N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2025-2026

Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2025

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté
par l'Assemblée nationale, pour
2026,

TOME IV

Fascicule 3

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

Cinéma

Par M. Jérémy BACCHI,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon, président ; MM. Max Brisson, Michel Savin, Jacques Grosperrin, Mme Marie-Pierre Monier, M. Yan Chantrel, Mme Samantha Cazebonne, M. Jérémy Bacchi, Mmes Laure Darcos, Monique de Marco, M. Bernard Fialaire, vice-présidents ; Mmes Anne Ventalon, Else Joseph, Colombe Brossel, M. Pierre-Antoine Levi, secrétaires ; Mmes Marie-Jeanne Bellamy, Catherine Belrhiti, Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, M. Christian Bruyen, Mmes Evelyne Corbière Naminzo, Karine Daniel, Nathalie Delattre, Sabine Drexler, M. Aymeric Durox, Mmes Agnès Evren, Laurence Garnier, Béatrice Gosselin, MM. Jean Hingray, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Mme Sonia de La Provôté, MM. Ahmed Laouedj, Michel Laugier, Jean-Jacques Lozach, Mmes Paulette Matray, Catherine Morin-Desailly, M. Georges Naturel, Mme Mathilde Ollivier, MM. Pierre Ouzoulias, François Patriat, Jean-Gérard Paumier, Stéphane Piednoir, Bruno Retailleau, Mme Sylvie Robert, MM. David Ros, Pierre-Jean Verzelen, Cédric Vial, Adel Ziane.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 1906, 1990, 1996, 2006, 2043, 2047, 2048, 2060, 2063 et T.A. 180

Sénat : 138 et 139 à 145 (2025-2026)

AVANT-PROPOS

Après une année 2024 faste, marquée par deux succès exceptionnels du cinéma français (« Un p'tit truc en plus » et « Le comte de Monte Cristo »), une fréquentation des salles à un bon niveau et un retour de la confiance qui semblait reléguer la crise sanitaire au rang de triste souvenir, une nette diminution des entrées a replongé le secteur dans le doute en 2025.

Les exploitants de salles de cinéma sont les premiers à subir les conséquences financières de cette baisse de la fréquentation, d'autant qu'ils doivent faire souvent face au remboursement d'emprunts réalisés pour des opérations de modernisation lancées pendant la crise sanitaire.

Dans ce contexte, le cinéma doit pouvoir compter sur l'appui du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Or, celui-ci est, comme en 2025, mis à contribution par le Projet de loi de finances (PLF) 2026 pour redresser les finances publiques à travers un prélèvement exceptionnel. Toutefois, ce prélèvement passe de 450 millions d'euros en 2025 à seulement 50 millions d'euros en 2026. Si la logique sous-jacente à cette nouvelle ponction peut interroger - les ressources du CNC, provenant d'une « surfiscalité » sur la profession, ont vocation à bénéficier à celle-ci par le mécanisme redistributif des aides versées par le Centre -, son montant modéré devrait la rendre relativement indolore. En outre, le CNC peut compter sur des taxes affectées relativement dynamiques, et devrait ainsi pouvoir continuer à soutenir une filière fragilisée, comme il a entrepris de le faire dès le début de 2025 en anticipant le versement de certaines de ses aides. Par ailleurs, les crédits d'impôt bénéficiant au cinéma, contestés à l'Assemblée nationale lors de l'examen du présent PLF mais finalement préservés, pourront contribuer à maintenir l'activité dans le secteur. À cet égard, la commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis tendant à prolonger le crédit d'impôt international jusqu'au 31 décembre 2028.

Les autres défis que devra affronter le cinéma français en 2026 sont nombreux : transformer l'essai en matière de lutte contre les violences sexuelles et sexistes (VSS), anticiper les évolutions réglementaires et technologiques liées à l'offensive des grandes plateformes américaines de vidéo à la demande, anticiper la révision de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels (SMA). Tous ces défis doivent être relevés en coopération étroite avec l'ensemble des acteurs de l'économie du cinéma, afin de préserver le rôle unique que joue le 7e art dans la culture de notre pays.

La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a émis, lors de sa réunion plénière du 26 novembre 2025, un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au cinéma au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2026.

I. UNE DIMINUTION TRÈS SENSIBLE DE LA FRÉQUENTATION EN 2025

A. UNE « DOUCHE FROIDE » APRÈS LA RECONQUÊTE DE 2022 - 2024

Les années 2022-2024 avaient été marquées par la reconquête du public après la double catastrophe que furent, pour le cinéma, la pandémie et la percée des plateformes de vidéos en ligne. Sans retrouver le plateau pré-covid, la fréquentation s'était stabilisée autour de 180 millions d'entrées par an, et beaucoup envisageaient le retour dès 2024 à un niveau de fréquentation proche des 200 millions d'entrées.

Or, mois après mois, la fréquentation des salles a été mesurée en forte baisse en 2025 par rapport à l'année précédente, avec des diminutions pouvant atteindre 28,5 % en mai et près de 30 % en août par rapport aux mêmes mois de 2024. Entre le 1er janvier et le 31octobre, 122 millions d'entrées ont été enregistrées aux guichets, en recul de 15 % par rapport à la même période de 2024. Après les 181 millions d'entrées de 2024, le cinéma devrait avoir du mal à atteindre, d'après les projections, les 168 millions d'entrées en 2025, chiffre le plus bas depuis 25 ans.

B. BAISSE CONJONCTURELLE OU DIMINUTION DURABLE DE LA FRÉQUENTATION ?

1. Un simple point bas conjoncturel ?

L'économie du cinéma est essentiellement une économie de l'offre : le niveau de la fréquentation dépend beaucoup de la quantité et de la qualité des films qui sortent en salle. À cette aune, 2025 est une mauvaise année autant que 2024 avait été bonne.

L'année dernière, le rapporteur pour avis avait ainsi braqué les projecteurs sur trois films français ayant rencontré le succès au-delà des espérances. « Le Comte de Monte Cristo », production « de prestige » et fruit de la stratégie de « prémiumisation » du groupe Pathé, a atteint 9,2 millions d'entrées en France, le plaçant second du box-office de l'année. Le moins attendu « Un p'tit truc en plus » a, pour un coût de 6,1 millions d'euros, rassemblé près de 11 millions de spectateurs autour de son message humaniste. Quant à « Emilia Perez », il avait réalisé plus d'1 million d'entrées et obtenu le prix du jury et le prix d'interprétation féminine. À côté de ces succès français, le cinéma américain avait également connu quelques grands succès, comme « Vice-Versa 2 » avec plus de 8 millions d'entrées.

Selon l'étude « Les pratiques cinématographiques des Français en 2025 », réalisée par le CNC en septembre 2025, 93,3 % des spectateurs sont satisfaits des films français et 51,9 % déclarent aller voir des films français pour voir des acteurs qu'ils apprécient.

À l'inverse, en novembre 2025, aucun film n'atteignait un nombre d'entrées comparables. Le cinéma d'outre-Atlantique a représenté seulement 30 % des entrées en 2025, un point bas depuis plus de 40 ans. Un « cocorico » serait malvenu : ce n'est pas le dynamisme du cinéma français mais l'absence de blockbusters américains qui est responsable de ce phénomène, fragilisant toute la filière. Le plus gros succès, « Lilo et Stich », n'a fait « que » 5,2 millions d'entrées. En 2024, trois films américains avaient fait mieux. Le plus grand succès français de l'année, « God saves the Tuches », n'a réuni que 3 millions de spectateurs. Les films d'art et essais n'ont pas démérité, mais ne peuvent évidemment pallier l'absence de gros succès. Ce manque de « locomotives » américaines est sans doute imputable en partie aux conséquences différées de la grève de 146 jours des scénaristes d'Hollywood. Cependant, la sortie d'« Avatar 3 » et de « Zootopie 2 » à la fin de 2025 laisse espérer un recul un peu moins massif des entrées. Surtout, la sortie en 2026 des « Misérables », de « De Gaulle », du « Marsupilami » ou encore des « Légendaires » rend envisageable un redressement de la fréquentation des salles, comme le CNC en fait l'hypothèse.

2. Des facteurs plus structurels de tassement de la fréquentation ?

Une autre hypothèse, plus inquiétante, serait que la fréquentation a « atterri » sur un nouveau plateau sensiblement plus bas que celui de l'avant-covid, du fait d'une accentuation de tendances déjà présentes auparavant, mais masquées en 2024 par quelques succès exceptionnels :

Fréquentation cinématographique 2010 à 2026 (prévisions pour 2025 et 2026 selon le CNC)
en millions d'entrées

· une partie du public aurait définitivement basculé, à la faveur de la crise sanitaire, vers des plateformes de vidéos à la demande permettant d'accéder à un très grand nombre de films pour le prix d'un abonnement relativement peu onéreux. On peut constater que cette évolution se poursuit notamment pour le visionnage des films français :

· le public serait désorienté et aurait plus de mal à choisir les films du fait d'une absence de renouvellement des méthodes de promotion des films par les distributeurs ;

· l'inquiétude sur la situation financière et politique du pays engendrerait une prudence supplémentaire, dont les dépenses de loisirs, et parmi elles celles consacrées aux sorties cinéma, font les frais.

Le cinéma serait donc actuellement dans une position intermédiaire entre des années 2010 exceptionnelles, avec près de 210 millions de spectateurs, et des années 90 décevantes.

C. DES CONSÉQUENCES SÉRIEUSES POUR CERTAINS ACTEURS DE LA FILIÈRE, UNE ACTION RAPIDE DU CNC

1. Une production qui se maintient...

Avec 309 films agréés en 2024, la production de films français était en hausse par rapport aux 298 films produits en 2023 (+ 3,7 %) et dépassait le niveau d'avant crise. En 2024, les investissements totaux dans les films d'initiative française atteignaient 1,2 Md€, en progression de 4,2 % par rapport à 2023, pour un nombre de films en baisse de 2,1 % (+ 19,7 % par rapport à la moyenne 2017-2019, pour un nombre de films stable à - 0,9 %). Ce niveau d'investissement est le troisième plus haut des 20 dernières années. On observait cependant en 2024 une diminution du montant des investissements dans les films dits « du milieu » (entre 4 M€ et 7 M€ de budget). Cette bonne santé de la production semble se confirmer en 2025.

2. ...mais des exploitants qui souffrent de la baisse de la fréquentation

Qu'elle soit d'origine conjoncturelle ou structurelle, la baisse de la fréquentation a frappé de plein fouet les exploitants de salles. Ces difficultés se sont combinées avec une poursuite du gonflement des charges et les loyers, avec la diminution des aides de certaines collectivités et avec les conséquences d'un taux d'endettement pour certains trop élevé, du fait des investissements importants réalisés pour se moderniser pendant la crise sanitaire et dont le remboursement arrive au plus mauvais moment. Selon le CNC, la situation est pour le moment sérieuse sans être catastrophique, avec un solde entre les ouvertures et les fermetures de salles en 2025 négatif de quelques unités.

3. Une aide rapidement mise en place par le CNC pour franchir ce cap difficile

Afin de soutenir les exploitants, le CNC a pris deux mesures exceptionnelles :

· le soutien automatique à l'exploitation a été augmenté de 5 millions d'euros ;

· une avance sur ce soutien automatique a été débloquée pour les petits et moyens exploitants, pouvant aller jusqu'à 3 années de soutien généré, leur permettant notamment de faire face aux échéances d'emprunts contractés pour se moderniser.

Ce dernier dispositif a montré son utilité, avec environ 120 dossiers constitués, dont environ 70 entrent dans les critères fixés par le CNC et devraient donc être acceptés.

Au-delà de l'aide du CNC, les autres partenaires du cinéma, comme l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC) ou les établissements bancaires ainsi que les collectivités locales, sont susceptibles de développer des actions de soutien à l'exploitation.

II. DES CRÉDITS DU CINÉMA DAVANTAGE PRÉSERVÉS EN 2025

Le soutien du CNC a pu être déployé rapidement grâce à la solidité du modèle économique de cet opérateur. Cependant, en cette période de budget contraint, les ressources importantes de l'établissement public seront à nouveau mises à contribution en 2026.

A. UN NOUVEAU PRÉLÈVEMENT DE 50 MILLIONS D'EUROS

En 2024, l'article 33 du PLF 2025 avait prévu un prélèvement de 450 millions d'euros sur les réserves du CNC. Cette somme considérable ne représentait en réalité que la moitié des réserves du Centre, ayant été provisionnée pour couvrir des engagements comptables conformément aux recommandations de la Cour des comptes. En outre, elle correspondait peu ou prou aux aides reçues par la filière pendant la crise sanitaire. Cependant, le rapporteur pour avis avait prévenu que cette opération ne pourrait pas être reconduite l'année suivante, les réserves restantes constituant la trésorerie nécessaire au fonctionnement du CNC.

Le PLF 2026 prévoit pourtant un nouveau prélèvement sur les réserves du Centre, mais de « seulement » 50 millions d'euros. Un tel montant ne devrait pas avoir de conséquences pour l'accomplissement des missions du CNC, sa situation financière étant saine. En effet, d'une part, le panier de taxes qui alimentent le CNC se stabilise à un niveau assez élevé, les taxes dynamiques surcompensant celles dont le rendement baisse. D'autre part, ses dépenses sont restées stables en 2025. Ainsi, les 50 millions d'euros prélevés auraient été affectés au renforcement de la santé financière de l'établissement mais ne sont pas indispensables au fonctionnement du Centre.

Des taxes affectées en forte hausse, pour partie temporaire, en 2025

- la taxe sur les entrées en salles de cinéma (dite TSA) (134 M€) : selon les prévisions pour 2025, la TSA devrait rapporter 134 M€, contre 141,7 M€ en 2024, en raison d'une fréquentation en retrait par rapport aux huit premiers mois de l'année 2024, qui avaient été émaillés de nombreux succès ;

- la taxe due par les éditeurs de services de télévision (dite TST-E) (259,7 M€) : le produit de la TST-E devrait s'élever à 259,7 M€ en 2025, soit un montant proche de celui de 2024 (261,4 M€) ;

- la taxe due par les distributeurs de services de télévision (dite TST-D) (281,1 M€) : le produit de cette taxe est désormais estimé à 281,1 M€ en 2025, soit une plus-value de 73,1 M€ par rapport à 2025. Cette hausse s'explique pour moitié par les efforts de sécurisation juridique des taxes affectées au CNC, l'entrée en vigueur du code des impositions sur les biens et services (CIBS) au 1er janvier 2024 ayant clarifié certains éléments des textes fiscaux, rendant indiscutables des points de droit qui étaient auparavant sujets à débat, notamment sur la prise en compte des services accessoires dans l'assiette de la taxe. L'autre moitié de l'augmentation résulte d'une performance économique plus forte qu'anticipée des redevables, notamment les fournisseurs d'accès à internet.

Compte tenu des modalités de liquidation de la TST, cette plus-value prévisionnelle ne correspond cependant pas dans son entièreté à une hausse pérenne de son produit, les sommes enregistrées en 2025 correspondant pour moitié à des régularisations au titre de la TST 2024. L'effet attendu en base annuelle devrait plutôt s'établir autour de 35 M€.

- la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (dite TSV) (190 M€) : le produit de cette taxe est désormais estimé à 190 M€, soit une amélioration de 22,5 M€ par rapport à la prévision initiale et de 14,5 M€ par rapport à 2024, au regard de la tendance des encaissements mensuels observés depuis le début de l'année 2025 (la TSV étant recouvrée par la Direction générale des finances publiques "DGFiP" et son produit reversé au CNC).

Ainsi, après la hausse attendue en 2025 (864,8 M€ contre 809,9 M€ réalisés en 2024), les prévisions à fin août 2025 conduisent à envisager une baisse des recettes fiscales en 2026, en raison de l'effet exceptionnel de la plus-value de TST-D enregistrée en 2025. Le produit des taxes est donc estimé à 836 M€ en 2026.

En revanche, la récurrence de ce prélèvement commence à ressembler à la mise en place d'un plafonnement. Le risque est alors d'aboutir à un moindre consentement à l'impôt de la part des acteurs de la profession, puisque des instruments (les taxes affectées au CNC) mis en place à l'origine pour instaurer une solidarité entre ces acteurs au bénéfice du secteur dans son ensemble, deviendraient, en une période par ailleurs économiquement difficile, une charge supplémentaire pour celui-ci.

En millions d'€uros

Exécuté 2024

Budget
2025

Reprév
2025

Évolution
20242025

Évolution
20242025 

Prévision
2026

Taxe sur les entrées en salles de cinéma (TSA)

141,7

154,1

134,0

- 7,7

- 5,4 %

145,1

Taxe sur les services de télévision - Éditeurs (TST-E)

261,4

261,4

259,7

- 1,7

- 0,7 %

241,5

Taxe sur les services de télévision - Distributeurs (TST-D)

231,3

208,0

281,1

49,8

21,5 %

251,9

Taxe sur les services vidéo (TSV)

175,5

167,5

190,0

14,5

8,3 %

197,5

Produit total des taxes

809,9

791,0

864,8

+ 54,9

+ 6,8 %

836,0

B. DES DÉPENSES EN CROISSANCE MODÉRÉE EN 2026

Les dépenses du CNC sont concentrées à 85 % autour de trois grandes actions1(*) :

- le soutien à la production et à la création cinématographiques, qui s'élève en 2025 à 134 millions d'euros. Pour 2026, il devrait s'établir à 136,5 millions d'euros ;

- le soutien à la production et à la création audiovisuelles, désormais ouvert aux nouvelles plateformes, est estimé à 290 millions d'euros en 2025, il devrait passer à 301,4 millions d'euros en 2026 ;

- le soutien à la distribution, diffusion et promotion du cinéma et de l'audiovisuel, qui rassemble notamment les aides aux salles de cinéma et au secteur de la distribution, devrait passer de 260,8 millions d'euros en 2025 à 273,4 millions d'euros en 2026.

En 2026 les dépenses du CNC devraient ainsi passer de 795 à 810 millions d'euros environ, après s'être élevées à 754,6 millions d'euros en 2024. Pour 2026, l'augmentation prévue sera due :

· au soutien automatique à la production audiovisuelle : la diffusion de nouvelles séries quotidiennes au cours de l'année 2025 pourrait conduire à une augmentation des générations de soutien de près de 10 M€ ;

· aux soutiens sélectifs : l'augmentation des crédits tient notamment compte du coût en année pleine des mesures de réformes de 2025 (soutien à la distribution, à la vidéo à la demande et aux créateurs sur internet, prime RSE+, etc.), du financement d'un ensemble de politiques prioritaires et de la prise de relais en fonctionnement de certains équipements ou structures soutenus dans le cadre de France 2030 (nouvelles écoles, antenne marseillaise de la cinémathèque), ainsi que de nouvelles mesures d'éduction aux images prises à la suite du rapport Geffray.

C. DES CRÉDITS D'IMPÔT FINALEMENT PRÉSERVÉS

Les crédits d'impôt cinéma constituent le deuxième moyen d'action du CNC pour soutenir le cinéma en France. Ils sont marqués en 2025 par une forte baisse du Crédit d'impôt international (C2I), avec moins de tournages de productions étrangères en France. En revanche, il est prévu une remontée du C2I en 2026. Les autres crédits d'impôt, audiovisuel et cinéma, restent assez stables.

