Mercredi 3 décembre 2025

- Présidence de Mme Muriel Jourda, présidente -

La réunion est ouverte à 09 h 30.

Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la confidentialité des consultations des juristes d'entreprise - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne M. Louis Vogel rapporteur sur la proposition de loi no 569 (2023-2024), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la confidentialité des consultations des juristes d'entreprise.

Proposition de loi visant à améliorer les moyens d'action de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués et à faciliter l'exercice des missions d'expert judiciaire - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne Mme Nadine Bellurot rapporteure sur la proposition de loi no 128 (2025-2026) visant à améliorer les moyens d'action de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués et à faciliter l'exercice des missions d'expert judiciaire, présentée par M. Antoine Lefèvre et plusieurs de ses collègues.

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Relations avec les collectivités territoriales » - Examen du rapport pour avis

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous examinons maintenant le rapport pour avis de notre collègue Jean-Michel Arnaud sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur pour avis de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». - Cette année encore, l'examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » s'inscrit dans un contexte particulier. La situation de nos finances publiques est préoccupante, et nous devons, plus que jamais, engager un effort de redressement des comptes publics. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 entend associer les collectivités territoriales à cet effort budgétaire, selon des modalités et dans des proportions qui ne sont pas toujours acceptables ; j'y reviendrai.

Afin de dissiper toute ambiguïté, je souhaite formuler quatre remarques liminaires.

En premier lieu, nous pouvons nous accorder sur le fait que les collectivités ne sont pas responsables à elles seules des dérives de nos finances publiques. Deux chiffres suffisent à s'en rendre compte : la dette des collectivités territoriales représente moins de 7 % de la dette publique totale alors que, dans le même temps, l'investissement local représente 58 % de l'investissement public. Dans leur immense majorité, les collectivités font preuve de rigueur et de responsabilité dans leur gestion ; cela n'empêche pas qu'elles doivent prendre leur juste part à l'effort.

En deuxième lieu, le bloc communal est fortement mis à contribution. En effet, 76 % de l'effort pèse sur les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ; il convient de procéder à un rééquilibrage.

En troisième lieu, j'attire votre attention sur la situation financière des départements, mis excessivement à contribution au regard de leurs capacités. Les départements sont victimes d'un double effet associant baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) et hausse des dépenses sociales, dont la plupart échappent à leur pouvoir de décision, étant imposées à l'échelon national.

Une soixantaine de départements risque de se retrouver dans une situation critique en 2026, alors que quatorze départements étaient mentionnés en 2024 ; il convient de revoir la copie à leur sujet, sachant que le Gouvernement semble partager notre constat.

En quatrième lieu, les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne représentent qu'une part modeste des transferts financiers de l'État vers les collectivités. Cette année, alors que la contrainte budgétaire enserre la plupart des budgets, les crédits de la mission font exception : ils se démarquent par une relative stabilité par rapport au budget précédent, en dépit d'une baisse conjoncturelle du soutien à l'investissement local, justifiée par le cycle électoral et estimée à 200 millions d'euros.

Avant de procéder à l'analyse détaillée des crédits de la mission, je souhaite aborder plus précisément l'enjeu de la participation des collectivités au redressement budgétaire.

Le PLF pour 2026 prévoit quatre principaux mécanismes destinés à mettre à contribution les collectivités territoriales, pour un montant attendu de 4,6 milliards d'euros d'économies. Notre position est le fruit d'un travail collectif, mené de concert avec les rapporteurs spéciaux, Stéphane Sautarel et Isabelle Briquet, et le rapporteur général, Jean-François Husson, en se fondant sur les principes fixés par le président du Sénat, qui a proposé de ramener l'effort demandé aux collectivités de 4,6 à 2 milliards d'euros.

Le premier mécanisme consiste à mettre en place un dispositif de lissage conjoncturel des recettes fiscales des collectivités territoriales (Dilico), qui prendrait la forme d'une ponction sur les recettes fiscales des plus grandes collectivités pour un total de 2 milliards d'euros.

L'an dernier, le Sénat a créé un Dilico en lieu et place du dispositif de fonds de réserve punitif envisagé par le Gouvernement. En réponse, nous avions voté un dispositif plus simple de mise en réserve d'un total de 1 milliard d'euros, reversé par tiers et sans condition à chaque collectivité contributrice ; la première partie de ce reversement est en cours.

Cette année, le Gouvernement est revenu à la charge avec un dispositif d'un montant de 2 milliards d'euros qui n'a rien d'un lissage conjoncturel, mais vise à imposer aux collectivités un montant maximum de dépenses de fonctionnement et d'investissement. Les sommes prélevées au titre de ce Dilico 2 ne seraient reversées qu'à condition de contenir la progression des dépenses au niveau national ; c'est une façon de pénaliser les collectivités contributrices, et cela n'est pas acceptable en l'état.

Je propose d'adopter un amendement identique à celui qui a été adopté par la commission des finances, afin de réécrire ce dispositif. L'objectif est de ramener de 2 milliards d'euros à 890 millions d'euros le montant du prélèvement opéré au titre de 2026. Parallèlement, le reversement des sommes prélevées serait étalé sur trois et non cinq ans ; celui-ci serait également inconditionnel et non plus dépendant du niveau collectif de dépenses des collectivités.

Par ailleurs, les communes, déjà fortement sollicitées, seraient exclues du dispositif, et la contribution des EPCI à fiscalité propre serait réduite de moitié. Eu égard à leur situation financière, la contribution des départements serait également divisée par deux ; les plus fragiles d'entre eux en seraient exonérés.

La deuxième mesure confirme la fâcheuse tendance de l'État à ne pas compenser durablement la dynamique des ressources fiscales locales supprimées. La dotation versée au bloc communal pour compenser la réduction, imposée aux collectivités en 2021, de 50 % des valeurs locatives industrielles de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et de la cotisation foncière des entreprises (CFE) serait amputée de 1,2 milliard d'euros.

À cet égard, je salue l'amendement du rapporteur général, qui a diminué d'un tiers la facture pour le bloc communal.

Pour la deuxième année consécutive, les « variables d'ajustement » font l'objet d'une baisse inquiétante, d'un montant de 527 millions d'euros ; l'effort est nécessaire, mais, à ce rythme, comme l'a indiqué la Cour des comptes, les 3 milliards d'euros des différentes dotations concernées auront fondu en six ans.

La quatrième mesure de mise à contribution des collectivités passe par le recentrage du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) sur les dépenses d'investissement et l'allongement des délais de remboursement pour les EPCI afin de les aligner sur le droit commun ; la mesure est évaluée à 700 millions d'euros. Là encore, nous rejoignons la position du rapporteur général, qui s'est opposé à la réduction de l'assiette du FCTVA pour la deuxième année consécutive.

L'effort financier demandé aux collectivités pour 2026 ne se limite pas à ces mécanismes. S'y ajoutent notamment une réduction de 500 millions d'euros des crédits consacrés au fonds vert et la hausse de quatre points du taux de cotisation employeur à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) qui, comme l'année dernière, devrait représenter un coût supplémentaire de l'ordre de 1,3 milliard d'euros pour les collectivités en 2026.

Je salue la proposition du Gouvernement d'abonder le fonds de sauvegarde des départements à hauteur de 300 millions d'euros. À l'instar de la commission des finances, je propose un amendement visant à doubler le montant de ce fonds - à hauteur de 600 millions d'euros - et à élargir les conditions d'attribution de manière à pouvoir soutenir la soixantaine de départements qui pourraient se trouver en situation critique en 2026. Cet amendement devrait recevoir un avis favorable du Gouvernement, puisque le Premier ministre en a pris publiquement l'engagement devant l'Assemblée des départements de France (ADF).

J'en viens à l'analyse de l'évolution des crédits de la mission. Comme indiqué en préambule, ceux-ci connaissent une stabilité globale, si ce n'est une diminution - présentée par le Gouvernement comme conjoncturelle - du soutien à l'investissement local, sachant qu'une baisse de ces financements est à prévoir pour 2026, année électorale. Sur ce point, les crédits diminuent de 3,9 % en autorisations d'engagement (AE) et de 0,8 % en crédits de paiement (CP). Cette baisse représente 200 millions d'euros sur les 3,9 milliards d'euros alloués à la mission. Nous serons vigilants afin que ces crédits soient rétablis dès 2027.

Le programme 119, concentrant des dotations de soutien à l'investissement et des compensations financières des charges, supporte la totalité de la baisse de crédits. L'article 74 du PLF prévoit de regrouper les crédits au sein d'un fonds d'investissement pour les territoires (FIT), se substituant à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), à la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et à la dotation politique de la ville (DPV).

Je suis opposé à la fusion de ces dotations, qui entraînerait une redéfinition du périmètre des communes éligibles au FIT et d'importantes modifications des modalités d'attribution des subventions. Je comprends la volonté de simplification affichée par le Gouvernement, mais les changements proposés risquent de pénaliser les communes rurales qui bénéficient, avec la DETR, d'une dotation dédiée, stable et intégrée dans les politiques publiques d'investissement des collectivités locales, à laquelle tous les élus sont attachés.

Néanmoins, il convient de réfléchir à une simplification des différentes procédures. Pour l'heure, ce changement m'apparaît prématuré, et je propose d'adopter un amendement de suppression du FIT.

Pour les autres dotations, notamment la dotation titres sécurisés (DTS) et la dotation de soutien aux communes pour les aménités rurales, je me réjouis de la stabilité des crédits, maintenus respectivement à 100 et 110 millions d'euros en AE comme en CP.

Le programme 122 regroupe, quant à lui, 250 millions de crédits destinés à financer le soutien de l'État à des collectivités territoriales confrontées à des situations exceptionnelles. Nos appels de l'année dernière ont été entendus, puisque la dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques (DSECG) progresse de 40 millions d'euros, pour atteindre 70 millions d'euros en AE. Elle apparaît désormais mieux dimensionnée pour accompagner les collectivités territoriales confrontées à une multiplication des aléas climatiques.

