en 2025, à savoir 44 millions d'euros.

Dans le rapport qu'elle a publié en septembre dernier, la Cour des comptes a souligné la lenteur du processus de transformation de France Télévisions et la difficulté à aller plus loin dans l'approfondissement des synergies au sein de l'audiovisuel public. La Cour alerte sur la fragilité du modèle économique du groupe, qu'elle qualifie d'impasse et juge non soutenable dans la durée, dans la mesure où les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital social.

Dans un rapport de 2024, l'inspection générale des finances (IGF) soulignait, elle aussi, la situation critique de France Télévisions, indiquant : « La culture de l'efficience doit devenir centrale chez France Télévisions. Une absence d'économies substantielles serait d'autant plus dommageable que les coupes budgétaires pour équilibrer les comptes porteront alors sur les coûts les plus variables, dont le programme national et le numérique font partie. » Ce constat est plus que jamais d'actualité.

S'agissant des autres acteurs de l'audiovisuel public, du côté de Radio France, étant donné les mesures déjà prises au cours de la dernière décennie, l'entreprise estime que la réduction des crédits ne peut conduire qu'à une aggravation du déficit ou à une réduction du périmètre de l'offre. De fait, Radio France a supprimé la fréquence de sa chaîne Mouv' pour transformer celle-ci en une radio de flux musical sur support numérique, avec un gain estimé en année pleine à 900 000 euros.

Radio France procède également à une permutation des fréquences de France Musique et de Franceinfo, qui s'accompagnera d'économies sur la diffusion de France Musique estimées à 3 millions d'euros en année pleine, c'est-à-dire à compter de 2027.

L'effort demandé à l'INA est significatif, d'autant que cet établissement estime son effort réel à environ 10 millions d'euros, compte tenu de la hausse tendancielle de ses charges. Une subvention accordée en fin de gestion 2023 a permis de rehausser la trésorerie de l'INA de manière durable. Néanmoins, l'établissement est confronté au défi de concilier le maintien d'une trésorerie positive et le haut niveau d'investissement nécessaire à l'achèvement des projets en cours, notamment dans le domaine de l'intelligence artificielle (IA). Ces investissements doivent servir à l'identification de relais de croissance à l'international.

S'agissant d'Arte, sa dotation est stable, et sa situation financière est équilibrée. La dérive des prix freine toutefois l'accélération du développement européen d'Arte ainsi que la mise en oeuvre de son plan d'innovation technologique. La mutation d'Arte, d'une chaîne franco-allemande vers une chaîne de dimension européenne, est une évolution intéressante, mais qui mériterait d'être l'objet d'un débat.

Pour France Médias Monde (FMM), la dotation issue du compte de concours financier est stable, mais celle qui est apportée au titre de l'aide au développement augmente de 10,6 millions d'euros. Le financement complémentaire du ministère des affaires étrangères est dédié à la mise en oeuvre de projets spécifiques au plus près des zones de tensions, avec des rédactions placées respectivement à Bucarest, Beyrouth et Dakar. Il s'agit notamment de maintenir la position de FMM en Afrique, où la censure s'étend et où la concurrence est exacerbée par le désengagement des États-Unis, dans un contexte de coûts de diffusion croissants.

FMM reste confrontée à la nécessité de financer, parallèlement, un accroissement significatif de sa présence numérique, notamment grâce à l'IA, qui doit permettre d'améliorer la production de contenus et leur référencement.

Enfin, FMM et son concurrent et partenaire allemand Deutsche Welle portent ensemble un projet de « bouclier informationnel », qui s'inscrit dans les objectifs du « bouclier démocratique européen » annoncé récemment par la Commission européenne.

TV5 Monde est confronté à la nécessité de conduire les investissements nécessaires pour réussir sa transformation numérique, dans un contexte de choc inflationniste, et alors que son marché publicitaire africain francophone est de taille très limitée. La chaîne envisage toujours un élargissement de sa gouvernance. En avril 2025, un courriel officiel a été adressé aux chefs d'État de sept pays d'Afrique en ce sens. À ce jour, les discussions les plus avancées concernent le Maroc, la Côte d'Ivoire et la République démocratique du Congo.

J'évoquerai maintenant le pilotage stratégique, que je juge insuffisant.

