B. LE FINANCEMENT DE LA POLITIQUE DU SPORT PRÉSENTE ENCORE DES FRAGILITÉS

1. L'Agence nationale du sport voit ses crédits globalement maintenus

Depuis 2019, le soutien au mouvement sportif s'exerce pour sa majeure partie par l'intermédiaire de l'Agence nationale du sport (ANS). Celle-ci est constituée sous forme de groupement d'intérêt public (GIP) agrégeant l'État, le mouvement sportif, les associations représentant les collectivités territoriales11(*) et les acteurs du monde économique12(*). Ses missions ont été énoncées par la loi du 1er août 201913(*) : elle intervient dans une double perspective de développement de l'accès à la pratique sportive pour tous et de structuration de la haute performance.

C'est à l'Agence également qu'il revient de soutenir et de suivre les fédérations sportives, avec lesquelles elle doit directement conclure les conventions d'objectifs, ainsi que d'accompagner les collectivités territoriales et leurs groupements, en reprenant les missions exercées précédemment par le Centre national pour le développement du sport (CNDS).

En dépit du statut juridique de GIP, la convention constitutive14(*) de l'agence prévoit que seul l'État apportera des contributions financières, sous la forme d'une dotation du programme 219 et de taxes affectées. L'Agence nationale dispose tout de même de recettes issues du mécénat, mais celles-ci sont d'un montant limité (5,3 millions d'euros dans le budget rectificatif n° 1 de l'ANS).

Pour 2026, la subvention versée à l'ANS est de 156,1 millions d'euros en CP, en baisse de 3,1 millions d'euros par rapport à l'année dernière (159,2 millions d'euros). En AE, la diminution est plus importante : elle passe de 259,2 millions d'euros en 2025 à 170,2 millions d'euros pour 2026.

Cette évolution s'explique par le débasage de 108,6 millions d'euros en AE et de 8,6 millions d'euros en CP au titre de la clôture du plan « Génération 2024 - 5 000 équipements sportifs, qui est toutefois partiellement compensée par une augmentation de 20 millions d'euros en AE et de 6 millions d'euros en CP pour le financement d'équipements au profit du niveau piloté par l'ANS.

Outre les subventions directes, l'Agence nationale du sport bénéficie également d'une fiscalité affectée. À l'heure actuelle, l'Agence nationale du sport perçoit deux taxes affectées : un prélèvement sur les paris sportifs en ligne ainsi que la taxe sur les droits de diffusion des compétitions sportives, couramment appelée la « taxe Buffet ».

Avant 2025, elle bénéficiait de l'affectation d'une troisième sur les jeux exploités par la Française des jeux (hors paris sportifs), mais celle-ci a été supprimée dans la loi de finances initiale pour 2025 à la suite de la dernière réforme de la loi organique relative à la loi de finances (LOLF)15(*). En effet, l'article 2 de la LOLF dispose désormais que les impositions de toutes natures ne peuvent être affectées à un tiers que « si ces impositions sont en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées. »

En compensation, le plafond de l'affectation du prélèvement sur les paris sportifs en ligne de la Française des jeux avait été rehaussé à 100,4 millions d'euros dans la version initiale du projet de loi de finances pour 2025, déposée par le Gouvernement à l'Assemblée nationale. Par la suite, la commission mixte paritaire, à l'initiative du Sénat, a rehaussé le plafond de cette taxe affectée de 80 millions d'euros. La loi de finances pour 2026 a maintenu ce plafond à son niveau de 2025, c'est-à-dire 180,4 millions d'euros.

Taxes affectées à l'Agence nationale du sport

(en millions d'euros)

 

Plafond 2022

Plafond 2023

Plafond 2024

Plafond 2025

Plafond 2026

Taxe buffet

74,1

59,7

59,7

59,7

56,7

Prélèvement sur les jeux exploités par la Française des jeux (FDJ) hors paris sportifs

71,8

71,8

71,8

-

-

Prélèvement sur les paris sportifs en ligne de la FDJ et des nouveaux opérateurs agréés

34,6

34,6

34,6

180,4

180,4

Total

180,5

166,1

166,1

240,1

237,1

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Le montant des taxes affectées perçues par l'agence est de 237,1 millions d'euros, ce qui porte l'ensemble de ses ressources (hors mécénat et autres recettes) à 396,3 millions d'euros. Ces financements sont ainsi en augmentation de 57,1 millions d'euros par rapport à l'année dernière (339,2 millions d'euros) en raison de la hausse du plafond des taxes affectée. Cependant, ces chiffres doivent être nuancés en raison des difficultés que rencontre la taxe Buffet pour atteindre un rendement correspondant aux prévisions.