Enfin, ce PLF ne prend pas en compte les apports de la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local. Pourtant, ce texte, voté à l'unanimité en seconde lecture au Sénat en octobre 2025, devrait être adoptée prochainement par l'Assemblée nationale pour entrer en vigueur en 2026.

Or le Gouvernement n'a pas tiré les conséquences de l'élargissement des bénéficiaires de la dotation particulière relative aux conditions d'exercice des mandats locaux, dite dotation particulière « élu local » (DPEL). Je propose, en lien avec nos rapporteurs de la proposition de loi, de majorer la DPEL du montant nécessaire au maintien des sommes perçues par chaque commune. La direction générale des collectivités locales (DGCL) a évalué les moyens nécessaires à 23 millions d'euros ; après examen des différents chiffres, le montant pour faire face aux nouvelles dispositions de la loi portant création du statut de l'élu s'élève, en réalité, à un peu plus de 59 millions d'euros.

Ce montant permettra de prendre en compte l'élargissement de la DPEL aux communes comptant jusqu'à 3 500 habitants, ainsi que de compenser la revalorisation à hauteur de 10 % des indemnités des maires des communes de moins de 1 000 habitants. Des discussions sont en cours avec le Gouvernement afin que cette somme de 59 millions d'euros puisse être intégrée dans le PLF.

En conclusion, au bénéfice de ces observations et sous réserve de l'adoption des trois amendements présentés, je propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Je renouvelle également mon alerte concernant la baisse de 200 millions d'euros des crédits liés à l'investissement ; si ceux-ci n'apparaissent pas cette année pour des raisons conjoncturelles recevables, nous devrons veiller à leur réinscription l'année prochaine.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Pour information, le texte portant création du statut de l'élu doit être examiné, en deuxième lecture, le 8 décembre prochain, à l'Assemblée nationale.

M. Michel Masset. - En attendant les débats, le groupe Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE) compte s'abstenir sur le vote des crédits. Si j'ai bien compris, les EPCI à fiscalité propre tels que les communautés d'agglomération et les communautés de communes sont principalement ciblés par le Dilico.

M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur pour avis. - Les EPCI à fiscalité propre seront effectivement mis à contribution au titre du Dilico en 2026, mais l'amendement que je vous propose permettra de diviser par deux le montant de leur prélèvement. Il permettra également d'exonérer l'ensemble des communes ainsi que les départements les plus fragiles.

M. Michel Masset. - Cela nous convient, mais il s'agit de préciser les critères pour les intercommunalités.

Concernant la FCTVA, nous nous opposons à ce qui est prévu.

Concernant la diminution de 500 millions d'euros de l'enveloppe dédiée au fonds vert, on peut s'interroger sur les moyens mis à disposition, notamment dans les territoires ruraux, pour soutenir les collectivités qui agissent pour la transition écologique.

Concernant les 600 millions d'euros prévus au titre du fonds de sauvegarde destiné à soutenir les soixante départements les plus fragiles, quels sont les critères d'attribution ?

Sur le sujet du FIT, il s'agit de maintenir la DETR et la DSIL.

Quant au programme 122, confirmez-vous que les catastrophes naturelles, notamment les maisons fissurées, sont bien concernées par l'augmentation du montant ?

M. Mathieu Darnaud. - Je partage sans réserve l'avis de notre rapporteur, ainsi que certaines des inquiétudes évoquées par Michel Masset. La copie se précise avec les amendements, notamment sur les sujets liés aux régions, qui vont dans une bonne direction. Sans la croissance due aux territoires et sans la commande publique des collectivités, notre pays serait dans une situation plus compliquée encore.

Souvent, nous légiférons sans que les lois soient suivies d'effets, faute de prévoir un véritable financement des mesures adoptées ; c'est encore le cas avec le statut de l'élu. Dans le cadre de la loi relative à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique de 2019, dite « Engagement et proximité », nous avions déjà rehaussé les indemnités des élus locaux pour les communes de moins de 3 500 habitants. Il faudra veiller à ce que la DPEL soit augmentée de sorte que les revalorisations prévues pour 2026 ne pèsent pas, in fine, sur les budgets des plus petites communes.

Le sort de la DETR est un sujet important. Sous l'autorité de Gérard Larcher, nous avons commis plusieurs rapports démontrant l'intérêt de fusionner les différentes dotations. En revanche, je ne comprends pas pourquoi, cette année, les crédits de la politique de la ville sont concernés. Dans plusieurs territoires, la prise en compte de certains critères par les commissions DETR s'avère difficile ; on souhaiterait davantage de souplesse et de coordination entre les services chargés d'attribuer la DETR et ceux responsables de la DSIL.

Dans la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale de 2022, dite « 3DS », nous avons adopté une disposition permettant aux préfets de région de déléguer aux préfets de département la compétence pour décider de l'attribution des subventions au titre de la DSIL.. Ce faisant, le préfet de département est en mesure de proposer aux maires et présidents d'intercommunalité de financer leurs projets via la DSIL plutôt que la DETR, ou l'inverse, lorsque l'une ou l'autre de ces enveloppes se révèle déjà consommée.

Au regard du besoin de simplification administrative, il s'agit de parvenir à un dossier unique, et peut-être aussi d'envisager une fusion de la DETR et de la DSIL à partir de critères précis, sans revenir sur le caractère rural de la DETR. Comme cela procède de la compétence des préfets, on peut tout à fait imaginer que les commissions départementales d'élus, dites « commissions DETR », puissent sanctuariser un montant dévolu aux communes rurales.

À cela s'ajoute la question de l'ingénierie et des capacités d'accompagnement sur le plan administratif. On observe de nombreux problèmes de ressources humaines, notamment pour trouver les directrices ou directeurs de services municipaux.

M. Christophe Chaillou. - Monsieur le rapporteur, nous partageons vos remarques préliminaires concernant la responsabilité des collectivités, la mise à contribution du bloc local, la situation financière des départements et la relative stabilité des crédits.

Les collectivités territoriales sont fortement mises à l'épreuve. Elles sont appelées à un effort disproportionné qui ne correspond pas à l'état de leur endettement et ne tient pas compte de leur capacité à engager les investissements nécessaires pour le pays.

Cet effort est chiffré par un certain nombre d'élus à hauteur de 7,5 milliards d'euros, un montant qui se situe bien au-delà des chiffres avancés par le Gouvernement, même si les situations varient selon les différentes strates de collectivités territoriales.

Nous n'étions pas favorables au Dilico. Certes, des propositions visent à améliorer les choses, notamment les amendements excluant les communes du dispositif et diminuant l'effort pour les départements. Il n'en reste pas moins que les régions vont de nouveau être mises à contribution, et nous sommes opposés à cela.

Sur le FCTVA, nous partageons votre position et vos propositions.

Nous sommes défavorables à la fusion des différents fonds et à la création du FIT. La dilution des fonds risque d'amoindrir les enveloppes et de mettre à mal un certain nombre d'engagements. J'ai cru comprendre que les préfectures agissaient déjà comme si la fusion était effective.

Sur le volet de la simplification, je rejoins les propos de Mathieu Darnaud. Le message varie trop souvent. La simplification est souhaitée par tous les élus, avec toutefois un point d'alerte concernant l'attribution de ces fonds. Certains préfets ont tendance à abuser de leur pouvoir discrétionnaire, en omettant notamment de consulter les parlementaires avant de prendre une décision. Je crains donc que l'établissement d'un fonds unique ne renforce cette position. Alors que l'on évoque les nouvelles étapes de la décentralisation, cela ne va pas dans le bon sens.

Concernant les départements, nous sommes favorables aux propositions qui visent à amoindrir l'effort et, avec l'abondement du fonds de sauvegarde, à redonner des moyens aux départements les plus en difficulté. Cela dit, l'effort semble toujours disproportionné et, encore une fois, nous sommes en désaccord sur le mécanisme du Dilico. En plus d'être en contradiction totale avec le principe de la libre administration des collectivités territoriales, celui-ci diminue la capacité des collectivités à investir.

Pour toutes ces raisons, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) est défavorable à l'adoption des crédits de la mission.

Mme Anne-Sophie Patru. - Notre rapporteur a fait preuve de vigilance sur le sujet du Dilico qui inquiète nos départements.

Sur le statut de l'élu, nous avons travaillé sur un amendement avec le Gouvernement. La somme de 23 millions d'euros ne correspond pas à celle qui est espérée, sachant que la revalorisation des indemnités pour les maires n'est pas incluse. En conséquence, nous proposerons en séance deux sous-amendements à l'amendement du Gouvernement - l'un concernant l'article 31, l'autre l'article 35 - afin que l'enveloppe passe de 23 millions d'euros à 59,4 millions d'euros, de manière à financer les mesures adoptées lors de l'examen de la proposition de loi portant création d'un statut de l'élu local.

Enfin, le FIT témoigne d'une volonté de simplification. Cependant, le dispositif ne paraît pas encore assez mûr, et il ne faudrait pas que cela entraîne un amoindrissement des dotations.

M. Guy Benarroche. - Nous partageons les préconisations du rapporteur sur les points importants relevés dans son introduction, ainsi que sur certains aspects techniques, notamment la TFPB, le FCTVA ou encore la suppression du FIT.

Sur le Dilico, nous partageons la position du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) ; nous demandons la suppression de ce dispositif.

Vous avez indiqué que les collectivités n'étaient pas les seules responsables de la dette ; en réalité, elles ne le sont pas du tout. À l'examen des chiffres, on constate le niveau d'investissement et de responsabilité dans la dette des collectivités territoriales par rapport à celui de l'État. Les collectivités ont même contribué à réduire la dette de l'État. L'an dernier, nous étions tous opposés à ce budget. Cette année, pour notre part, nous restons cohérents et refusons de soutenir les mesures citées.

En l'état actuel, ce budget comporte un important risque récessif. Au regard de la mise en cause de la capacité d'autofinancement et d'investissement des collectivités territoriales, et sachant que celles-ci portent 60 % des investissements publics dans notre pays et 80 % des investissements dans la transition écologique, il apparaît que les économies envisagées risquent, pour certaines, d'être compromises par la récession.