Tout d'abord, pour Radio France, comme pour France Télévisions, la mise en oeuvre des réformes structurelles est lente. Alors que l'Inspection générale des finances et la Cour des comptes avaient déjà souligné, dans leurs rapports respectifs, la nécessité de faire évoluer le cadre social de France Télévisions, la dénonciation de l'accord collectif n'a eu lieu qu'en juillet 2025.

L'accord de 2013 est en effet très contraignant, et inadapté à l'évolution des technologies, qui a profondément transformé le métier de journaliste. Sa dénonciation récente ne fait toutefois qu'ouvrir un délai de négociation de plus de deux ans. Le rapprochement entre France 3 et France Bleu souffre de la même inertie.

Faute d'avoir suffisamment anticipé les réformes structurelles, France Télévisions met aujourd'hui en place, en lien avec le Gouvernement, un plan d'économies, qui risque d'avoir une répercussion immédiate sur le secteur de la création.

En 2024, France Télévisions est en effet le premier contributeur à la production d'oeuvres audiovisuelles. Le groupe public représente 35 % des dépenses de production d'oeuvres audiovisuelles en France. Une économie de 50 millions d'euros est aujourd'hui envisagée sur ce poste, ce qui impliquerait une modification par l'État du cahier des charges de France Télévisions, qui prévoit un plancher de 420 millions d'euros. S'agissant du cinéma, secteur dans lequel France Télévisions représente 15 % des investissements, une baisse de 10 millions d'euros est évoquée. Enfin, dans le domaine des programmes de flux, c'est une économie de 15 millions d'euros supplémentaire qui serait réalisée. Ces chiffres sont des estimations, sujettes à caution.

Faute d'avoir anticipé les réformes qui s'imposaient, les économies à réaliser sont donc reportées sur tout un tissu économique, qui risque ainsi de dépendre de plus en plus des dépenses des plateformes américaines.

Cette situation résulte aussi d'une absence de lignes directrices claires de la part de l'État.

D'abord, la réforme de la gouvernance est attendue depuis plus de cinq ans. Depuis 2019, cette réforme est continuellement annoncée sans jamais aboutir, ce qui crée un climat d'incertitude, tant dans le cadre des négociations sociales que pour l'élaboration d'une trajectoire financière ou la définition d'orientations stratégiques, qui ne peuvent être arrêtées tant que la question de la gouvernance n'est pas traitée. L'audiovisuel public se trouve contraint d'avancer sans visibilité claire sur son organisation future.

Ensuite, la question des contrats d'objectifs et de moyens (COM) continue à se poser. Suite aux avis défavorables de l'Assemblée nationale et du Sénat, les projets de COM présentés en 2024 ont été abandonnés, sans qu'aucun cadre pluriannuel ne soit clairement défini.

Le PLF comprend des prévisions pour 2027 et 2028 qui ne sont étayées par aucun sous-jacent. Ceux du projet de budget pour 2026 ne sont d'ailleurs guère mieux connus : ces orientations figurent dans la lettre plafond adressée par le Premier ministre à la ministre de la culture. Elles n'ont été communiquées qu'oralement aux entreprises. Or il revient à l'État de fixer des orientations et de prendre les mesures réglementaires éventuellement nécessaires à leur mise en oeuvre, sous le contrôle du Parlement.

En conclusion, une accélération des réformes structurelles me paraît aujourd'hui nécessaire afin d'éviter, autant que possible, que l'effort demandé ne se répercute sur le plan économique avec des effets multiplicateurs.

Ces réformes structurelles sont indispensables. Il serait anormal que l'audiovisuel public ne contribue pas à l'effort de réduction de la dépense publique. Cet effort doit l'inciter à une gestion plus rigoureuse, selon les orientations données tant par la Cour des comptes que par l'Inspection générale des finances.

C'est pourquoi je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de l'audiovisuel public dans le projet de loi de finances pour 2026.

Mme Sylvie Robert. - Je veux tout d'abord remercier le rapporteur. J'ai particulièrement apprécié le temps que nous avons consacré à certaines auditions au regard notamment de la gravité de la situation de l'audiovisuel public, une question sur laquelle je reviendrai, mais aussi de la nécessité de mieux comprendre à la fois l'organisation interne et les choix de ces acteurs. À cet égard, ces auditions ont été, pour moi, très éclairantes.

