B. SEPT ACTIONS TERRITORIALISÉES DONT LES MOYENS POUR 2026 SONT GLOBALEMENT STABILISÉS MÊME SI LEUR RÉPARTITION ENTRE LES ACTIONS EST LÉGÈREMENT AJUSTÉE
1. Les crédits du plan d'investissement pour la Corse
L'action 04 « Plans d'investissement pour la Corse » porte des crédits destinés à répondre à certaines spécificités du territoire Corse. À titre principal, il s'agit de financer le plan de transformation et d'investissement de la Corse (PTIC) lequel comprend notamment un volet dédié au développement durable de l'île.
Sont également inscrits sur cette action des crédits correspondant aux dernières opérations du plan exceptionnel d'investissement (PEI). Le PEI en faveur de la Corse a été institué par l'article 53 de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse et codifié à l'article L. 4425-28 du code général des collectivités territoriales (CGCT). Il vise à « aider la Corse à surmonter les handicaps naturels que constituent son relief et son insularité » et à « résorber son déficit en équipements et en services collectifs ».
Par convention-cadre signée le 22 avril 2002, l'État et la collectivité territoriale de Corse ont fixé les grandes orientations et les masses financières du PEI dont le montant global a initialement été fixé à un peu moins de 2 milliards d'euros. La programmation des dernières opérations inscrites au PEI a été finalisée conformément aux dispositions de l'article 234 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN). Les dernières opérations ont été engagées en 2022 et s'achèvent progressivement tandis que les paiements devraient s'achever en 2026. En tout, ce sont vingt opérations sous la forme de contrats de projet qui ont été conduites en lien avec le bloc communal, sept opérations avec la collectivité unique de Corse ainsi qu'un projet avec le syndicat mixte en charge du traitement des déchets qui ont été. Ont notamment été récemment achevées des opérations comme le téléférique d'Ajaccio ainsi que des travaux de rénovation sur les réseaux d'eau.
Tout en s'interrogeant particulièrement sur les « spécificités » qui ont justifié, à l'origine, l'ouverture d'une telle action, au regard de l'existence de besoins et de contraintes tout à fait similaires sur le reste du territoire national, le rapporteur spécial constate un rythme de décaissements très soutenu. Le taux de consommation des crédits devrait atteindre quasiment 100 % en 2025 et un besoin de financement est d'ores et déjà anticipé pour 2026 d'après les informations recueillies par le rapporteur spécial au cours de ses auditions.
2. Le Plan chlordécone IV
L'action 08 « Volet territorialisé du plan national d'action Chlordécone » finance, de manière transversale, les dispositifs destinés à tirer les conséquences de la pollution en Martinique et en Guadeloupe par la chlordécone, pesticide utilisé de 1972 à 1993 pour lutter contre le charançon du bananier, alors même que son utilisation avait rapidement été interdite dans plusieurs pays dont les États-Unis, en raison de ses effets cancérigènes.
Ce pesticide, par l'ampleur de ses effets et sa persistance dans le temps, entraîne des conséquences terribles sur le plan sanitaire, environnemental, agricole, économique et social. Il contient une molécule toxique, très persistante dans les sols, susceptible de contaminer certaines denrées végétales ou animales ainsi que les milieux aquatiques.
La lutte contre cette pollution a fait l'objet d'un ensemble d'actions coordonnées, regroupées sous l'appellation « plan Chlordécone » dont l'action finance une partie du 4e volet sur la période 2021-2027.
Ce « plan Chlordécone IV (2021-2027) » est issu d'un processus de co-construction qui a associé les services de l'État, les collectivités territoriales, des associations et organisations professionnelles et a débouché sur une consultation publique. Il comporte six stratégies (communication, recherche, formation et éducation, santé, environnement et alimentation, santé et travail, et enfin stratégie socio-économique) dont cinq sont mises en oeuvre dans le cadre du PITE.
