Projet de loi Projet de loi de finances pour 2025

Direction de la Séance

N°II-838

28 novembre 2024

(1ère lecture)

SECONDE PARTIE

MISSION TRAVAIL, EMPLOI ET ADMINISTRATION DES MINISTÈRES SOCIAUX

(n° 143 , 144 , 147)


AMENDEMENT

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

présenté par

Mmes PONCET MONGE, SENÉE et SOUYRIS, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mme Mélanie VOGEL


Article 42 (crédits de la mission)

(État B)

Consulter le texte de l'article ^

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Accès et retour à l’emploi

41 350 000

 

41 350 000

 

Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

 

41 350 000

 

41 350 000

Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

 

 

 

 

Soutien des ministères sociaux

dont titre 2

 

 

 

 

TOTAL

41 350 000

41 350 000

41 350 000

41 350 000

SOLDE

0

0

Objet

Cet amendement vise à octroyer davantage de moyens à France Travail.

Alors même que le rapport de préfiguration de France Travail estimait les besoins de financement de «2,3 à 2,7 milliards d’euros de financements cumulés sur la période 2024 -2026 » pour la mise en œuvre de la réforme, le présent budget gèle les moyens de l’Agence et entérine la suppression de 205 postes à France Travail, après les modifications insuffisantes apportées en Commission des Affaires Sociales.

En effet, lors de son audition pour la Commission des Affaires Sociales, le directeur de France Travail a pourtant présenté un plan indiquant qu’il estimait nécessaire, en vue de la généralisation de l’inscription des allocataires du RSA à France Travail au 1er janvier 2025 et de l’accueil et l’accompagnement de 160 000 bénéficiaires du RSA (partageant l’effort avec les départements qui devraient aussi accueillir et accompagner 160 000 bénéficiaires) la création de 827 emplois (après intégration des gains d’efficience et de redéploiement interne et compte tenu des effectifs nécessaires pour l’action prospective auprès des entreprises, les actions d’aller vers les jeunes de la filière professionnelle et les objectifs de contrôle de la recherche d’emplois).

Et ce, en tenant compte des 700 ETP résiduels de la crise sanitaire compris dans les redéploiements internes.

Il parait dès lors difficile d’accueillir et d’accompagner dans les conditions de la loi plein emploi 200 000 bénéficiaires du RSA et non 160 000) sans effectifs supplémentaires et même en supprimant 205 postes !

Au-delà de l’accompagnement des bénéficiaires, des ETP sont en effet nécessaires à la mise en œuvre de l’Aller Vers, au contrôle de la recherche d'emploi, à la signature et le suivi des contrats d’engagement et à la mise en œuvre de partenariats renforcés avec des entreprises prospectées notamment en vue des heures d’activité ou de la reprise en emploi des personnes accompagnées, l’objectif étant de doubler en 2025 les entreprises engagées.

Or si ces ETP ne sont pas attribués à France Travail, au lieu du partage égal de la contribution dans l’accueil et l’accompagnement des bénéficiaires, une partie supplémentaire de la mise en œuvre de la réforme risque de retomber sur les départements, déjà très fortement impactés négativement dans le présent PLF.

Le présent budget va donc à contre-courant des besoins objectifs de l’Agence, des enseignements de l’expérimentation, et condamne ainsi les effets positifs de la réforme de l’accompagnement des allocataires du RSA, lesquels dépendent de l’accompagnement personnalisé et rapproché des bénéficiaires du RSA orientés vers l’emploi et de la coordination des acteurs.

Ou bien, il prépare en réalité l’externalisation massive de l’accompagnement des Allocataires du RSA, alors même que le recours aux Opérateurs Privés de Placement – OPP -  est déjà important (il représenterait déjà près d’un milliard d’euros) et surtout un poste externalisé coûte deux fois plus cher qu’un poste équivalent à France Travail, c'est-à-dire que l'équivalent d'un poste externalisé aurait permis de créer deux postes en interne en plus d’être moins efficace !

Cette gestion est de la gabegie.