2. Réformer la taxe Buffet pour qu'elle soit moins dépendante de la conjoncture

La taxe Buffet soulève une nouvelle fois des interrogations sérieuses sur son rendement, qui découlent des difficultés de la négociation des droits de la Ligue 1.

Confronté à des difficultés de modèle économique, DAZN s'est retiré du championnat en 2025 avant la clause de sortie initialement prévue à la mi-2026. La Ligue 1 a décidé alors de créer sa propre plateforme pour diffuser les matchs, nommée « Ligue 1+ ».

La taxe Buffet

La « contribution sur la cession à un service de télévision des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives », plus communément appelée taxe Buffet, est une taxe introduite en 2000, qui a vocation à financer le sport amateur grâce au sport professionnel, dans une logique de solidarité. La contribution est assise sur les sommes hors taxe sur la valeur ajoutée perçues au titre de la cession des droits de diffusion.

La taxe est inscrite à l'article 302 bis ZE du code général des impôts. L'article dispose que le « taux de la contribution est fixé à 5 % du montant des encaissements » et que la « contribution est constatée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée ».

Depuis 2019, le produit de la taxe est affecté intégralement à l'Agence nationale du sport.

Source : commission des finances

Il est encore trop tôt pour apprécier la viabilité du modèle économique de « Ligue 1 + », mais il faut remarquer que depuis 2021, la taxe Buffet n'a jamais atteint les rendements prévisionnels.

 

Taxe sur les droits de diffusion audiovisuelle

 

2021

2022

2023

2024

2025

A : Plafond LFI

74 100 000

74 100 000

59 665 000

59 665 000

59 665 000

B : Plafond LFI net de FAR

71 136 000

71 136 000

57 278 400

57 278 400

57 278 400

C : Réalisations au 31 décembre nettes de FAR

56 701 397

52 128 969

46 183 089

47 105 157

-

D=C-B : Écart réalisations / prévisions

- 14 434 603

- 19 007 031

- 11 095 311

- 10 173 243

-

Compensation État

19 753 841

14 680 762

0

0

-

Note : les FAR sont les frais d'assiette et de recouvrement de 4 % mis en oeuvre par le ministère des finances et déduits des versements à l'Agence nationale du sport.

Source : commission des finances, d'après les réponses de la direction des sports au questionnaire du rapporteur spécial

Le rendement de la taxe Buffet avait été mis en doute dès l'affaire « Médiapro » en 2020. La défaillance du diffuseur avait conduit à une forte diminution des droits de la Ligue 1, estimée à 575 millions d'euros.

Par la suite, une compensation de l'État a été décidée en 2021 d'un montant de 19,8 millions d'euros, puis en 2022 à hauteur de 14,7 millions d'euros, et à partir de 2023, le plafond de la taxe a été réduit, et le delta a été transféré sur la dotation de l'État à l'Agence nationale du Sport prévue au programme 219.

Selon l'administration, cette dernière mesure « n'a pas suffi à sécuriser l'atteinte du nouveau plafond, et les pertes en résultant pour l'Agence nationale du Sport n'ont plus été compensées. C'est pourquoi, des travaux sont en cours sur l'évolution de l'assiette de la taxe « Buffet »16(*).

Le rapporteur spécial souligne une nouvelle fois le caractère problématique de cette systématisation de facto de la compensation de la taxe Buffet en cas de recettes inférieures aux prévisions. La mise en place d'une compensation systématique revient à transférer des risques financiers au budget de l'État. Or, les finances publiques n'ont pas vocation à supporter les aléas de la négociation des droits audiovisuels des retransmissions sportives.

En effet, d'autres facteurs de risque, comme la réduction du nombre de diffuseurs susceptibles de proposer une offre ou le dynamisme des championnats concurrents relèvent du fonctionnement « normal » du marché.