Sur la base des consultations publiques menées, et toujours dans le cadre des six stratégies précitées, sont régulièrement identifiés de nouveaux volets de mesures à développer. Ont ainsi été identifiés en 2023 quatre types de mesures dont la mise en oeuvre se poursuit en 2026 :
- le financement d'une aide aux éleveurs de bovins pour sécuriser leur production à partir d'outils à leur disposition, comme des prises de sang prédictives du temps de décontamination avant abattage ;
- la prise en charge, de façon exceptionnelle et dérogatoire, du surcoût du traitement de l'eau potable des usines de production dont la ressource est impactée par la chlordécone ;
- la simplification de l'aide aux pêcheurs en opérant des déductions automatiques des contributions CGS-CRDS ;
- le doublement des financements sur la recherche et l'innovation à horizon 2030 pour la santé des femmes, la dépollution des sols et l'expérimentation en grandeur nature des découvertes des chercheurs.
Ces actions sont financées en 2026 à hauteur d'un peu plus de 4,18 millions d'euros en AE (soit une très légère augmentation de 90 000 euros environ) et 4,08 millions d'euros en CP (comme en 2025). Les montants inscrits dans le cadre du programme 162 ne permettent toutefois pas de disposer d'une vision d'ensemble du plan, non seulement du fait de la multiplicité des financeurs mais aussi parce que certains d'entre eux, en particulier parmi les collectivités territoriales, ne sont pas toujours en mesure d'assurer leur part du financement.
Ce plan a été envisagé de manière à tirer les conséquences de l'évaluation du précédent plan qui avait fait apparaître plusieurs lacunes.
Les conclusions de la mission
d'évaluation
du plan chlordécone III (2014-2020)
Cette mission a été confiée à l'inspection générale des affaires sociales, au conseil général de l'environnement et du développement durable, au conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux et à l'inspection générale de l'administration, de l'éducation nationale et de la recherche, qui a rendu son rapport en février 2020. Le bilan du plan III dressé par la mission est assez sévère.
Celle-ci conclut à d'importantes lacunes dans l'organisation du pilotage du plan, jugée « peu efficace » du fait de l'absence d'implication directe des trois ministères de l'agriculture et du développement durable et de la recherche, à la direction générale de la santé (DGS) et à la direction générale des outre-mer (DGOM).
En outre, le financement des 30 millions d'euros du plan pour les premières années (2014-2017) reposait sur une articulation avec des crédits européens. Mais, selon la mission, les collectivités territoriales gestionnaires des fonds structurels européens ne se sont pas senties engagées par un plan auquel elles n'avaient pas été associées.
La mission fait également le constat d'un état d'avancement très inégal des actions. Selon elle, « des actions aussi essentielles que la surveillance médicale des professionnels et anciens professionnels de la banane et la cartographie des sols n'ont pas ou ont été insuffisamment réalisées ».
Autre critique, le volet recherche du plan présente un bilan mitigé au regard des objectifs du plan : « en continuité des deux plans précédents avec des actions et des projets largement autonomes, sans réelles hiérarchie ni cohérence avec les autres actions du plan, sa conception apparaît déficiente ». La mission pointe en particulier une absence de clarté sur la gouvernance du plan, entraînant un manque d'efficacité du pilotage.
La mission recommande en conclusion de revoir en profondeur le pilotage du plan IV afin de créer une synergie entre toutes les parties prenantes. Le Gouvernement semble avoir entendu cette recommandation et met en avant la « co-construction » du plan IV avec l'ensemble des acteurs.
Source : Commission des finances du Sénat à partir des programmes annuels de performances
3. Le Plan littoral 21 en Occitanie
La loi de finances pour 201842(*) a créé une nouvelle action « plan littoral 21 » au sein du PITE. Celle-ci a pour objectif de participer au financement du plan de reconversion du littoral de la région Occitanie à l'horizon 2050, défini conjointement par l'État et la région accompagnés de la Caisse des dépôts et consignations.
Ce plan cherche à revenir sur le vieillissement des stations touristiques, en rénovant les infrastructures, et à faire face aux conséquences du réchauffement climatique, dans le cadre de la stratégie nationale pour la mer et le littoral. Plus concrètement, il s'agit d'assurer le financement de la rénovation de sept stations balnéaires, parmi lesquelles la Grande Motte.
Le coût total prévisionnel du plan littoral 21 est estimé à près de 1 milliard d'euros, mobilisant des crédits de la région, d'une part, et de l'État, d'autre part, dont une partie seulement passe par le PITE, le reste étant financé par des crédits budgétaires de droit commun et des crédits européens.