En million d'euros

Des amendements ont été adoptés à l'Assemblée nationale visant à abaisser le taux du crédit d'impôt cinéma de 30 % à 25 % pour les films dont le budget dépasse 7 millions d'euros, et à 20 % pour ceux dont le budget est inférieur à 7 millions d'euros. Ils n'ont pas été adoptés. Par ailleurs, la commission a adopté un amendement du rapporteur pour avis tendant à proroger le C2I, qui devait prendre fin le 31 décembre 2026, jusqu'au 31 décembre 2028.

Le coût net de ces dispositifs pour les finances publiques est en effet somme toute modéré, une fois intégrées les recettes fiscales que l'activité économique supplémentaire induite par ces crédits d'impôt a générées2(*). Par ailleurs, l'environnement européen est très concurrentiel s'agissant des crédits d'impôt visant à attirer les tournages : la prorogation du C2I permet à la France de rester dans la course dans ce domaine.

III. QUATRE DOSSIERS À SUIVRE EN 2026

A. UN ÉVÉNEMENT IMPORTANT POUR LE CINÉMA FRANÇAIS : LE RACHAT D'UGC PAR CANAL +

Canal + a annoncé acquérir 34 % du capital d'UGC en septembre2025, avant une prise de contrôle complète prévue pour 2028. Cette opération constitue à la fois un signal positif pour la solidité économique du cinéma français et un sujet de vigilance pour l'avenir :

· un signal positif, car la situation financière d'UGC était préoccupante et que l'intérêt pour la salle de cinéma d'un acteur majeur du secteur tel que Canal + est rassurant pour l'avenir du cinéma français. Canal + et UGC avaient d'ailleurs déjà opéré des rapprochements dans de nombreux domaines, du catalogue de films aux offres combinées d'abonnement. Cette alliance entre un producteur / distributeur / diffuseur (Canal +) et un producteur / distributeur / exploitant (UGC) est donc tout sauf contre nature ;

· un sujet de vigilance, comme pour toute opération de concentration, car il ne faudrait pas qu'il en résulte une réduction de la diversité de la production, les producteurs se trouvant face à un moindre éventail de financeurs susceptibles de soutenir leurs projets3(*). Certains producteurs ou auteurs de films estiment en effet que, globalement, les diffuseurs font preuve de davantage de frilosité qu'auparavant. Le CNC et les autres acteurs de la filière devront donc rester vigilants pour que les spectateurs puissent continuer à bénéficier de toute la diversité souhaitable dans les salles de cinéma.

B. VIOLENCES SEXUELLES ET SEXISTES : DES CONDITIONNALITÉS QUI SE METTENT EN PLACE

1. Des avancées en 2024 - 2025

Dans le cadre de l'examen en séance publique de la proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France, le Sénat avait adopté le 14 février 2024, à l'initiative de Monique de Marco et de plusieurs de ses collègues, un amendement privant les producteurs des aides du CNC lorsque des faits de violences sexistes et sexuelles (VSS) ont été constatés et que les obligations de prévention n'ont pas été remplies.

Depuis le 1er janvier 2021, l'accès à toutes les aides du CNC a été conditionné au respect par les entreprises de production des industries (étendu en janvier 2022 aux exploitants) d'une obligation de prévenir, mettre fin et sanctionner les VSS. Le CNC a mis en place une formation obligatoire de tous les responsables d'entreprises du secteur à la prévention et à la lutte contre les VSS, le suivi de cette formation conditionnant également l'accès aux aides. À l'été 2025, le CNC avait ainsi formé 6 880 professionnels.

2. Une extension des obligations de formation à l'ensemble des équipes en 2025

Alors qu'elle ne concernait que les chefs d'entreprise, l'obligation imposée par le CNC de former les équipes de tournage dans leur ensemble, annoncée en décembre 2023, est devenue effective le 1er février 2025. La formation et la conditionnalité des aides au respect de cette formation seront étendues aux tournages d'oeuvres audiovisuelles à partir du mois de juin 2026. Une conditionnalité du soutien au suivi d'une formation par les équipes dirigeantes des festivals sera également mise en place en 2026.

Ainsi, peu à peu, ce sont l'ensemble des professionnels du secteur du cinéma, de l'audiovisuel et des festivals qui seront formés, tandis que la conditionnalité des aides du CNC par rapport au suivi des formations sera généralisée.

Le cinéma, qui du fait de son exposition et de sa popularité en France, se doit d'être particulièrement exemplaire, n'en est sans doute qu'à ses débuts dans le profond changement des mentalités qui doit le mener à cette exemplarité. Cependant, le tournant est pris. Les prochaines années devront permettre d'évaluer précisément l'efficacité des dispositifs mis en place.

C. UNE CHRONOLOGIE DES MÉDIAS TOUJOURS MENACÉE

La chronologie des médias constitue un pilier du financement du cinéma français : elle lie le niveau du financement offert par les diffuseurs avec la faculté pour ceux-ci de proposer au public l'oeuvre financée plus tôt. Négociée dans la douleur et signée le 24 janvier 2022 pour une durée de trois ans, la chronologie a été renouvelée par un nouvel accord conclu au début de 2025 après d'âpres négociations.

Deux acteurs ont souscrit des engagements significatifs :

· Canal + maintient son statut de premier financeur (160 millions d'euros par an) et conserve corrélativement son positionnement à 6 mois avant de pouvoir diffuser un film sorti en salle ;

· Disney + a conclu un accord lui permettant de proposer les films à 9 mois (contre 17 auparavant), en contrepartie d'un engagement renforcé4(*).

L'arrêté d'extension de la chronologie, pris par la ministre de la culture, a cependant été contesté devant la justice administrative par les nouveaux entrants, Netflix et Prime Video. L'affaire ne devrait pas être audiencée devant le Conseil d'État avant la mi 2026. L'enjeu est la fenêtre d'exploitation des films de ces deux plateformes américaines, qui commence respectivement à 15 et 17 mois, mais qu'elles souhaiteraient voir avancer à 12 mois. Ce recours constitue un levier dans une négociation dont les paramètres sont à la fois les fenêtres de diffusion de ces acteurs américains et le volume de financement de Canal +. Il est possible qu'un compromis finisse par être obtenu, mais il existe toujours un risque que l'ensemble de la machine s'enraye, d'autant que l'Autorité de la concurrence s'est autosaisie de la question le 25 septembre 2024.

Le rapporteur pour avis ne peut préjuger des décisions judiciaires à venir, mais rappelle le caractère essentiel de la chronologie pour la vitalité du cinéma français, vitalité à laquelle toutes les parties prenantes de la discussion, y compris les acteurs américains, ont intérêt.

D. LA DIRECTIVE SMA TOUJOURS EN COURS D'ÉVALUATION, LE DÉCRET SMAD ÉTENDU À L'ANIMATION

Transposée en droit français par l'ordonnance du 21 décembre 2020, la directive SMA5(*) a rendu possible l'insertion dans notre paysage audiovisuel des plateformes en ligne, qui supportent dorénavant des obligations d'investissement dans le cinéma français. Dans le cadre de cette réglementation, les trois grands éditeurs de services de vidéo à la demande étrangers (Disney +, Netflix et Prime Video) ont globalement respecté leurs obligations de contribution au développement de la production avec 866 millions d'euros de dépenses totales déclarées entre 2021 et 2023.

1. Une avancée récente pour l'animation

Les investissements des plateformes se concentrent toutefois sur les oeuvres de fiction (89 % des investissements audiovisuels), au détriment des autres genres comme l'animation, le documentaire, ou le spectacle vivant capté.

En particulier, le secteur de l'animation, un des fleurons du cinéma français, est en sérieuse difficulté en 2025. Plusieurs sociétés, comme Cyber Group ou TeamTO, ont dû déposer le bilan. Dès lors, le CNC et le ministère de la culture ont obtenu de la Commission européenne un feu vert pour une modification du décret SMAD6(*), afin de fixer à au moins 20 % de la contribution à la production audiovisuelle des SMADs la part des dépenses réalisées au profit des oeuvres appartenant aux autres genres que la fiction, dont l'animation. Cette obligation devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2026 et permettre de flécher vers ces autres genres entre 20 et 30 millions d'euros par an, ce qui est très substantiel. Cette nouvelle obligation de financement créée par le CNC devrait ainsi constituer un bol d'air pour le secteur de l'animation française.

2. Une révision à haut risque de la directive SMA

L'article 33 de la directive SMA prévoit une évaluation par la Commission européenne du dispositif au plus tard le 19 décembre 2026. Cette réflexion a été lancée courant 2025. Dans ce cadre, la directive fait l'objet de vives critiques des pouvoirs publics américains. Ceux-ci insistent sur les « barrières non tarifaires » que constituerait la directive, tandis qu'un contentieux a été ouvert par Netflix et Disney + contre le dispositif d'obligations d'investissement des autorités de Belgique wallonne.

Le rapporteur pour avis appelle le Gouvernement à oeuvrer avec constance, dans ce contexte d'attaques récurrentes de la part des pouvoirs publics américains, à la préservation des acquis de la directive SMA en termes d'obligations d'investissement.

*

* *

La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a émis, lors de sa réunion plénière du 26 novembre 2025, un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au cinéma au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2026.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 26 NOVEMBRE 2025

___________

M. Laurent Lafon, président. - Nous poursuivons nos travaux par l'examen du rapport pour avis de Jérémy Bacchi sur les crédits consacrés au cinéma.

M. Jérémy Bacchi, rapporteur pour avis des crédits relatifs au cinéma. - Pour le cinéma, les années se suivent et ne se ressemblent pas. Après une année 2024 au cours de laquelle la fréquentation s'était finalement maintenue grâce à de grands succès du cinéma français, mais une année également marquée par des révélations accablantes sur les violences sexuelles et sexistes, 2025 s'achève par une baisse très forte des entrées en salle.

Depuis le 1er janvier dernier, 122 millions d'entrées ont été enregistrées, soit un recul de 15 % par rapport à la même période de 2024. Après les 181 millions d'entrées de 2024, soit un quasi-rattrapage par rapport à l'avant-covid - 2019 totalisait 210 millions d'entrées -, on devrait avoir du mal à atteindre les 168 millions d'entrées en 2025, chiffre le plus bas depuis vingt-cinq ans.

Toute la question est de savoir s'il s'agit d'un creux conjoncturel ou d'un nouveau plancher.

Il existe quelques arguments en faveur de la première hypothèse, celle d'un simple trou d'air. Le cinéma est une économie de l'offre, et l'année 2025 a été en retrait sur ce plan. Le cinéma d'outre-Atlantique a représenté seulement 30 % des entrées en 2025, son point le plus bas depuis quarante ans. On pourrait être tenté de crier « cocorico », mais ce serait une erreur : c'est non le dynamisme du cinéma français, mais l'absence de blockbusters américains qui est en cause, et cela fragilise toute la profession.

Le plus gros succès, Lilo et Stich, n'a obtenu que 5 millions d'entrées. En 2024, trois films américains avaient fait mieux. Les effets de la grève des scénaristes d'Hollywood se font, semble-t-il, toujours sentir. Et alors que l'année 2024 avait vu deux immenses succès français, Un p'tit truc en plus et Le comte de Monte-Cristo arrivant aux deux premières places du box-office, rien de comparable malheureusement en 2025. Le plus grand succès, le cinquième Tuche, n'a réuni « que » 3 millions de spectateurs. Les films d'art et essais n'ont pas démérité, mais cela ne peut pas compenser cette absence de locomotives.

Pour sauver un peu le millésime, tous les espoirs reposent donc sur Avatar 3 et Zootopie 2, dont les sorties sont annoncées pour les prochaines semaines.

Inversement, il y a quelques raisons d'espérer pour l'année prochaine avec les sorties attendues des Misérables, de De Gaulle, du Marsupilami, ou encore des Légendaires.

L'autre hypothèse, plus pessimiste, serait que nous descendions vers un nouveau plateau sensiblement plus bas que celui de l'avant-covid, du fait d'une accentuation de tendances déjà présentes, mais masquées l'année dernière par quelques succès exceptionnels. Des jeunes, mais aussi des moins jeunes, auraient durablement basculé vers les plateformes. Le public serait désorienté, la promotion des films par les distributeurs n'étant, selon certains, pas assez dynamique. Il y aurait également une prudence supplémentaire sur les dépenses de loisirs, dont les sorties cinéma seraient les premières à souffrir.

Quelles qu'en soient les causes, les exploitants ont pris cette baisse de la fréquentation de plein fouet. En effet, elle se combine avec une poursuite du gonflement des charges et des loyers, une diminution des aides de certaines collectivités et un taux d'endettement souvent élevé, dû à des investissements importants les années précédentes.

Selon le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), il ne s'agit pas encore d'une catastrophe : le solde entre les ouvertures et les fermetures de salles n'est négatif que de cinq ou six unités. Mais la crise est bien là.

Quelle a été, justement, la réaction du CNC à cette situation ?

Afin de soutenir les exploitants, il a mis en place deux mesures. La première a consisté en une augmentation de 5 millions d'euros du soutien automatique à l'exploitation. La seconde, une avance sur ce soutien automatique, a été débloquée pour les petits et moyens exploitants ; elle peut se prolonger pendant trois ans et permet à ses bénéficiaires de notamment faire face aux échéances d'emprunts contractés pour se moderniser.

Ce dispositif a montré son utilité puisqu'il y a eu de l'ordre de 120 demandes, dont 70 entrent dans les critères d'éligibilité et seront satisfaites. Or il a pu être déployé rapidement grâce à la bonne santé financière du CNC.

Vous le savez, en cette période où l'on cherche partout des marges de manoeuvre budgétaires, le modèle financier du Centre a été parfois remis en cause, avec des arguments plus ou moins valables.

Le précédent projet de loi de finances (PLF) avait prévu un prélèvement de 450 millions d'euros sur la trésorerie du CNC. Deux remarques à cet égard. D'une part, seules les provisions du Centre avaient été mises à contribution et il n'y avait pas eu de conséquences pour les aides versées. D'autre part, pendant la pandémie de covid-19, le secteur avait reçu une manne de près de 450 millions d'euros en provenance du budget de l'État. Cette ponction s'apparentait donc à une forme de restitution.

Le PLF 2026 prévoit quant à lui une nouvelle ponction de 50 millions d'euros.

Un tel montant n'emportera pas de conséquences majeures pour l'activité du CNC, du fait de la situation financière saine de ce dernier. En effet, le panier de taxes qui alimentent le Centre se stabilise à un niveau assez élevé. Celles qui sont dynamiques, comme la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV), qui touche les plateformes, compensent celles dont le rendement est en baisse.

En revanche, et c'est là le danger, la récurrence de ce prélèvement commence à ressembler à la mise en place d'un écrêtement.

Il y aurait alors un sujet de consentement à l'impôt, car les finances du CNC sont alimentées par des taxes additionnelles sur la profession. Les grandes plateformes américaines, déjà réticentes à participer à ce système, risqueraient d'en tirer des arguments forts pour le remettre en cause, y compris sur le plan contentieux. Il faut donc rappeler que ce prélèvement est exceptionnel et doit le rester.

Deuxième sujet, qui a fait l'objet d'amendements à l'Assemblée nationale, le crédit d'impôt cinéma et le crédit d'impôt international (C2I) restent finalement intacts, des évaluations ayant montré qu'ils ont un coût fiscal net réduit et sont efficaces pour obtenir la localisation des tournages en France. Nous pouvons nous en féliciter.

J'évoquerai à présent quelques sujets d'actualité qui ont, ou auront des conséquences majeures pour la filière.

Tout d'abord, un événement important est intervenu en 2025 : le rachat de 34 % d'UGC par Canal +, en attendant une prise de contrôle majoritaire en 2028.

Dans ce dossier, il me semble qu'il y a à la fois un motif de satisfaction et un motif, sinon de préoccupation, du moins de vigilance. La satisfaction, c'est que la situation financière d'UGC était compliquée et que l'appétence pour la salle d'un acteur majeur de l'audiovisuel tel que Canal + est un signal positif fort pour l'avenir de l'ensemble du cinéma français. Canal + et UGC avaient d'ailleurs déjà opéré des rapprochements dans de nombreux domaines, du catalogue de films aux offres combinées d'abonnement. Le motif de vigilance, quant à lui, c'est que, de manière générale, il ne faudrait pas qu'une concentration accrue se traduise par une réduction de la diversité de la production.

De fait, qu'observons-nous du côté de la production cinématographique ?

En première analyse, la situation est bonne puisqu'elle a retrouvé son niveau d'avant-covid, avec des budgets satisfaisants. Si l'on creuse un peu, il y aurait cependant davantage d'aversion au risque de la part des diffuseurs, notamment pour les films dits « du milieu », c'est-à-dire les films populaires à prétention artistique et à budget moyen. Ils ne sont pas moins nombreux à être financés, mais les producteurs estiment parfois devoir choisir des thèmes plus consensuels pour espérer convaincre France Télévisions ou Canal +.

Évidemment, c'est difficile à objectiver, mais il nous faudra rester vigilants sur ce point : la consolidation économique ne doit pas se faire au détriment de la diversité artistique.

Le deuxième sujet d'actualité, c'est encore et toujours la chronologie des médias.

Un nouvel accord a été conclu en février 2025. Deux acteurs ont souscrit des engagements significatifs. C'est le cas de Canal + qui maintient son statut de premier financeur et conserve corrélativement son positionnement à six mois. Disney + pourra pour sa part proposer les films à neuf mois, contre dix-sept auparavant, en contrepartie d'un engagement renforcé de financement, fondé sur un pourcentage de son chiffre d'affaires.

Cet accord, étendu par arrêté de la ministre de la culture, a été contesté par les nouveaux entrants, Netflix et Amazon Prime Video, qui ont introduit un recours devant le Conseil d'État. L'affaire ne devrait pas être audiencée avant l'année prochaine. L'enjeu est la fenêtre d'exploitation des films de ces deux plateformes américaines, qui commence respectivement à quinze et dix-sept mois, mais qu'elles souhaiteraient voir avancer à douze mois. La question est de savoir à quel point cela peut se faire au détriment de Canal + ou de ses obligations de financements, ou si un compromis peut être trouvé entre l'ensemble des acteurs.

À ce stade, le plus probable est qu'un tel compromis finisse par être obtenu. Mais il existe toujours un risque que l'ensemble de la machine s'enraye, d'autant que l'Autorité de la concurrence (ADLC) s'est autosaisie de la question et que l'on attend toujours sa décision.

Troisième sujet d'actualité, l'année dernière avait été marquée par des révélations en cascade sur les violences sexuelles et sexistes dans le cinéma.

Sur ce front, le milieu semble progresser vers une meilleure prévention, avec notamment des décisions inédites au Festival de Cannes 2025.

Surtout, l'obligation imposée par le CNC de former les équipes de tournage dans leur ensemble est effective depuis le 1er février 2025. Jusqu'alors, seul le chef d'entreprise était visé. Il s'agit en outre d'une nouvelle condition d'accès aux aides du CNC.

