C. LA PRÉSERVATION DES CRÉDITS DU RÉSEAU FRANCE SERVICES : UN POINT DE SATISFACTION POUR UN DISPOSITIF AU SUCCÈS INDÉNIABLE

Inscrit initialement comme une priorité de l'Agenda rural avec pour ambition de faciliter l'accès aux services publics pour tous les usagers, et repris depuis à travers France Ruralités, le réseau France Services qui porte les « maisons France services » (MFS), créé en 2019, résulte en partie de la structuration au niveau national d'initiatives locales antérieures.

Il s'agit d'un réseau de services publics mutualisés devant permettre aux usagers d'effectuer différentes démarches administratives dans un lieu unique vers lequel ils se rendent, ou qui vient à eux via les maisons France services mobiles, et au sein duquel ils bénéficient de l'aide de conseillers « France services » polyvalents.

a) Une nouvelle extension du bouquet de services des MFS qui s'est opérée en 2025

Les sites France services permettent aux usagers d'accéder à un bouquet de services du quotidien. Ils peuvent bénéficier, dans chaque structure, de l'accès à un socle minimal de onze missions de services publics33(*). Ce socle minimal comprend La Poste, France travail, la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam), la caisse nationale d'assurance vieillesse (Cnav), la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (MSA), le ministère de l'intérieur, le ministère de la justice, et la direction générale des finances publiques auxquels se sont ajoutés, le 1er janvier 2024, la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) du ministère st un service du ministère de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques, ainsi que l'Agence nationale de l'habitat (Anah).

Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2025, deux autres opérateurs (l'Agirc Arcco ainsi que les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales - URSAFF) ont intégré le bouquet de services dans plusieurs départements.

Concrètement, les MFS ont été installées soit au sein de structures préexistantes (MSAP, bureau de poste, etc.) soit, le plus souvent, ont été « créées » ex nihilo par les collectivités territoriales.

Parmi les 2 804 MFS labellisées au 1er août 2025, en activité, 67 % sont portées par une collectivité territoriale ou leur groupement34(*), 15 % par La Poste, 13 % par une association locale ou un réseau d'association, 2 % par la MSA, 1 % par les sous-préfectures elles-mêmes et 2 % seulement résultent d'un co-portage entre plusieurs organismes35(*).

Enfin, la MSA et les services déconcentrés de l'État (préfectures et sous-préfectures) portent respectivement 2 % et 1 % des France services.

Au-delà de ce socle de services, les structures porteuses peuvent déployer des offres de services complémentaires, en fonction de besoins locaux.

Le rapporteur spécial souligne le succès que remporte le dispositif. Il considère que les MFS constituent un noyau dur de la « cohésion » entre les territoires, au sens premier du terme. Le nombre d'accompagnements d'usagers et la fréquentation des Maisons France services n'ont cessé de croître depuis leur création début 2020. L'objectif d'1 million d'accompagnements par mois qui était prévu pour 2026 a été atteint dès 2025. Les MFS permettent de résoudre plus de quatre démarches administratives sur cinq36(*). Les demandes les plus sollicitées sont liées aux démarches auprès de l'administration fiscale (20 %), aux pré-demandes de titre d'identité et de voyage ainsi qu'aux immatriculations de véhicules (20 %), aux démarches en lien avec la liquidation des droits de retraite et le calcul de la pension (15 %), à l'assurance maladie (14 %) et aux allocations familiales (14 %).

En outre, le rapporteur spécial a été informé de la volonté de procéder à la labellisation de 61 Maisons France services supplémentaires en 2026, toutes structures comprises (en incluant les structures mobiles qui peuvent prendre des formes très variées : outre les bus itinérants dans les zones les plus rurales ou les plus difficiles d'accès37(*), on note même l'existence d'une maison France Services mobile sur pirogue, la « pirogue France services de l'Est guyanais » qui circule sur le Maroni de commune en commune).

Concernant le périmètre du bouquet de services proposé, le rapporteur spécial a eu l'occasion, dans le prolongement de la mission précitée, d'échanger longuement avec plusieurs organismes concernés pour aboutir à la conclusion que des extensions étaient nécessaires afin de couvrir davantage les besoins de services aujourd'hui non satisfaits.

Il renouvelle sa préconisation que soient intégrés au dispositif d'autres opérateurs comme le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) ou encore la fédération des particuliers employeurs (Fepem).