En sens inverse, durant les années qui ont précédé la crise sanitaire, la forte appréciation des droits de la ligue 1 a été en partie le résultat d'une « bulle de marché ». La progression du produit de la taxe Buffet provenait quasi exclusivement de l'appréciation des droits télévisés de la Ligue 1 au titre du contrat de diffusion, passés de 726 millions d'euros par saison pour la période 2016-2020 à 1,153 milliard d'euros pour la période 2020-2024.

Cette baisse du rendement de la taxe affectée n'est pas qu'un simple événement conjoncturel, mais elle montre de manière plus profonde les faiblesses du financement de l'ANS. Dans son rapport de juillet 2022, « L'Agence nationale du sport et la nouvelle gouvernance du sport », la Cour des comptes qualifiait le financement de l'Agence d' « inutilement complexe », et préconisait de financer l'opérateur intégralement sur le montant de la dotation budgétaire issue du programme 219.

Par ailleurs, une autre piste envisagée est de réformer la taxe Buffet. Le rapport du député Benjamin Dirx, remis à la ministre des sports et la ministre en charge des comptes publics en juin 2025 préconise ainsi d'étendre l'assiette de la taxe aux dépenses de sponsoring des opérateurs de paris sportifs. Si une telle extension permettait de davantage diversifier l'assise de la taxe, et donc de davantage garantir son rendement, elle renforcerait la dépendance du financement de l'Agence nationale du sport aux ressources des droits audiovisuels.

Le rapporteur spécial ne plaide pas pour la suppression de l'affectation de la taxe Buffet à l'Agence nationale du sport, celles-ci étant un symbole fort de la solidarité entre le sport professionnel et amateur, mais il soutient leur limitation, afin d'éviter que le financement du sport soit dépendant de la conjoncture du marché des droits télévisés.

3. Plusieurs voies de réforme de la gouvernance du sport sont envisageables

Les dernières années ont été marquée par les difficultés rencontrées dans la gouvernance de plusieurs instances du sport français, et notamment la Fédération française de football (FFF) et le Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Ces problématiques ont mis en avant la nécessité d'avoir une gouvernance du sport solide à l'échelle nationale.

La Cour des comptes avait consacré un rapport à ce sujet, qui a été publié en juillet 2022. La Cour faisait le constat d'une réorganisation « inachevée » de la direction des sports, et d'une articulation insuffisante entre l'action de la direction et celle de l'ANS. Elle recommandait donc de clarifier les missions respectives de la direction des sports et de l'ANS, et de réaffirmer la tutelle stratégique de la direction sur l'agence. En outre, la délimitation du périmètre d'action de l'ANS et de l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP), en matière de développement de la haute performance, n'est pas toujours clair.

Le rapport de la commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'État, présidé et rapporté respectivement par les sénateurs Pierre Barros et Christine Lavarde, va encore plus loin en recommandant de supprimer l'ANS et de réinternaliser ses compétences au sein des ministères : « recommandation : supprimer l'Agence nationale du sport en maintenant ses actions dans le ministère et l'INSEP. Transférer les crédits gérés par l'ANS vers les dotations attribuées aux collectivités territoriales. »17(*)

En tout état de cause, le rapporteur spécial estime qu'il est nécessaire de clarifier la gouvernance du sport. La « nouvelle gouvernance du sport » ne doit pas se traduire par un désengagement de l'État.

À la suite du rapport de la Cour des comptes, une convention de collaboration entre la direction des sports, l'ANS et l'INSEP a été signée le 17 avril 2023. Elle vise à clarifier le périmètre d'intervention respectif de l'ANS et de l'INSEP dans le champ de la performance sportive.

L'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance

L'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP) est un établissement public scientifique culturel et professionnel (EPSCP) constitué sous la forme d'un « grand établissement » au sens de l'article L.717-1 du code de l'éducation.

Les missions exercées par l'INSEP visent principalement à favoriser, en liaison avec les fédérations sportives, les conditions de réussite des projets sportifs, scolaires et professionnels des sportifs de haut niveau. L'INSEP prend ainsi en charge 800 sportifs de haut niveau, dont 547 qui sont accueillis sur le site à l'année.

