EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 3 décembre0 2025 sous la présidence de M. Alain Milon, vice-président, la commission des affaires sociales a examiné le rapport pour avis de Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis, sur le projet de loi de finances pour 2026 (mission « Régimes sociaux et de retraite » et au compte d'affectation spéciale « Pensions »).

M. Alain Milon, président. - Nous passons à présent à l'examen du rapport de Mme Pascale Gruny sur les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ».

Mme Pascale Gruny, rapporteur pour avis de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ». -Les dépenses de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du CAS « Pensions » servent à équilibrer des régimes de retraite déficitaires en raison d'un ratio démographique défavorable, qui est de surcroît accentué par la fermeture de plusieurs de ces régimes spéciaux.

L'évolution des crédits budgétaires qui leur sont dévolus dépend, d'une part, de l'évolution démographique, soit du nombre de départs en retraite et de décès, et, d'autre part, de la revalorisation annuelle des pensions sur l'inflation, qui influe sur le montant des pensions.

Les prévisions de dépenses de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du CAS « Pensions » qui figurent dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2026 sont fondées sur la version du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) issue de la lettre rectificative. L'article 44 prévoyait ainsi le gel des pensions de retraite et des prestations sociales au titre de l'année 2026, et la sous-indexation de 0,4 point des seules pensions de retraite pour les années 2027 à 2030. L'article 45 bis, qui suspend l'application de la réforme des retraites, a introduit une sous-indexation supplémentaire des pensions de 0,5 point, soit 0,9 point au total en 2027, afin de financer partiellement cette mesure.

Or, comme vous l'avez vu en commission mixte paritaire, la navette parlementaire est source cette année de fortes discordances entre les deux chambres. L'Assemblée nationale a supprimé en première lecture l'article 44, et nous l'avons réintroduit pour la seule année 2026 en gelant la revalorisation des pensions de retraite supérieures à 1 400 euros bruts par mois. L'Assemblée nationale a ensuite élargi par amendement la suspension de la réforme des retraites aux départs en retraite anticipée pour carrière longue et catégories actives de la fonction publique. Le Sénat a, pour sa part, voté la suppression de cet article. Il nous reste désormais à attendre l'issue de l'examen de ce texte pour figer les prévisions de dépenses.

En tout état de cause, il apparaît que la suspension de la réforme des retraites de 2023 aurait un impact très limité sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » : parmi l'ensemble des régimes qu'elle abrite, les seuls auxquels cette réforme s'applique sont ceux de la SNCF et de la RATP. Ils ne seraient toutefois pas concernés par l'extension de la suspension aux départs en retraite anticipée votée par l'Assemblée nationale.

En revanche, l'extension de la suspension de cette réforme aux catégories dites « actives » de la fonction publique risquerait d'alourdir l'impact de l'article 45 bis sur le solde cumulé du CAS « Pensions », auquel les mesures de sous-indexation doivent rapporter 1,2 milliard d'euros d'économie en 2027.

J'en viens aux évolutions notables de la mission, dont presque l'ensemble des régimes sont désormais fermés, à l'exception de celui des marins, de la Comédie-Française et de l'Opéra de Paris. Au titre de l'année 2025, la mission bénéficie de 6 milliards d'euros de crédits, soit une diminution de 0,13 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2025, qui se justifie par les hypothèses de sous-indexation des pensions sur l'inflation que j'ai précédemment détaillées.

Je m'attarderai un instant sur les régimes de la SNCF et de la RATP, qui figurent dans le programme 198 de la mission et qui représentent 69 % des crédits de cette mission. Comme je vous l'avais déjà exposé l'an dernier, ces régimes sont fermés depuis le 1er janvier 2020 pour la SNCF et le 1er septembre 2023 pour la RATP.

L'article 15 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) de 2024 a réformé le financement de ces régimes spéciaux mis en extinction, pour les intégrer progressivement au régime général.

Ils continuent de percevoir le versement des cotisations des agents qui y étaient affiliés avant leur fermeture, et conservent la responsabilité du versement des pensions de ceux qui sont désormais retraités. Les nouveaux agents de la SNCF et de la RATP sont affiliés à la Caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav) et à l'Agirc-Arrco, qui perçoivent leurs cotisations sans avoir à financer leurs pensions avant plusieurs décennies, ce qui justifie qu'elles reversent une compensation à ces régimes. Leur financement est assuré dans la mission « Régimes sociaux et de retraites » par une subvention d'équilibre versée par la Cnav, qui reste ensuite bénéficiaire d'une contribution versée par l'Agirc-Arrco et d'une subvention d'équilibre versée par l'État.

La présidente Sylvie Vermeillet et moi-même appelons de nos voeux une transparence accrue des documents budgétaires afin de renseigner le montant de la subvention d'équilibre versée par l'État, ce qui permettrait au contribuable de connaître le montant alloué à ces régimes par la solidarité nationale. La direction du budget nous a toutefois communiqué ces chiffres par écrit : en 2024, l'État a versé 204 millions d'euros pour équilibrer le régime de la SNCF et 45 millions d'euros pour équilibrer le régime de la RATP.