Par ailleurs, se pose la question du partage de la charge liée à la dématérialisation des services publics. Ce budget ne permet en aucun cas de garantir l'autonomie des collectivités territoriales. Vous avez rappelé le travail effectué sur la décentralisation ; nous en sommes tellement loin qu'il me paraît difficile de ne pas s'opposer à un tel budget.

Se pose également un problème de transparence et de visibilité pour les communes. Cela va à l'encontre des préconisations à ce sujet de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, ainsi que du groupe de travail sur la décentralisation.

Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires ne peut pas être favorable à l'adoption de ces crédits.

M. David Margueritte. - Mon premier point concerne les régions. Je me réjouis des propositions limitant la baisse budgétaire. L'erreur serait de croire que les régions disposent d'une surface financière suffisamment importante pour leur permettre de la surmonter. En effet, leur capacité d'endettement est aujourd'hui mise à mal, le délai moyen de remboursement de leur dette a explosé, et leur capacité d'investissement diminue fortement.

Une autre erreur serait d'imaginer que ces baisses budgétaires n'auront pas de conséquences pour les autres collectivités. Les régions signent des contrats de territoire avec les intercommunalités et les communes ; un certain nombre d'entre eux sont gelés, les clauses de revoyure sont annulées. En conséquence, je me réjouis que des solutions de compromis puissent être mises en place.

Des dispositions sont prévues par le Gouvernement concernant les budgets de l'apprentissage. Celles-ci visent à réduire quasiment de moitié le budget d'investissement d'apprentissage des régions. Depuis la réforme du 5 septembre 2018, ces budgets ont été mis à l'épreuve. Les capacités d'investissement sont aujourd'hui réduites à néant, alors même que le nombre d'apprentis a augmenté et que les investissements dans les centres de formation d'apprentis (CFA) sont plus nécessaires que jamais.

Ma deuxième remarque porte sur les valeurs locatives industrielles. Le sujet sera abordé en séance dans le cadre de l'article 31, et je me réjouis que le rapporteur général propose de plafonner, pour chaque collectivité, à 2% des recettes de fonctionnement la baisse résultant de la diminution du prélèvement sur recettes.

Un territoire industriel investit davantage en matière d'attractivité, de services publics et d'offre de santé pour accueillir de nouveaux salariés et compenser le préjudice d'image qui peut survenir avec le lancement d'un projet industriel. Or, cette baisse des crédits remet en cause un certain nombre de ces projets et contrevient aux engagements pris par l'État en 2021.

Cela pose une question de confiance, puisque la compensation devait se faire non seulement à l'euro près, mais en intégrant la dynamique. Celle-ci est liée à l'activité des entreprises industrielles, qui a fortement progressé depuis cinq ans. L'engagement sur la dynamique doit être tenu, et je sais que nous serons nombreux à défendre cette vision.

M. Hussein Bourgi. - Je m'inscris en faux contre cette idée, souvent reprise par les ministres, selon laquelle une année électorale entraînerait une baisse des investissements. Dans les communes, en particulier les petites communes relevant de la DETR, on ne trouvera, le plus souvent, qu'une seule liste. Dans de nombreuses intercommunalités, les projets qui sont éligibles à la DETR ou à la DSIL sont pluriannuels, inscrits sur plusieurs tranches. Par conséquent, que le président soit élu, réélu ou non, les demandes de financement sont déposées, d'un tacite accord avec l'autorité préfectorale, sur deux, trois ou quatre ans.

La fédération nationale des travaux publics (FNTP) ainsi que la fédération française du bâtiment (FFB) nous alertent sur la crise qui vient. Une diminution de l'investissement aurait des répercussions directes sur l'emploi dans nos territoires.

Je souhaite également évoquer la baisse importante des crédits liés au fonds vert. On observe un paradoxe dans notre pays. Le Gouvernement affirme que la transition écologique et énergétique est une priorité pour lutter contre l'inflation des coûts de l'énergie. Les communes et les intercommunalités présentent des projets sur plusieurs années, et on leur annonce aujourd'hui que l'enveloppe dévolue au fonds vert va connaître une baisse substantielle. Les règles du jeu sont faussées. Ce n'est pas une manière respectueuse de traiter les élus locaux et les collectivités qui s'engagent, répondent aux appels à projets, se lancent dans des projets pluriannuels. La diminution du fonds vert a des conséquences directes sur la capacité d'investissement des intercommunalités.

Ma dernière observation rejoint les réflexions de Mathieu Darnaud. Je n'ai pas d'opposition de principe sur le FIT. Celles et ceux qui siègent dans les commissions DETR sont habitués à cette pratique du « bricolage » entre les différents fonds. Pour les maires et les présidents d'intercommunalité, ce n'est pas le cadre qui importe, mais le montant de la subvention notifiée.

Cependant, la création du FIT, si elle voyait le jour, devrait s'accompagner d'un changement de doctrine, de sorte que les parlementaires et la commission soient saisis et informés pour toutes les subventions, y compris celles qui sont inférieures à 100 000 euros.

M. Éric Kerrouche. - Concernant la DPEL, je déplore que le Gouvernement n'ait pas fait le choix d'abonder directement cette ligne afin de tenir compte des mesures prévues dans la proposition de loi portant création du statut de l'élu. Nous en sommes réduits à effectuer des redéploiements entre les différentes dotations. S'il n'est pas satisfaisant de minorer la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) en contrepartie, il est important de voter l'amendement alignant la DPEL sur les annonces induites par la proposition de loi sur le statut de l'élu.

M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur pour avis. - Concernant les propos à caractère général de Guy Benarroche, nous aurons ce débat lors de l'examen des crédits de la mission en séance publique. Cela fait partie du jeu démocratique institutionnel au sein de notre assemblée..

Sur le Dilico, les amendements prévoient d'exclure les communes et de diviser par deux les contributions des départements et des EPCI à fiscalité propre. Le prélèvement passera, si l'amendement que je vous propose est adopté, de 2 milliards d'euros à 890 millions d'euros. Pour ce qui concerne les régions, un amendement du rapporteur général prévoit d'alléger leur charge à hauteur de 180 millions d'euros, en réduisant la baisse de leur DCRTP.

Pour les collectivités régionales, cela aura des conséquences immédiates en compensant leur contribution au Dilico. Dans la région Sud-Provence-Alpes-Côte d'Azur par exemple, un allègement de la contribution au Dilico à hauteur de 40 millions d'euros correspond à une augmentation équivalente des financements en direction du bloc communal au titre des accompagnements de politiques territoriales.

Concernant la DPEL, le Premier ministre a annoncé une prime de 500 euros pour les maires, au titre de la compensation pour mission d'État. Au total, le montant s'élèverait à 17 millions d'euros ; cette somme ne figure pas dans le PLF. Si cela avait été le cas, nous aurions pu déposer un amendement permettant de flécher ces 17 millions d'euros en direction de la DPEL.

Sur la création du FIT, j'entends vos requêtes sur la nécessité d'une meilleure lisibilité. Celle-ci pourrait progresser au niveau de la DSIL si la dotation était directement attribuée au département, dans le cadre d'une ventilation de l'enveloppe. Cela serait le début d'une rationalisation des conditions d'engagement des dotations en direction des collectivités locales.

Pour le reste, il s'agit de rester prudent. Cette idée de regrouper les fonds d'investissement n'était plus évoquée ; au moment où nous cherchons des économies, elle réapparaît. Sans faire de procès d'intention, il ne faudrait pas que la création de ce FIT devienne une manière de réduire les dotations. Concernant la DPV, son inclusion dans le FIT pourrait aussi entraîner une dilution du soutien aux communes concernées par la politique de la ville.

Concernant l'article 31 et la réduction du montant du prélèvement sur recettes consacré aux valeurs locatives industrielles, il est important d'envoyer un signal aux maires qui continuent à accueillir de l'activité industrielle, avec les conséquences que cela entraîne en termes de qualité de vie, d'utilisation du foncier disponible et d'acceptabilité des populations. On ne peut pas vouloir réindustrialiser le pays sans récompenser les collectivités locales qui font les efforts nécessaires pour accompagner ces politiques industrielles.

Sur les 600 millions qui seront dédiés aux départements via le fonds de sauvegarde, l'amendement vise à préciser les critères d'éligibilité et d'élargissement de la base des départements qui pourraient en bénéficier. Afin de soutenir un plus grand nombre de départements, il est proposé de rester à un taux de fragilité sociale de 80 % plutôt que de 95 %.

Article 74

M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur pour avis. - L'amendement LOIS.1 vise à supprimer l'article 74, qui prévoit de regrouper les différentes dotations au sein d'un nouveau fonds d'investissement pour les territoires.

L'amendement LOIS.1 est adopté.

Article 76

M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur pour avis. - L'amendement LOIS.2, identique à celui adopté par la commission des finances, concerne les modifications du Dilico que nous venons d'évoquer.

L'amendement LOIS.2 est adopté.

Article 77

M. Jean-Michel Arnaud, rapporteur pour avis. - L'amendement LOIS.3 met en oeuvre l'abondement de 300 à 600 millions d'euros du fonds de sauvegarde pour les départements, en modifiant les critères de répartition de cette somme afin d'accompagner les soixante départements les plus fragiles.

L'amendement LOIS.3 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Immigration, asile et intégration » - Examen du rapport pour avis

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous poursuivons nos travaux avec l'examen du rapport pour avis sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

M. David Margueritte, rapporteur pour avis de la mission « Immigration, asile et intégration ». - Le périmètre de la mission « Immigration, asile et intégration » recouvre la gestion des flux migratoires, l'accueil et l'examen des demandeurs d'asile, et l'intégration des personnes immigrées en situation régulière sur le territoire.

Les crédits de la mission sont fixés cette année à 2,16 milliards d'euros, soit un quart des crédits attribués aux politiques d'immigration dans notre pays, lesquels s'élèvent à 7,8 milliards d'euros.

L'exercice 2025 avait marqué une baisse sensible d'un certain nombre de postes ; celui de 2026 appelle une dynamique plus positive, avec une augmentation de 3,8 %, soit 80 millions d'euros, en crédits de paiement (CP), et de 25 %, soit 451 millions d'euros, en autorisations d'engagement (AE).