Peu à peu, grâce en particulier à toutes celles qui ont eu le courage de dire ce qu'elles avaient vécu, l'évolution positive du milieu du cinéma se concrétise avec la mise en oeuvre de nouvelles règles par ses institutions et par ses acteurs. Seule une évaluation sur le moyen terme nous permettra cependant de dire si ces progrès sont effectifs.

Dernier sujet d'actualité, celui de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels (SMA), actuellement en cours d'évaluation.

Les plateformes américaines sont extrêmement actives dans ce processus d'évaluation, avec pour objectif de minorer leurs obligations de financement. C'est dans ce contexte que le CNC a lancé une révision du décret service de médias audiovisuels à la demande (Smad) qui transpose cette directive en droit français, pour créer une sous-obligation de financement des films d'animation à hauteur de 20 % de l'obligation totale.

Pourquoi une telle décision que l'on pourrait estimer risquée dans le contexte actuel ? Parce que le secteur de l'animation, un des fleurons du cinéma français, est en sérieuse difficulté dans notre pays du fait de la baisse de financement des plateformes. Plusieurs sociétés ont mis la clef sous la porte. La nouvelle obligation de financement créée par le CNC devrait donc offrir un bol d'air au secteur. Encore faudrait-il que nous parvenions à éviter une remise en cause globale de la directive SMA. Je serai particulièrement vigilant sur ce point : il est impératif que nos représentants à Bruxelles fassent le maximum pour préserver ce système favorable au cinéma français.

Enfin, un mot sur le soutien que les collectivités, au premier rang desquelles les régions, apportent à la filière. Quoique souvent invisibilisé ou minimisé, il lui est pourtant essentiel, comme il l'est pour nos territoires. Dans le contexte de baisse répétée des dotations aux collectivités, les régions, dans leur immense majorité, ont choisi de maintenir un haut niveau de soutien. Gageons que ce soutien se poursuive, malgré les nouvelles baisses annoncées des dotations.

Je vous propose d'émettre un avis favorable sur les crédits du cinéma du PLF 2026.

Mme Alexandra Borchio Fontimp. - Je sais votre attachement profond au cinéma et salue vos efforts pour le défendre dans un contexte économique difficile.

Je rends en particulier hommage à l'initiative relative à la sécurisation du C2I, dont l'utilité n'est plus à démontrer. Le choix des lieux de tournage par les productions étrangères intervient deux ou trois ans à l'avance et il est essentiel de donner à la France les moyens de maintenir sa position face à la concurrence extrêmement marquée d'autres pays.

Par ailleurs, je partage votre point de vue sur la nécessité et l'efficacité de l'accompagnement des régions.

Je veux cependant aussi souligner l'action des commissions du film, ces bureaux d'accueil des tournages qui, par leurs expertise et connaissance fine du terrain, simplifient la logistique des tournages dans nos départements et rendent possible la création artistique dans les meilleures conditions. Elles sont de véritables moteurs d'attraction culturelle et économique, en permettant à des productions de découvrir et de mettre en valeur des territoires.

Permettez-moi également de signaler le rôle de nos communes dans cette dynamique. Elles apparaissent en effet souvent comme les premières supportrices des initiatives artistiques, elles accompagnent la création, soutiennent l'implantation culturelle locale et favorisent l'accès au cinéma pour tous. Selon une récente enquête de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), les communes sont, au sein du bloc local, majoritairement compétentes dans le champ culturel, même si l'intercommunalité peut évidemment jouer un rôle important, en particulier dans les communes de moins de 2 000 habitants.

L'action des communes est déterminante : lorsqu'elles investissent dans l'offre culturelle, qu'il s'agisse de soutenir les salles de cinéma existantes, d'encourager les tournages ou de renforcer l'éducation à l'image, c'est directement la fréquentation des salles qui s'en trouve stimulée. Cet ancrage territorial demeure un rempart contre la désertification culturelle.

Essentiels, les cinémas itinérants reconnectent pour leur part les publics ruraux et périurbains à l'expérience cinématographique. Ils s'invitent là où l'offre culturelle fait défaut et redonnent le goût d'aller voir des films.

Enfin, alors que la France a longtemps maintenu une position stable en matière de fréquentation des salles, y compris dans la période postérieure à la crise sanitaire du covid, je déplore comme vous de voir celle-ci désormais s'éroder. On peut évidemment s'interroger sur le poids, dans les causes de ce phénomène, d'autres modes de communication audiovisuelle. Quels leviers pensez-vous que nous puissions actionner pour essayer d'inverser cette tendance ?

Le groupe Les Républicains suivra votre avis.

Mme Sylvie Robert. - Merci de la qualité de votre rapport et de votre avis, que notre groupe suivra également.

Trois observations sur ce budget.

Premièrement, l'éducation à l'image et au cinéma n'y est pas inscrite. Une annonce commune de Mme Dati et M. Geffray est intervenue hier, qui nous apprend l'ouverture d'un grand chantier dans ce domaine. Nous ne pouvons que nous en réjouir, après avoir déjà salué le rapport que l'actuel ministre de l'éducation nationale a récemment commis sur le sujet ; des plus intéressant, le document contient des propositions que nous partageons.

Cependant, les mesures que les deux ministres ont dévoilées risquent de donner des sueurs froides aux acteurs qui seront chargés de leur mise en place. Pourquoi ? Parce qu'aucun crédit supplémentaire ne les accompagne et, au contraire, nous avons vu que les crédits du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » sont en baisse. Parce qu'il n'y a pas, non plus, encore eu de correction des effets de bord de la réforme des enseignants de 2023. Et parce que les régions, dont on connaît l'importance du soutien au dispositif Ma classe au cinéma dans le cadre des conventions passées avec le CNC, voient leurs financements fragilisés et pourraient être amenées à reconsidérer leur engagement dans ce domaine.

Attention donc aux grandes déclarations et donnons-nous d'abord les moyens d'agir !

Deuxièmement, nous avons la chance d'avoir un CNC. C'est un organisme vertueux qui, par le jeu de taxes dynamiques, permet une redistribution et une solidarité entre les blockbusters et les productions plus fragiles.

Une ponction sur ses crédits est déjà intervenue l'année dernière, que le Centre a pu absorber. Une autre est prévue dans le PLF 2026 ; ce serait, si cela devenait récurrent, et ainsi que le rapporteur l'a relevé, de l'écrêtement. Or le rapporteur général de la commission des finances vient de déposer un amendement visant à plafonner les taxes affectées au CNC. Le voter reviendrait à remettre en question la nature et la philosophie de cet opérateur, en empêchant, alors même que la fréquentation des salles a diminué de 30 % en cinq ans, que ne s'opère la redistribution en compensation des pertes que subissent certaines productions. J'espère que nous serons nombreux dans l'hémicycle pour contrer un amendement extrêmement préjudiciable au fonctionnement du CNC !

Troisièmement, j'appelle à la vigilance, comme Else Joseph, Monique de Marco et moi-même l'avions déjà fait dans notre rapport commun, sur les questions de censure dont la fréquence ne faiblit pas. Des films ne trouvent plus de financements ou les avances qui leur sont nécessaires et ne peuvent plus se monter en raison de phénomènes d'entraves à la liberté de création - phénomènes que la fonctionnaire missionnée par la ministre de la culture a parfaitement documentés.

M. Pierre-Antoine Levi. - Je tiens tout d'abord à féliciter Jérémy Bacchi de la précision de son rapport.

Le cinéma français n'est pas seulement un patrimoine, c'est aussi une industrie vivante qui emploie plus de 100 000 personnes, structure 2 000 salles sur notre territoire et constitue un modèle d'intervention publique envié en Europe.

Avec 180 millions d'entrées en 2024 - son meilleur résultat post-covid -, le secteur a prouvé sa résilience, mais les signaux de 2025 sont bien plus préoccupants : la forte baisse de la fréquentation des salles de cinéma fragilise les exploitants indépendants et nous oblige à la vigilance.

Le contexte budgétaire impose la rigueur. Le prélèvement de 50 millions d'euros sur le CNC prévu en 2026, après un prélèvement de près de 500 millions d'euros en 2025, s'inscrit dans cet effort collectif. Avec des ressources de 850 millions d'euros et un fonds de roulement qui demeure substantiel, l'établissement peut absorber cette nouvelle ponction sans compromettre ses missions essentielles, ce que son président, Gaëtan Bruel, a d'ailleurs reconnu en septembre dernier, tout en alertant qu'un tel prélèvement ne saurait devenir structurel. Le CNC n'est en effet pas une variable d'ajustement budgétaire, c'est un outil de politique publique, dont l'efficacité repose sur la prévisibilité.

Quatre enjeux majeurs conditionnent l'avenir de notre cinéma.

Premier défi : la fin programmée de deux dispositifs fiscaux fondamentaux. Le crédit d'impôt pour la production exécutive d'oeuvres étrangères et le dispositif des sociétés pour le financement de l'industrie cinématographique et audiovisuelle (Sofica) arrivent à échéance le 31 décembre 2026. Ces deux instruments représentent 160 millions d'euros de dépenses fiscales. Le crédit d'impôt attire en France des tournages internationaux générateurs d'emplois et de transferts de compétences. Pour sa part, le dispositif des Sofica mobilise près de 9 000 foyers fiscaux pour le financement du cinéma indépendant. Or, à ce jour, aucun dispositif de remplacement n'est prévu. Nous ne pouvons laisser s'ouvrir en 2027 un vide juridique qui affaiblirait notre attractivité face à l'Irlande, la République tchèque ou la Hongrie qui, de leur côté, renforcent leurs incitations fiscales. Le Sénat doit être force de proposition sur ce sujet.

Deuxième défi : la révision de la chronologie des médias. Ce système, qui organise la succession des modes d'exploitation des films, fait l'objet d'attaques convergentes : recours de Netflix et d'Amazon Prime Video devant le Conseil d'État, autosaisine de l'ADLC, pressions de Canal +. La chronologie des médias n'est pas un archaïsme corporatiste ; c'est un outil de régulation qui garantit la rentabilité de chaque fenêtre d'exploitation et la capacité de financement de la création. Toute révision doit chercher l'équilibre et non céder au plus fort.

Troisième défi : l'évaluation de la directive européenne SMA. Adoptée en 2018, cette directive a permis d'intégrer les plateformes dans le financement de la création européenne. Son évaluation par la Commission européenne est prévue fin 2026. Les lobbies américains sont puissants à Bruxelles et nous devons défendre notre modèle avec des arguments solides. Les plateformes ont investi massivement en France depuis 2020, suscitant emplois et rayonnement culturel, sans que leur compétitivité en soit affectée.

Quatrième défi : le maillage territorial. Les élections municipales de mars 2026 constituent une échéance critique pour les 480 cinémas en régie municipale, souvent situés dans des territoires fragilisés. Ces salles sont des lieux de lien social et d'accès à la culture. Le CNC a élaboré un plan d'action, mais avec moins de 200 000 euros supplémentaires, un montant dérisoire au regard de l'enjeu. Le Sénat doit porter cette alerte.

Le président du CNC a identifié cinq ruptures majeures qui traversent le secteur : la bascule vers les plateformes sociales, l'intelligence artificielle générative, l'exigence d'exemplarité contre les violences, les menaces géopolitiques sur notre modèle et le risque de désertification culturelle.

Autant de défis et de ruptures qui appellent des réponses ambitieuses. L'éducation aux images doit former des spectateurs et des utilisateurs éclairés, l'anticipation de l'intelligence artificielle commande de repenser le droit d'auteur, la préservation du maillage territorial requiert un engagement renouvelé.

Notre cinéma produit plus de 300 films par an, contre 200 il y a vingt ans. Sa diversité est notre richesse, elle permet l'émergence de talents, autorise la prise de risques, reflète la pluralité de notre société. Gardons-nous de toute logique purement comptable qui sacrifierait la diversité culturelle sur l'autel de la rentabilité.

Le budget qui nous est soumis porte la marque des contraintes actuelles, tout en préservant l'essentiel de notre modèle. Le maintien du crédit d'impôt cinéma au taux de 30 % en témoigne. Le prélèvement sur le CNC demeure supportable et circonscrit. Toutefois, ce budget laisse des questions sans réponse : que deviendront les dispositifs fiscaux qui s'achèvent fin 2026 ? Comment soutiendrons-nous les exploitants fragilisés ? Comment préserverons-nous notre modèle face aux pressions ?

Le groupe Union Centriste (UC) suivra les conclusions de notre rapporteur. Le cinéma français a traversé bien des tempêtes depuis 130 ans, il saura traverser celle-ci à condition que nous sachions conjuguer rigueur budgétaire et ambition culturelle.

Mme Monique de Marco. - Devant la détérioration de la fréquentation des salles de cinéma, qui se traduit par une baisse de 15 % en un an, certains acteurs du secteur pointent surtout un problème d'offre et, par conséquent, de soutien à la création et à la production.

Nombre de salles connaissent des difficultés, avec un effet de ciseau entre hausse des coûts et diminution des recettes. Durant l'année 2025, le CNC a dû venir en aide en ultime recours, sous la forme d'avances exceptionnelles, à plusieurs d'entre elles, qu'elles soient privées, municipales ou associatives.

Après un premier prélèvement de 450 millions d'euros dans le fonds de roulement de l'établissement en 2025, la nouvelle ponction de 50 millions d'euros prévue dans le PLF pour 2026 peut laisser craindre qu'une habitude ne se prenne de s'attaquer aux réserves du CNC. Il permet pourtant aujourd'hui à de nombreuses salles de cinéma de tenir. Son rôle est central dans le soutien tant à la production qu'à la distribution des films. À long terme, le secteur ne survivrait pas à la fragilisation continue du CNC, et surtout pas dans le modèle à la française d'exception culturelle de soutien à la petite production.

À la suite des propos de Sylvie Robert sur la diversité culturelle et la liberté de création, j'évoquerai à mon tour les risques de censure et même d'autocensure, en citant l'exemple récent de l'intervention de Vincent Bolloré pour annuler l'achat du film Grâce à Dieu, écrit et réalisé par François Ozon, et traitant de la pédophilie dans l'Église.

Je terminerai par une note positive en mentionnant les mesures mises en place pour prévenir les violences sexistes et sexuelles dans le cinéma, notamment par des actions en matière de formation ou par le conditionnement de l'accès aux aides du CNC.

Nous suivrons l'avis favorable du rapporteur.

M. Pierre Ouzoulias. - Je souhaite remercier avec chaleur notre rapporteur de la qualité de son propos et nous en suivrons également l'avis.

Pour autant, ce PLF soulève tout de même quelques interrogations.

C'est notamment le cas sur la façon dont les politiques publiques du ministère de la culture ont été, jusqu'à présent, adossées soit à des crédits d'impôt, soit à des taxes affectées. Ce procédé a longtemps été considéré comme une force, permettant de se prémunir contre les aléas budgétaires. Nous voyons aujourd'hui qu'il peut au contraire exposer à de tels aléas, les taxes affectées étant à la main de Bercy, qui peut les plafonner comme bon lui semble, une pratique qui devient récurrente à l'endroit des milieux de l'enseignement supérieur, de la recherche et de la culture. Il est à craindre que Bercy en prenne une part toujours plus importante et n'en laisse que le reliquat aux agences et établissements, ce qui les mettrait en danger. Et nous sommes obligés de constater qu'il faudrait revoir tout un pan de la construction des politiques culturelles.

Nous relevons ensuite l'attaque en règle menée par les entreprises américaines, soutenues par leur administration nationale, des normes qui fondent l'exception culturelle française. Sont concernés le cinéma, les droits d'auteur, l'intelligence artificielle. En réponse, il faudrait une réaction, non du seul ministère de la culture, mais de l'ensemble du Gouvernement, car tous les sujets sont liés. Avec l'attaque qui vise le règlement européen sur l'intelligence artificielle venant tout juste d'être promulgué, nous comprenons que c'est la totalité de ces politiques qui sont désormais dans l'oeil du cyclone. La France doit relayer ses inquiétudes à l'échelon européen, afin que nous organisions, avec nos partenaires, notre résistance collective.

Mme Laure Darcos. - Sur le danger du plafonnement des taxes affectées, insistons sur le fait que le CNC et la Fédération nationale des cinémas français (FNCF) sont les piliers du plan d'aide aux salles petites et moyennes, avec l'avance sur les droits. Cette année, dans nos territoires ruraux et suburbains, des salles connaissent de graves difficultés de trésorerie et ont plus que jamais besoin de cette aide ; Bercy semble ne pas en avoir conscience, tout en prenant par ailleurs part à la réflexion qui s'engage sur les modalités de promotion des livres.

Cela n'a pas été suffisamment souligné, nous pouvons nous féliciter des parts de marché qu'ont prises dans le secteur de l'exploitation cinématographique, d'une part, le groupe Bolloré et Canal + en entrant au capital d'UGC à hauteur de 34 %, d'autre part, Rodolphe Saadé et CMA CGM en prenant 20 % de celui de Pathé. Ces participations consolident les deux principaux propriétaires de salles de cinéma en France, elles leur permettront de mieux saisir peut-être les enjeux de chronologie des médias, qu'ils appréhenderont désormais sous le double regard de juge et partie. Cette puissance accrue de nos acteurs nationaux renforcera également nos arguments à opposer aux Américains.

Comme ma collègue Sylvie Robert, je vous appelle tous à la mobilisation contre l'amendement qui tend à plafonner les taxes affectées au CNC.

Je suivrai l'avis du rapporteur.

Mme Catherine Morin-Desailly. - Dans leurs rapports respectifs, MM. Mario Draghi et Enrico Letta pointaient du doigt le déficit de politique industrielle ces dernières décennies en Europe. Pour une fois que nous avons une industrie florissante, enviée de par le monde, nous avons le devoir de la préserver d'un risque de fragilisation si certaines dispositions venaient à être adoptées.

Je rejoins donc l'avis du rapporteur qui nous met en garde contre une possible tentative d'écrêtement des crédits du CNC qui, si elle se manifestait, pourrait être fatale à la dynamique vertueuse de financement du cinéma. Il importe d'autant plus de s'y montrer attentif que le rapporteur général de la commission des finances du Sénat a déposé un amendement tendant à plafonner les taxes affectées à l'établissement, que la fréquentation des salles est ébranlée et que se tassent, en conséquence, les recettes de taxe sur les entrées en salles.

De la même manière, il faut conforter le rôle des régions, dont on ignore trop souvent qu'elles soutiennent la création cinématographique plus fortement que le CNC, dans un rapport du simple au double. Les fragiliser dans leur financement remettrait en cause les crédits qu'elles ont réussi à sanctuariser au titre de l'investissement dans la création.

Nous nous étions par ailleurs mobilisés pour qu'Élisabeth Borne, alors ministre de l'éducation nationale, confie à Édouard Geffray la mission d'élaborer un rapport sur l'éducation au cinéma. Le document qu'il a remis est excellent et fixe des perspectives ambitieuses ; mais encore faut-il que des moyens leur soient consacrés. Le budget opérationnel de programme (BOP) 361 ainsi que la part collective du pass Culture doivent absolument être confortés. Sans ces dispositions, mais également sans une réflexion sur la formation des enseignants, on ne pourra pas relancer les dispositifs d'éducation artistique au cinéma tels que Ma classe au cinéma, que la réforme des enseignants de 2023 a contribué à fragiliser. En Normandie, des opérations ont ainsi dû être annulées qui - nous ne faisons aucune illusion - ne reverront jamais le jour.