Les subventions de l'INSEP sur le programme 219 représentent 26,8 millions d'euros AE = CP pour 2025, contre 27 millions d'euros en AE et 26,5 millions d'euros en CP l'année dernière.

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Au niveau territorial, les préfets de région ont mis en place, en collaboration avec l'ANS, des « conférences régionales du sport » dont le secrétariat est assuré par les délégations régionales académiques à la jeunesse, à l'engagement et aux sports (DRAJES). Elles doivent aboutir à la mise en place d'un « projet sportif territorial » d'une durée de cinq ans. À ce sujet, la direction des sports a indiqué au rapporteur spécial que « l'année 2024 a été marquée par l'installation de la 19ème CRDS, en Corse, le 22 novembre. Le territoire ultra-marin de Saint-Pierre et Miquelon a vu sa CRDS se mettre en place début 2025. Deux conférences des financeurs du sport ont été installées, en Martinique le 7 mars, et le 14 mai en Guyane, faisant suite à l'adoption de leur PST. La Réunion a adopté son PST le 5 novembre. »18(*)

4. Le modèle des conseillers techniques sportifs a fait ses preuves lors des derniers jeux Olympiques et Paralympiques

Dans ce contexte, le rapporteur spécial réitère son approbation de l'abandon du projet de transfert des conseillers techniques et sportifs (CTS) aux fédérations, acté par le ministère des sports en septembre 2020. Depuis plusieurs années, ce projet suscitait l'inquiétude de nombreuses fédérations de taille modeste, dont les ressources propres ne permettent pas de préserver ces compétences en leur sein.

Les conseillers techniques et sportifs

Les conseillers techniques sportifs (CTS) sont des agents publics rémunérés par l'État, affectés en DRAJES ou à la direction des sports, et qui exercent leur mission auprès des fédérations sportives.

À la date du 1er septembre 2025, le ministère des sports compte 1 415 conseillers techniques sportifs, représentant 1 420 ETP à cette date, qui occupent les fonctions de :

- directeur technique national (DTN) : 65 ;

- entraineur national (EN) : 242 ;

- conseiller technique sportif affecté en DRAJES : 1 105 ;

- autres fonctions : 3.

Source : réponses de la direction des sports au questionnaire du rapporteur spécial

Le régime des conseillers techniques sportifs a fait ses preuves. La direction des sports a ainsi indiqué en audition au rapporteur spécial que 70 % des entraîneurs des médaillés français Jeux de Paris 2024 étaient des cadres d'État. Il est donc essentiel de préserver ce modèle, tout en favorisant une gestion qui soit la plus efficace possible.

L'administration a indiqué que plus actions ont été prises en 2025 pour moderniser les conditions de gestion des CTS :

- le redéploiement des 5 % des postes de CTS (61 ETPT) entre les fédérations se poursuit ;

- l'activité de l'École des cadres du sport s'est diversifiée, avec notamment la mise en place de partenariats avec l'INSP et l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ;

- un nouveau processus de recrutement des DTN a été lancé ;

- enfin, un chargé de mission a été recruté au sein du centre de gestion opérationnelle de cadres techniques sportifs afin d'assurer le suivi des signalements, des contentieux, de l'évolution du code de déontologie et des fins de mission.


* 11 À savoir l'Association des régions de France, l'Assemblée des départements de France, France urbaine et l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité.

* 12 Les droits de vote sont répartis à 30 % chacun pour l'État, les collectivités territoriales et le mouvement sportif, et à 10 % pour le monde économique.

* 13 Loi n° 2019-812 du 1er août 2019 relative à la création de l'Agence nationale du sport et à diverses dispositions relatives à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

* 14  Arrêté du 20 avril 2019 portant approbation de la convention constitutive du groupement d'intérêt public dénommé « Agence nationale du sport ».

* 15 Loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

* 16 Réponses de la direction des sports au questionnaire du rapporteur spécial.

* 17 Rapport fait au nom de la commission d'enquête sur les missions des agences, opérateurs et organismes consultatifs de l'Etat, présidé par Pierre Barros et rapporté par Christine Lavarde, 1er juillet 2025, page 213.

* 18 Réponses de la direction des sports au questionnaire du rapporteur spécial.

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