Je partage le constat du rapporteur sur l'audiovisuel : la situation est alarmante. Or je suis étonnée par l'avis favorable qu'il émet sur les crédits prévus dans le PLF. Est-ce à dire qu'il considérerait - peut-être nous le dira-t-il ?... - qu'il faut « punir » en quelque sorte France Télévisions au motif qu'elle n'aurait pas suffisamment anticipé la situation ? Mais ce n'est pas la bonne solution.

En effet, comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, cela fait plusieurs années que l'audiovisuel public, singulièrement France Télévisions et Radio France, connaît une diminution de ses moyens. Si nous ne sommes pas arrivés à un point de rupture, la situation de ces grandes maisons de l'audiovisuel public est pour le moins singulière.

S'agissant de France Télévisions, vous l'avez d'ailleurs explicité, l'État ne fait pas preuve de responsabilité. Aujourd'hui, ils ont dénoncé l'accord ; ils n'ont pas de COM et subissent une diminution de leurs moyens. Ils naviguent donc complètement à vue. Ils n'ont aucun outil à leur disposition pour préparer stratégiquement l'avenir.

Comme vous, et je l'ai toujours dit, j'estime qu'il est fondamental d'engager une réforme. Je ne suis pas d'accord, vous le savez bien, sur la réforme de la gouvernance telle qu'elle a été présentée par la ministre de la culture en juillet dernier. Mais cette réforme peut être l'une des voies de passage pour améliorer la situation de l'audiovisuel public, singulièrement sur la question de la polyvalence. L'audiovisuel public se trouve dans une situation budgétaire et sociale difficile, et se retrouve seul face à l'inertie de l'État. Cette situation est absolument inadmissible. J'en déduis qu'il n'est absolument pas considéré comme un secteur stratégique, alors qu'il s'agit, sur le plan international d'un soft power extrêmement puissant, surtout considérant les asymétries réglementaires existant en faveur des plateformes. Il est temps de prendre ce sujet à bras-le-corps.

À force de leur demander de faire des économies, c'est la création audiovisuelle qui sera impactée, et l'ensemble de l'écosystème sera touché, ce qui est aussi extrêmement préoccupant.

Avec la suppression de la fréquence de sa chaîne Mouv', Radio France a redéployé l'ensemble de ses compétences : trois personnes, au lieu de trente auparavant ; une personne au service technique, contre sept auparavant. Ils essaient donc de faire des économies.

L'État fait preuve d'une irresponsabilité telle que notre groupe ne peut que donner un avis défavorable sur ces crédits.

Mme Monique de Marco. - Je vous remercie également, monsieur le rapporteur ; le constat que vous dressez est très clair. Cependant, à la fin de votre propos, vous pointez la gestion de l'audiovisuel public. Mais c'est oublier la suppression de la redevance audiovisuelle ! Le Président de la République est donc quelque peu responsable de cette situation. N'oublions pas non plus que, l'an dernier, grâce à votre initiative, nous avons dû trouver une solution de financement via la TVA, afin d'éviter le pire. Nous estimions, pour notre part, qu'il s'agissait d'une solution injuste sur le plan fiscal, qui, de plus, n'assurait pas une totale indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. Nous avions proposé une contribution progressive, une forme de financement autonome, prévisible et juste, qui nous semble à la hauteur des besoins et de nature à préserver l'indépendance de l'audiovisuel public.

Concernant la réforme de la gouvernance, même si nous estimons, à l'instar de Sylvie Robert, nécessaire d'engager une réforme, nous ne partageons pas l'esprit de la proposition de loi de Laurent Lafon ni celui de la réforme proposée par la ministre Rachida Dati, qui est toujours en suspens.

Les entreprises de l'audiovisuel public sont privées de visibilité budgétaire en raison de la suspension des COM, ce qui pose de graves problèmes. Cette situation rend particulièrement difficile le pilotage des différentes entités et la poursuite des projets de transformation qui s'étendent sur plusieurs années.