M. Cédric Vial. - Merci à Jérémy Bacchi pour son rapport très complet que je partage en tout point.

L'avenir du cinéma constitue un enjeu majeur. Cet enjeu touche à la fois à la gestion des salles, à la question tarifaire et aux choix de certains exploitants dans le contexte actuel ainsi qu'à ce que l'on appelle « l'exception culturelle française », c'est-à-dire un mode de financement qui garantit une production indépendante de qualité. La production française représente quelque 44 % des films diffusés dans notre pays, un ratio à peu près unique au monde.

Ce modèle est notamment compromis par la remise en cause des taxes affectées au CNC. Nous en convenons certainement tous au sein de notre commission : l'amendement du rapporteur général est une erreur, d'autant plus qu'il prévoit un plafonnement taxe par taxe ; autrement dit, même si l'une d'entre elles - par exemple la TSV - venait à bénéficier d'un rendement important, elle ne pourrait pas compenser l'éventuel déficit des autres taxes. Un unique amendement est susceptible des déstabiliser l'ensemble de notre système. Je vous appelle à tâcher de convaincre le rapporteur général de le retirer.

La filière animation, une filière d'excellence française, est aujourd'hui en grande difficulté. Nous y avons formé beaucoup de jeunes et il nous faut l'aider à accueillir des tournages en France. Les dessins animés pour enfants et les films d'animation pour adultes connaissent de profondes évolutions, tant budgétaires que dans les modalités de travail. Nos dispositifs fiscaux actuels, en particulier le crédit d'impôt, ne nous permettent plus d'en attirer les tournages. Or ces tournages emploient, dans le pays où ils se déroulent, plusieurs centaines de personnes pendant plusieurs années.

Quant aux tournages internationaux, la France n'en a attiré aucun en 2025 qui soit américain. Pourquoi ? Parce que nos dispositifs, qui étaient plutôt compétitifs, ne le sont plus en comparaison de ceux, désormais plus avantageux et plus attractifs, de nos voisins européens, en particulier l'Italie, l'Irlande, le Royaume-Uni, la Belgique ou la Hongrie. En arrière-plan, c'est tout l'écosystème que nous avons mis en branle dans le cadre du plan France 2030 - avec des investissements dans la formation et dans de nouveaux studios - qui ne fonctionne plus. Ainsi, un film consacré à la figure de Jean Moulin doit prochainement être tourné en Hongrie et une grosse production américaine dont toute l'action se déroule en France sera bientôt réalisée en Italie, où des décors reconstitueront notre pays ! Il en résulte pour la France d'importantes pertes fiscales et sociales.

Nombre d'entre vous ont signé un amendement qui a précisément pour objet de renforcer la compétitivité de notre filière animation et, plus généralement, d'attirer de nouveau les tournages sur notre sol. Je vous en remercie.

M. Jérémy Bacchi, rapporteur pour avis. - S'ils ne sont pas amendés dans un sens défavorable, les crédits consacrés au cinéma dans le PLF 2026 suffisent à répondre aux exigences du moment. Je vous rejoins sur la nécessité que nous nous mobilisions en séance pour les maintenir à ce niveau. Je vous invite également à faire preuve de pédagogie : on a souvent tendance à parler de soutien public au cinéma, notamment au travers des crédits d'impôt tels que le C2I, alors qu'il s'agit en réalité d'une forme d'investissement, dont le retour est du reste bien supérieur aux montants engagés.

L'année 2025 représente cependant sans conteste un creux dans les productions étrangères, et notamment américaines, sur notre territoire national. Peut-être les déclarations du président Trump n'y sont-elles pas pour rien ; mais c'est surtout le manque de lisibilité de nos politiques à horizon de deux ou trois ans et l'incertitude qui en découle qui a posé un problème à des productions qui s'inscrivent dans le temps long. À cet égard, j'espère que l'amendement de notre commission permettra de les rassurer et les incitera à choisir de nouveau la France.

Sur la question des leviers disponibles pour relancer une année par ailleurs plutôt morose du point de vue des entrées en salles, je n'ai certes pas de recette miracle à vous proposer. Dans ma présentation, j'évoquais que le cinéma est une économie de l'offre : gageons que les prochains films qui sortiront en salle recueilleront l'adhésion du public. La magie du cinéma tient justement à ce que, aux films dont on pressent qu'ils rencontreront le succès et qui y parviennent le plus souvent, s'ajoutent toujours quelques belles surprises de films qui trouvent leur public de façon moins attendue.

Un levier de relance de la fréquentation des salles de cinéma tient néanmoins à l'éducation à l'image. L'effort que nous y consacrons en France explique pourquoi notre pays résiste d'ailleurs mieux que d'autres à l'échelle européenne et même planétaire à l'érosion de cette fréquentation. Il faut poursuivre dans la même voie et s'y employer pour les plus jeunes générations. Certes, vous l'avez dit, il faut y mettre les moyens. Je me félicite a minima des récentes déclarations, car, si j'ose l'exprimer ainsi, elles permettent de mettre le pied dans la porte et de pousser sur la question des moyens.

Vous attirez notre attention sur le risque de censure et je soulignerai, davantage encore, celui de l'autocensure. On s'en convainc lorsque l'on rencontre des producteurs : on perçoit qu'ils privilégient les thématiques consensuelles pour lesquelles ils auront l'assurance de bénéficier du soutien du CNC, de Canal + ou de France Télévisions. Cette forme de censure est en un sens plus pernicieuse, parce que moins visible et moins dicible ; elle porte en elle le risque d'une conformité de nos productions artistiques d'autant plus regrettable qu'elle ne correspond en rien à l'histoire du cinéma français.

L'enjeu relatif à nos collectivités concerne notamment les communes à l'aune des prochaines élections municipales. Beaucoup d'interrogations sont soulevées ici et là, que les choix démocratiques des électeurs trancheront. J'observe que la situation des cinémas communaux occupe dans bien des communes, spécialement dans les territoires ruraux et en périphérie des grandes métropoles, une place à part entière dans les programmes des candidats, quelle qu'en soit du reste l'étiquette politique. Il me paraît intéressant et rassurant que le cinéma se situe ainsi au coeur du débat démocratique.

M. Laurent Lafon, président. - Nous serons donc particulièrement attentifs aux débats dans l'hémicycle sur certains amendements.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs au cinéma au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2026.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

MARDI 4 NOVEMBRE 2025

- Groupe Canal + : M. Vincent GIRERD, directeur des chaines cinéma et, Mme Amélie MEYNARD, directrice des affaires publiques.

- Régions de France : Mmes Catherine MORIN-DESAILLY, présidente déléguée, Sénatrice de la Seine-Maritime, et Élisabeth DOUZILLE, directrice culture de la Région Nouvelle-Aquitaine et, M. Igor BOIKO, directeur culture de la Région Sud.

- Fédération nationale des cinémas français (FNCF) : MM. Richard PATRY, président, Marc-Olivier SEBBAG, délégué général et, Erwan ESCOUBET, directeur des affaires réglementaires et institutionnelles.

JEUDI 6 NOVEMBRE 2025

- Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) : MM. Olivier HENRARD, directeur général délégué, et Alexis GOIN, directeur financier et juridique.

ANNEXE

Audition de Mme Rachida Dati, ministre de la culture

MARDI 28 OCTOBRE 2025

___________

M. Laurent Lafon, président. - Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui Mme Rachida Dati, ministre de la culture, pour la traditionnelle audition budgétaire d'automne.

Madame la ministre, votre domaine de compétence recouvre des secteurs variés, qui ont pour point commun d'exprimer de fortes attentes.

Sur le patrimoine, le projet de loi de finances (PLF) marque une rupture profonde par rapport au dernier exercice budgétaire.

En 2025, les crédits du programme 175 « Patrimoines » avaient été d'abord préservés, puis fortement renforcés par un amendement gouvernemental présenté devant le Sénat. Vous nous indiquiez alors, madame la ministre, que cet abondement était indispensable face au « mur d'investissements » qui s'annonçait, et signait votre volonté de faire du patrimoine votre « grande priorité ».

Dans le projet de loi de finances pour 2026, ce sont ces mêmes crédits qui subissent les plus importantes mesures d'économies au sein de la mission « Culture », avec une diminution de près de 20 % en autorisations d'engagement (AE). La baisse est spectaculaire sur les crédits d'investissement des opérateurs, réduits de moitié.

Nous sommes bien sûr conscients du contexte budgétaire. Néanmoins, l'ampleur de cette baisse a de quoi surprendre, alors que de nombreux chantiers sont en cours, et que le cambriolage du Louvre a mis en évidence la dégradation et l'obsolescence de certains de nos monuments les plus emblématiques. Le projet Louvre - Nouvelle Renaissance doit ainsi être mis en place, notamment dans ses aspects sécuritaires ; la commission de la culture, qui s'est rendue au Louvre ce matin, a pu constater de visu que ses installations de sécurité n'étaient pas adaptées aux enjeux auxquels doit faire face un musée de cette importance au début du XXIe siècle.

Pourriez-vous donc nous préciser, madame la ministre, quels projets et quels chantiers patrimoniaux se trouveront sinon remis en cause, du moins fortement ralentis par ce budget ? Comment envisagez-vous de prendre en compte la problématique de la sécurité, en étendant cette réflexion à l'ensemble des musées français ?

Le domaine des industries culturelles, pris au sens large, appelle également toute votre attention.

Il est à nouveau annoncé un prélèvement de 15 millions d'euros sur le fonds de soutien à l'expression radiophonique locale (FSER), comme l'année dernière. Vous aviez finalement obtenu un maintien de ces crédits ; qu'en sera-t-il cette année ?

Nous observons par ailleurs une baisse de la subvention au Centre national de la musique (CNM) de près de 7 millions d'euros, en contrepartie, il est vrai, d'un rehaussement des plafonds des deux taxes affectées. Pourriez-vous nous préciser votre vision à moyen terme de l'équilibre économique de ce nouvel opérateur ?

Vous évoquerez sans doute également à nouveau le projet de loi issu des États généraux de l'information (EGI), actuellement examiné par le Conseil d'État, et dont le calendrier d'examen reste flou. La question de la réforme de la distribution de la presse est toujours posée, à la suite de la mission Soriano. En attendant, la nouvelle baisse de certaines aides nous interroge, notamment en ce qui concerne le fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP).

S'agissant du cinéma, une nouvelle ponction, certes limitée, est prévue sur la trésorerie du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), mais ce sont surtout les velléités de diminution des crédits d'impôt qui posent question, du fait de leurs répercussions possibles sur l'industrie cinématographique nationale.

Le secteur de la création artistique continue, quant à lui, de subir les effets du fléchissement généralisé des budgets publics consacrés à la culture, que l'Observatoire des politiques culturelles (OPC) qualifie de « moment de bascule très net ». Selon son baromètre national, près de 50 % des régions, départements, communes et métropoles ont diminué, entre 2024 et 2025, leur budget culturel, et ce quel que soit leur bord politique. Ce contexte budgétaire inédit fragilise et interroge le principe des financements croisés sur lequel sont bâtis de nombreux dispositifs en faveur de la création. Tel est notamment le cas du plan Mieux produire, mieux diffuser, dont vous nous parlerez sans doute, madame la ministre. L'année dernière, vous nous aviez dit vouloir mener une réflexion globale sur le modèle économique du spectacle vivant. Un an plus tard, avez-vous avancé sur ce dossier ?

En matière de démocratisation culturelle, cette année est marquée par le déploiement de la réforme de la part individuelle du pass Culture, dont nous avions beaucoup débattu lors de l'examen du PLF pour 2025. Vous nous direz si celle-ci est désormais pleinement opérationnelle et quels en sont les premiers effets sur les comportements des jeunes. Sur le plan budgétaire, l'enveloppe consacrée à cette part individuelle continuera de décroître l'année prochaine. Si ce recalibrage tant stratégique que budgétaire du dispositif était nécessaire, nous nous interrogeons sur le contenu à venir de la politique de démocratisation de l'accès des jeunes à la culture, dont le pass était devenu le dispositif phare, et ce d'autant que sa part collective a été gelée en cours d'année, entraînant l'annulation de certaines actions d'éducation artistique et culturelle.

Enfin, les crédits de l'audiovisuel public poursuivent une trajectoire de décroissance jusqu'en 2028, avec une baisse de 71 millions d'euros l'an prochain, après une diminution déjà significative l'an dernier.

Cet effort, supporté pour une large part par France Télévisions, place les sociétés dans une situation complexe. La Cour des comptes a récemment attiré l'attention sur la fragilité du modèle économique de France Télévisions, qualifié d'impasse. Par ailleurs, la réduction des crédits de l'audiovisuel public peut avoir des conséquences économiques négatives en chaîne dans l'ensemble de la filière audiovisuelle.

Dans ce contexte, les ambitions de l'État demeurent floues, en l'absence de contrats d'objectifs et de moyens (COM). Or, étant donné la réduction des subventions budgétaires, il revient au ministère de préciser la nature des gains d'efficience souhaités. La réforme de la gouvernance adoptée au Sénat en juillet dernier est par ailleurs indispensable.

Mais ces questions, pourtant essentielles, sont parasitées par la polémique sur l'impartialité de l'audiovisuel public. Des garanties doivent être apportées afin de lever toute ambiguïté et de consolider la confiance du public.

Voilà, madame la ministre, quelques-uns des nombreux sujets sur lesquels nous attendons vos explications. Après votre intervention liminaire, vous serez interrogée par nos rapporteurs pour avis, puis par les collègues qui le souhaiteront.

Mme Rachida Dati, ministre de la culture. - Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de débuter cette audition majeure relative au budget du ministère de la culture, je souhaite revenir sur le vol spectaculaire qui a eu lieu au musée du Louvre le dimanche 19 octobre. Je souhaite faire le point sur ce cambriolage qui a choqué tous les Français, et même le monde entier, mais aussi les 2 200 agents du musée.

Lors de ce vol, il n'y a pas eu de défaillance interne des dispositifs de sécurité qui étaient installés à cette date : les alarmes ont fonctionné ; les agents ont suivi à la lettre les protocoles qui doivent s'appliquer dans de telles circonstances ; les effectifs prévus étaient en salle. Il est essentiel que soit reconnue la réactivité des agents du Louvre, qui a permis d'alerter les forces de police dans la minute et de mettre en sécurité le public présent dans le musée. Pour autant, le fait que ce vol spectaculaire ait eu lieu représente bel et bien un échec.

Des failles sécuritaires ont bien existé, et il faudra y remédier. C'est tout le sens des trois initiatives que j'ai prises immédiatement.

Le lundi 20 octobre, soit le lendemain du cambriolage, j'ai adressé un télégramme, cosigné avec le ministre de l'intérieur, à l'ensemble des directions régionales des affaires culturelles (Drac) et aux préfets afin qu'ils exercent immédiatement une vigilance accrue à l'égard des espaces et des oeuvres sensibles, que l'échange d'informations entre les établissements culturels et les forces de sécurité soit renforcé et que soient recensés tous les lieux pouvant contenir des objets de valeur.

Le mardi 21 octobre, j'ai annoncé l'ouverture d'une enquête administrative dont les conclusions, rédigées sur la base de nombreuses auditions et analyses de documents internes, seront rendues mercredi soir prochain.

Le même jour, j'ai annoncé devant l'Assemblée nationale l'ouverture de la mission parlementaire confiée par le Premier ministre, sur ma proposition, à M. Jérémie Patrier-Leitus, dont le rôle sera d'émettre des préconisations rapides sur la manière de mieux sécuriser nos établissements culturels en agissant sur la gouvernance, le process, le pilotage et le financement.

Les conclusions de l'enquête administrative et de la mission parlementaire nous permettront de faire toute la lumière sur les défaillances, les manquements et les responsabilités. Je prendrai en toute transparence les mesures qui s'imposent à cet égard, d'une part, pour sécuriser très rapidement le musée, et, d'autre part, en vue d'instaurer une nouvelle organisation, plus adaptée.

À ce stade, je ne peux pas en dire plus.

J'entends certains demander qu'une tête tombe... Vous comprendrez que l'arbitraire ne peut avoir sa place dans de telles circonstances. Pour autant, les mesures que j'annoncerai seront une réponse aux manquements et aux défaillances constatés. Un tel événement ne peut pas rester sans conséquences, ni sans action immédiate en ce qui concerne les responsabilités.

Je vais désormais aborder le projet de budget du ministère de la culture pour 2026.

Chacun d'entre vous connaît le contexte dans lequel ce projet de budget prend place, et dont j'ai pleinement conscience. Je souhaite avoir avec vous un débat très éclairé sur chacune des missions du ministère de la culture, les enjeux à venir et les défis à relever, qu'il est essentiel d'identifier compte tenu des urgences auxquelles la France est confrontée et de la nécessité de rétablir nos finances publiques.

Dans ce double contexte, le projet de budget pour 2026 maintient un très haut niveau d'ambition pour la culture. Les priorités qu'il porte, que je détaillerai, ainsi que la conduite de l'action du ministère obéiront à la même ambition.

Je considère que la culture est une politique régalienne dans toutes ses dimensions : cohésion, intégration, réduction des inégalités et apprentissage tout au long de la vie des valeurs de la République. La culture française est, d'ailleurs, une valeur républicaine. Ce projet de budget en est la traduction.

Le niveau du budget total du ministère de la culture pour 2026, soit plus de 8,3 milliards d'euros, est supérieur à celui de 2023. Tous les secteurs disposeront des moyens nécessaires pour répondre aux enjeux que je viens de vous décrire.

S'agissant de la création artistique, les moyens alloués cette année au programme 131 « Création » demeureront à un niveau quasiment équivalent à celui de 2025, avec plus de 1 milliard d'euros de crédits prévus. La moitié de ces crédits, soit 450 millions d'euros, sera consacrée à nos territoires. Il s'agit pour moi d'une priorité constante depuis mon arrivée au ministère de la culture : dans un contexte où les acteurs souffrent du désengagement de certaines collectivités, l'État se doit d'être exemplaire et présent en particulier pour ceux qui sont le plus éloignés de la culture, notamment dans les territoires ruraux. Ces crédits renforceront le plan Culture et ruralité que j'ai lancé dès que j'ai pris mes fonctions : à ce jour, 60 millions d'euros y ont déjà été consacrés, en deux ans.

Les résultats sont tangibles : 70 festivals soutenus dans l'Hexagone et dans les outre-mer ; 4 millions d'euros consacrés aux projets d'artothèques dans 43 départements, afin que ceux-ci puissent enrichir leurs collections et fassent entrer l'art dans le quotidien de millions de Français ; 240 résidences d'artistes soutenues par les Drac au cours des deux dernières années. Par ailleurs, un tiers de la dotation du programme 131 contribuera au financement des 14 opérateurs nationaux de la création, qui bénéficieront de près de 363 millions d'euros.