Le périmètre de la mission « Régimes sociaux et de retraite » reste cette année inchangé : il comprend notamment le régime des marins, des mines et de la société d'exploitation industrielle des tabacs et des allumettes (Seita), ainsi que quelques petits régimes fermés tels que celui de l'ORTF. Les régimes de la Comédie-Française et de l'Opéra y ont également été transférés depuis 2024, dans une logique de rassemblement des régimes spéciaux percevant des subventions d'équilibre. Le régime du Conseil économique, social et environnemental (Cese), qui est fermé depuis le 1er septembre 2023, pourrait être intégré dans la mission en 2026.

J'en viens à présent au second volet de mon avis budgétaire, qui concerne le CAS « Pensions ». Ce dernier retrace les opérations relatives aux pensions de retraite et aux avantages accessoires gérés par l'État, tels que les pensions d'invalidité, les droits familiaux et les dépenses de retraite anticipée. Ses recettes seraient en hausse de 2,08 % et ses charges en baisse de 0,01 % par rapport à la LFI de 2025.

Le CAS « Pensions » est soumis par la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf) à une obligation d'équilibre, en vertu de laquelle son solde budgétaire cumulé doit être excédentaire à tout instant.

Jusqu'en 2021, le CAS « Pensions » enregistrait des soldes annuels excédentaires, portés par la dynamique vertueuse d'une faible inflation, du relèvement des taux de contribution employeur de l'État, et de la montée en charge de la réforme des retraites de 2010. Cette tendance s'est inversée depuis 2022. Cela est lié au fait que 95 % des dépenses du CAS « Pensions » sont attribuées au programme 741, relatif aux régimes de retraite et d'invalidité des fonctionnaires de l'État, dont le ratio démographique ne cesse de se dégrader en raison de la politique de maîtrise de la masse salariale pratiquée depuis plusieurs années. Il serait désormais de 0,9 cotisant pour un retraité. Depuis 2022, le CAS « Pensions » enregistre des soldes annuels déficitaires de plus en plus importants : son solde annuel était de - 500 millions d'euros en 2023, et s'est aggravé à - 3,5 milliards d'euros en 2024, en raison de la forte revalorisation des pensions sur l'inflation. Les prévisions de 2024 projetaient un solde cumulé déficitaire dès 2025, ce qui explique que le PLF pour 2025 ait augmenté de 4 points le taux de contribution employeur au titre des personnels civils, qui s'élève ainsi désormais à 78,28 %. Pour respecter l'objectif fixé par la Cour des comptes d'un solde cumulé supérieur à 1 milliard d'euros, le Gouvernement propose dans le PLF pour 2026 d'augmenter ce taux de 4 points au 1er janvier 2026, pour le porter à 82,28 %.

Selon la comptabilité retenue, l'essentiel des recettes du CAS « Pensions » est constitué des contributions des employeurs des fonctionnaires civils, ce qui explique que le CAS soit équilibré par l'ajustement de ce taux.

Pour autant, plusieurs études ont récemment dénoncé dans le débat public le fait que ce taux masque en réalité une subvention versée par l'État pour équilibrer le ratio démographique. Si l'on ajuste le taux de contribution des employeurs de fonctionnaires civils à celui des employeurs de salariés privés, soit 16,58 %, il apparaît que sur les 52,4 milliards d'euros versés actuellement au titre de cette contribution, 41 milliards d'euros seraient dévolus à la subvention d'équilibre de l'État et 11 milliards d'euros résulteraient de la seule contribution des employeurs.

Il serait toutefois réducteur de ne pas prendre en considération la différence d'assiette de cotisations : l'assiette des fonctionnaires ne porte que sur leur traitement indiciaire brut hors primes. En outre, pour le régime général, les avantages familiaux et les pensions d'invalidité sont respectivement pris en charge par les branches famille et maladie pour les salariés du privé. Selon les différents calculs effectués par le Conseil d'analyse économique (CAE) et l'Institut des politiques publiques (IPP), le taux de contribution employeur rectifié après retranchement de la subvention d'équilibre serait compris entre 25,4 % et 34,7 % - bien loin des 82,28 % qui sont annoncés au 1er janvier 2026 !

Si la ministre des comptes publics a fait part de son souhait d'accroître la transparence comptable du CAS « Pensions », la direction du budget m'a toutefois alertée sur le fait qu'une baisse du taux de contribution employeur entraînerait une baisse de la dépense publique et des dotations allouées à certains opérateurs de l'État, lesquels devront nécessairement être financés par des taxes affectées. J'ai conscience que ce travail de réforme de la comptabilité du CAS « Pensions » que j'appelle de mes voeux doit être mené par anticipation et j'espère qu'il sera effectif l'année prochaine. Il me semble nécessaire pour rétablir le coût salarial réel des fonctionnaires et mettre fin au débat sur le déficit caché de la fonction publique.

À l'aune de l'ensemble de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du CAS « Pensions ». Comme je l'indiquais déjà l'année dernière, nous ne pouvons faire obstacle au paiement des pensions des assurés des régimes spéciaux et des fonctionnaires.

Mme Monique Lubin. - Il me semble reconnaître en filigrane de votre rapport - le nom n'en est jamais prononcé - la fameuse théorie du déficit caché des régimes de retraite.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

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