Ce projet de loi de finances prévoit une diminution de 1,79 % des crédits affectés à l'audiovisuel public. Trois entreprises sont affectées par ces coupes ; même si les dotations de France Médias Monde et de TV5 Monde sont reconduites, les budgets de ces deux sociétés sont en réalité en baisse, compte tenu de l'inflation estimée à 1,3 %. Vous l'avez dit, France Télévisions est l'opérateur le plus affecté par les coupes budgétaires, avec une diminution de ses crédits de plus de 65 millions d'euros par rapport à 2025. Ces cures d'austérité à répétition ont contraint France Télévisions à présenter un budget 2025 en déficit de 40 millions d'euros.

Cette nouvelle coupe brutale, couplée à un manque de prévisibilité pluriannuelle, aura des conséquences lourdes sur l'attractivité de France Télévisions, notamment pour ce qui concerne le financement de la création et la production audiovisuelle indépendante.

Alors que France Télévisions finance à elle seule un tiers des programmes de fiction, un certain nombre de sociétés de production pourraient disparaître, avec des conséquences pour les auteurs, les scénaristes, les réalisateurs de cinéma, de fiction ou de documentaire, dont certains connaissent déjà une situation de précarité.

La Cour des comptes a qualifié, dans son rapport publié fin septembre, la situation financière de France Télévisions de « critique ». Mais quelles solutions celle-ci peut-elle trouver, si ce n'est de réduire les financements de la création ?

Radio France subit également une coupe de ses crédits à hauteur de 4,1 millions d'euros dans un contexte déjà difficile, tandis que l'INA voit ses crédits diminuer de 1,5 million d'euros. La poursuite des chantiers entamés en matière d'intelligence artificielle va s'en trouver affectée.

En conclusion, notre groupe dénonce fortement cette nouvelle cure d'austérité qui frappe l'audiovisuel public dans un contexte où son indépendance fait déjà l'objet d'attaques de toutes parts. Tout ce qui peut affaiblir ce secteur représente une menace pour notre démocratie, particulièrement au moment où les réseaux sociaux et l'intelligence artificielle produisent des contenus de désinformation. Pour toutes ces raisons, nous ne suivrons pas l'avis du rapporteur.

M. Pierre-Antoine Levi. - Je voudrais tout d'abord féliciter notre rapporteur pour la qualité et la précision de son rapport.

Les chiffres de l'audiovisuel public traduisent une réalité budgétaire : une baisse de 71 millions d'euros, après une baisse de 78 millions d'euros en 2025. Dans un contexte où l'audiovisuel public joue un rôle fondamental pour notre démocratie, cette trajectoire doit s'accompagner d'une transformation profonde de nos opérateurs. Il importe que cette contraction budgétaire soit l'occasion d'une modernisation structurelle et non d'un affaiblissement progressif.

L'analyse de la ministre, confirmée par la Cour des comptes, indique qu'il faudrait procéder à des économies structurelles à hauteur de 140 millions d'euros pour rendre le modèle de France Télévisions viable sur le long terme. Ce constat n'est pas nouveau, mais il prend aujourd'hui une acuité particulière.

Nos opérateurs publics doivent faire face à une double contrainte : d'une part, l'évolution rapide des usages, avec une audience jeune qui se détourne massivement de la télévision linéaire au profit des plateformes numériques ; d'autre part, une concurrence accrue des acteurs privés et des géants du numérique, qui disposent de moyens financiers et technologiques considérables.

Dans ce contexte, maintenir un modèle économique inchangé conduirait à une impasse. Nous partageons donc le constat de la nécessité d'engager une adaptation profonde, une modernisation résolue, un recentrage sur le numérique et le service au territoire.

L'audiovisuel public doit se transformer pour rester pertinent, pour reconquérir les jeunes générations, pour maintenir son ancrage local, qui fait sa force et sa légitimité. Les économies demandées peuvent être l'opportunité de cette transformation, à condition qu'elle soit véritablement structurelle : réorganisation des services, optimisation des moyens, mutualisation des fonctions support, adaptation de l'offre aux nouveaux usages. C'est cette approche que nous appelons de nos voeux.

Toutefois, pour que cette trajectoire budgétaire soit soutenable et efficace, elle doit s'accompagner d'un cadre solide, clair et contrôlable, un cadre dans lequel le Parlement retrouve toute sa capacité d'examen et de pilotage. Nous ne pouvons accepter une gestion des incertitudes où les économies seraient réalisées de façon opaque, sans vision stratégique claire, sans que nous puissions vérifier que les choix opérés préservent l'essentiel, à savoir la qualité des programmes, la diversité de l'offre, l'indépendance éditoriale, la couverture territoriale. C'est pourquoi le contrôle parlementaire doit être renforcé, et non affaibli, dans cette période de transformation.