Il entend les difficultés techniques qu'il faut surmonter ainsi que les efforts de concertation que suppose l'élargissement du périmètre proposé aux usagers.

Toutefois, le rapporteur spécial insiste tout particulièrement sur un aspect qu'il est régulièrement amené à rappeler aux décisionnaires. L'élargissement des opérateurs accessibles via les MFS ne fait en rien peser un risque sur la capacité « d'absorption » par les conseillers France services d'usagers supplémentaires et de nouvelles demandes. Au contraire, dans la pratique, les conseillers France services cherchent déjà systématiquement à aider l'usager, y compris lorsqu'il les sollicite pour accomplir des démarches qui ne relèvent pas en théorie de leurs compétences.

Concrètement, le fait d'élargir le nombre d'opérateurs facilite donc le travail des conseillers France services. Il est plus simple pour ces derniers d'orienter l'usager vers un opérateur, lorsque la demande ne relève pas de leurs compétences. De manière contre intuitive, c'est donc l'intérêt des conseillers France services, tout autant que des usagers, de viser un nouvel élargissement des opérateurs associés.

Le rapporteur spécial renouvelle également certaines préconisations. Il plaide de nouveau pour généraliser les agendas partagés afin de garantir à l'usager la possibilité d'une prise de rendez-vous immédiate avec chaque partenaire pour les demandes complexes. Ces rendez-vous pourraient s'effectuer à la maison France services lors d'une permanence de l'opérateur, dans les locaux de l'opérateur ou en visioconférence, en fonction du type de demande et du souhait de l'usager. Il insiste sur la possibilité de compléter, dans chaque France services, les permanences physiques des opérateurs par des rendez-vous en visioconférence, évitant des déplacements aux usagers, parfois géographiquement éloignés des locaux des opérateurs. Cette offre apparaît d'autant plus indispensable que le nombre de permanences effectuées dans les locaux des France Services reste faible, même si des améliorations ont été apportées ces deux dernières années.

Le second axe que le rapporteur spécial suit tout particulièrement, concerne les démarches engagées pour aller vers les usagers les plus en retrait des services publics. Cet objectif est également en passe d'être atteint puisque 99,4 % de la population française (hors Mayotte) est domiciliée à moins de 20 minutes38(*) et, 99,9 % de la population française (hors Mayotte) est domiciliée à moins de 30 minutes d'une implantation France services.

Le rapporteur spécial préconise ainsi, comme il l'avait déjà indiqué l'an dernier, d'aller plus loin en offrant, en l'absence de transports en commun, la possibilité d'une prise en charge partielle du coût d'un service de transport à la demande vers les structures fixes, ou éventuellement vers les structures mobiles qui n'ont pas vocation à se déplacer à chaque domicile des usagers.

Dans les zones où l'offre de transport en commun est faible ou inexistante, un service de transport à la demande doit pouvoir répondre aux besoins de déplacement des personnes non motorisées ou âgées. C'est notamment le cas dans les zones rurales où ce type de transport souple et adapté pallie souvent l'absence de transports en commun réguliers.

b) Un financement par structure France services progressivement augmenté même si les objectifs initialement envisagés pour 2026 ne seront pas atteints

Le financement du réseau France Services suit différents canaux : des crédits sont alloués à l'animation du réseau départemental, tandis que depuis 2019, un financement forfaitaire, par MFS a été acté.

Initialement de 30 000 euros39(*), ce financement forfaitaire, répondant à l'une des principales préconisations formulées par le rapporteur spécial40(*), sera progressivement porté à 50 000 euros, forfait qui devait s'appliquer à compter de 2026, en maintenant le principe d'un co-financement entre l'État et les opérateurs, mais qui devrait finalement n'être atteint qu'en 2027.

En 2023, l'État a majoré sa participation de 5 000 euros, portant ainsi à 35 000 euros le forfait par structure, à travers une revalorisation du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT). Les opérateurs ont ensuite majoré leur participation en 2024 pour financer les 5 000 euros supplémentaires par structure, en parallèle de l'arrivée des deux nouveaux opérateurs dans le dispositif au 1er janvier 2024. Cette arrivée a d'ailleurs conduit à une nouvelle répartition du financement du fonds national France services (FNFS) entre les opérateurs comme l'illustre le tableau ci-après.

