III. P177 : UNE HAUSSE BIENVENUE DES CRÉDITS QUI NE RÉSOUT PAS LA QUESTION DE LA SOUS-BUDGÉTISATION STRUCTURELLE
En 2026, les crédits du programme 177, dédié à l'hébergement d'urgence et au logement adapté, connaissent une hausse de 110 millions d'euros, dont 81 millions d'euros pour l'hébergement d'urgence et 29 millions d'euros pour le logement adapté.
La rapporteure salue cette avancée, mais souligne qu'elle sera malheureusement insuffisante pour assurer une budgétisation « sincère » du programme.
Comme elle le dénonçait l'an dernier, et comme la Cour des comptes le rappelle régulièrement, les besoins de l'hébergement d'urgence sont systématiquement et délibérément sous-estimés. Les crédits ouverts en loi de finances ne couvrent pas le maintien des 203 000 places existantes. Cette année encore, le projet de loi de finances de fin de gestion doit ouvrir 119,5 millions supplémentaires, simplement pour atteindre la fin de l'année, à nombre de places d'hébergement constant.
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Au 31 décembre 2024 |
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dont 51 863 en centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) |
en hébergement d'urgence, dont 1 608 en résidences hôtelières à vocation sociale |
dédiées aux femmes enceintes |
En outre, la rapporteure note que la recommandation de la Cour des comptes visant à appliquer un taux de mise en réserve de 0,5 % au programme 177, dont les dépenses sont contraintes, n'a une nouvelle fois pas été respectée : le taux de réserve sur ce programme était de 5,5 % en 2025.
Régler cette « sous-budgétisation » est la priorité absolue. Sans cela, tout débat sur l'augmentation du nombre de places est vain. En effet, les 20,5 millions de crédits obtenus en commission mixte paritaire pour financer 2 000 places supplémentaires à destination des femmes proches de la maternité et de leurs enfants, ont été fléchés vers le financement du parc existant. Autrement dit, contrairement au souhait du législateur, ces 2 000 places supplémentaires n'ont jamais été créées, faute de crédits suffisants pour financer le parc existant.
L'« insincérité » budgétaire rejaillit aussi sur les publics hébergés, sur les administrations et sur les travailleurs sociaux.
· Ce système contraint les centres d'hébergement à avancer sur leur trésorerie les fonds nécessaires au maintien des places et à demeurer dans l'incertitude toute l'année sur le montant final de subventions qui leur sera accordé.
· Cela place aussi les services de l'État dans un rôle inconfortable, contraints de couvrir a posteriori des places non financées. C'est insécurisant et inefficace, car l'instabilité politique ne nous assure pas, bien au contraire, du vote du projet de loi de fin de gestion.
En s'appuyant sur l'exécution 2024, sur les montants demandés en fin de gestion 2025 et sur les montants prévisionnels inscrits pour 2026, la rapporteure estime que 85 millions d'euros sont nécessaires pour assurer la sincérité budgétaire de l'hébergement d'urgence.
Pour la rapporteure, cette sincérité budgétaire est le strict minimum, alors que la situation des personnes à la rue est dramatique : plus de 8 500 personnes par jour appellent le 115 pour une demande d'hébergement d'urgence. En moyenne annuelle, le taux de demandes non pourvues était de 64 % en juillet dernier. Le 18 août dernier, 2 159 enfants sont ainsi restés sans solution d'hébergement à la suite de leur demande au 1156(*), un nombre en hausse de 6 % par rapport à l'an dernier et de 30 % par rapport à 2022.
Derrière ces chiffres déjà inquiétants se cache une réalité plus grave encore, car de nombreuses personnes ne sollicitent même plus le 115, résignées à l'absence de solution. Plus de 900 sans-abris sont décédés en 2024 en France, dont 34 enfants.
Face à une telle tension, certains préfets donnent des consignes pour « hiérarchiser les vulnérabilités », en définissant des critères de priorisation, voire en organisant la remise à la rue de personnes pour en accueillir d'autres. Ces pratiques sont contraires au principe d'inconditionnalité de l'accueil inscrit dans notre droit.
Cela place en outre les travailleurs sociaux dans une situation morale inextricable, contraints de devoir choisir chaque jour entre des situations également urgentes, également douloureuses.
Cette fragilité structurelle se traduit aussi par un recours massif aux nuitées hôtelières. En août dernier, près de 30 000 enfants vivaient à l'hôtel. La qualité de ces hébergements est très inégale, mais dans tous les cas, pour un enfant, vivre à l'hôtel, c'est subir des difficultés scolaires, une sociabilité entravée, un quotidien heurté qui fragilise toute la famille. C'est pourquoi la rapporteure insiste sur la nécessité de ne pas négliger l'accompagnement social.
De manière générale, elle rappelle que l'hébergement d'urgence est, par essence, le dernier filet de sécurité de toutes les autres politiques publiques : il est donc le miroir de toutes les insuffisances de nos services publics - logement, emploi, santé... Cela impose une approche résolument interministérielle.
Sur une note plus positive, la rapporteure souligne les résultats encourageants du plan Logement d'abord II. Sa montée en charge se poursuit en 2026 avec 29 millions d'euros afin de contribuer à la création de 30 000 places d'intermédiation locative et à l'ouverture de 10 000 pensions de famille entre 2023 et 2027.
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Au 30 septembre 2025 |
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en intermédiation
locative |
en pensions de famille créées |
* 6 Baromètre « Enfants à la rue » publié par la Fédération des acteurs de la solidarité et l'UNICEF France.