Cette augmentation significative des crédits est principalement liée à l'investissement en vue de l'accroissement des capacités de rétention administrative, avec notamment le déploiement du plan « CRA 3 000 ». Celui-ci doit s'achever en 2029, et non en 2027 comme cela était initialement prévu, avec une multiplication par trois des AE - plus de 266 millions d'euros pour cet investissement immobilier majeur - et un doublement des CP.

L'augmentation des crédits procède également de l'application du nouveau pacte en matière d'immigration et d'asile, à compter du 12 juin 2026, avec des dépenses supplémentaires qui s'élèvent à 85 millions d'euros. Les crédits doivent notamment permettre de déployer un certain nombre de mesures concrètes afférentes à ce pacte, comme l'extension de la zone d'attente de Roissy et la création de places d'hébergement au titre de la « capacité adéquate » requise pour le filtrage et la nouvelle procédure d'asile à la frontière. Ce pacte prévoit également de nouvelles garanties procédurales au profit des demandeurs d'asile, à l'instar de l'accès à un interprète dès l'enregistrement de la demande, ce qui entraîne des surcoûts durables. Une enveloppe de 34 millions d'euros est prévue pour l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) afin de mettre en oeuvre ces mesures.

Ces 85 millions d'euros sont toutefois très en deçà de la première estimation du Gouvernement, qui prévoyait 150 millions d'euros. Nous n'avons pas obtenu de réponse précise du ministre de l'intérieur pour justifier cet écart.

Faute de transposition et d'adaptation de notre droit, la mise en oeuvre du pacte suscite de nombreuses interrogations. Un projet de loi est annoncé pour le début de l'année, ce qui peut paraître hasardeux dans le contexte incertain que nous connaissons.

J'en viens à la lutte contre l'immigration irrégulière. La mission s'inscrit dans le cadre d'une pression migratoire inédite. Les indicateurs habituellement retenus pour mesurer l'immigration irrégulière atteignent des niveaux records en 2024, qu'il s'agisse du nombre d'interpellations d'étrangers en situation irrégulière (150 000) ou du nombre de bénéficiaires de l'aide médicale de l'État (AME), qui s'élève à 463 000. On estime à 700 000 le nombre d'étrangers en situation irrégulière sur le territoire national.

Or, l'éloignement s'avère toujours difficile à mettre en oeuvre, en dépit des efforts déployés depuis plusieurs années. En 2024, moins de 13 000 retours forcés ont été exécutés, en légère progression par rapport à 2023. En 2025, les chiffres devraient augmenter de façon significative, puisque nous en étions déjà à plus de 10 000 retours forcés au 1er septembre, soit une augmentation de 23 % par rapport à la même période en 2024.

Le taux d'exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF), estimé à 8,3 % en 2024, s'élèverait à 10,9 % en 2025. Des réserves méthodologiques s'imposent sachant que de nombreuses OQTF sont édictées sans être notifiées, et qu'un certain nombre d'entre elles ne sont plus d'actualité. Il est vraisemblable que cette progression est en partie liée aux dispositions de la loi du 26 janvier 2024.

En dépit de l'amélioration qui paraît se dessiner en 2025, les résultats ne sont pas à la hauteur de l'énergie déployée par les services de l'État. Les principaux obstacles à l'éloignement sont : l'insuffisance des capacités de rétention, qui demeure, et de loin, le moyen le plus sûr d'exécuter une mesure d'éloignement ; l'établissement de l'identité des étrangers et des États d'origine ; enfin, l'obtention dans des délais utiles des laissez-passer consulaires. L'arrêt de la coopération consulaire de l'Algérie depuis le mois de mars 2025 a ainsi compliqué considérablement l'éloignement des ressortissants algériens, qui représentent 40 % des retenus des centres de rétention administrative (CRA) de métropole. Il explique en grande partie la diminution du taux d'éloignement à l'issue d'un placement en rétention, qui s'élevait à 36,4 % au 30 septembre 2025 (contre 38,8 % en 2024).

Les efforts consentis dans le budget en faveur des capacités en CRA sont significatifs et semblent prendre la mesure de l'enjeu. Le nombre de places en rétention administrative va progresser dès l'année prochaine, l'objectif étant d'atteindre les 3 000 places en 2029, contre moins de 2 000 places actuellement. Dès 2026, 340 places supplémentaires sont prévues, avec l'ouverture de deux nouveaux CRA et des extensions de CRA existants. Nous demeurerons vigilants quant à la bonne exécution de ces crédits, les années précédentes ayant été marquées par une sous-consommation chronique des crédits en la matière. Celle-ci est liée à des difficultés d'ordre immobilier et foncier, et non à l'absence de volonté politique. Ces difficultés sont ordinaires pour un programme immobilier de cette ampleur. L'extension des places en CRA devra également s'accompagner du recrutement des personnels nécessaires.

Concernant la politique de l'asile, les délais d'examen progressent légèrement - 10,8 mois cette année, contre 9,8 mois en 2024. Il s'agit d'un enjeu humain, mais également d'un enjeu budgétaire, puisque ces délais ont un effet mécanique sur les autres postes de dépense, notamment l'allocation pour demandeur d'asile (ADA) et l'hébergement.

Cet allongement de la durée d'examen s'explique par plusieurs facteurs. Le nombre de demandes d'asile a atteint un niveau inédit en 2024, avec plus de 153 000 dossiers. Des facteurs conjoncturels ont également eu des conséquences sur l'activité décisionnelle de l'Ofpra et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) ; pour cette dernière, il s'agit notamment de la mise en oeuvre de ses chambres territoriales.

À l'examen de ce budget, on observe des améliorations. Après la création de 29 équivalents temps plein (ETP) en faveur de l'Ofpra l'année dernière, le budget prévoit une nouvelle hausse de 48 ETP en 2026, ce qui devrait permettre d'accroître encore la capacité décisionnelle de l'office.

Si les délais devraient de nouveau diminuer en 2026, l'objectif d'un délai moyen global de six mois pour l'examen d'une demande paraît toutefois hors de portée, sans une évolution des procédures et des méthodes de travail. De telles évolutions seront d'ailleurs requises dès 2026 pour respecter les délais particulièrement exigeants de la nouvelle procédure d'asile à la frontière, dans laquelle la demande d'asile devra être examinée au fond en douze semaines, l'examen du recours étant compris dans ce délai.

À cet égard, l'on peut souligner les premiers résultats encourageants de l'espace France Asile de Cergy, ouvert le 19 mai dernier. L'introduction des demandes d'asile par les agents de l'Ofpra, plutôt que l'envoi d'un formulaire papier, permettrait à lui seul un gain de 21 jours. Le traitement des demandes serait également accéléré par la fiabilisation des dossiers et la meilleure anticipation des besoins en interprète.

M. Olivier Bitz, rapporteur pour avis de la mission « Immigration, asile et intégration ». - Je poursuis avec les conditions matérielles d'accueil, qui recouvrent l'ADA et l'hébergement. Si l'on exclut les surcoûts liés à la mise en oeuvre du pacte sur la migration et l'asile, le budget de l'ADA connaît une baisse de 30 millions d'euros. Cela peut paraître très ambitieux, mais n'est pas irréaliste au regard de l'exécution du budget 2025.

Pour le ministère, cette nouvelle diminution résulterait de l'augmentation de l'activité décisionnelle de l'Ofpra, grâce notamment aux emplois supplémentaires créés.

En ce qui concerne l'hébergement des demandeurs d'asile, les crédits connaissent une légère diminution de 2,5 millions d'euros. En 2026, 1 400 places pourraient être supprimées - la direction générale des étrangers en France (DGEF) a indiqué que cette suppression n'était pas encore certaine -, sachant que le budget 2025 avait déjà prévu une réduction de 6 400 places. Contrairement à ce que l'on avait pu craindre, cette réduction ne s'est pas traduite par une dégradation du taux d'hébergement des demandeurs d'asile, grâce à l'optimisation de la gestion du parc par l'État et à une politique volontariste de réduction des présences indues.

Conformément à une recommandation de la Cour des comptes, il est prévu de transformer l'intégralité du parc d'hébergement d'urgence pour demandeurs d'asile (Huda) en centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada) d'ici 2028. En 2026, cette transformation porte sur un tiers du parc d'Huda, soit 12 500 places.

J'en viens à la politique de l'intégration. Les crédits du programme 104 sont stables, après une forte diminution l'an dernier. Cette réduction s'est traduite par une diminution du nombre de contrats d'intégration républicaine (CIR) signés, ce que l'on ne peut que regretter. L'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) prévoit un retour à la normale en 2026, avec 122 000 CIR.

Conséquence de cette contraction des dépenses, le programme « Accompagnement global et individualisé des réfugiés » (Agir), guichet unique pour l'accompagnement des réfugiés vers le logement et l'emploi, est plafonné à 25 000 bénéficiaires actifs, et réorienté vers les publics les plus vulnérables.

L'évolution principale réside dans la mise en oeuvre de la réforme de la formation linguistique et civique. La loi du 26 janvier 2024 a prévu un rehaussement des exigences linguistiques pour la délivrance des titres de séjour pluriannuels, ainsi que pour la naturalisation. Ce rehaussement a pour conséquence une augmentation estimée à 40 % du besoin de formation, du fait du plus grand nombre d'étrangers concernés et de l'accroissement du nombre d'heures de formation nécessaires pour atteindre les niveaux attendus. Le ministère de l'intérieur estimait initialement, à conditions inchangées, le coût de la mise en oeuvre de ces nouvelles exigences à 100 millions d'euros.

Les nouvelles modalités de formation, décidées en juillet dernier, ont pour objet de permettre la mise en oeuvre de la réforme à budget constant tout en responsabilisant les signataires d'un CIR. Le décret du 15 juillet 2025 a rendu facultative la formation linguistique proposée par l'Ofii, laissant à l'étranger toute liberté pour se former comme il l'entend, notamment dans le cadre de la formation professionnelle - la loi du 26 janvier 2024 comporte d'ailleurs plusieurs mesures visant à favoriser l'apprentissage du français par les salariés étrangers. La certification est également mise à la charge de l'étranger, et non plus de l'État.