En 2025, l'État a de nouveau majoré sa participation de 5 000 euros pour atteindre le montant forfaitaire de 45 000 euros par structure. Il avait initialement été envisagé que les opérateurs fassent de même pour 2026. Toutefois, l'arrivée de nouveaux opérateurs en 2025 et les échanges en cours entre eux et la DGCL pour décider d'une clé de répartition adéquate se poursuivent ce qui a conduit à décider, pour 2026, d'une majoration financée par les opérateurs de 2 500 euros par structure, portant le financement par structure à 47 500 euros. L'objectif de 50 000 euros par structure devrait pouvoir être atteint en 2027.

Cette hausse du montant forfaitaire, même si elle s'effectue de manière plus lissée que prévue, est d'autant plus à souligner qu'elle s'accompagne d'une progression du nombre de maisons France services ouvertes.

Financement par structure France services

(en euros)

 

Part du FNADT

Part du FNFS

Total par structure France services*

2023

20 000

15 000

35 000

2024

20 000

20 000

40 000

2025

25 000

20 000

45 000

2026 (prévisionnel)

25 000

22 500

47 500

Note : total hors bonification pour les France services portées par les collectivités territoriales en zone FRR (cf. infra).

Source : Commission des finances du Sénat

En 2026, les crédits prévus en PLF au titre de ce dispositif permettent de maintenir la part FNADT à 25 000 euros par structure, d'où un total de 68 millions d'euros en AE comme en CP, soit une hausse de 2,5 millions d'euros, et d'assurer le financement de 60 structures supplémentaires, ce qui devrait conduire à un total de 2 864 MFS à fin 2026.

Il faut souligner, enfin, qu'une enveloppe de 13,45 millions d'euros est ouverte en PLF pour 2026 (contre 13,05 en LFI 2025) sur le programme 112, afin de majorer la dotation forfaitaire des MFS situées, au 1er janvier 2025, en zone France ruralités revitalisation (FRR)41(*), uniquement pour les MFS portées par des collectivités territoriales.

Selon les informations recueillies par le rapporteur spécial qui a interrogé la DGCL sur ce point, ce sont 1 311 MFS portées par des collectivités qui devraient être éligibles à la bonification en 2026. Les crédits ouverts couvrent donc la bonification prévue à hauteur de 10 000 euros par MFS.

Au-delà des crédits budgétaires du programme 112, l'attractivité des territoires nécessite des dépenses fiscales efficaces et un soutien à des dispositifs satellites.


* 33 D'autres opérateurs pressentis comme l'Association générale des institutions de retraite des cadres-Association pour le régime de retraite complémentaire des salariés (AGIRC ARRCO) ou le Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (CNOUS) n'ont, à ce jour, pas rejoint le dispositif.

* 34 Parmi les MFS portées par les collectivités, 47 % le sont par des communes, 48 % par des EPCI et 5 % par d'autres strates de collectivités.

* 35 Ces éléments issus des réponses au questionnaire budgétaire ont été confirmés par l'ANCT lors de l'audition de son directeur général.

* 36 La DGCL a fait savoir au rapporteur que 84,2 % des démarches administratives effectuées à l'aide des MFS sont résolues. Par ailleurs, 96,1 % des utilisateurs se déclarent satisfaits de l'accompagnement reçu en France services et 98 % recommandent France services à leurs proches.

* 37 Il existe 160 structures mobiles et à peu près autant de structures multi-sites. Dans les outre-mer, 10 % des MFS sont des structures de type mobile pour adapter au mieux le service à la réalité de territoires parfois très difficiles d'accès.

* 38 C'est une progression de 4 points par rapport à la même donnée exprimée l'an dernier par le rapporteur spécial dans le tome III, annexe 6, volume 2 « Cohésion des territoires - Politique des territoires » déposé le 23 novembre 2023 du Rapport général n° 128 (2023-2024) sur le projet de loi de finances pour 2024.

* 39 Ce montant est financé différemment selon qu'il s'agit de structures postales (26 000 euros venant du fonds postal national de péréquation territoriale et 4 000 euros provenant du fonds national France Services) ou de structures non postales (15 000 euros provenant des crédits du fonds national d'aménagement et de développement du territoire et 15 000 euros du fonds national France Services).

* 40 Rapport d'information n° 778 (2021-2022) sur le premier bilan du financement des maisons France services fait par M. Bernard Delcros au nom de la commission des finances, déposé le 13 juillet 2022.

* 41 Instaurées par l' article 73 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024.

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