Tel est précisément l'objet de la proposition de loi portée par le président de notre commission, Laurent Lafon, relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle. Adoptée par le Sénat, cette proposition de loi constitue une réforme institutionnelle majeure destinée à donner une gouvernance rénovée à l'audiovisuel public. Elle vise à clarifier les missions de chaque opérateur, à renforcer le contrôle parlementaire et à garantir l'indépendance éditoriale dans un contexte où celle-ci est régulièrement mise en cause. Il revient maintenant à l'Assemblée nationale de l'examiner, en seconde lecture, pour qu'elle prospère. Nous espérons qu'elle sera rapidement inscrite à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale afin que cette réforme structurante soit mise en oeuvre dans les plus brefs délais. Sans cette réforme de gouvernance, les efforts budgétaires demandés risquent de ne pas produire les effets attendus.

Par ailleurs, je souligne l'urgence de disposer de contrats d'objectifs et de moyens actualisés pour France Télévisions, Radio France et l'INA. Ces documents contractuels sont essentiels : ils fixent les engagements réciproques entre l'État actionnaire et les opérateurs ; ils définissent les priorités stratégiques ; ils établissent les trajectoires financières et programmatiques. Sans COM, sans indicateurs de performance précis portant sur la qualité des programmes, la diversité de l'offre, la modernisation numérique ou la couverture territoriale, nous ne pouvons pas vérifier que les économies réalisées sont bien structurelles et qu'elles permettent effectivement de construire un audiovisuel public plus efficace, plus moderne, plus en phase avec les attentes de nos concitoyens. Le Parlement a besoin de ces outils pour accompagner la transformation en cours et s'assurer qu'elle produit les résultats escomptés.

Dans ce contexte budgétaire exigeant, je relève une note positive : la préservation des crédits d'Arte France et de France Médias Monde. Il est essentiel que l'État continue à soutenir ces entités afin de préserver notre souveraineté audiovisuelle et notre influence sur la scène mondiale. Ces choix de préservation témoignent d'une hiérarchisation des priorités, que nous jugeons pertinente.

Le groupe Union Centriste votera ces crédits, considérant que la trajectoire proposée, si elle est accompagnée des réformes structurelles nécessaires, permettra de construire un audiovisuel public plus fort, plus moderne et plus efficace, tout en restant fidèle à sa mission fondamentale : garantir l'accès de tous à une information libre, diversifiée et de qualité.

Notre vote sera assorti de quatre exigences claires : l'inscription rapide de la proposition de loi Lafon à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale et son adoption définitive ; des COM actualisés et publics pour chaque opérateur concerné ; des indicateurs clairs permettant de mesurer l'impact réel des réformes sur la qualité du service public et l'efficacité de la gestion ; un véritable calendrier de mise en oeuvre des transformations annoncées.

M. Pierre Ouzoulias. - Je tiens à remercier très sincèrement le rapporteur, car il importe que nous partagions les bilans et les constats. Or, depuis que nous avons commencé à examiner les budgets de la culture, nous nous accordons - malheureusement - sur le constat et sur le bilan. Même si nous divergeons quant aux avis à rendre sur les crédits qui nous sont proposés, le petit-fils de résistant que je suis considère que, en période de crise, il est important de se retrouver sur l'essentiel.

Vous connaissez l'adage : « si l'on n'a pas les moyens de sa politique, on doit élaborer la politique de ses moyens. » En l'occurrence, il n'y a pas de moyens et il n'y a pas de politique. Depuis quelques jours, qu'il s'agisse du budget de la culture ou de celui de l'enseignement supérieur et de la recherche, on constate que la réflexion politique fait défaut. Cela fait une dizaine d'années que le gouvernement est dans l'incapacité de dire clairement - même si la position politique défendue n'est pas la mienne -, ce qu'il attend de l'audiovisuel public.

J'en suis intimement persuadé, en période de crise comme celle que nous vivons actuellement, où tous les fondements de la République sont attaqués, l'audiovisuel public doit servir une cause essentielle, la formation de l'esprit critique du citoyen. Face à l'augmentation des informations non vérifiées, cela doit être le coeur de métier de l'audiovisuel public.