En effet, selon les chercheurs Malherbet et Fontaine citant des expérimentations qui ont été conduites afin d’évaluer, à l’aune de l’accompagnement classique par Pôle Emploi, l’efficacité comparée des prestations d’accompagnement renforcé accomplies par des opérateurs privés de placement (OPP via TRA) : « Les résultats ne laissent paraître aucune ambiguïté. Les deux programmes accélèrent le retour à l’emploi, mais celui piloté par Pôle Emploi assure un retour plus rapide. Après trois mois, le taux de sortie du chômage augmente de 9 points de pourcentage, alors que cette hausse n’est que de 1,6 point pour le programme piloté par les opérateurs privés. L’écart diminue avec le temps, mais, même à long terme, une différence subsiste. Ainsi, les effets de l’accompagnement prodigué par Pôle Emploi sont à la fois plus importants et plus précoces. ». Pas de doute pour Malherbet et Fontaine : « Les études tendent à montrer que les résultats des prestations d’accompagnement renforcé offertes par Pôle Emploi sont plus efficaces que celles offertes par les opérateurs privés. ».

La commission a beau avoir proposé de réduire les coupes budgétaires quant aux besoins en ETP de France Travail faisant passer la réduction des effectifs de 500 à 205, ce gain prétendu d’efficience (plus de bénéficiaires par conseiller), n’est en rien un gain d’efficacité (les sorties positives de bénéficiaires par conseiller). 

Car, comme l’indique le premier rapport d’évaluation des expérimentations de la réforme, les aspects encourageants relatifs au « renforcement de la confiance en soi et de la capacité à agir » des allocataires, dû à « la configuration d’accompagnement personnalisée et régulière » qui « contraste positivement avec les expériences passées » car elle permet « la construction d’une relation de confiance entre les Allocataires du RSA et leurs référents de parcours », ne peuvent être maintenus que si et seulement si, des moyens supplémentaires sont alloués à l’Agence et aux Départements pour supporter le coût de l’accompagnement (évalué en moyenne à 900 euros mais selon une large amplitude : entre 600 et 1 400 euros et pouvant aller, selon le Rapport jusqu’à 4 000 euros dans les situations les plus difficiles) et si et seulement si, le portefeuille des accompagnateurs baisse suffisamment pour leur permettre de maintenir un accompagnement personnalisé et rapproché. Or en baissant les effectifs de France Travail, à l’heure où, précisément, 1,4 millions d’allocataires du RSA vont être inscrits à France Travail au 1er janvier 2025, le gouvernement condamne sa propre réforme à l’échec et brise les aspects encourageants relevés par les évaluations jusqu’alors (lesquelles n’ont, comme nous l’avions indiqué lors de l'examen du PJL Plein Emploi, rien à voir avec les sanctions, que le Rapport n’évoque pas, illustrant le peu d’importance qu’elles ont dans la réussite du parcours des personnes accompagnées, mais tout à voir avec un accompagnement personnalisé et rapproché). D’ailleurs, les départements n’ayant pas utilisé les outils de sanction ont les mêmes résultats que les départements qui les ont utilisés.

Si les conseillers ont des portefeuilles de plus de 50 personnes, l’accompagnement intensif ne sera plus possible et le premier contact après inscription va de nouveau s’allonger par rapport aux départements expérimentateurs. La perspective d’auto-financement à terme de la réforme (par l’économie des prestations) ne sera pas au rendez-vous.

Pour toutes ces raisons, le présent amendement vise à augmenter les dotations de France Travail en s’alignant sur les besoins évalués lors de la préfiguration de la réforme afin de permettre à l’agence de supporter les coûts budgétaires et humains à venir de la généralisation de la réforme du RSA.

L’action 02 Structures de mise en œuvre de la politique de l’emploi du programme 102 Accès et retour à l’emploi est abondée de 41 350 000 d’euros (827 ETP et un coût de 50 K euros pour un ETP en interne) en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Pour respecter les règles de recevabilité financière, ces crédits sont prélevés sur l’action 01 Développement des compétences par l’alternance du programme 103 Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi.

Nous appelons le gouvernement à lever le gage.