Surtout, la formation linguistique devient entièrement dématérialisée ; elle se déroule désormais sur une plate-forme numérique d'un prestataire de l'Ofii. La formation en présentiel, sous la forme d'un forfait unique de 600 heures, n'est maintenue que pour les publics les plus fragiles, notamment les non-lecteurs et non-scripteurs. Le ministre a toutefois indiqué que le programme de 600 heures devrait bénéficier à une part plus importante des signataires de CIR.

Si ces nouvelles modalités de formation présentent un intérêt certain, nous serons vigilants quant aux conditions de leur mise en oeuvre, notamment en ce qui concerne la qualité de la formation en ligne. Nous avons été alertés sur les conséquences de l'offre restrictive de formation en présentiel, la diminution du nombre de prestataires obligeant parfois les intéressés à des trajets difficilement soutenables. Une évaluation rigoureuse sera nécessaire.

Avant de conclure, je souhaite évoquer les dysfonctionnements de l'administration numérique pour les étrangers en France (Anef), qui a pour objet la dématérialisation des démarches et des procédures en matière de séjour, d'asile et d'intégration. Le Conseil national des barreaux et la Défenseure des droits se sont fait l'écho des nombreuses difficultés rencontrées par les usagers. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 prévoit une dépense supplémentaire de 40 millions d'euros, contre 20 millions d'euros en 2025, pour un coût total de 179 millions d'euros. Ces crédits sont notamment consacrés au traitement des anomalies.

Enfin, nous nous sommes rendus à Calais afin de prendre la mesure de la situation migratoire sur le littoral de la Manche et de la mer du Nord, source de nombreuses difficultés pour les territoires concernés. Les traversées ou tentatives de traversées en direction du Royaume-Uni sont en nette hausse : au 19 octobre 2025, 56 789 tentatives ont été recensées, soit l'équivalent de 40 % des entrées irrégulières dans l'Union européenne sur la même période.

Nous avons pu nous rendre compte des difficultés rencontrées par les forces de l'ordre pour prévenir les traversées au moyen de petites embarcations, en dépit de l'importance des moyens mobilisés. On peut espérer que l'évolution de la doctrine d'interception en mer, décidée la semaine dernière, permette d'empêcher ces traversées périlleuses.

Un accord entre la France et le Royaume-Uni, conclu les 29 et 30 juillet 2025, organise, à titre expérimental, et jusqu'en juin 2026, un mécanisme prévoyant l'admission légale au Royaume-Uni d'étrangers en contrepartie de la réadmission en France de personnes arrivées irrégulièrement au Royaume-Uni. Critiqué par certains acteurs, son bilan est, à ce jour, très limité. Au 4 novembre 2025, 94 individus avaient été réadmis en France et 57 admis légalement au Royaume-Uni. L'intérêt d'un tel mécanisme réside dans l'implication des autres États européens et de l'UE. Comme le soulignait le rapport d'information sur les accords internationaux migratoires dont nous étions, la présidente Jourda et moi, les auteurs, la conclusion d'un accord migratoire global entre le Royaume-Uni et l'UE paraît constituer la seule solution viable pour endiguer ce phénomène.

Au bénéfice de ces observations, nous vous proposons de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission. Dans le contexte budgétaire actuel, nous ne pouvons que saluer l'effort important réalisé en faveur de la lutte contre l'immigration irrégulière, à laquelle notre commission est traditionnellement attentive.

Nous présentons un amendement relatif au régime des frais irrépétibles devant la CNDA, qui connaissent une croissance exponentielle, et qu'il s'agit de maîtriser.

Mme Corinne Narassiguin. - Notre groupe ne retient que deux points positifs dans la présentation de ce rapport. Le premier concerne les 48 ETP supplémentaires pour l'Ofpra. Ce renfort répond à une dégradation du délai moyen d'instruction des demandes d'asile, qui est liée à l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile ainsi qu'au taux de rotation des officiers de protection. Un point de vigilance doit être porté sur les conditions de travail de ces derniers.

L'autre point positif concerne les crédits supplémentaires accordés pour remédier aux dysfonctionnements de l'Anef ; il est d'urgent d'améliorer ce système.

Pour le reste, la réduction du parc d'hébergement est un sujet d'inquiétude. On craint une réduction de 1 400 places, alors que 500 places supplémentaires sont prévues à Mayotte. Cela signifie que, sur le territoire hexagonal, la baisse envisagée est encore plus importante.

Par ailleurs, on observe une forte baisse des places d'hébergement en faveur des bénéficiaires de la protection temporaire ukrainiens. Certes, ces derniers sont moins nombreux aujourd'hui, mais nous savons aussi qu'un certain nombre d'entre eux se retrouvent sans solution à la sortie du parc d'hébergement d'urgence.

Au sujet de l'ADA, on observe une baisse compréhensible pour les Ukrainiens bénéficiaires de la protection temporaire, dans la mesure où leur nombre diminue. En revanche, pour les demandeurs d'asile, au regard de l'augmentation prévue de leur nombre, cette baisse est plus contestable. Les dépenses de l'ADA vont être affectées par deux facteurs. En raison de la réduction considérable des places d'hébergement, un montant additionnel sera versé aux personnes qui ne sont plus hébergées par l'Ofii. À cela s'ajoute la mise en oeuvre du pacte européen sur la migration et l'asile, qui influera également sur le nombre de bénéficiaires.

Enfin, je m'interroge sur la formation linguistique. Avec ce choix d'une mise en oeuvre à budget constant, alors qu'on observe une augmentation de 40 % des étrangers concernés pour atteindre le niveau A2 afin d'obtenir une carte pluriannuelle, on voit bien que l'objectif n'est pas de mieux intégrer, mais plutôt de faciliter un tri sur la base de l'acquisition des compétences linguistiques. Le Gouvernement lui-même estime que seul un étranger sur deux sera en mesure d'atteindre le niveau A2.

La formation dématérialisée est une plaisanterie. Il n'est pas sérieux de généraliser la formation à distance asynchrone, avec des modules sur internet. Il ne s'agit même pas d'un service distanciel avec un tutorat, mais de simples modules où l'on se débrouille seul. Cela va augmenter le nombre de personnes maintenues dans une forme de précarité administrative, dans la mesure où celles-ci ne pourront pas accéder aux cartes de séjour pluriannuelles. À cela s'ajoutent les difficultés à se maintenir dans l'emploi ou à acquérir un logement. Par ailleurs, cela alourdit la charge de travail des bureaux des étrangers au sein des préfectures.

Pour toutes ces raisons, nous sommes opposés à l'adoption des crédits de la mission.

M. Thani Mohamed Soilihi. - Je ne peux que regretter que les rapporteurs n'aient pas évoqué l'outre-mer. Or, comment aborder le sujet de l'immigration et de l'asile sans mentionner les territoires ultramarins, notamment Mayotte, qui à elle seule concentre plus de la moitié du nombre de reconduites à la frontière de notre pays, et la Guyane, qui représente la moitié de l'autre moitié ?

Ces vagues migratoires ont des conséquences dans l'Hexagone. Il y a plus d'un an, lorsqu'il a fallu évacuer un camp de migrants à Mayotte, le redéploiement s'est effectué, pour partie, dans les Yvelines. L'immigration à Mayotte a des conséquences également pour La Réunion, avec de nombreux incidents qui émaillent l'actualité. Cela aurait mérité quelques mots.

Nous avons voté des textes d'exception, notamment mes amendements en 2018 visant à limiter les effets de l'acquisition de la nationalité française à Mayotte. Le Parlement s'est empressé de durcir le dispositif, avant même d'avoir étudié les effets de ces dispositions.

Récemment, le directeur général de l'Insee, en mission particulière à Mayotte au lendemain du cyclone, m'indiquait que la natalité était enfin en train de baisser. Cette diminution serait vraisemblablement liée aux dispositions que nous avons adoptées en 2018. Je rappelle qu'aussitôt après leur vote, de nombreux collègues s'étaient empressés, encore une fois, de dire que ces dispositions n'avaient aucun effet, alors qu'il s'agissait simplement d'attendre. Je suggère de mener un travail de suivi de ces textes d'exception.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Notre souci à l'égard Mayotte est réel. Avec mes collègues Olivier Bitz, Agnès Canayer, Audrey Linkenheld, ainsi que Salama Ramia, nous nous sommes rendus sur place en septembre dernier. Un rapport sera publié prochainement.

M. Guy Benarroche. - Ce budget se fonde sur un leurre qui est déjà à l'origine de certains textes examinés au Sénat. Ce leurre consiste à croire qu'en plaçant les migrants dans des situations de plus en plus précaires et en créant des irrégularités administratives, nous allons diminuer le flux migratoire dans notre pays, en Europe et dans l'ensemble du monde. Cela n'a jamais été le cas et cela depuis des millénaires. Le seul résultat auquel nous parvenons est de ne répondre ni aux normes européennes ni aux conditions d'accueil les plus élémentaires. En agissant de la sorte, nous créons des ressentiments et des vulnérabilités supplémentaires.

Le budget se répartit entre le programme 104 « Intégration et accès à la nationalité française » et le programme 303 « Immigration et asile ». Il s'avère très déséquilibré, puisque 80 % des crédits concernent le programme 303, qui est dédié à la répression de l'immigration irrégulière ou supposée irrégulière.

L'année 2026 sera marquée par l'entrée en vigueur du pacte européen sur la migration et l'asile. Cela aurait dû motiver des budgets plus importants sur le programme dédié à l'intégration et l'accueil. L'action visant à garantir l'exercice du droit d'asile, qui finance l'ADA, voit ses crédits baisser de 10 % alors qu'on annonce une augmentation de 5 % du nombre de demandes d'asile.

On observe également une réduction du budget consacré au parc d'hébergement des demandeurs d'asile et des réfugiés. La transformation de 12 500 places d'Huda en Cada fragilise encore davantage les dispositifs d'accueil. Que deviennent les personnes concernées ? Où vont-elles vivre ? Comment comptons-nous les intégrer et nous occuper de leurs formalités administratives ?