Le plan littoral 21 bénéficiera en 2026, sur le programme 162, de financements en hausse, en crédits de paiement, de 18,13 % (6,5 millions d'euros en 2026 contre 5,5 millions d'euros en 2025).
Le plan Littoral 21 finance trois types d'interventions : des études à caractère général et souvent prospectives, des études préalables à la réalisation de dossiers complexes, qui doivent également permettre de mettre en cohérence ces projets avec les objectifs du Plan Littoral 21, et la réalisation d'investissements entrant dans le plan d'aménagement du territoire littoral.
Les principaux projets portés par l'action concernent le développement et l'accompagnement de la filière halieutique, la valorisation de l'offre culturelle du littoral occitan, la connaissance des risques et la gestion de l'eau, le développement de la filière sportive en particulier concernant les sports de glisse, l'amélioration des ports de plaisance, la modernisation et le développement équilibré des stations littorales ou encore l'aménagement des voies de circulation douce le long de la côte.
Tout comme pour l'action 04 « Plans d'investissement pour la Corse », le rapporteur spécial, tout en reconnaissant l'efficacité des opérations menées, s'interroge sur les particularités qui justifient que le littoral occitan ait bénéficié d'un tel dispositif, au travers d'une action spécifique, même si l'on peut convenir du caractère contestable de l'aménagement littoral conduit par l'État dans les années 1960. Il s'interroge en particulier sur la hausse des crédits alloués à cette action dans le contexte budgétaire que connaît la France.
4. L'action 02 « Eau et agriculture en Bretagne » : des crédits reconduits à l'identique pour financer le combat contre les algues vertes
La part « État » du financement de la lutte contre les algues vertes passe entièrement par l'action 02 « Eau et agriculture en Bretagne ». Il s'agit de l'action la plus ancienne du programme, inscrite depuis 2006. Initialement, cette action comporterait trois axes : un volet préventif visant à faire évoluer les pratiques et systèmes agricoles pour réduire les flux de nitrates dans les cours d'eau, un volet curatif axé sur la sécurité des personnes grâce au ramassage et au traitement des algues échouées sur les plages et un volet scientifique visant à renforcer la connaissance du phénomène.
L'action contribue au financement du plan de lutte contre les algues vertes (PLAV) mis en oeuvre pour la période 2010-2015, renouvelé pour la période 2017-2021, puis prolongé dans un contrat de plan État-Région de lutte contre la prolifération des algues vertes (PLAV) 2021-2027.
Ce plan permet un suivi spécifique de la concentration moyenne des eaux en nitrates de plusieurs bassins versants dans huit baies prioritaires bretonnes. Il finance également des projets de territoire préventifs destinés à limiter les rejets d'azote dans l'environnement. L'État contribue à hauteur de 40 % au financement du PLAV, via le PITE. Il participe cependant de manière différenciée aux différents volets. Ce volet PLAV constitue formellement un axe qui est venu compléter les volets initiaux.
Après avoir été longtemps stable autour de 2 millions d'euros en AE comme en CP, les crédits ont diminué l'an dernier de 8,69 % en AE et de 8,14 % en CP. Cette année les moyens sont reconduits à l'identique : l'action sera ainsi dotée de 1 721 215 euros en AE et 1 714 336 euros en CP. Toutefois, ces chiffres ne tiennent pas compte du transfert en gestion de 5 millions d'euros effectué chaque année, soit deux tiers du montant de l'action.
5. Le Fonds interministériel pour la transformation de la Guyane
L'action 10 traduit les engagements de l'État dans le cadre, d'une part, de l'application des accords de Cayenne du 21 avril 2017 et, d'autre part, de l'adoption du contrat de convergence et de transformation (CCT) pour la Guyane signé le 8 juillet 2019.
L'actuel contrat a pris fin le 31 décembre 2022. Un CCT de transition en 2023 a permis d'amorcer des projets qui s'inscrivent sur la période
Deux ans après le début de l'exécution du nouveau contrat de convergence et de transformation (CCT) en 2024, il bénéficiera en 2026 d'un total de 10,49 millions d'euros en AE (+0,96 %) et de 9,4 millions d'euros en CP (-9,62 %). Cette diminution des crédits de paiement d'environ 1 million d'euros tient en réalité compte de la consommation effective des crédits qui font traditionnellement l'objet d'une sous-consommation, qui n'est pas réellement problématique en raison du report de droit des crédits alloués et qui tient à la nature des opérations financées comme les infrastructures routières dont la réalisation en Guyane s'avère souvent plus complexe et plus longue qu'initialement espéré.
