Proposition de loi Accueil et information des personnes retenues

Direction de la Séance

N°3

7 mai 2025

(1ère lecture)

(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)

(n° 594 rect. , 593 )


Question préalable

C Défavorable
G Défavorable
Rejeté

Motion présentée par

M. BENARROCHE, Mme Mélanie VOGEL, MM. Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mmes OLLIVIER et PONCET MONGE, M. SALMON et Mmes SENÉE et SOUYRIS


TENDANT À OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE

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En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi tendant à confier à l'Office français de l'immigration et de l'intégration certaines tâches d'accueil et d'information des personnes retenues (n° 594, 2024-2025).

Objet

La proposition de loi tendant à confier à l’Office français de l’immigration et de l'intégration certaines tâches d’accueil et d’information des personnes retenues porte gravement atteinte aux libertés publiques qu’elle porte, et notamment aux droits et libertés que la Constitution garantit.

Cette loi porte atteinte, en premier lieu, au secteur associatif et à la liberté associative, principe fondamental reconnu par les lois de la République, en prévoyant l'éviction des associations des centres de rétention administrative. Elle jette le discrédit sur le travail d’assistance effectué par elles et les accuse même de déployer un discours idéologique “difficilement compatible” avec l'idée même du renvoi de personnes en situation irrégulière. 

Ces accusations mensongères et étayées par aucune étude d’impact sont d’une exceptionnelle gravité et constituent une entrave à la liberté associative. 

Dans le but de renforcer la politique d’éloignement des étrangers, cette loi porte également atteinte à l’accès aux droits des personnes enfermées, en les privant d’une vraie assistance juridique. Les associations s’assurent en effet quotidiennement que les droits des personnes soient respectés, que l’aide au dépôt des demandes d’asile puisse s’effectuer dans les délais impartis, que des alertes, notamment en cas d’incident au centre de rétention, puissent remonter.

Un travail colossal qui ne pourra jamais être mené par l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration, en raison du manque d’impartialité et d’indépendance inhérents à la nature de cet établissement public. Celui-ci se limitera donc à un accès à l’information minimal et à la distribution de fiches d’informations traduites en plusieurs langues. 

Aussi, le remplacement de l’OFII sur les missions juridiques initialement effectuées par les associations est contraire à un certain nombre de garanties. 

Le droit au recours effectif suppose que l’assistance juridique soit menée par un acteur indépendant, une exigence découlant de la décision du Conseil d’Etat pour un accès effectif au droit pour les personnes retenues en CRA (CE, 3 juin 2009). Or, l’OFII est structurellement rattaché au ministère de l’Intérieur et ne pourra donc pas assurer une aide juridique impartiale. L’OFII est aussi un acteur de la mise en œuvre des expulsions via sa mission, au sein des centres de rétention, chargée de proposer et de mettre en place les retours dits volontaires, et d’accompagnement au départ des personnes, en collaboration avec Frontex.

L’OFII n’a également aucune compétence pour assurer une aide au dépôt des demandes d’asile, alors que les associations effectuent ce travail depuis les centres de rétention. 

Parce que cette proposition de loi tend à nier le travail des associations, priver les personnes étrangères du recours effectifs de leurs placements en centre de rétention, mais aussi à dissimuler les remontées d’incidents ainsi que les conditions déplorables de détention dans ces lieux de privation de liberté, les auteurs considèrent que ces atteintes graves aux libertés individuelles et au principe constitutionnel de dignité de la personne humaine rendent cette proposition de loi en contradiction avec la Constitution.

Pour toutes ces raisons, les sénateurs et sénatrices du groupe Écologiste, Solidarité et Territoires considèrent, par le dépôt de cette question préalable, qu’il n’y a pas lieu d’engager la discussion du texte soumis à l’examen du Sénat.



NB :En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, cette motion est soumise au Sénat avant les orateurs des groupes.