La Commission européenne a présenté le 15 décembre dernier deux propositions de règlements, le Digital Services Act (DSA) et le Digital Markets Act (DMA), qui visent à revoir les règles du marché unique du numérique, définies en l'état, pour l'essentiel, par la directive « e-commerce » de 20001(*), et récemment complétées par un règlement dit « platforms to business » (P2B) de 20192(*).

Ces deux textes ont pour objectif de définir les responsabilités des grandes plateformes et d'encadrer leurs comportements anti-concurrentiels.

La proposition de règlement COM(2020) 842 vise à freiner les tendances monopolistiques de grands acteurs qui exercent une ou plusieurs activités capturant des marchés numériques, afin de faciliter le développement de plateformes de taille plus modeste, de petites et moyennes entreprises et de start-up et ainsi favoriser l'innovation, la croissance et la compétitivité. La position stratégique de ces « contrôleurs d'accès » (gatekeepers) leur assure en effet la maîtrise de la relation entre les entreprises et leur clientèle et empêche l'émergence et le développement de nouveaux acteurs sur le marché numérique3(*).

Ces acteurs « contrôleurs d'accès » devront se signaler auprès de la Commission. À défaut, celle-ci pourra lancer une enquête pour déterminer si un acteur est un contrôleur d'accès.

Afin de préserver la concurrence sur le marché intérieur numérique, la proposition de règlement soumet à une liste d'obligations comportementales asymétriques générales et spécifiques (positives ou d'abstention), précisément définies, les services de vente de produits et de services via une place de marché en ligne proposés par les contrôleurs d'accès. S'agissant d'obligations ex ante, il suffirait d'établir que ces obligations ont été méconnues, sans qu'il soit besoin de démontrer au cas par cas que la pratique contrevenant à l'une de ces obligations est constitutive d'une pratique anticoncurrentielle.

Les contrôleurs d'accès seraient soumis à ces obligations, selon leurs activités, dès lors qu'ils fournissent ou offrent leurs services à des clients établis ou situés dans l'Union, quel que soit leur lieu d'établissement ou de résidence et quel que soit le droit applicable à la fourniture du service.

En outre, toute acquisition qu'ils envisagent serait soumise à une notification préalable afin d'empêcher les « killer acquisitions ».

Pour s'assurer du respect des obligations, la proposition de règlement prévoit de doter la Commission de prérogatives étendues, incluant des pouvoirs d'enquête de marché, y compris sur place, la possibilité de prendre des mesures provisoires lorsqu'il apparaît qu'un dommage irréparable risque d'être causé aux utilisateurs, la possibilité, pendant l'enquête ou lorsqu'elle constate une méconnaissance des règles, d'accepter des engagements et de prendre les mesures nécessaires pour s'assurer de leur respect, enfin la possibilité d'infliger des sanctions significatives4(*). En cas de manquements systématiques, la Commission pourrait en outre imposer des mesures comportementales ou structurelles, dont la vente de divisions, d'actifs, de propriété intellectuelle ou de marques.

Ce cadre de régulation ex ante fait l'objet d'une harmonisation maximale et interdit expressément aux États membres d'imposer leurs propres règles aux plateformes structurantes. Sauf à prendre le risque d'une fragmentation du marché intérieur, cette régulation doit en effet être appréhendée et mise en oeuvre à ce niveau, étant observé que toute personne victime de pratiques illicites au regard du règlement pourra réclamer réparation devant les juridictions nationales (sous réserve de clauses de recours à des mécanismes alternatifs de règlement des litiges ou relatives à la compétence de tribunaux déterminés dans le respect du droit de l'Union et du droit national).

Compte tenu de ces éléments, la proposition ne semble pas porter atteinte au principe de subsidiarité. Le groupe de travail sur la subsidiarité a décidé de ne pas intervenir au titre de l'article 88-6 de la Constitution.


* 1 Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »).

* 2 Règlement (UE) 2019/1150 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 promouvant l'équité et la transparence pour les entreprises utilisatrices de services d'intermédiation en ligne.

* 3 La proposition de règlement considère comme tels les acteurs qui contrôlent au moins l'un des huit services de plateforme essentiels qu'elle liste et qui disposent d'une base d'utilisateurs importante et stable dans plusieurs pays de l'Union.

* 4 Amendes à concurrence de 10% du chiffre d'affaires annuel mondial total et astreintes à concurrence de 5% du chiffre d'affaires annuel mondial total.