Le soutien à l'emploi artistique se poursuivra en 2026. Dans ce contexte où tout peut être remis en cause, j'ai obtenu - et c'est un engagement que j'avais pris devant les organisations syndicales - la prorogation du fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps). Il n'y a donc pas de renoncement quant au soutien à l'emploi pérenne dans le spectacle.

Mon ambition en matière de création artistique, en particulier dans les territoires, est intacte : la culture doit être accessible à tous les Français et dans tous les territoires.

Le vol qui a eu lieu au musée du Louvre nous montre combien il est important de défendre et de soutenir notre patrimoine et nos musées. Il s'agit d'un engagement constant du Président de la République puisque, entre 2017 et 2025, le budget du patrimoine a augmenté de 39 %. Ceux qui affirment que le patrimoine est une variable d'ajustement ne disent donc pas la vérité.

Dans le dernier budget, alors même que les contraintes budgétaires étaient importantes, un amendement gouvernemental a permis d'abonder le budget du patrimoine de plus de 275 millions d'euros. Grâce à votre soutien, monsieur le président Lafon, le budget du patrimoine a bénéficié de cette augmentation inédite, et je vous en remercie.

Nous défendons sans relâche la conviction que le patrimoine est la première porte d'entrée vers la culture. Cette année, plus de 1,15 milliard d'euros y sera consacré. Ces crédits permettront la poursuite des projets en cours : rénovation du Centre Pompidou, qui a fermé ses portes le week-end dernier ; préservation et modernisation de plusieurs établissements -Fontainebleau, Versailles, archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine - ; restauration du Palais de la Cité, consolidation de la Tour Saint-Nicolas à la Rochelle, etc.

Investir dans le patrimoine et dans la création artistique n'a de sens que si tous nos concitoyens, où qu'ils vivent, ont accès non seulement à la culture mais aussi aux métiers de la culture. Tel est l'objet du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », doté de 723 millions d'euros, autant de moyens permettant de poursuivre le déploiement des politiques publiques d'accès à la culture. Dans cette enveloppe, j'ai fait le choix de la formation, de la médiation, de l'égalité des chances, de l'accompagnement, du soutien aux équipements culturels et aux écoles.

S'agissant du pass Culture, j'avais dit dès ma prise de fonctions que cet outil, indispensable, devait être mieux ciblé, mieux géolocalisé - ce n'était pas le cas à l'époque - et plus diversifié pour empêcher qu'il ne devienne un outil de reproduction sociale. Pour cette raison, j'ai recentré ce dispositif sur les jeunes âgés de 17 à 21 ans, avec un bonus de 50 euros pour ceux dont les parents ont des revenus modestes et pour les jeunes en situation de handicap, afin que cet outil soit plus équitable. J'ai souhaité aussi y intégrer de la médiation, ce qui n'existait pas auparavant.

Ce dispositif ainsi renouvelé a permis de favoriser l'accès à la culture dans les territoires et de donner accès à de nouvelles formes de culture grâce, notamment, à la médiation. Davantage de jeunes ont accès à la culture, dans davantage d'endroits et sous des formes plus diverses, tout en s'ouvrant aux métiers de la culture.

Concrètement, la part individuelle du pass Culture représentait près de 12 millions de réservations en 2024. Près de 45 % de ces réservations concernent des offres Duo. C'est la preuve que le pass Culture est aussi un outil au service du partage et du lien social.

Au travers de la part collective du pass Culture, plus de 70 % des élèves du secondaire ont bénéficié d'une action d'éducation artistique et culturelle (EAC), ce qui représente une forte augmentation, laquelle est liée à la nouvelle articulation entre part collective et part individuelle du pass Culture : la première permet d'accéder à la culture et la seconde de s'autonomiser dans le domaine des choix culturels. Mais tout n'est pas parfait : il faut chercher à atteindre, encore et toujours, les populations et les jeunes qui n'ont pas accès à la culture.

Concernant la mission « Médias, livre et industries culturelles », le projet de budget prévoit une baisse d'environ 4 % par rapport à 2025. Le Gouvernement est tout à fait conscient que les médias traditionnels évoluent dans un contexte économique de plus en plus dégradé. C'est pour répondre à cet enjeu, qui est aussi un enjeu démocratique, que je présenterai prochainement un texte visant à traduire les recommandations des États généraux de l'information.

Le contexte actuel affecte notamment les éditeurs de presse. Les aides au pluralisme seront donc maintenues à un niveau de 23,2 millions d'euros, tandis que l'aide à la distribution, en baisse d'un tiers l'an dernier, sera relevée en 2026 pour accompagner la modernisation des réseaux de distribution et d'imprimerie.

La dotation du fonds stratégique pour le développement de la presse est ramenée à 13,5 millions d'euros. En cas de signature d'un contrat de modernisation sur la distribution de la presse, cette enveloppe devra être consolidée.

Un mot de la diminution des moyens alloués au fonds de soutien à l'expression radiophonique locale, en baisse de 16 millions d'euros par rapport à 2025. Je sais le rôle essentiel joué par les radios associatives : je ne doute pas que, comme l'année dernière, nous pourrons leur redonner des moyens et rétablir ces crédits.

En ce qui concerne le programme 334 « Livre et industries culturelles », ses crédits pour 2026 s'établissent à 343 millions d'euros. La baisse contenue à 2 % n'entamera pas les grands projets liés au livre et à la lecture. Je pense notamment au financement du chantier du nouveau pôle de conservation de la Bibliothèque nationale de France (BNF) à Amiens et au relogement de la Bibliothèque publique d'information (BPI) durant la fermeture du Centre Pompidou, qui sont d'ores et déjà financés.

Nous avons choisi de soutenir très fortement les bibliothèques, premier maillage culturel de notre pays, comptant plus de 15 500 établissements. Notre politique permet d'atteindre à ce jour le nombre record de près de 7 millions de personnes inscrites en bibliothèque. À la fin de l'année 2025, nous aurons signé des contrats départementaux de lecture avec 83 départements pour développer la lecture et enrichir les collections des bibliothèques rurales.

J'avais pris un autre engagement au sujet des horaires d'ouverture des bibliothèques. Cette année, plus de 250 projets d'extension de ces horaires ont été soutenus, pour une durée d'ouverture supplémentaire moyenne de neuf heures trente par semaine. Depuis le lancement de cette initiative, 15 millions de nos concitoyens en bénéficient.

Par ailleurs, certains d'entre vous m'ont adressé des courriers au sujet de la Maison du dessin de presse. Le projet a été acté, les travaux débuteront à la fin de 2026 en vue d'une ouverture en 2027. L'ensemble du financement est d'ailleurs prévu dans ce projet de loi de finances.

Pour ce qui concerne le Centre national de la musique, comme je m'y étais engagée, les plafonds des taxes affectées seront relevés de 8 millions d'euros en 2026 et respectivement portés à 58 millions d'euros pour la taxe sur la billetterie et à 21 millions d'euros pour la taxe sur le streaming. Cette mesure permettra d'éviter un écrêtement l'année prochaine, compte tenu des prévisions de recettes. La surfiscalité pesant sur le secteur lui reviendra donc intégralement, conformément à l'engagement que j'avais pris devant vous.

Vous le savez, nous prévoyons de contribuer à l'effort budgétaire à hauteur de 71 millions d'euros pour l'audiovisuel public, répartis ainsi : une baisse de 65,3 millions d'euros pour France Télévisions ; 4,1 millions d'euros pour Radio France ; 1,5 million d'euros pour l'Institut national de l'audiovisuel (INA). C'est vrai, cette trajectoire de baisse des crédits constitue un vrai défi pour France Télévisions et annonce des difficultés importantes pour son écosystème, en particulier celui de la production. Je mesure l'inquiétude qu'elle suscite.

En outre, la priorité est de donner un nouvel élan, un nouveau cap à l'audiovisuel public, en améliorant son efficacité, pour que le service public s'adresse à tous, ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur le président. Telle est d'ailleurs l'ambition de la proposition de loi relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle du président Lafon, que nous avons défendue ensemble et qui devrait être prochainement examinée par l'Assemblée nationale.

En ce qui concerne le CNC, après le prélèvement sur trésorerie de 500 millions d'euros déjà opéré par le PLF pour 2025, un nouveau prélèvement sur trésorerie est prévu dans le PLF pour 2026 à hauteur de 50 millions d'euros, ce montant ayant été fortement réduit par rapport à celui qui était initialement prévu. Je rappelle avec force que le financement du CNC repose sur des taxes spéciales, dont le produit est reversé aux entreprises du secteur, et ne coûte pas un euro d'argent public au budget de l'État. J'assume ce nouveau prélèvement sur trésorerie, mais il ne saurait être d'un montant supérieur ou être réitéré après 2026. En effet, ce prélèvement n'est possible qu'en raison des rendements de taxes supérieurs aux prévisions, et la trésorerie de l'institution ne peut être de nouveau réduite.

Mesdames, messieurs les sénateurs, depuis mon arrivée au ministère de la culture, j'ai tenu tous mes engagements : favoriser l'accès à la culture, réinvestir les territoires ruraux, défendre notre patrimoine, voilà ce qui guide mon action depuis le premier jour. En témoignent le plan Culture et ruralité, très opérationnel, qui se déploie encore cette année ; la réforme du pass Culture ; l'adoption de l'amendement abondant le programme « Patrimoines » dans le PLF de l'an dernier - je vous en remercie de nouveau - ; l'exonération des droits d'inscription pour les étudiants boursiers dans toutes les écoles d'art - il s'agit d'une première, ces étudiants devant payer des frais de scolarité parfois onéreux - ; la création d'une nouvelle direction générale de la démocratie culturelle, des enseignements et de la recherche dans le ministère, pour se confronter à une situation de l'apprentissage et de l'alternance très compliquée, de nombreuses écoles posant des défis de formation, de reconnaissance des diplômes, de débouchés et de suivi des étudiants ; le lancement du label Éducation populaire pour la culture, parce que les acteurs de l'éducation populaire sont des acteurs majeurs pour l'accès à la culture et la réduction des inégalités  ils n'avaient pas été reçus au ministère de la culture depuis plus de 40 ans - ; les opérations Premières pages et Ma première carte de bibliothèque  celle qui est remise au moment de la déclaration de naissance - ont rencontré un véritable engouement.

Certains ont tenté de mettre en avant un prétendu désengagement de l'État sur la culture ; les chiffres démontrent le contraire. Dans un contexte de désengagement des collectivités, j'ai souhaité que l'État et le ministère soient exemplaires. J'y insiste, la culture est un choix politique. Se désengager de la culture coûterait à mon sens plus cher à la société, notamment en matière de cohésion, que de rester engagé. L'État est au rendez-vous avec ce projet de budget pour 2026, qui témoigne du fait que l'ambition est préservée et renouvelée. Cette audition sera pour moi l'occasion de démontrer, chiffres à l'appui, que nous tenons nos engagements.

M. Laurent Lafon, président. - Madame la ministre, permettez-moi de vous interroger sur le Louvre : le Gouvernement déposera-t-il un amendement visant à augmenter les crédits pour assurer l'application du schéma directeur des équipements de sûreté du Louvre, et un autre amendement ayant pour objet d'accroître la sécurité de l'ensemble des musées ?

Mme Rachida Dati, ministre. - En Europe, nous sommes les seuls à confier au ministère de la culture et à la direction générale des patrimoines et de l'architecture une mission dédiée à la sécurité et à la sûreté de nos musées. À la demande des musées, cette direction sillonne le territoire. Nous apprenons toujours de nos échecs et des situations de crise : nous renforcerons les moyens et les financements de cette direction.

En ce qui concerne le Louvre, je ne veux ni aller trop loin ni anticiper les conclusions de l'enquête administrative. Il est évident que le projet « Louvre - Nouvelle Renaissance » a été accéléré pour faire face à la nécessité d'assurer la sûreté et la sécurité du musée. Il est prévu de doter de 450 millions d'euros le schéma directeur de sûreté et de sécurité de l'établissement, qui comprend un volet de 80 millions d'euros relatif aux équipements de sûreté. Dès la remise des conclusions de l'enquête, ces financements seront évidemment accélérés.

En outre, nous sommes en discussion avec les parlementaires au sujet de la création d'un fonds global dédié à la sécurité et à la sûreté de nos musées, pour déterminer les montants qui pourraient lui être affectés.

Mme Sabine Drexler, rapporteur pour avis du programme « Patrimoines ». - Madame la ministre, je vous remercie de votre présentation, très attendue par la commission de la culture. Je m'inquiète de la baisse des crédits affectés au patrimoine dans le PLF pour 2026, alors que les besoins de réhabilitation de notre patrimoine bâti sont immenses, comme vous en conveniez vous-même l'an passé.

La baisse de crédits concerne principalement les monuments historiques, qui perdent 210 millions d'euros en autorisations d'engagement et 114 millions d'euros en crédits de paiement, soit respectivement un tiers et un cinquième de leur budget de l'année dernière.

Cette baisse touchera fortement les opérateurs, notamment le Centre des monuments nationaux (CMN), qui devra pourtant absorber une activité supplémentaire liée à la réouverture des tours de Notre-Dame de Paris et du palais du Tau à Reims, tout en poursuivant notamment les restaurations de la Conciergerie ou de l'abbatiale du Mont-Saint-Michel.

Elle touchera également plusieurs dispositifs cruciaux pour l'entretien et la rénovation des monuments historiques dans les territoires : les crédits d'intervention des directions régionales des affaires culturelles (Drac) reculent de plus de 45 millions d'euros, ceux du fonds incitatif et partenarial (Fip) sont réduits de moitié, tandis que les crédits de base du loto du patrimoine sont tout simplement supprimés.

Madame la ministre, quelles perspectives pouvez-vous donc tracer pour tous les acteurs qui oeuvrent inlassablement à la poursuite des chantiers, dans des conditions de plus en plus difficiles ?

Il semble du reste que le Gouvernement envisage quelques mesures correctives ou complémentaires, sur lesquelles des précisions seraient bienvenues. Le samedi 25 octobre dernier, lors de la séance publique à l'Assemblée nationale, la ministre chargée des comptes publics Amélie de Montchalin a alerté sur la situation du château de Chambord, dont l'une des ailes nécessite des travaux à hauteur de 8 millions d'euros. Prévoyez-vous de déposer un amendement en ce sens ?

Par ailleurs, vous avez vous-même annoncé la mise en place du « fonds sûreté dédié à la sécurisation de nos sites patrimoniaux ». Les établissements de province seront-ils également concernés ?

Dans ce contexte, j'ose à peine vous interroger sur ce qui constitue l'un de mes chevaux de bataille : la préservation du patrimoine bâti dans le cadre des travaux de rénovation énergétique. Comment ce sujet est-il pris en compte dans le cadre de ce projet de loi de finances, et plus largement dans les orientations quotidiennes de votre ministère ? Où en sont, en particulier, les évolutions un temps envisagées sur le développement d'un diagnostic de performance énergétique (DPE) « patrimonial » ?

Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». - Avant d'en venir à mes questions, je souhaite relayer l'inquiétude profonde et légitime des acteurs culturels - artistes, compagnies, structures de diffusion, établissements d'enseignement artistique, associations, collectivités locales - qui voient leurs moyens se réduire année après année.

La culture est aujourd'hui sous tension, prise dans un étau budgétaire : d'un côté, les collectivités locales, pourtant pilier du financement culturel, sont contraintes de réduire leurs interventions en raison de la baisse de leurs ressources ; de l'autre, l'État, qui devrait pourtant jouer un rôle de garant et de stabilisateur, réduit aussi la voilure, en particulier dans les programmes de soutien à la création et à la transmission des savoirs. De même que ma collègue Sabine Drexler, je constate plutôt des baisses de crédits que des hausses des budgets qui nous concernent. Cette double contraction des crédits, tant locale que nationale, fragilise un écosystème déjà éprouvé. Des projets sont annulés, des compagnies disparaissent, des équipes artistiques peinent à boucler leur budget, des écoles d'art craignent pour leur avenir. Derrière les chiffres, ce sont des emplois, des parcours et des ambitions culturelles qui vacillent, et nous devons nous résigner par rapport à nos objectifs d'émancipation et de cohésion.

Pour ce qui concerne le programme 131 « Création », un sujet de préoccupation majeur porte sur la situation du Fonpeps, destiné à soutenir l'emploi pérenne dans le spectacle vivant. Avec des crédits de 35,1 millions d'euros en 2025, le Fonpeps est depuis plusieurs années sous-dimensionné au regard de son utilisation réelle et des besoins qu'il est censé couvrir, estimés autour de 55 millions d'euros. Ce manque de financement conduit à d'importants retards, voire à la suspension du versement des aides aux entreprises artistiques et culturelles, alors que celles-ci connaissent déjà des difficultés de trésorerie.

Le PLF pour 2026 ne changera en rien cette situation puisque la dotation budgétaire proposée pour l'année prochaine, de nouveau de 35,1 millions d'euros, est sous-calibrée. À cette situation s'ajoute la question de la prorogation du fonds, qui arrive à échéance le 31 décembre prochain. Madame la ministre, où en est le travail interministériel actuellement en cours sur l'avenir du dispositif ? Vous engagez-vous à préserver le Fonpeps sous sa forme actuelle, qui comprend trois mesures, ou serez-vous contrainte par Bercy à réduire sa voilure ? À quel périmètre correspond la dotation prévue dans ce projet de budget : l'ancien ou le nouveau ?

Ma deuxième réflexion, plus générale, a pour sujet le financement de la politique publique en faveur de la création. De nombreux dispositifs reposent sur des financements croisés entre l'État et les collectivités ; c'est notamment le cas du plan Mieux produire, mieux diffuser. Si ce système fonctionne bien en période de stabilité budgétaire ou de croissance, sa fragilité est évidente lorsque le contexte budgétaire est dégradé. Le désengagement d'un financeur public a des répercussions en cascade sur l'ensemble de l'écosystème de la création. La situation actuelle montre que nous sommes sans doute arrivés à un point de bascule. Madame la ministre, votre ministère conduit-il une observation précise de la baisse du soutien public à la culture ? Mène-t-il une réflexion sur l'avenir du partage de la compétence culturelle et sur son financement ?

J'en viens au programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », qui accuse, pour la deuxième année consécutive, une forte diminution de ses crédits, avec - 37 millions d'euros, largement imputable à la baisse de la dotation attribuée à la part individuelle du pass Culture. Alors que la réforme est en cours de déploiement, l'année 2025 semble marquée par une diminution notable des décaissements, de - 16 % à la moitié de l'année. N'est-ce pas le signe, madame la ministre, que la refonte du dispositif ne prend pas auprès des jeunes, dont le taux de satisfaction est d'ailleurs en baisse selon une enquête de la SAS pass Culture, mentionnée dans les réponses au questionnaire budgétaire qui a été adressé à votre ministère ? Concernant la SAS, qui deviendra enfin opérateur de l'État le 1er janvier prochain - souhaitons-le ! -, pouvez-vous nous indiquer les grandes lignes de son contrat d'objectifs et de performance après cette mise à jour ?

J'ajoute que le gel de la part collective du pass Culture, qui dépend du ministère de l'éducation nationale, a des effets catastrophiques sur les actions d'éducation artistique et culturelle menées par les établissements scolaires. Cela montre bien que réduire la politique publique d'EAC à un seul outil, qui a été recentralisé, est dangereux.