L'intégration par la langue est un exemple frappant. Non seulement les crédits ne sont pas augmentés, mais les formations sont dématérialisées. Comment peut-on demander à des étrangers qui arrivent dans notre pays un certain niveau de langue, alors que nous diminuons les crédits permettant de suivre des cours en présentiel ? Qui peut penser que cela puisse donner un résultat positif ?

De même, chaque fois que nous avons souhaité permettre aux demandeurs d'asile de signer des contrats de travail, on nous a répondu que cela n'était pas possible. Ils se retrouvent dans l'impossibilité de subsister. Que voulez-vous qu'ils fassent pour vivre, sinon se retrouver dans une situation encore plus irrégulière en travaillant au noir ?

Dans mon rapport de la mission sur les juridictions administratives et les juridictions financières, j'ai annoncé que les tribunaux administratifs allaient subir cette année une hausse d'activité supérieure à celles qu'ils subissent déjà depuis des années. L'augmentation oscillait entre 8 % et 10 % par an ; elle va s'élever à 25 %. Une part importante concerne les contentieux administratifs liés aux prises de rendez-vous dans les préfectures. De nombreuses personnes se retrouvent en situation irrégulière, car elles n'ont pas obtenu les rendez-vous aux dates légalement prévues dans les préfectures. Cela aboutit à un encombrement des tribunaux administratifs.

Nous préférons augmenter le nombre des places dans les CRA et les zones d'attente, ce qui n'a jamais permis de résoudre le problème. Avez-vous visité des CRA ? Pour ma part, j'en visite quatre ou cinq par an, et autant de zones d'attente. On s'aperçoit que cela ne permet pas résoudre le problème de l'immigration irrégulière.

Je préfère évoquer la situation des personnes humaines, plutôt que ce rapport qui se félicite de participer à l'effort d'économies.

Pour toutes ces raisons, nous nous opposons à l'adoption des crédits de la mission.

Mme Audrey Linkenheld. - Je souligne la difficulté d'examiner de manière précise ce budget. On annonce aujourd'hui 85 millions d'euros destinés à préparer l'entrée en vigueur du pacte européen sur la migration et l'asile. Celui-ci doit s'accompagner d'un certain nombre de règlements - et non de directives - actuellement en discussion. À ce sujet, nous portons, avec mon collègue Ronan Le Gleut, une proposition de résolution qui a été débattue en commission des affaires européennes. Si nous ne sommes pas en accord sur l'ensemble des éléments de fond, nous déplorons conjointement que les parlements nationaux soient dessaisis de ces questions. Cela aura des conséquences sur le droit français ainsi que sur le plan budgétaire. Notre proposition de résolution sera peut-être examinée également dans cette commission.

Lors de son audition, j'ai interrogé le ministre de l'intérieur sur un éventuel projet de loi d'application de ce pacte. On nous indique aujourd'hui que cela va coûter 85 millions d'euros, peut-être 150 millions, sans plus d'informations.

M. Olivier Bitz, rapporteur pour avis. - En ce qui concerne les craintes exprimées quant à la budgétisation de l'ADA, il faut rappeler qu'il s'agit d'une dépense de guichet. Autrement dit, si les demandes sont plus nombreuses, l'enveloppe sera ajustée afin de correspondre aux besoins. Cela dit, la prévision du Gouvernement semble sincère. La baisse de 47 millions d'euros prévue pour 2025 a été absorbée. Les surcoûts liés au pacte sur la migration et l'asile sont intégrés aux dépenses de l'ADA.

Concernant ce pacte, nous partageons vos interrogations. Le montant de 150 millions d'euros correspond à celui qui a été donné par le Gouvernement à la Commission européenne dans son plan national de mise en oeuvre du pacte. Nous nous interrogeons sur la différence entre ce que le Gouvernement annonçait l'année dernière et les crédits inscrits au budget 2026, qui sont pratiquement moitié moindres. J'imagine que nous aurons des explications en séance.

Concernant la réduction du parc d'hébergement, j'entends vos inquiétudes. L'an dernier, nous étions déjà très inquiets avec la diminution de 6 400 places. On s'aperçoit aujourd'hui que le taux d'hébergement des demandeurs d'asile ne s'est pas dégradé. Cela s'est effectué au prix d'une forte pression sur les acteurs associatifs, dont la gestion a été optimisée. Cette année, on dénombre 1 400 suppressions de places. Sans être certaine de réaliser ces suppressions, l'administration essaie d'optimiser les places existantes. À ce stade, les difficultés que nous pouvions craindre ne se sont pas survenues.

Naturellement, l'outre-mer est au coeur du sujet migratoire. Il s'agit ici de présenter les crédits budgétaires, non de dresser un tableau d'ensemble de la situation migratoire nationale. Je tiens à vous dire que, dans le rapport préparé avec mon collègue David Margueritte, les crédits dédiés aux territoires ultramarins, notamment Mayotte, sont précisés. Certaines des mesures prévues dans la loi de programmation pour la refondation de Mayotte y trouvent une traduction budgétaire. C'est le cas de la création d'une zone d'attente, 46 millions d'euros en AE et 1,5 million d'euros en CP étant inscrits à cet effet, comme de la création des unités de vie familiale pour la rétention des mineurs accompagnés, avec 16,8 millions d'euros en AE et 7,8 millions d'euros en CP.

M. David Margueritte, rapporteur pour avis. - Monsieur Benarroche, nous avons un désaccord de fond. Notre pays a le droit de gérer les flux migratoires, de choisir son immigration et ses procédures. On ne peut pas considérer que passer la frontière est, en soi, un acte de régularisation administrative. Si l'on suit votre raisonnement, l'immigration irrégulière n'existe pas. Sur ce point, j'assume un désaccord radical.

Nous visitons également des CRA. La semaine dernière encore, nous étions à Calais. À l'occasion d'un précédent rapport, je m'étais rendu à Vincennes. La situation des CRA justifie pleinement l'investissement dans les capacités de rétention. Si nous ne sommes pas au rendez-vous de 2027, je me réjouis que nous soyons à celui de 2029, compte tenu de l'effort budgétaire. L'augmentation du nombre de places ne résout pas entièrement le problème, mais constitue un élément de réponse.

Concernant le pacte sur la migration et l'asile, les réponses du ministre n'ont pas été rassurantes. Nous connaissons l'échéance du 12 juin prochain. Sans projet de loi, il y aura une invocabilité directe de certaines dispositions européennes sans que nous ayons pu les transposer ni abroger les dispositions françaises qui leur sont parfois contraires. Si nos interlocuteurs ont indiqué qu'un projet de loi était bien prévu pour le début de l'année prochaine, je vois mal comment nous pourrions l'adopter avant le 12 juin prochain.

Concernant l'Ofpra, le taux de rotation important est lié au métier en tant que tel, répétitif et difficile. Les 48 créations d'ETP ne devraient pas, à elles seules, régler le problème, mais participer à la réduction des délais. Cet objectif de réduction des délais de traitement des demandes d'asile explique en grande partie la baisse du budget prévu pour l'ADA.

Après l'article 71

M. David Margueritte, rapporteur pour avis. - L'amendement LOIS.1 porte sur la procédure contentieuse à la CNDA, et plus précisément sur les frais irrépétibles. Ces derniers, mis à la charge de l'Ofpra, correspondent aux frais d'avocat payés à l'issue d'un contentieux gagné. Comme le relève la Cour des comptes, ils ont été multipliés par 55 depuis 2016. Afin de limiter l'effet d'aubaine, nous proposons de limiter ces frais au montant de l'aide juridictionnelle pour mettre un terme à cette inflation.

Cet amendement ne remet pas en cause le droit de recours, et permet d'économiser 4 millions d'euros sur le budget de l'Ofpra, et donc de l'État.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Cela signifie que, si l'avocat intervient au titre de l'aide juridictionnelle, il est rémunéré au niveau de cette aide. Et si le client ne demande pas l'aide juridictionnelle, l'avocat ne peut pas être payé davantage via les frais irrépétibles ?

Mme Muriel Jourda, présidente. - Qu'il s'agisse des honoraires au titre des frais irrépétibles ou de l'aide juridictionnelle, c'est la même somme ; tel est le sens de cet amendement. L'avocat ne percevra jamais une somme supérieure à celle de l'aide juridictionnelle.

M. David Margueritte, rapporteur pour avis. - Il s'agit effectivement de limiter le montant des frais irrépétibles en proposant un plafond. L'aide juridictionnelle est systématiquement demandée devant la CNDA et, par dérogation, son bénéfice est de plein droit pour les requérants.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - À ce compte, on pourrait plafonner les frais irrépétibles dans toutes les procédures !

M. Guy Benarroche. - La loi du 26 janvier 2024 a prévu la territorialisation de la CNDA. Cinq chambres territoriales sont déjà ouvertes et deux seront actives à partir du mois de janvier prochain. Le problème de ces chambres territorialisées est de trouver des avocats dans leur ressort, car, au-delà de faciliter les échanges, cela permet de diminuer les frais. À mon sens, une telle mesure n'est pas de nature à leur permettre de trouver des avocats sur leur territoire d'implantation.

M. Francis Szpiner. - Soit une personne demande à bénéficier de l'aide juridictionnelle, soit elle choisit un avocat, et celui-ci peut demander les honoraires qu'il souhaite. Mais il ne pourra obtenir en remboursement que le montant des frais irrépétibles plafonnés au titre de l'aide juridictionnelle. Cela permet à l'État de réaliser des économies, sans pénaliser la personne.

L'amendement LOIS.1 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Projet de loi de finances pour 2026 - Mission « Sécurités » - Programme « Sécurité civile » - Examen du rapport pour avis

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous terminons nos travaux avec le rapport pour avis de notre collègue Françoise Dumont sur le programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités ».