Par ailleurs, je constate que le ministère de la culture se décharge d'un certain nombre de missions qui devraient être les siennes ; je pense à l'aide à la production. Les entreprises de l'audiovisuel public se retrouvent face à des injonctions contradictoires : la direction, les personnels sont perdus, et nous aussi.

Enfin, je suis certain que l'on peut trouver des ressources propres, mais on ne le fait pas pour des raisons politiques. Les opérateurs de l'intelligence artificielle pillent l'audiovisuel public, comme tout le reste d'ailleurs, pour vendre des informations financées au travers de nos impôts. Il faudrait donc à un moment donné que l'État demande une contribution à ces grandes plateformes !

Cessons cette forme d'irénisme considérant que tout ce qu'elles font contribue à développer l'innovation, car c'est faux. À un moment donné, l'État - et l'Europe - doivent leur demander de payer ce qu'elles pillent.

Mme Catherine Belrhiti. - Je remercie le rapporteur de son travail. L'évolution des crédits alloués à l'audiovisuel public dans le cadre du PLF pour 2026 est réellement préoccupante. Le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » voit ses crédits baisser de 71 millions d'euros ; la dotation à France Télévisions chute de 65,3 millions d'euros.

Ce repli s'inscrit dans une dynamique de baisse continue. Rappelons que les lois de finances initiales de 2024 et 2025 avaient déjà entamé des corrections budgétaires tardives, parfois en cours d'année, ce qui fragilise la visibilité à moyen terme des opérateurs. Ces arbitrages sont lourds de conséquences. France Médias Monde, dont je suis membre du conseil d'administration, joue un rôle essentiel dans notre rayonnement international, avec la diffusion d'informations en plusieurs langues, la couverture des zones de crise et le service d'un journalisme indépendant. Or l'enveloppe de l'audiovisuel public constitue près de 85 % de ses ressources totales. Une contraction budgétaire imposera des choix difficiles : réduction des effectifs, recul du nombre de correspondants à l'étranger, ralentissement du développement numérique ou repli sur des contenus moins coûteux. Autant de menaces réelles pesant sur la qualité et l'indépendance de l'information.

Or l'heure n'est pas à l'austérité, mais à la consolidation. La concurrence des plateformes mondiales, l'accélération des crises internationales et la désinformation renforcent le besoin d'un service public audiovisuel fort, capable de produire des contenus rigoureux, pluriels et accessibles. Réduire les moyens, c'est risquer d'affaiblir durablement notre capacité à remplir ces missions.

Par conséquent, il convient de s'interroger sur le modèle d'information que nous souhaitons. Si l'on veut préserver notre souveraineté culturelle, notre influence diplomatique et la diversité du paysage médiatique français, il faut donner des garanties claires et une visibilité pluriannuelle, prévoir un financement stable à la hauteur des enjeux internationaux.

L'audiovisuel ne doit pas être considéré comme une variable d'ajustement, car, derrière chaque euro retiré, se joue l'avenir de notre influence culturelle, de notre information et de notre voix à l'étranger. Cependant, nous suivrons l'avis du rapporteur.

Mme Laure Darcos. - À mon tour, je remercie le rapporteur pour son travail et la qualité des auditions, auxquelles j'ai pu en partie assister.

Concernant France Médias Monde, l'audition de sa présidente Marie-Christine Saragosse m'a permis de comprendre les raisons pour lesquelles ils ont exigé de ne pas être concernés par la réforme, notamment au regard des ingérences étrangères. Aujourd'hui, ils consacrent 5 millions d'euros supplémentaires au numérique, pour répondre' aux attaques des Russes et des Chinois, voire des Américains. Dans le cadre du bouclier pour l'information, les sociétés de l'audiovisuel coopèrent pour alerter sur les infox, afin d'essayer de les corriger. FMM ouvre des antennes dans des pays stratégiques, tels que la Moldavie. Ce groupe joue donc un rôle contribuant au soft power de la France.

S'agissant de France Télévisions, je dresse le même constat que mes collègues : le groupe souffre cruellement de ne pas disposer de contrat d'objectifs et de moyens ; c'est d'ailleurs ce que demandait le rapport de la Cour des comptes. Le groupe public ne peut donc pas faire de projections. Delphine Ernotte Cunci l'a souligné, la masse salariale a été réduite de façon drastique : plus de 900 personnes en quatre ans, soit une baisse de 10 % des effectifs.