Un mot au sujet de l'enseignement supérieur artistique : madame la ministre, vous avez annoncé en mars 2024 un plan global de réforme des écoles d'art. Plus d'un an et demi plus tard, qu'en est-il devenu ? Le fonds de soutien partenarial visant à un rebasage pérenne des contributions publiques aux écoles n'a pas été mis en place ; la cartographie de l'offre de formation n'a été réalisée que dans deux régions expérimentales, et nous sommes sans nouvelle des missions confiées aux instances de contrôle pour objectiver la situation financière des écoles. Quelles sont vos intentions et vos marges de manoeuvre pour réformer l'enseignement supérieur artistique public ?

Enfin, je souhaite appeler votre attention sur la mise en oeuvre du plan Culture et ruralité et du fonds d'innovation territoriale. Vous l'avez mentionné, mais de nombreux retours nous montrent que, sur le terrain, alors que ces outils sont présentés comme essentiels dans l'accompagnement des territoires ruraux et périurbains dans la conduite de leurs projets culturels, les collectivités ne savent toujours pas comment accéder concrètement à ces crédits ni selon quelles modalités ils sont déployés. Les collectivités locales et les acteurs culturels développant des projets en ruralité nous alertent sur ce point. Aussi, pouvez-vous préciser comment ces dispositifs seront effectivement mobilisables par les collectivités, et selon quel calendrier ? Quelles garanties votre ministère peut-il apporter pour que ces outils ne restent pas lettre morte, mais deviennent de véritables instruments d'équité territoriale et d'innovation culturelle dans les territoires ?

M. Cédric Vial, rapporteur pour avis des crédits de l'audiovisuel public. - Représentant 4 milliards d'euros, l'audiovisuel public est une politique importante du ministère de la culture et une ambition forte de la Nation qui, de plus, défend la francophonie et la culture française à l'étranger.

Dans le PLF 2026, sont demandés à l'audiovisuel public 71 millions d'euros d'économies, dont 65 millions à France Télévisions. Cette trajectoire est-elle appelée à se prolonger en au cours des prochaines années ? Est-ce un effort ponctuel, après les 80 millions d'euros d'économies sollicitées l'année dernière ? Comment envisager ces baisses de crédits sans redéfinir un périmètre et de nouvelles priorités pour l'audiovisuel public ?

L'État doit assigner des objectifs clairs à l'audiovisuel public. Or, il donne des signaux contradictoires, notamment pour ce qui concerne France Télévisions. Après avoir acté il y a deux ans une augmentation des concours publics de plus de 10 % pour la période 2024-2028, l'État demande maintenant des économies. Dans ces conditions, sans objectifs clairs, comment mener les réformes nécessaires ?

La Cour des comptes note que ces économies rendent « inéluctables des réformes structurelles d'ampleur ». Comment comptez-vous vous assurer que ces économies répondront aux souhaits de la représentation nationale et de votre ministère ? Ces économies doivent être structurelles, mais je crains qu'elles ne se fassent au détriment de la qualité des programmes et que les rediffusions ne soient, par exemple, privilégiées.

Arte France, France Médias Monde et TV5 Monde sont toutefois relativement préservées, avec des subventions reconduites à l'identique ? Cela résulte-t-il d'une volonté de préserver nos chaînes internationales ? Si c'est le cas, le ministère des affaires étrangères sera-t-il amené à contribuer davantage au financement de ces trois chaînes ? Quels sont les objectifs et les réorganisations que vous envisagez, madame la ministre, pour ces chaînes ? Où en est l'actualisation du projet de contrats d'objectifs et de moyens d'Arte ? Dans la mesure où Arte n'est pas concernée par la réforme de la gouvernance et la création d'une holding, on ne comprend pas très bien ce retard j'ai bien conscience du contexte politique difficile. Allez-vous fixer un cap et des objectifs clairs ?

M. Michel Laugier, rapporteur pour avis des crédits de la presse. - Madame la ministre, grâce à vous, j'ai l'impression de ne pas vieillir, voire de rajeunir : les problématiques restent les mêmes d'un PLF à l'autre.

Une nouvelle fois, le PLF prévoit une diminution drastique des crédits du FSER, qui perdrait près de 16 millions d'euros. C'était 10 millions d'euros l'année précédente, mais, après nos discussions parlementaires, vous aviez décidé de rétablir ces crédits. Or les 750 radios concernées contribuent indéniablement à la préservation des liens de proximité et au pluralisme de l'information au niveau local. N'est-ce pas particulièrement dommageable pour notre démocratie, à l'approche des élections municipales, de priver ces radios d'un tel soutien ?

Après le rapport de l'inspection générale des finances (IGF) et la mission de concertation confiée à Sébastien Soriano, dont les propositions ont été reçues parfois fraîchement par les éditeurs, allons-nous enfin vers une réforme de la distribution de la presse imprimée en 2026, accompagnée d'une réforme des aides ? Le PLF pour 2026 prévoit une diminution importante des crédits du FSDP, déjà très touché en 2025 par les gels budgétaires : ne risquons-nous pas de perdre un moyen indispensable pour inciter les acteurs de cette réforme à aller de l'avant ?

Enfin, le feuilleton des droits voisins se poursuit, avec notamment la décision prise par l'Alliance de la presse d'information générale (Apig) de saisir l'autorité de la concurrence contre Meta. L'enjeu de cette affaire est considérable. Le projet de loi issu des États généraux de l'information aborde-t-il ce sujet des droits voisins ?

M. François Patriat, rapporteur pour avis du programme 334 « Livre et des industries culturelles ». - Dans le contexte budgétaire que nous connaissons, je salue les avancées et les engagements que vous avez su tenir, madame la ministre.

Le CNM voit les plafonds de ses deux taxes affectées « billetterie » et « streaming » rehaussés de 8 millions d'euros au sein du PLF 2026, ce dont nous nous félicitons, même si la diminution concomitante des dotations de l'État relativise cette progression.

En octobre 2024, la Cour des comptes estimait que cet opérateur n'avait pas de stratégie claire en matière d'attribution des aides. Elle lui avait recommandé d'investir davantage dans le développement international, l'innovation et la structuration du tissu économique pour garantir la diversité de la filière et la souveraineté culturelle. Ces recommandations ont-elles été suivies d'effets, afin d'écarter les critiques et d'installer définitivement le CNM dans le paysage de l'industrie musicale française ?

La presse a récemment évoqué la volonté du Gouvernement, à l'occasion d'un contentieux au niveau européen, de promouvoir l'idée d'une nouvelle taxe sur la pratique du téléchargement hors ligne que proposent les services de streaming, au motif que cette pratique relèverait de la copie privée. En effet, toutes les plateformes ou presque permettent d'enregistrer localement des fichiers - chansons, épisodes de série, films, documentaires, etc. Certains estiment cependant que cette taxe serait redondante avec celle qui frappe déjà les équipements à l'achat au même motif que la copie privée. Qu'en est-il de cette démarche ? A-t-elle des chances d'aboutir ?

M. Laurent Lafon, président. - Je vous lirai les questions de M. Jérémy Bacchi, rapporteur pour avis des crédits du cinéma, qui ne peut être présent.

M. Bacchi se réjouit que la ponction prévue sur la trésorerie du CNC par le PLF 2026 n'excède pas 50 millions d'euros.

En revanche, il est plus préoccupé par les attaques sur le crédit d'impôt cinéma et par les tentatives pour écrêter les taxes affectées au CNC lors de l'examen du budget en cours à l'Assemblée nationale. L'industrie du cinéma est un fleuron national, mais elle est fragile : il en veut pour preuve les effets de la baisse de fréquentation des salles depuis le début de l'année, qui met en difficulté plusieurs acteurs de la filière. Quel soutien comptez-vous apporter à celle-ci pour surmonter cette mauvaise passe ?

Par ailleurs, M. Bacchi s'inquiète des attaques récurrentes contre la chronologie des médias. Celle-ci est prise dans un véritable feu croisé en provenance de Netflix et Amazon Prime, dont les recours sont pendants devant le Conseil d'État et l'Autorité de la concurrence, qui s'est autosaisie de la question, tandis que Canal + a fermement conditionné ses engagements à la préservation de sa fenêtre de diffusion précoce. Pourriez-vous nous dire à quelle échéance sont attendues ces décisions juridictionnelles, et quelle sera votre stratégie pour faire face aux éventuelles remises en cause de la chronologie des médias qui pourraient en découler ?

Enfin, le Parlement européen a récemment demandé à la Commission européenne de mieux défendre la directive européenne sur les services de médias audiovisuels (SMA) face aux attaques des États-Unis. Où en sommes-nous dans le processus d'évaluation de cette directive, en cours depuis plusieurs mois, et à quelles réformes pourrait-il aboutir ?

Mme Rachida Dati, ministre. - Le budget du patrimoine a augmenté de 39 % entre 2017 et 2025. Jamais l'augmentation n'a été aussi forte en quinze ans. Le patrimoine est bien une priorité du ministère de la culture, priorité que j'ai amplifiée avec le plan Culture et ruralité, qui s'intéresse notamment au petit patrimoine des campagnes.

La baisse des crédits de paiement de 8,5 % pour le patrimoine est liée à un lissage de certains investissements ; nous avons décalé certains projets, mais aucun n'est cependant remis en cause. Les grands chantiers comme Pompidou, Fontainebleau ou Versailles et tous les chantiers liés à des situations d'urgence ne sont pas remis en cause.

Le patrimoine est donc financé, et la baisse n'est due qu'à un lissage.

Le périmètre du Centre des monuments nationaux s'élargit, car le périmètre de la préservation du patrimoine lui-même s'élargit. Il est donc essentiel que l'on pense toujours les usages dès que l'on restaure. L'usage, en soi, propose une forme de protection. Cette nouvelle dimension est intégrée dans le PLF pour 2026.

Concernant Notre-Dame de Paris, j'avais souhaité qu'une contribution soit instaurée à hauteur de 5 euros pour les visiteurs - et non les fidèles -, contribution qui serait intégralement consacrée à la restauration du patrimoine religieux. Avec douze millions de visiteurs par an, en deux ans, nous pourrions restaurer l'ensemble du patrimoine religieux français - 4 000 édifices sont en péril.

Je souhaite développer des dispositifs de financement innovants. Je pense aux nouvelles politiques tarifaires dans les musées pour les visiteurs hors Union européenne. Nous allons aussi créer un National Trust à la française, qui s'agrégera au CMN et ; s'intéressera à la restauration du petit patrimoine historique privé.

Ces nouveaux dispositifs innovants contribuent aussi au budget du patrimoine.

Il ne manque pas un euro, dans les territoires, pour le patrimoine historique et religieux. Une souscription populaire a été lancée pour la sauvegarde du patrimoine religieux : le fonds dépasse les 30 millions d'euros.

Le plan Culture et ruralité compte 100 millions d'euros sanctuarisés, et 60 millions d'euros ont déjà été dépensés. Ce plan finance notamment des résidences d'artistes et des compagnies qui contribuent directement à la vitalité des territoires ; il a permis de soutenir 300 radios associatives, 250 résidences artistiques et 250 manifestations Villages en fête.

Concernant les radios associatives, l'engagement a été tenu l'année dernière, ce sera encore le cas en 2026.

La mission Soriano a été accueillie fraîchement seulement par quelques éditeurs. Majoritairement, les éditeurs y sont favorables. Il est impératif d'aller en ce sens, sinon les territoires les plus ruraux, les plus éloignés, seront pénalisés.

Si le contrat est signé, l'État est au rendez-vous. Il est prévu 5 millions d'euros par an pendant trois ans pour accompagner les imprimeries ; 4,5 millions d'euros sont prévus pour l'aide à la distribution ; concernant le FSDP, il nous faudra être à la hauteur de nos engagements, et donc prévoir des moyens complémentaires.

Tout est une question de méthode.

La réforme de l'aide à la distribution de la presse imprimée sera mise en oeuvre au 1er janvier 2026.

Sur les droits voisins, le contentieux est pendant devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Nous attendons les résultats.

Les deux taxes affectées « billetterie » et « streaming » ont vu leur plafond rehaussé de 8 millions d'euros dans le PLF 2026. J'ai obtenu cet engagement, alors que la Cour des comptes estimait en 2024 que le CNM n'avait pas de stratégie d'investissement clair. Cet opérateur a donc mené une réforme pour garantir la diversité de la filière, conformément aux recommandations de la Cour des comptes. Un nouveau règlement des aides a été publié en 2025, avec des critères clairs et objectifs en matière de transition écologique, d'égalité et d'inclusion. Le bilan sera présenté dès 2026.

Les évolutions juridiques sur les droits voisins sont incluses dans le texte issu des EGI, texte que nous avons transmis au Conseil d'État. Il sera présenté très prochainement en conseil des ministres.

J'ai combattu lors du dernier budget pour ne pas remettre en cause les crédits d'impôt destinés au cinéma et à l'audiovisuel, qui sont un facteur d'attractivité, de croissance, d'inclusion et d'emploi des jeunes. Nous sommes les premiers au monde dans certains secteurs, notamment le gaming.

Concernant la chronologie des médias, Canal + a posé des conditions. Nous prenons le problème à bras le corps.

J'en viens au pass Culture. Je ne connais pas d'étude qui démontre une baisse de satisfaction. Les jeunes sont plutôt en demande. Je constate que certains, qui ne voulaient pas de la part individuelle du pass Culture, me la réclament désormais à cor et à cri - j'en suis ravie ! Nos objectifs se rejoignent : réduction des inégalités, éviter la reproduction sociale, mieux cibler l'aide. Oui, des crédits baissent, mais je préfère que les crédits servent à ceux qui en ont vraiment besoin. L'articulation entre part individuelle et part collective est essentielle. Les enfants qui bénéficient de la part collective n'ont très souvent jamais mis les pieds dans un équipement culturel. Peut-être qu'aller au musée ou au théâtre est une évidence pour certains d'entre vous, mais ce n'est pas le cas pour tous. J'ai moi-même accompagné un groupe de jeunes à la Comédie française avec un pass Culture individuel : ils avaient même du mal à entrer dans la salle ! Les acteurs de l'éducation populaire - dont vous ne m'avez jamais parlé -, je les ai intégrés dans le programme. La médiation est très importante. J'ai aussi financé des maisons des jeunes et de la culture (MJC), notamment à Paris - je pense à une MJC du XXe arrondissement qui était en péril.

Sur le pass Culture, nous sommes à la hauteur de nos ambitions et de nos engagements. Désormais, le pass Culture est géolocalisé. Le comité stratégique de la SAS pass Culture - c'était devenu un petit club - a été revu : il inclut désormais des responsables de lycées professionnels et de centres de loisirs, des acteurs de l'éducation populaire, des personnes qui connaissent bien les difficultés d'accès à la culture. Les enfants en situation de handicap et les boursiers bénéficient d'un bonus.

Mesdames, messieurs les sénateurs, merci de votre soutien !

Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis. - Je précise, madame la ministre, que je suis intervenue comme rapporteure, et non comme représentante d'un groupe politique. J'espère que cela est bien clair.

Mme Rachida Dati, ministre. - Merci pour cette précision. Concernant le pass Culture, nous avons un objectif commun : réduire les inégalités.

J'ai maintenu le Fonpeps, alors qu'il devait être remis intégralement en cause. J'avais pris cet engagement devant les organisations syndicales, car le maintien de l'emploi pérenne dans le spectacle vivant est essentiel.

L'État est au rendez-vous, et les baisses sont le fait des collectivités locales qui se désengagent. L'État n'est pas là pour tout compenser ; à chacun ses responsabilités. D'ailleurs, je souhaite rendre un hommage particulier à François Sauvadet, car les départements sont les premiers investisseurs dans la culture. Nous avons signé des conventions-cadres avec toutes les collectivités qui ont décidé de maintenir leur investissement dans la culture. Nous avons maintenu les aides - j'avais pris cet engagement. Tous les crédits de 2025 seront engagés.

Monsieur Vial, chacun prend sa part de responsabilité. L'effort budgétaire sur l'audiovisuel public sera progressif et étalé dans le temps. Il faudrait en fait 140 millions d'euros d'économies pour que France Télévisions revienne à l'équilibre. La Cour des comptes le disait dès 2016, et à nouveau en 2025 : France Télévisions a besoin de réformes structurelles - tel est l'enjeu de la proposition de loi Lafon relative à la réforme de l'audiovisuel public et à la souveraineté audiovisuelle. France 3 et France Bleu doivent coopérer, le cadre social doit être rénové, et la transformation numérique reste indispensable.

Le risque de la baisse des dotations, à court terme, est que les économies ne soient pas faites au bon endroit - telle est la crainte des organisations syndicales. Il faudra être vigilant sur les programmes, qui restent le coeur de métier. Beaucoup de professionnels de l'audiovisuel public ont besoin de sens : beaucoup sont découragés, mais ils comprennent qu'il faut réformer. Les priorités sont notamment le numérique - il faut s'adapter aux nouveaux usages - et la proximité - la jeunesse est très déconnectée de l'audiovisuel public. L'audiovisuel public doit retrouver toute sa place dans le champ démocratique. Je suis pour un État fort et un audiovisuel public qui reste public. C'est le sens de cette réforme.

Arte et France Médias Monde sont épargnées. Arte relève d'un traité franco-allemand. Le chancelier allemand est très favorable à l'européanisation d'Arte, pour qu'elle devienne la plateforme audiovisuelle européenne ; les crédits doivent augmenter ; tel est le sens du conseil européen du 28 novembre prochain. L'audiovisuel public européen doit être maintenu, la qualité d'Arte est reconnue. Voilà qui permet de faire face à l'administration Trump. France Médias Monde a noué un partenariat avec Deutsche Welle, beaucoup de fréquences ont été libérées en Afrique : il y a une place à prendre, pour lutter contre les ingérences étrangères et la désinformation. Voilà pourquoi ces chaînes sont préservées. Il s'agit de raisons politiques majeures ; l'enjeu démocratique est très important compte tenu de la politique américaine.

Non, le programme Mieux produire, mieux diffuser ne connaît pas de baisse de crédits : nous passons de 9 à 15 millions d'euros de 2025 à 2026. J'ai constaté que le spectacle vivant n'avait pas de modèle particulier. Il faut avant tout lutter contre les atteintes à la liberté de création et de programmation. C'est le problème majeur que connaît le secteur. Pour le spectacle vivant, pas un euro ne manque, notamment dans les territoires. Le spectacle vivant est une valeur française. Et n'oublions pas la diffusion, qui permet un accès plus large aux spectacles, ce qui consolide aussi la création.

Dans les territoires, le spectacle vivant connaît très peu de collaborations public-privé. Or ces coopérations, comme celle que j'ai signée entre le pôle Pixel et le théâtre national populaire de Villeurbanne, permettent de mixer les formes d'art, de faire plus de diffusion et de ne pas diminuer les crédits.

Mme Agnès Evren. - Depuis le vol au Louvre, drame national qui nous obsède tous, nous nous demandons comment le plus grand musée du monde a pu être si vulnérable. Je salue, madame la ministre, votre demande immédiate d'une enquête administrative - il n'y en avait pas eu pour l'incendie de Notre-Dame de Paris.