Mme Françoise Dumont, rapporteur pour avis du programme « Sécurité civile ». - Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2026, il me revient de vous présenter les crédits du programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités ». Les crédits du programme « Sécurité civile » financent les moyens nationaux, qui recouvrent principalement, bien que non exclusivement, les dépenses liées à la flotte aérienne de la sécurité civile. Les moyens humains, comme le traitement des 43 000 sapeurs-pompiers professionnels, et les moyens matériels terrestres relèvent, quant à eux, des services d'incendie et de secours, dont le budget représente plus de 80 % des sommes dédiées à la sécurité civile.

L'année 2025 a confirmé la nécessité de garantir aux acteurs de la sécurité civile des moyens appropriés à l'état des menaces. La saison des feux a en effet été particulièrement rude. Le bilan de 30 000 hectares brûlés s'inscrit bien au-delà des tendances décennales, et nous avons dû faire face, dans l'Aude, à l'incendie le plus important depuis 1949.

En juillet dernier, la rapidité de la progression des feux à Marseille, concomitante avec plusieurs incendies dans les départements voisins, a même contraint les forces aériennes et terrestres à opérer des arbitrages stratégiques, attestant ainsi de la réalité de la menace de rupture capacitaire. Ces évènements s'inscrivent dans la continuité des observations statistiques des dernières années : la saison des feux est plus longue, n'épargne presque plus aucun territoire, et se caractérise par des incendies plus intenses qu'auparavant. Face à cette dynamique, les forces de sécurité civile, toujours plus sollicitées, doivent pouvoir compter sur des moyens adéquats.

Le niveau d'intensité opérationnelle en 2025 est également imputable aux épisodes d'inondations successifs qui s'installent dans le quotidien des citoyens et des communes. Face à cette menace également, une montée en puissance capacitaire doit être assurée.

Enfin, l'appui des forces de la sécurité civile dans les territoires ultramarins, particulièrement à Mayotte lors du cyclone Chido, illustre la multiplicité des crises, ainsi que l'engagement total et protéiforme des sapeurs-pompiers.

Prenant acte du besoin de modernisation et de renforcement des moyens nationaux de la sécurité civile, le programme « Sécurité civile » se caractérise cette année par une augmentation substantielle des crédits alloués. Les autorisations d'engagement (AE) s'élèvent à 994 millions d'euros, soit une hausse de 16 %, et les crédits de paiement (CP) à 882 millions d'euros, en augmentation de 6 %.

Cette évolution doit permettre de poursuivre de nombreux projets engagés ces dernières années afin de tenir compte de l'évolution des crises. Premièrement, la hausse substantielle des AE va rendre possible l'acquisition de nouveaux avions bombardiers d'eau. Pour rappel, à la suite de la saison des feux exceptionnelle connue en France en 2022, le Président de la République s'était engagé à renouveler la flotte patrimoniale alors composée de douze Canadair, et à ajouter quatre nouveaux appareils pour répondre à l'intensification de la menace.

Le programme de renouvellement a été validé en 2024, avec la signature d'un contrat d'acquisition de deux nouveaux appareils. Ce contrat s'adosse au programme d'achat de la Commission européenne, qui prend en charge le coût de ces appareils, ainsi que de 20 autres avions commandés par nos voisins européens. Sous réserve du niveau d'urgence rencontré dans certains pays, notamment en Grèce, les deux avions commandés devraient être livrés en 2028.

Depuis cette première impulsion, en revanche, aucun crédit n'avait été inscrit dans le cadre du PLF pour 2025 pour poursuivre ce projet. Je me réjouis que le programme 161 prévoie, pour 2026, une enveloppe de 209 millions d'euros afin de passer commande de deux autres Canadair, dont la livraison est attendue en 2033.

Toutefois cette commande confirme la situation de dépendance dans laquelle se trouve la France, l'entreprise canadienne De Havilland étant la seule à produire ce type d'appareil. Dans une période où les besoins sont croissants, notamment au Canada et aux États-Unis, cette configuration laisse entrevoir des risques de retard de livraison regrettables.

En ce sens, afin de garantir la souveraineté et l'autonomie d'approvisionnement de nos moyens aériens, il est impératif d'accélérer la démarche de diversification industrielle. La direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) s'est engagée dans cette voie depuis septembre 2024, avec la signature de deux courriers d'intérêts auprès d'industriels européens. Il faudra veiller à la concrétisation de cette veille stratégique, afin de remédier à la situation actuelle, qui pourrait compromettre nos capacités opérationnelles.

Par ailleurs, le budget pour 2026 assure la poursuite du renouvellement de la flotte d'hélicoptères. Validé dans le cadre de la loi du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), il prévoit l'acquisition sur sept ans de 36 hélicoptères H145, en remplacement des 33 hélicoptères EC145. Après l'acquisition de onze appareils entre 2024 et 2025, le PLF prévoit 98 millions d'euros pour l'acquisition de huit hélicoptères, conformément à la trajectoire prédéfinie. Le bon déroulement de ce programme est à saluer. Le rajeunissement de la flotte entraîne déjà une progression soutenue du taux de disponibilité des appareils, qui était l'un des points faibles du dispositif capacitaire.

Le budget pour 2026 se caractérise également par la poursuite du soutien de l'État pour l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis), via les pactes capacitaires. Destinés à renforcer les moyens opérationnels des services d'incendie et de secours par cofinancement, et en particulier à acquérir un millier de camions-citernes feux de forêt, ces pactes font l'objet de retours positifs des acteurs de terrain. 300 véhicules ont déjà été livrés.

Une enveloppe de 22 millions d'euros est prévue pour assurer la poursuite du programme au sein du PLF pour 2026. Le montant est plus faible que l'année précédente - 45 millions d'euros -, mais cette réduction est conforme aux engagements initiaux de l'État, et ne remet pas en cause les cibles d'acquisition prédéfinies.

S'il a été envisagé d'élargir le dispositif afin de créer des pactes capacitaires dédiés aux inondations, la DGSCGC a privilégié l'acquisition de moyens nationaux mobilisables sur l'ensemble du territoire en fonction des besoins. Cette stratégie a permis d'augmenter de 30 % les capacités de pompage au niveau national. La suite du projet devrait consister en l'acquisition de pompes spécifiques, non disponibles via l'union des groupements d'achats publics (Ugap), notamment des pompes en flottaison ou des pompes à boue.

Le budget pour 2026 présente en outre une hausse du schéma d'emplois, après une année 2025 où ce dernier avait été gelé. Cette augmentation permettra notamment de renforcer le quatrième régiment des formations militaires de la sécurité civile (Formisc) à Libourne, avec l'arrivée de 30 militaires supplémentaires. Elle rend crédible l'objectif de rassembler 580 militaires à Libourne en 2027.

Le programme 161 marque également la poursuite des projets de modernisation des systèmes informatiques d'alerte et de coordination. Les efforts budgétaires consentis les années précédentes pour le développement du système d'information et de gestion unifié de nouvelle génération - NexSIS 18-112 - semblent porter leurs fruits, avec une dynamique d'adhésion des Sdis très positive. Afin d'accompagner son développement, le programme prévoit une enveloppe de 11 millions d'euros. Ce budget doit permettre à 60 services d'incendie et de secours de bénéficier, au cours de l'année, d'une première mise à l'épreuve.

Je souligne néanmoins le risque de sous-dimensionnement des moyens humains de l'agence du numérique de la sécurité civile (ANSC), pilote de ce projet. En effet, la trajectoire du plafond d'emplois définie par la Lopmi n'est pas respectée par le PLF pour 2026. Le déficit d'équivalents temps plein (ETP) contraint d'ores et déjà l'agence à se tourner vers des prestataires externes, ce qui engendre des coûts nettement supérieurs à des embauches. J'ai exprimé à la DGSCGC mes regrets sur ce sujet, et je serai vigilante à la résorption de l'écart au cours des prochaines années, afin de garantir la montée en puissance du dispositif.

Enfin, je souhaite évoquer les conclusions du Beauvau de la sécurité civile, rendues publiques en septembre dernier, après an et demi de concertation et de réflexion. Le rapport de synthèse du Beauvau dresse un constat partagé et lucide quant aux failles de notre modèle actuel de sécurité civile, et souligne la nécessité d'y répondre au plus vite afin de préserver l'efficacité et l'agilité des capacités opérationnelles françaises. Il déplore un déficit d'anticipation stratégique et de gouvernance budgétaire, ainsi qu'un modèle de financement à bout de souffle, notamment concernant les Sdis. Pour quiconque ayant échangé avec les acteurs de terrain au cours des derniers mois, ces constats ne font pas l'ombre d'un doute.

Nous restons dans l'attente du projet de loi annoncé de longue date, notamment par notre collègue, ancien ministre, François-Noël Buffet, permettant de repenser et de pérenniser le financement de la sécurité civile. Seule une réforme globale pourra rendre à l'ensemble des maillons de la chaîne la sérénité et la capacité de s'engager activement pour l'avenir.

En conclusion, je propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Sécurité civile », car l'augmentation des moyens prévus garantit la poursuite des chantiers de modernisation des moyens nationaux de la sécurité civile.

M. Patrick Kanner. - Ces dernières années, une série de catastrophes naturelles a frappé nos départements ; je pense notamment à la Gironde, au Doubs, au Nord-Pas-de-Calais, au Jura et à l'Aude. Mes premiers mots seront donc pour remercier nos services de sécurité civile et les départements qui en ont la gestion.

Les crédits du programme 161 sont les plus favorablement dotés dans ce budget pour 2026, avec une hausse de 6,3 % en CP, pour atteindre près de 883 millions d'euros. Toutefois, comme l'a souligné notre rapporteur, nous finançons l'urgence sans considérer l'avenir.

L'essentiel de la hausse des crédits repose sur l'investissement dans deux nouveaux Canadair pour un montant de 209 millions d'euros, avec des livraisons attendues au mieux en 2033. Ces délais d'attente s'expliquent notamment par la situation de dépendance technologique qui a été évoquée, et qui n'est pas acceptable. Dans le même temps, les dépenses de maintenance aéronautique baissent de 245 à 167 millions d'euros. Nous disposons d'une flotte déjà ancienne, que nous allons moins entretenir. On peut s'interroger sur ce point.