Or la coupe drastique supplémentaire qui leur est demandée aura bien évidemment une incidence sur la grille des programmes. La diffusion de l'émission « Questions pour un champion » uniquement le week-end, qui avait fait grand bruit à l'époque, a permis de faire 3 millions d'euros d'économies. Il va sans dire que d'autres programmes populaires subiront le même sort.

Enfin, ce qui m'inquiète le plus, ce sont les crédits alloués au cinéma. France Télévisions va devoir faire 10 millions d'euros d'économies au titre des achats et des coproductions.

Pour toutes ces raisons, notre groupe s'abstiendra sur ce budget.

M. Max Brisson. - L'État consacre près de 4 milliards d'euros à l'audiovisuel public en l'absence même de contrat d'objectifs et de moyens, ce qui peut paraître surprenant, voire gênant. Face à la réduction des crédits, les responsables des deux grandes entreprises de l'audiovisuel public envisagent-ils un allégement de leurs coûts de fonctionnement et de leurs frais généraux ? Quelles réflexions ont-ils lancées sur le recentrage de leurs missions essentielles ? Il n'y a aucune raison que l'audiovisuel public ne participe pas à l'effort de la Nation pour contribuer au désendettement et à la réduction des déficits. Une véritable réflexion est-elle menée sur les missions de l'audiovisuel public dans le domaine de l'information, de la culture, de l'éducation, du lien social, en termes d'expression des territoires, d'accès à l'information ?

Les crédits ne seront plus abondants. Ce travail de réorganisation ambitieuse est-il lancé de la même manière à France Télévisions et à Radio France ? L'audiovisuel public se prépare-t-il à plus de souplesse, plus d'agilité, plus d'efficacité, pour plus de compétitivité ?

Mme Sonia de La Provôté. - Je tiens à féliciter le rapporteur pour son rapport de qualité. Je souhaite réagir sur les effets de bord de la baisse des crédits, singulièrement sur le cinéma, la création audiovisuelle et l'animation.

La diminution des budgets, qui pèsera en grande partie sur la création, aura un impact économique important sur le secteur de la culture dans son ensemble. En effet, France Télévisions est le premier partenaire des producteurs indépendants, ce qui est un gage de la diversité des films proposés. Ces producteurs travaillent dans tous les territoires, notamment les territoires ultramarins. Tout est lié dans la politique culturelle, l'impact ne sera pas neutre sur le cinéma - sans oublier que les crédits du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) sont également malmenés en ce moment. A-t-on estimé le coût économique de cette décision budgétaire ?

M. Cédric Vial, rapporteur pour avis. - M. Ouzoulias, vous dites qu'il n'y a ni moyens ni politique, mais ce n'est pas tout à fait exact puisque les moyens, bien qu'en baisse, s'élèvent à près de 4 milliards d'euros, ce qui n'est pas rien.

Certes, la situation est préoccupante, mais un certain nombre de responsables de l'audiovisuel public ont fait preuve d'un manque d'anticipation. Gérer, c'est choisir. Or nous subissons la baisse de moyens sans avoir la possibilité de faire des choix, ce qui rend la situation difficile.

À court terme, cette diminution fera mal. À moyen terme, elle aura des conséquences compliquées. Cependant, à long terme, elle est nécessaire et même existentielle pour l'audiovisuel public.

Mme de Marco affirme qu'affaiblir l'audiovisuel public, c'est affaiblir la démocratie. Je dirais plutôt que ne pas changer l'audiovisuel public, c'est l'affaiblir. Il ne s'agit pas de punir parce que nous considérons que les efforts nécessaires n'ont pas été fournis, mais de contraindre à procéder aux changements nécessaires. Jusqu'à maintenant, les responsables de l'audiovisuel public se demandaient pourquoi ils devaient évoluer alors qu'ils bénéficiaient toujours des mêmes moyens. L'écosystème de l'audiovisuel privé a changé, comme les audiovisuels publics européens. Pourquoi échapperions-nous à la règle ? Le décalage avec le reste de l'écosystème est de plus en plus important.