Une délégation de notre commission a visité les installations de sécurité du Louvre. Elles sont complètement obsolètes et vétustes. Le poste de sécurité central est totalement sous-dimensionné. J'en étais stupéfaite. La présidente du Louvre avait dès sa prise de fonctions, ainsi que par une note confidentielle du 13 février 2025 adressée au Président de la République, alerté sur les avaries récurrentes au sein du musée. Lors de son audition, elle a présenté une triple faille : la protection périmétrique, qui souffre d'une quasi-absence de vidéosurveillance extérieure ; des infrastructures vieillissantes, qui empêchent d'installer des équipements modernes ; la lenteur des marchés publics.

Fallait-il un tel drame pour déclencher un vaste plan de sécurisation du Louvre et de tous les musées de France ? Comment les crédits seront-ils abondés et répartis ?

Se pose aussi la question fondamentale de la responsabilité. On ne peut pas dire aux Français qu'il n'y a aucune responsabilité. L'enquête administrative permettra-t-elle d'établir clairement la chaîne de responsabilité ?

Une partie des collections de bijoux du Louvre a été transférée vendredi dans la principale chambre forte de la Banque de France, et des directives de mise à l'abri vont être envoyées par votre ministère à tous les musées de France. Si nous commençons à mettre notre patrimoine sous clef, que restera-t-il à voir ? Devrons-nous n'exposer que des copies ?

En matière de vidéosurveillance, comment se répartissent les compétences et les responsabilités entre la Ville de Paris et la préfecture de police ? Chacun se renvoie la balle. La Ville de Paris décide du nombre de caméras, et la préfecture propose les implantations. Pourtant, toutes les façades ne sont pas couvertes. Le balcon concerné de la galerie d'Apollon n'était pas couvert pas la vidéosurveillance. Comment expliquer de tels angles morts ?

Pour ce qui concerne le CNL, dans un contexte de décrochage en matière de lecture, quels moyens comptez-vous accorder au livre et à la lecture ? Pour la deuxième année, le CNL connaît une baisse préoccupante de sa subvention pour charges de service public (SCSP). Qu'en est-il du soutien aux auteurs et à la création ?

M. Adel Ziane. - Vous parlez de lissage pour les crédits du patrimoine, qui baissent de plus de 8 %. L'année dernière, vous aviez consenti une hausse de 58 millions d'euros pour la restauration du patrimoine en région ; cette année, c'est deux fois cette somme qui disparaît. Les investissements décalés dans le temps ne verront sans doute pas le jour. Les crédits de l'action « Monuments historiques et patrimoine monumental » chutent de plus de 20 %, les ramenant à une enveloppe à peine supérieure à celle de 2022. Cette baisse des moyens va creuser les inégalités territoriales. Les collectivités territoriales diffèrent leurs projets de restauration. Les conséquences peuvent être très graves, alors que 4 000 édifices sont dans un état préoccupant. Comment justifier cette baisse des crédits ?

La stagnation des crédits de l'action « Patrimoine des musées de France » implique que les musées se tournent vers l'autofinancement. Cependant, ce modèle, qui crée une concurrence entre établissements, n'est pas viable pour tous les musées. Les crédits du Louvre baissent de 5 millions d'euros, alors qu'ils sont indispensables pour assurer la protection des collections et des visiteurs. Comment éviter que la dépendance accrue à l'autofinancement ne conduise à creuser davantage les inégalités ?

Le vol au Louvre ne doit pas faire perdre de vue les besoins de tous les musées nationaux. De nombreux vols ne font pas la une des médias. La sécurité y est insuffisante. Les musées territoriaux sont aussi en première ligne. Comment les villes, départements et régions pourront-ils assumer ce lissage s'ils doivent réaliser des investissements ? Les politiques culturelles locales seront à nouveau des variables d'ajustement. L'inquiétude est grande.

L'audit global sur la sécurité des musées nationaux concernera-t-il tout le territoire national ? Quelles mesures concrètes l'État prévoit-il pour soutenir les territoires désireux de développer leur offre culturelle ?

Mme Sonia de La Provôté. - Les festivals sont menacés par un effet ciseau ; leur modèle économique doit être repensé. Les coûts artistiques, techniques et organisationnels explosent. Où en est la feuille de route issue des concertations avec les représentants de la filière ? Qu'en est-il du fonds destiné aux festivals et du plan Culture et ruralité ? Comment comptez-vous rationaliser l'utilisation des fonds ?

Le décret « Son » a des conséquences budgétaires sur les festivals. Vous avez annoncé un groupe de travail, qui devrait faire des propositions de simplification pour le 31 octobre. Où en sommes-nous ?

J'en viens à la création. Le plan Culture et ruralité ne peut suffire à lui seul pour que l'on accède à la création dans tous les territoires. La politique de la culture est mise à mal au regard des exigences d'équité. Les crédits déconcentrés des Drac diminuent. Les collectivités voient leur budget de création s'amenuiser. Depuis le covid, la Madeleine l'emporte sur Proust.

Allez-vous produire une feuille de route indiquant clairement comment le ministère va accompagner l'accès à la culture pour tous dans les territoires ?

Ensuite, le ministère va-t-il accélérer la mise en oeuvre du plan de sécurisation des musées, avec des financements ad hoc ?

Je souligne une autre difficulté : l'accompagnement du patrimoine non inscrit ou non classé. Nous vous alertons sur la situation des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), qui oeuvrent justement pour ce type de patrimoine, palliant les carences d'accompagnement de l'État. La réforme de la part départementale de la taxe d'aménagement fragilise le financement de cette ingénierie essentielle à la préservation du patrimoine vernaculaire.

Mme Laure Darcos. - Le programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », qui a trait au développement de la culture et à l'EAC, a connu une baisse de crédits assez importante en 2025. La stabilisation annoncée du budget pour l'année 2026 aura-t-elle bien lieu, madame la ministre ?

Concernant le pass Culture, notre commission n'est pas unanime sur le sort qu'il convient de réserver à la part mutualisée et à la part individuelle. Puisque nous devons faire des économies, je milite pour la suppression complète de la part individuelle et suggère de mettre l'accent sur le collège. En effet, les jeunes de 18 ans sont moins susceptibles de changer leur mode de consommation culturelle que les plus jeunes.

Pour rappel, l'arrêt d'un certain nombre de spectacles et de projets l'année dernière a été épouvantable. L'évolution que je propose est probablement le seul moyen d'aider les jeunes et leurs professeurs, qui ne sont parfois pas capés en matière de formation artistique et culturelle.

Par ailleurs, dans ma circonscription, les compagnies La Lisière et La Constellation vont recevoir le label « arts de la rue ». Cette procédure de labellisation, soit la deuxième engagée en Île-de-France, est très importante, y compris en milieu rural, car elle permet à nos concitoyens d'assister à des spectacles de rue, notamment à Cheptainville.

Il se trouve que la Drac a retiré 20 000 euros de subventions aux compagnies précitées, sur une enveloppe totale de 70 000 euros ; les 50 000 euros restants sont fléchés sur les arts plastiques. En conséquence, de nombreux projets de lecture à voix haute, en particulier à Grigny, ont disparu. Cela me semble contradictoire avec les États généraux de la lecture pour la jeunesse, dont nous attendons avec impatience les conclusions. J'espère d'ailleurs que l'éducation nationale et le service du livre et de la lecture du ministère de la culture y ont été associés.

Enfin, je veux dire quelques mots d'Amazon, mon meilleur ennemi. En effet, l'entreprise contourne systématiquement les frais de port minimum instaurés par la loi du 30 décembre 2021, dont j'étais l'auteure, et essaye de faire de ses lockers des magasins de vente au détail. En outre, Amazon est revenu sur la loi du 8 juillet 2014 en proposant une remise de 5 % sur le prix des ouvrages. J'aimerais que le ministère de la culture se saisisse de ce problème, que tout le monde dénonce dans le secteur du livre. N'attendons pas qu'une décision européenne soit prise pour agir en ce domaine !

Du reste, je vous remercie, madame la ministre, pour les propos que vous avez tenus sur les crédits d'impôt dans le secteur du cinéma, dont certains seront renouvelables en 2026. Je pense qu'il est primordial de les maintenir, y compris ceux qui s'appliquent aux tournages de films étrangers en France.

Mme Monique de Marco. - Une multitude de rapports et d'études ont démontré que le ministère de la culture dépense environ 200 euros pour un habitant d'Île-de-France, alors qu'il en dépense seulement 27 pour un habitant du Doubs. L'inégalité territoriale pour l'accès aux services et aux établissements culturels persiste. Les collectivités, qui dépendent de plus en plus de ressources nationales contraintes, n'ont pas les moyens de compenser de manière acceptable cette situation déséquilibrée.

C'est sans doute l'un des éléments qui a motivé le Gouvernement à lancer une concertation en 2024, avant l'annonce du plan Culture et ruralité, la même année. Ce plan, malgré un montant de crédits minimaliste, a le mérite d'essayer de pallier ce déficit de financement culturel dans les territoires ruraux. Or, il paraît déjà menacé par le projet de budget que vous avez présenté aujourd'hui, madame la ministre.

Vous avez dit vouloir accroître le soutien aux radios associatives rurales et d'outre-mer ; nous en prenons acte. Dans cette perspective, vous comptez sur le Sénat, comme l'an dernier, pour maintenir le fonds de soutien à l'expression radiophonique locale.

J'en viens à la question du patrimoine. Comment peut-on affirmer que les monuments historiques sont des animateurs culturels du territoire, tout en baissant de 40 % les subventions d'investissement accordées aux collectivités et aux particuliers propriétaires de tels biens et en réduisant de 20 millions à 10 millions d'euros le fonds incitatif et partenarial ?

Par ailleurs, comptez-vous assurer la création de cinquante scènes culturelles de proximité soutenues par les MJC et les autres acteurs de l'éducation populaire, alors que le projet de loi de finances pour 2026 prévoit de réduire leurs crédits de 15 % ?

Quelques mots du Palais de la découverte. Cet établissement, véritable pilier de la transmission de la culture scientifique, est fermé depuis quatre ans et n'est toujours pas assuré de rouvrir, malgré une fréquentation habituellement très importante. Pouvez-vous vous engager sur un calendrier de réouverture, madame la ministre ? En outre, comment expliquez-vous la perte d'espaces de cet établissement au profit du Grand Palais ? Soutenez-vous la réorientation d'un lieu de sciences en espace privatisé ?

Enfin, vous avez dit que les musées de France allaient devoir s'adapter à une nouvelle forme de criminalité, mais qu'allez-vous exactement entreprendre en ce sens ?

M. Aymeric Durox. - Aujourd'hui, le budget du patrimoine est en forte baisse. Cette évolution est scandaleuse, ce pour trois raisons. Premièrement, ici même, lors de votre audition du 5 novembre 2024, vous aviez déclaré l'urgence patrimoniale et affirmé que le patrimoine était la grande priorité du Gouvernement. Vous aviez également rappelé que la France comptait 45 000 monuments historiques, dont 20 % en mauvais état et 5 % en péril, soit plus de 2 000 monuments exposés à un risque de disparition imminente. Malheureusement, l'année écoulée a prouvé que les promesses n'engageaient que ceux qui y croyaient, contrairement à ce que vous avez affirmé dans votre propos liminaire.

Les États généraux du patrimoine religieux (EGPR) ont signalé en 2024 la fermeture d'au moins 1 600 édifices en raison de leur vétusté ; certains menacent même de s'effondrer. Dans mon département, la Seine-et-Marne, je pourrais longuement vous parler des églises classées ou inscrites au patrimoine, comme celles de Lorrez-le-Bocage, de Soignolles-en-Brie, de Saint-Pathus ou de Valjouan, qui attendent vainement des aides depuis des années.

Après la perte de services et de commerçants, ces églises croulantes, interdites au public, donnent la douloureuse impression de villages en train de mourir, eux qui s'étaient justement construits depuis des siècles autour de leurs clochers, recouvrant notre pays d'un « blanc manteau », comme l'écrivait Raoul Glaber.

On peut aussi donner l'exemple du château de Chambord, contraint de faire une quête pour sauver son aile François Ier. Comment imaginer qu'une chose pareille se produise dans la septième puissance économique du monde ?

Deuxièmement, cette baisse des crédits du patrimoine est une hérésie financière puisque, selon les chiffres de 2019 publiés par votre ministère, le patrimoine bâti crée plus de 500 000 emplois directs et indirects et plus de 21 milliards de recettes directes et indirectes, le tout pour seulement 1 milliard d'euros d'investissements. C'est un rendement exceptionnel qu'il paraît plus logique de subventionner que de réduire. Vous l'avez vous-même reconnu, madame la ministre, mais sans aucune concrétisation.

Troisièmement, l'actualité, marquée par le casse du Louvre, nous rappelle que notre pays fait face à un grand nombre d'attaques de musées. Ces derniers apparaissent comme des proies faciles pour des malfaiteurs en quête de butins importants, pour des risques limités. En septembre 2025, des échantillons d'or d'une valeur estimée à environ 1,5 million d'euros ont été volés au Muséum national d'histoire naturelle. En septembre dernier, trois objets en porcelaine, trésors nationaux d'une valeur estimée à 6,5 millions d'euros, ont été dérobés au Musée national Adrien Dubouché de Limoges. En outre, d'après le ministère de l'intérieur, les vols dans les églises ont bondi de 30 % en trois ans.

Bref, on constate cruellement que le patrimoine de notre pays, si riche et convoité, est en danger. Alors qu'il faudrait prévoir un grand plan de sécurisation pour le préserver, vous prévoyez une baisse de crédits, madame la ministre !

Ma question est donc simple : qu'avez-vous fait depuis deux ans et que comptez-vous faire concrètement pour protéger notre patrimoine, qui subit une double attaque, à savoir l'usure du temps et la cupidité des hommes ?

Mme Annick Billon. - Je cantonnerai mes questions aux métiers d'arts, étant membre du groupe d'études qui leur est consacré.

En 2024, 3 374 entreprises ont bénéficié du crédit d'impôt en faveur des métiers d'art. La loi du 29 décembre 2023 a prorogé ce dispositif jusqu'à la fin du mois de décembre 2026.

Concernant la stratégie nationale en faveur des métiers d'art, lancée en 2023 pour structurer le secteur - qui comprend 281 métiers et 60 000 entreprises, dont certaines sont très petites -, la dotation de 340 millions d'euros annoncée sur trois ans ne semble pas avoir été reconduite. Quelle partie de cette somme a été réellement engagée à ce jour ?

J'en viens à la formation et à la transmission. Sur les 280 métiers d'art, seule une petite cinquantaine dispose d'une formation initiale. Le Gouvernement entend-il relancer l'offre de formation et garantir la pérennité de ces métiers qui risquent de disparaître ?

En 2025, pour la première fois de son histoire, l'Institut pour les savoir-faire français n'a pas été doté d'un budget pour organiser les journées européennes des métiers d'art (Jema). Ces dernières, auxquelles vingt-cinq autres pays participent, représentent tout de même 1,7 million de visites et 511 événements. Ainsi, comment garantir la pérennité de cet événement, qui sert de vitrine aux savoir-faire français ?

Du reste, je me réjouis que les crédits du fonds de soutien à l'expression radiophonique locale, en chute de 44 %, puissent être rétablis, dès lors que le Gouvernement soutiendra les amendements qui seront déposés en ce sens.

Mme Marie-Jeanne Bellamy. - Ma question concerne la culture en milieu rural. Lancé en 2024, le plan Culture et ruralité a pour objectif de renforcer la place de la culture au coeur des territoires ruraux. Il est structuré autour de trois axes : faciliter l'embauche d'artistes de manière occasionnelle ; aider les festivals à déployer une action territoriale structurante en ruralité ; renforcer l'accès direct à l'art contemporain.

Ce plan sera-t-il également l'occasion de promouvoir la culture dans les activités périscolaires, de manière mieux ciblée que le fonds de soutien aux temps d'activités périscolaires, supprimé en 2025 ?

Mme Colombe Brossel. - Comme bon nombre d'acteurs du monde de la culture, de syndicats, d'organisations professionnelles, d'institutions culturelles et d'artistes, nous dénonçons la baisse des crédits de la mission « Culture », qui est bien réelle - les chiffres sont têtus, madame la ministre.

Surtout, et de façon plus grave, le ciblage de ces coupes n'a rien d'anodin. Ainsi, les crédits du programme 131 « Création » reculent de 3 %. Ce sont bien les acteurs du spectacle vivant - festivals, compagnies et les lieux labellisés - qui en feront les frais sur tout le territoire.

Sur le terrain, les crédits déconcentrés en Drac diminuent de 3,76 %. Les crédits du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » sont, eux, en baisse de 15 %.

Les actions relevant de l'EAC, hors pass Culture, c'est-à-dire les veilles artistiques et les projets sur temps scolaire ou hors temps scolaire, endurent une diminution de crédits de 17 %.

Enfin, le budget de la participation à la vie culturelle, qui concerne les quartiers populaires, les secteurs de la justice et de la santé, s'effondre de 44 % ! La lecture et l'édition subissent la même logique. Ainsi, la subvention accordée au CNL, qui joue pourtant un rôle majeur en matière de médiation culturelle et de soutien aux auteurs, ne sera plus que de 22,4 millions d'euros, soit une baisse de 22 % en deux ans.

Comment faire bien, et même faire mieux, avec des crédits objectivement en baisse ? En l'état, cet objectif ne nous semble pas atteignable. Notre groupe restera mobilisé pour que les crédits précédemment listés soient rétablis, afin que nous puissions mener une véritable politique culturelle dans notre pays.

Cette baisse des crédits s'inscrit dans une logique d'affaiblissement du service public de la culture pour laisser la place au mécénat privé, au détriment de la diversité culturelle et de son accessibilité pour tous. Le mécénat a sa place, mais il ne saurait se substituer au désengagement du financement public. Certains décrédibilisent l'action publique en dénonçant sa supposée inefficacité, mais c'est la réduction de ses ressources qui l'empêche d'agir.

C'est la même logique qui est à l'oeuvre pour l'audiovisuel public. Après la suppression de la contribution à l'audiovisuel public en 2022, l'État poursuit son désengagement. Le budget pour 2026 prévoit une baisse de crédits de 71 millions d'euros, dont 65 millions pour le seul groupe France Télévisions. D'aucuns s'appuient sur la situation financière alarmante du groupe pour justifier le projet de reprise en main à la fois financière et politique de l'audiovisuel public, ce que nous n'avons cessé de dénoncer. Cette logique n'est pas la nôtre, madame la ministre, et nous la combattrons dans l'hémicycle !

M. Pierre-Antoine Levi. - Le programme 334 « Livre et industries culturelles » présente une trajectoire budgétaire inquiétante pour l'année 2026. En effet, les autorisations d'engagement s'établissent à 360 millions d'euros - soit plus 0,50 % par rapport à 2025 -, mais les crédits de paiement chutent à 343 millions d'euros. Cet écart de 16,6 millions d'euros entre AE et CP crée un effet entonnoir préoccupant. En clair, l'État autorise juridiquement des engagements pluriannuels qu'il ne pourra pas honorer dans les délais, car l'enveloppe de paiements effectifs sera insuffisante.