6. Le transfert encore retardé du service d'incendie et de secours à Wallis-et-Futuna
En application de la loi statutaire43(*) du 29 juillet 1961, le service d'incendie et de secours de Wallis-et-Futuna relève de la compétence de l'État. Constitué de deux îles principales distantes de 250 kilomètres, l'archipel est exposé à des aléas naturels aux conséquences potentiellement très importantes. Sa capacité opératoire face à la survenance d'éventuels aléas est apparue insuffisante, en particulier au regard de son relatif isolement vis-à-vis du reste du territoire national.
L'action du PITE porte, depuis 2021, les crédits permettant à l'établissement public territorial « service d'incendie et de secours » (SIS) d'assurer les interventions courantes et les missions de gestion des crises pour le territoire, dans l'attente d'une éventuelle révision du statut qui pourrait attribuer cette compétence à l'assemblée territoriale, ce qui d'après les informations recueillies par le rapporteur n'est pas envisagé à court terme.
Une convention de délégation provisoire de compétence en matière d'incendie et de secours entre l'État et l'établissement public a ainsi été signée en janvier 2021. Celle-ci a de nouveau nécessité un avenant de prolongation.
Le service d'incendie et de secours est composé de deux centres de secours mobilisant 29 sapeurs-pompiers professionnels ainsi qu'un agent chargé du secrétariat et de la comptabilité. Quelques sapeurs-pompiers volontaires, dont le nombre peut varier, complètent le dispositif opérationnel.
Avec 2,05 millions d'euros en AE comme en CP prévus pour 2026 (soit - 0,22 % en AE et un montant identique en CP), l'action 12 finance en premier lieu les charges de personnel à hauteur de 1,7 million d'euros, comprenant les vacations des sapeurs-pompiers volontaires ainsi que les charges liées à l'agent administratif, des charges à caractère général, tenant compte d'une délibération de l'Assemblée Territoriale qui a supprimé des exonérations de taxes pour le service d'incendie et de secours (200 000 euros) et enfin divers investissements comme l'achat d'un véhicule incendie à Futuna pour 330 000 euros, maintes fois reporté.
7. Le Plan Sargasse II
Au cours des dernières années, des échouages importants d'algues brunes dites sargasses ont eu lieu sur les côtes, de manière quasi-continue, dans les Antilles françaises. Ce phénomène n'est plus conjoncturel, mais est devenu pérenne et annuel au regard des conditions climatiques et des courants.
Comme dans les régions soumises à des échouages d'algues vertes, l'accumulation massive des algues sur les littoraux et leur putréfaction constituent des enjeux forts sur les plans sanitaire, économique et environnemental, conduisant à des situations de crise.
L'État a réagi dès 2014, en mettant en place des mesures de conseil et d'appui aux collectivités, un plan d'urgence au niveau local, puis un plan d'urgence au niveau national en 2018. Le plan Sargasse II comporte 26 mesures, réparties en cinq axes : action préventive, réponse opérationnelle, gouvernance, recherche-développement-innovation et coopération internationale.
La création d'une action destinée à gérer le plan Sargasses II a notamment pour objectif de financer la collecte et le traitement des algues et d'apporter un soutien aux collectivités territoriales.
La création d'une action PITE destinée à gérer le plan « Sargasses II », couvrant la période 2022-2025, a été actée lors d'une réunion interministérielle du 13 décembre 2021.
Il s'agit de passer d'une approche curative à une approche préventive, en allant chercher les sargasses en mer, ce qui implique de répondre au défi que constitue le stockage, en travaillant sur la valorisation économique de ces algues.
Le plan représente un budget annuel prévisionnel de 7,6 millions d'euros, mettant à contribution plusieurs programmes, dont 4,3 millions d'euros en AE (+ 2,49 %) et 4,2 millions d'euros en CP (montant reconduit à l'identique) par le programme 162 en 2026.
* 42 Loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.
* 43 Loi n° 61-814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d'outre-mer.