L'accord collectif de France Télévisions a été dénoncé l'été dernier après la publication d'un rapport de la Cour des comptes, car il contraignait à un cloisonnement des métiers générant des charges considérables, qui empêchent la transformation du secteur.

Les évolutions que nous connaissons auraient dû être anticipées. Les responsables de chaînes nous disent qu'ils ne l'ont pas fait parce qu'ils étaient dans l'incertitude. Certes, il faut reconnaître une responsabilité de l'État, qui n'a pas été clair. Il y a eu une absence de prévision et, pire encore, des signaux contradictoires ont été envoyés, ce qui est catastrophique quand il s'agit de piloter une politique. Néanmoins, les responsables auraient dû prévoir ce qui allait se passer. Ce n'est pas parce qu'on leur promettait des moyens supplémentaires qu'il ne fallait pas faire d'économies. Au contraire, il fallait en faire pour engager une transformation. Tout le monde le paie aujourd'hui.

Je crains que ces responsables ne prennent encore le chemin de la facilité en faisant peser les économies sur les programmes plutôt que sur le structurel. L'État investit environ 2,5 milliards d'euros dans France Télévisions - complétés par des revenus publicitaires s'élevant à 500 millions d'euros -, dans l'objectif de diffuser des programmes. C'est le rôle de la télévision. Or les économies vont être réalisées essentiellement sur les programmes. Ainsi, France Télévisions prévoit une réduction du financement de 50 millions d'euros pour la création audiovisuelle, de 10 millions d'euros pour le cinéma, de 15 millions d'euros pour les émissions de flux et de 7 millions d'euros pour le sport. La baisse atteint 82 millions d'euros alors que la coupe budgétaire prévue par le PLF s'élève à 65 millions d'euros, car il s'agit aussi de combler un déficit auquel les patrons de chaînes se sont habitués, dans la mesure où il était jusqu'à présent compensé par des recapitalisations. Nous les avons prévenus que ce ne serait plus le cas ; il s'agit de bonne gestion. Il ne serait ni moral, ni souhaitable, ni juste que toutes les économies portent sur les programmes. Si les responsables de chaînes ne procèdent pas à des économies structurelles, ils passeront une nouvelle fois à côté des défis qui sont les leurs.

Les projets annuels de performance (PAP) pour les années à venir prévoient une diminution continue des crédits de l'audiovisuel public : de 71 millions d'euros en 2026, de 65 millions d'euros en 2027 et de 44 millions d'euros en 2028. La baisse va se poursuivre, nous sommes dans une logique de diminution, qui nécessitera une réflexion sur les missions essentielles de l'audiovisuel public, laquelle doit être menée par les responsables de chaînes et l'État. On ne pourra pas continuer en rabotant les coûts ; nous avons atteint les limites du système. Il faudra peut-être revoir nos ambitions à la baisse pour pouvoir continuer à 'remplir de façon satisfaisante les missions que l'on décidera de conserver.

La réflexion devra aussi inclure le rôle de l'audiovisuel public à l'international, parfois négligé. Il importe de prendre en compte des enjeux majeurs et croissants, notamment en termes de guerre informationnelle. Il nous faut soutenir France Médias Monde, qui lutte sur ce champ de bataille. Il nous faut aussi répondre aux enjeux en matière de francophonie et de soft power. À cet égard, nous avons besoin d'Arte, de TV5 Monde et de France Médias Monde, mais aussi d'arbitrages forts.

Enfin, à titre personnel, je pense que Radio France a un peu mieux anticipé les enjeux que ne l'a fait France Télévisions, en engageant des réformes et en réalisant des économies. Les coupes budgétaires devraient être un peu moins lourdes à supporter et porter un peu moins sur les programmes. Ils ont fait des choix, comme la transformation de la radio Mouv' en chaîne numérique, qui génère des économies et permet d'éviter de faire peser l'effort sur tout le reste.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'audiovisuel public.

Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits « Livre et aux industries culturelles » - Examen du rapport pour avis (sera publié ultérieurement)

Ce point de l'ordre du jour sera publié ultérieurement.

Projet de loi de finances pour 2026 - Crédits « Patrimoine » - Examen du rapport pour avis (sera publié ultérieurement)

Ce point de l'ordre du jour sera publié ultérieurement.

La réunion est close à 11 h 45.