Si l'action n° 01 « Livre et lecture » progresse en à 338 millions d'euros en AE, la sous-action « Industries culturelles » accuse une baisse de 29 % en AE. Concrètement, l'effet entonnoir que j'évoquais à l'instant crée une asphyxie de trésorerie pour les acteurs de terrain : je pense au CNL ou aux bibliothèques départementales et de proximité, en particulier dans les zones rurales et ultramarines, ainsi qu'aux petites librairies indépendantes, aux auteurs et aux traducteurs. Et que dire des dispositifs d'accessibilité pour les livres adaptés aux personnes en situation de handicap !

Comment comptez-vous éviter cet effet entonnoir, madame la ministre ? Quelle garantie apportez-vous sur le calendrier effectif des décaissements, des crédits de paiement et sur la priorisation des bénéficiaires, pour éviter que les projets engagés ne restent impayés ? Quelle articulation établissez-vous entre les crédits du programme 334 et les financements de France 2030, afin que les crédits extrabudgétaires ne se substituent pas aux politiques publiques pérennes du livre et de la lecture ? Comment garantissez-vous la lisibilité et la sécurité juridique pour les acteurs ? Enfin, face à cette compression des crédits de paiement, quelles mesures concrètes prendrez-vous pour sécuriser le financement non seulement des bibliothèques dans les territoires ruraux et ultramarins, mais aussi des dispositifs de découvrabilité numérique et de la chaîne des professionnels du livre, à savoir les traducteurs, les auteurs et les librairies indépendantes ?

Mme Paulette Matray. - Alors que nous observons une concentration croissante des médias privés entre les mains de quelques grands groupes, l'audiovisuel public reste l'un des derniers garants d'une information pluraliste et indépendante - je pense que nous sommes d'accord sur ce point, madame la ministre. Or les crédits pour les avances à l'audiovisuel public sont en baisse de près de 2 % après plusieurs années d'érosion et, surtout, depuis la suppression de la redevance audiovisuelle au profit d'un financement par une part de TVA, désormais révisable chaque année de façon arbitraire.

Dans ce contexte de dépendance accrue au budget de l'État et de fragilisation financière du service public, comment le Gouvernement entend-il préserver l'indépendance éditoriale et la diversité de l'information ?

Face à des conglomérats médiatiques de plus en plus puissants, envisagez-vous de soutenir la proposition sénatoriale de création d'une contribution modernisée, progressive et affectée, qui garantirait un financement pérenne de l'audiovisuel public et assurerait une réelle protection contre la concentration et l'homogénéisation de l'information ?

M. Max Brisson. - Madame la ministre, je voudrais vous raconter la vie d'un sénateur d'une province lointaine qui a le bonheur de compter deux langues régionales. Depuis dix jours, comme l'année dernière, nos boîtes mail sont submergées de messages annonçant une baisse historique de 44 % des crédits alloués au fonds de soutien à l'expression radiophonique locale et, par là même, une remise en cause de 3 000 emplois, une mise en péril des investissements, la non-tenue d'un engagement européen et, last but not least, un affaiblissement durable du service public radiophonique en langue régionale.

Or vous nous dites que vous rétablirez ces crédits au même niveau qu'en 2025. Cela nous réjouit, mais à quoi sert ce va-et-vient, sinon à créer de l'inquiétude pour l'ensemble des mouvements associatifs, qui accomplissent leur mission dans un contexte déjà difficile ? Les sénateurs, eux, sont contraints de répondre à de multiples sollicitations. Finalement, vous promettez que tout sera renouvelé l'an prochain : merci de nous permettre de rester jeunes, madame la ministre !

Mme Rachida Dati, ministre. - Monsieur Brisson, j'ai seulement dit que je m'engageais à rétablir ces crédits au niveau de l'an dernier ; j'avais d'ailleurs obtenu gain de cause après d'âpres négociations avec le ministre du budget. Le Parlement ne s'est pas encore prononcé et ce sera à lui seul de décider si ce budget doit être maintenu. Or les parlementaires ne sont pas d'accord entre eux sur le financement des radios associatives. Bref, il n'y a pas de jeu de dupes, monsieur le sénateur : j'ai d'autres choses à faire, y compris répondre à des courriers, comme vous le faites.

Vous avez raison, madame Evren, concernant le vol survenu au Louvre, on ne peut pas dire qu'il n'y a pas eu de manquements ; les Français ne le comprendraient pas. Avant la question d'actualité au Gouvernement que vous m'avez posée mercredi dernier, vous m'aviez fait part d'un certain nombre de propositions, comme la disposition de caméras périmétriques. Sachez que je les intégrerai aux mesures qui seront annoncées dès réception du rapport d'inspection.

Du reste, je prendrai mes responsabilités pour constater les manquements et les défaillances que l'enquête administrative établira. J'ai toujours combattu l'arbitraire et je ne l'appliquerai pas à d'autres. J'attends donc de disposer d'éléments objectifs pour pouvoir prendre une décision. L'affaire est trop grave pour faire n'importe quoi, dans la précipitation, et ne pas analyser les éléments qu'on me transmet.

Je vous remercie d'avoir accompagné le président Lafon au Louvre, pour constater par vous-même l'obsolescence du matériel de sécurité.

Vous avez rappelé l'interpellation de la présidente du Louvre, lorsque j'ai été nommée ministre de la culture, ainsi que le discours du Président de la République. Notez que, dans le cadre du plan « Louvre - Nouvelle Renaissance », le schéma directeur de sécurité, d'un montant de 450 millions d'euros, comporte un volet de modernisation de la sécurité et de la sûreté. Nous veillerons à accélérer la mise en oeuvre des mesures prévues, en plus des dispositifs en cours de déploiement.

Le Louvre est soumis à un certain nombre de contraintes. Premièrement, il s'agit d'un bâtiment patrimonial, contrairement à la Fondation Vuitton ou à la Fondation Cartier, qui sont des constructions modernes facilement adaptables aux nouvelles technologies de sécurité. Il n'empêche que le Louvre devra, lui aussi, intégrer les nouvelles menaces liées à l'intrusion et aux vols.

Deuxième contrainte : les règles de passation de marchés publics. Nous ferons en sorte d'accélérer les choses, mais nous devons attendre les conclusions du rapport qui me sera remis.

J'en viens à la lecture et aux mesures qui y sont consacrées dans le projet de loi de finances pour 2026. Il est vrai que les crédits du programme 334 sont en légère baisse. En réalité, 82 % de l'ensemble des crédits ont été consommés par les trois opérateurs du programme, soit la BNF, la BPI et le CNL. Cette enveloppe financement également la Maison du dessin de presse, dont j'ai soutenu l'installation dans le 6e arrondissement de Paris, en tant qu'élue de la capitale.

Dans ce contexte contraint, Élisabeth Borne et moi-même avions lancé les États généraux de la lecture pour la jeunesse, qui nous permettront d'identifier non seulement les leviers d'action, mais aussi les doublons. Le ministère de la culture est un petit ministère qui fonctionne avec beaucoup d'opérateurs. Ainsi, les Drac, qui sont le prolongement du ministère, peuvent être redondantes avec une direction générale ou un opérateur. Il faut donc rationaliser cette organisation, ce qui suppose de recentraliser ou, à l'inverse, de déconcentrer des crédits.

Toujours en matière de lecture, nous avons mis en oeuvre la carte de bibliothèque, remise aux parents lorsqu'ils déclarent la naissance de leur enfant, et nous avons récemment créé le prix du livre pour les bébés.

Cela pourrait surprendre, mais, comme je l'avais dit lors d'une séance de questions au Gouvernement, l'accès à la lecture doit aussi concerner les gens qui ne savent pas lire. En effet, écouter les lectures permet d'intégrer la langue et constitue un moyen d'accéder à la culture.

À cet égard, les « quarts d'heure de lecture », soutenus par les parlementaires, ne sont pas de simples gadgets, comme j'ai parfois pu l'entendre. Ils rencontrent même un véritable succès, notamment parce qu'ils permettent à des individus qui ne savent pas lire de participer à des séances de lecture.

J'insiste, les personnes qui n'ont absolument aucun contact avec la lecture demeurent dans l'angle mort de nos politiques. Voilà pourquoi nous devons aller les chercher en utilisant tout type de dispositif.

Les crédits alloués au CNL sont en baisse, bien que celle-ci soit très contenue. Reste que nous maintiendrons les dispositifs ciblés sur ceux qui ont besoin d'accéder à la lecture. Dans cette perspective, nous travaillons main dans la main avec le ministre de l'éducation nationale, qui a lui-même relevé cette carence en matière de lecture et les dégâts causés par les écrans. En effet, certains préfèrent l'écran par facilité, quand d'autres n'ont pour seule culture que l'écran, sans jamais avoir accès aux livres.

Du reste, le CNL permet de favoriser la diversité de la création, qui fait aussi la spécificité de notre pays.

J'en viens aux édifices religieux. Une souscription pour la protection et la préservation du patrimoine religieux a été confiée à la Fondation du patrimoine, ce qui a permis de collecter 25 millions d'euros - j'évoquais tout à l'heure un ordre de grandeur de 30 millions et je suis ici plus exacte. En outre, le 4 juillet dernier, j'ai signé une convention avec la Fondation pour la sauvegarde de l'art français concernant les édifices religieux. Enfin, nous avons fléché des crédits du plan Culture et ruralité sur la protection du patrimoine religieux.

Le budget alloué au patrimoine a augmenté de 39 % entre 2017 et aujourd'hui. On ne peut donc pas dire qu'il soit totalement à l'abandon ou laissé pour compte. Toutefois, je reconnais qu'on ne s'en est pas préoccupé pendant de trop longues années.

Monsieur Ziane, il n'est pas vrai que nous abandonnons des projets. Le lissage de crédits implique seulement un décalage, puisqu'on étale dans le temps la soutenabilité financière des projets.

La France est éminemment patrimoniale ; c'est ce qui fait la force et la chance de notre pays. La moindre église, la moindre cathédrale - j'ai d'ailleurs assisté à la réouverture de celle de Nantes - le moindre monument, le moindre château nécessite des millions d'euros de rénovation et d'entretien.

Ce n'est pas sans raison si le schéma directeur de sécurité du Louvre s'élève à 450 millions d'euros : les rénovations étant souvent trop chères, on les reporte. Sur cette enveloppe, 160 millions sont alloués à la sécurité au sens large et la moitié est uniquement consacrée à une remise aux normes. Retrouver un schéma électrique qui ne figure pas sur les plans nécessite parfois de démolir un mur. Les chantiers dont nous parlons sont colossaux.

En réalité, nous n'en ferons jamais assez en matière patrimoniale, tant les contraintes de restauration sont lourdes et les bâtiments difficiles à réparer.

Il importe avant tout de ne pas se désengager. Voilà pourquoi je préfère lisser les crédits. Vous évoquiez également les crédits de paiement. Vous remarquerez que nous avons obtenu des dégels indispensables pour un certain nombre de missions.

Concernant les festivals, nous avons révisé tous les critères d'aides et de subventions, qui manquaient de lisibilité : à quelques kilomètres près, les critères d'attribution n'étaient pas forcément les mêmes. En renforçant la lisibilité des critères, on améliore aussi la réactivité. Par ailleurs, nous avons demandé des cahiers des charges plus précis, car nous décidons du renouvellement des subventions des associations sans même en connaître le bilan d'activité.

Nous prendrons une décision sur le décret « Son » d'ici au 31 octobre. Je rappelle qu'il fait actuellement l'objet d'un groupe de travail associant les ministères de la santé, de l'écologie et de la culture, qui ont parfois des intérêts contradictoires.

Les critères concernant les ensembles démontables seront également plus précis, pour assurer davantage de lisibilité, conformément aux demandes qui ont été exprimées.

Le fonds de sûreté que nous mettrons en place à la suite du casse du Louvre sera réparti entre l'échelon central - les grands opérateurs nationaux seront donc associés - et les Drac. Il permettra, avant d'engager des travaux, de mener des audits de sécurité et de recevoir un certain nombre de préconisations. Il servira, bien évidemment, à financer diverses mesures.

Pour l'heure, je ne veux pas trop brider les choses, afin que nous puissions voir tout ce qui peut être demandé. En cela, nous serons aidés par l'instruction que j'ai cosignée avec le ministère de l'Intérieur, par laquelle nous demandons à être rapprochés des Drac et des préfets afin d'obtenir le recensement de tous les musées ou équipements culturels sensibles. En l'occurrence, ils peuvent être sensibles en raison de la valeur des objets d'art exposés ou de l'équipement de sécurité -de l'établissement.

Madame Billon, les journées européennes des métiers d'art sont organisées par l'Institut pour les savoir-faire français avec le soutien du ministère de l'économie et des finances. En raison de cette cogestion, il est difficile de savoir exactement qui finance quoi. Nous avions demandé un bilan avant la tenue des Jema de 2025, sans jamais pouvoir l'obtenir. C'est pourquoi nous n'avions pas soutenu cette édition. Sachez toutefois que des échanges sont en cours pour l'année prochaine.

Le ministère soutient l'Institut pour les savoir-faire français à hauteur de plus de 1,7 million d'euros depuis 2023. Le crédit d'impôt en faveur des métiers d'art, qui s'élevait à 62 millions d'euros en 2024, sera prorogé jusqu'à la fin de l'année 2026, comme vous l'avez rappelé.

Vous avez raison, madame Darcos, la loi n'est pas respectée par Amazon, qui contourne systématiquement la réglementation et profite des contentieux pour trouver de nouveaux dispositifs. Nous devons absolument clarifier les choses pour défendre nos librairies, qui sont de plus en plus en danger, d'autant qu'Amazon a toujours un coup d'avance. Le ministère réfléchit donc à resserrer la législation, en adaptant la loi de 2021.

Madame Matray, vous m'interrogiez sur l'indépendance de l'audiovisuel public. Grâce au Sénat, notamment par l'intermédiaire de M. Vial, nous avons sanctuarisé le budget de l'audiovisuel public, qui ne l'était plus depuis le 1er janvier 2025. Ce financement n'est soumis à aucune régulation, ce qui représente une avancée importante. Vous ne pouvez donc pas dire que nous avons remis en cause le financement de l'audiovisuel public et son indépendance.

Concernant le Palais de la découverte, nous avons mis en place trois missions d'inspection sur la culture scientifique. À l'heure du complotisme et d'une remise en cause de la science, nous avons tenu à définir un projet de culture scientifique, qui sera mis en oeuvre via la Cité des sciences et de l'industrie et le Palais de la découverte, qui n'est pas situé à la Villette. Nous avions constaté que le nombre de visiteurs s'érodait et que la Cité des sciences était presque uniquement dépendante des subventions de l'État. Nous sommes donc en train de revoir le modèle de l'établissement.

Ces trois missions d'inspection, constituées bien avant l'été, rendront leurs conclusions dans deux mois environ. Nous serons ainsi en mesure de présenter une nouvelle ambition pour la culture scientifique en France.

Quant à l'existence du Palais de la découverte, elle n'est pas remise en cause.

Le budget de l'EAC, hors pass Culture, s'élevait à 82,4 millions d'euros en 2025 et atteindra 85,5 millions d'euros en 2026. Vous disiez être factuelle sur la baisse des crédits, madame Brossel. Pour ma part, je ne peux pas faire mieux : cette hausse est inscrite dans le projet de loi de finances, dont le détail est facilement consultable. Il n'y a donc pas de remise en cause de l'EAC ; en tout cas, ce n'est pas la politique que je défends.

Quant au diagnostic de performance énergétique patrimonial, il était à l'origine inscrit dans la loi Kasbarian. L'arbitrage a été effectué, mais les discussions sont toujours en cours. En effet, nous n'avions qu'un délai très court pour agir et la dissolution de l'Assemblée, puis le vote de la motion de censure ont retardé les choses.

Le label « arts de la rue » est récent. Il existe actuellement quinze pôles nationaux du cirque (PNC). J'ai récemment inauguré deux d'entre eux : l'un à Lyon, l'autre en plein coeur de Vénissieux. Les arts de rue, comme les arts du cirque, étaient considérés comme des arts « mineurs », si j'ose dire. Aujourd'hui, la labellisation progresse via les politiques de territoire. J'ai donné l'instruction aux Drac de nous faire remonter le plus grand nombre de projets possible pour qu'ils soient labellisés.

On compte désormais treize centres nationaux des arts de la rue et de l'espace public (Cnarep). Récemment, un soutien financier supplémentaire de 80 000 euros a été accordé au pôle de Marseille, qui est reconnu comme un pôle international de production et de diffusion (PIPD).

La ville de Chalon-sur-Saône, dont je suis originaire, a été pionnière dans le développement des arts de la rue : en témoigne le festival Chalon dans la rue. Cependant, le nombre de projets certifiés demeure faible en raison du caractère récent du label.

M. Laurent Lafon, président. - Je tenais, en cette fin de réunion, à vous faire part de notre inquiétude concernant l'impact de la réforme de la taxe d'aménagement sur les recettes des CAUE, qui jouent un rôle majeur en matière de patrimoine. Nous vous demandons, madame la ministre, de bien vouloir les relayer à votre collègue de Bercy.

Mme Rachida Dati, ministre. - Je n'ai pas intégré cet élément à la préparation du budget pour 2026, mais j'en parlerai à la ministre des comptes publics.

Mme Marie-Jeanne Bellamy. - Des crédits sont-ils fléchés en direction des activités périscolaires, notamment en matière de patrimoine ? Je crois savoir qu'un pass est offert aux personnes de 17 ans, mais qu'en est-il des plus jeunes ?

Mme Rachida Dati, ministre. - Le temps périscolaire relève des collectivités locales. Toutes les activités adressées aux enfants qui ne sont pas rattachées à un dispositif ou un support particulier sont intégrées à l'éducation artistique et culturelle, qui assure une forme de souplesse - on peut toutefois flécher des crédits vers le CNL. Je vous renvoie donc au montant de crédits que j'ai cité tout à l'heure pour ce poste budgétaire.

M. Laurent Lafon, président. - Nous vous remercions, madame la ministre.


* 1 Pour une description exhaustive de ces aides, voir le rapport précité de la commission
« Le cinéma contre-attaque » https://www.senat.fr/rap/r22-630/r22-6301.pdf

* 2 Une étude indépendante du cabinet EY, réalisée sur la base de l'année 2023, a établi que si ces trois crédits d'impôt avaient entraîné une dépense fiscale de 546 M€, ils avaient contribué à générer des recettes fiscales de 500 M€, ce qui ramène leur coût net à 46 M€.

* 3 Il faut par ailleurs noter que Merit, la holding de la famille Saada, est entrée en mai 2025 au capital du groupe Pathé à hauteur de 20 %.

* 4 Son obligation globale est de 25 % de son Chiffre d'affaires (CA) contre 20 % auparavant et 14 % de son CA consacré au cinéma contre 4 % jusqu'à présent.

* 5 Directive du 14 novembre 2018 sur les Services de médias audiovisuels (SMA).

* 6 Décret n° 2021 793 du 22 juin 2021 relatif aux Services de médias audiovisuels à la demande (SMAD).

Partager cette page