Je souhaite également insister sur la situation des départements. Actuellement, ces derniers financent 60 % des Sdis. Or, avec la perte de recettes dynamiques, des coupes budgétaires sont à prévoir, et cela risque d'avoir des conséquences sur les Sdis. Je me réjouis donc du vote prévoyant l'augmentation de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances (TSCA), qui contribue au financement des Sdis.

L'ANSC constitue un autre point critique, sur lequel il est inutile de revenir.

Se pose également la question récurrente du secours aux personnes et du manque de financement au regard de l'intervention exponentielle des Sdis. Un cercle non vertueux s'est mis en place, avec des pompiers qui font le travail d'autres services, sans être correctement financés pour la prise en charge de ces missions.

En conclusion, la sécurité civile est une chaîne vitale de protection. Nous connaissons l'attachement de nos concitoyens aux services de sécurité civile, en particulier les pompiers. Ce modèle n'a pas de prix, mais il a un coût qu'il s'agit d'assumer.

À ce stade, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) réserve son avis sur ce programme. Nous attendons les débats du 8 décembre prochain, en séance publique, pour déterminer notre vote.

M. Olivier Bitz. - Je remercie notre rapporteur, car sa tâche n'est pas facile. Le programme 161 ne regroupe en effet qu'une partie des dépenses de sécurité civile à l'échelle nationale. Il est donc difficile d'avancer sur la réponse opérationnelle à partir des débats budgétaires sur cette mission, dans la mesure où les Sdis ne sont pas compris dans le périmètre.

Nous attendons des suites du Beauvau de la sécurité civile des éléments sur la réponse globale à apporter. Si je prends l'exemple des moyens aériens, nous savons à quel point les enjeux sont enchevêtrés entre les Sdis et les services nationaux. Entre les moyens achetés - comme cela est prévu dans le cadre du PLF -, ceux loués par la sécurité civile et ceux loués par les Sdis, il est difficile de s'y retrouver.

Souvent, on s'imagine que le Canadair est la seule réponse à apporter aux feux d'espaces naturels. Cela explique que nous n'investissions pas suffisamment dans d'autres solutions au niveau national ; je pense notamment aux hélicoptères.

Par ailleurs, le redémarrage de la chaîne industrielle de production de Canadair est une bonne nouvelle. La commande de 20 appareils à l'échelle européenne a permis de réamorcer la chaîne de production canadienne, et nous disposerons d'ici quelques années de quatre Canadair supplémentaires, ce dont on peut se réjouir.

Cependant, je suis inquiet concernant cette commande. À ce jour, rien n'est prévu à Nîmes, sur la base qui accueille nos moyens aériens, pour à la fois accueillir, entretenir et assurer le maintien en condition opérationnelle de ces avions. Aujourd'hui, en dehors du temps de vol ou de celui dédié à la maintenance opérationnelle, notre flotte aérienne demeure à l'extérieur des hangars. Il suffirait d'un épisode de grêle et notre flotte aérienne serait ravagée.

La base de Nîmes est déjà saturée avec les douze Canadair et les autres aéronefs. Je ne vois pas comment nous pourrons accueillir quatre appareils supplémentaires. Le ministre de l'intérieur avait annoncé la création d'une deuxième base de sécurité civile dans le Sud-Ouest ; mais ce projet a été abandonné. Pour accueillir la flotte agrandie, plus de 40 millions d'euros avaient en outre été envisagés ; nous n'en voyons pas la trace dans les documents budgétaires proposés par le Gouvernement.

Enfin, je souhaite rappeler que ce programme finance également un quart de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP), à hauteur de 113 millions d'euros. Ce financement n'est pas négligeable, et il serait possible de récupérer des moyens pour des capacités d'intervention à un niveau national.

M. Jean-Michel Arnaud. - Je souhaite revenir sur le calendrier du Beauvau de la sécurité civile. Ce travail a été engagé depuis avril 2024. En septembre dernier, notre collègue, ancien ministre, François-Noël Buffet, avait présenté les grandes lignes de ses conclusions. Ce débat est vital à la fois pour un certain nombre de nos concitoyens en quête de secours, pour nos territoires les plus exposés aux risques de catastrophes naturelles et d'incendies, et pour les finances de nos collectivités locales. Or, nous attendons toujours la présentation d'un diagnostic précis, et d'orientations pour une réforme globale.

Des solutions ont été évoquées à plusieurs reprises par différents ministres. La question est de savoir quand nous allons pouvoir engager un plan pluriannuel, sur la base d'un contrat de confiance renouvelé avec les sapeurs-pompiers professionnels ainsi que, notamment dans les territoires ruraux, avec les sapeurs-pompiers volontaires, les blocs communaux et les conseils départementaux.

Le groupe Union Centriste (UC) va voter l'adoption des crédits de cette mission, mais je souhaite que nous puissions interroger le ministre de l'intérieur sur les perspectives à la suite du Beauvau de la sécurité civile, dans le cadre d'une audition.

Sur le financement de la sécurité civile par les contrats d'assurance, je me réjouis que lors de l'examen du projet de loi de finances en séance publique, un certain nombre de collègues aient suivi les propositions du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. Sur ce sujet, mais également sur la remise cause d'une partie de la gratuité ou sur la question du secours à personne, il s'agit de trancher. Si tel n'est pas le cas, le jour où nous aurons affaire à de nouvelles catastrophes naturelles, nous serons responsables de l'incapacité à trouver des solutions durables.

Depuis la mise en place des schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (Sdacr) et la responsabilisation des élus territoriaux sur la délivrance d'un service de sécurité civile, nous avançons peu ou mal. C'est la raison pour laquelle je souhaite que l'on puisse interroger le ministre de l'intérieur en vue d'avancer sur la base du travail effectué par le ministère de l'intérieur.

M. Hussein Bourgi. - Le rapport de synthèse du Beauvau de la sécurité civile illustre la complexité de la situation des Sdis. J'ai le sentiment que les choses n'évoluent pas, hormis l'augmentation annoncée du budget.

Cet été, un incendie a ravagé une large partie du département de l'Aude. Le Premier ministre de l'époque, François Bayrou, s'était rendu sur place avec une partie des membres du gouvernement. À cette occasion, il avait annoncé des commandes de Canadair, comme si cela revenait à acheter un objet dans un supermarché. La gravité du moment nous avait conduits à ne pas relever l'incongruité de ces annonces. Je regrette néanmoins que nous vivions, depuis plusieurs années, avec ces effets d'annonce.

Par ailleurs, nous pourrions nous réjouir de l'augmentation annoncée de ce budget. Mais ce qui importe, c'est le taux d'exécution, la consommation des crédits engagés sur le périmètre prévu. Pour ce qui concerne la flotte aérienne, des annonces sont faites pour 2033 ; comment fait-on d'ici là ? Nous en sommes réduits à espérer que des incendies comme celui qui a ravagé l'Aude l'an dernier ne se reproduisent pas. Si de tels incendies devaient survenir au même moment à deux endroits différents du territoire national, la solidarité entre les Sdis et l'échelon national ne suffirait plus à répondre à la situation.

Les orientations budgétaires présentées ne me rassurent pas, car elles me rappellent des épisodes précédents, avec des livraisons qui ne se concrétisent pas.

Lorsque Gérald Darmanin était ministre de l'intérieur, il avait reconnu une difficulté avec la ligne de production des moyens aériens au Canada. On avait alors évoqué la possibilité de relocaliser cette production. Plutôt que de réaliser ces acquisitions auprès du Canada, il appartient à l'Union européenne de trouver un fabricant sur le territoire européen. Ainsi, nous pourrions concilier le renforcement de la souveraineté européenne et une meilleure lisibilité sur les délais de livraison.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. -Je veux apporter des précisions aux propos de mon collègue Olivier Bitz. La brigade des sapeurs-pompiers de Paris s'appelle improprement ainsi. En réalité, le financement de cette brigade, dont le total s'élève à 440 millions d'euros, concerne la Ville de Paris ainsi que les départements limitrophes - Val-de-Marne, Hauts-de-Seine et Seine-Saint-Denis - et 123 communes. L'État contribue à hauteur d'un quart du budget de la BSPP, notamment en raison du nombre de monuments nationaux couverts au sein de ce périmètre.

Mme Françoise Dumont, rapporteur pour avis. - Monsieur Kanner, j'estime également que nous gérons l'urgence et que nous aurions dû entrer depuis longtemps dans une phase d'anticipation plus active.

La baisse des frais d'entretien des aéronefs que vous mentionnez est due à une renégociation du marché de maintien en condition opérationnelle (MCO) avec la société Sabena. Le directeur général de la sécurité civile et de la gestion des crises a précisé que cette renégociation avait permis de recentrer les missions confiées à l'entreprise, avec des économies importantes à la clé.

S'agissant de la livraison des canadairs, il est regrettable que chaque année, lors de l'examen de cet avis budgétaire, j'avance une date différente pour la réception des appareils. J'espère que le calendrier sera respecté et que d'autres pays européens ne seront pas servis avant nous. En outre, parmi les projets européens qui travaillent à l'élaboration d'aéronefs en mesure de répondre aux besoins français et européens, deux dossiers ont notamment retenu l'attention du ministère de l'intérieur, qui leur a adressé des courriers d'intérêts. Néanmoins et comme cela a été rappelé, les moyens aériens ne sont pas les seules armes pour lutter contre les feux de forêt. Même si cela n'est pas l'objet de ce rapport, il est essentiel que nous soyons vigilants au fonctionnement et au budget des Sdis.

À cet égard, je rejoins vos préoccupations sur les perspectives à la suite du Beauvau de la sécurité civile ; si rien n'est fait, nous allons dans le mur. Les Sdis et les communes n'ont plus les moyens de répondre aux besoins de financement, et les départements suivent la même trajectoire. Les Sdis sont confrontés à une augmentation exponentielle des coûts d'assurance et d'entretien du matériel. Si nous ne leur donnons pas les moyens d'acquérir du matériel, la situation va devenir difficile.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Sécurité civile » de la mission « Sécurités ».

La réunion est close à 11 h 55.