Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2026

Direction de la Séance

N°188

13 novembre 2025

(1ère lecture)

(n° 122 )


AMENDEMENT

C
G  
En attente de recevabilité financière

présenté par

Mme JOSEPH


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 21 SEXIES

Après l’article 21 sexies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l’article L. 4342-1 du code de la santé publique est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Lorsqu’il exerce dans le cadre d’un protocole organisationnel, sous la responsabilité d’un ophtalmologiste, dans une zone définie au 1° de l’article L. 1434-4, l’orthoptiste est habilité à accomplir, en premier recours, un bilan visuel défini par l’ophtalmologiste, à des patients de tous âges. Dans ce cadre, le bilan doit donner lieu à un compte-rendu réalisé par l’orthoptiste et transmis à l’ophtalmologiste pour poser un diagnostic. »

Objet

Le vieillissement de la population et l’utilisation quotidienne des écrans amplifient les besoins de la population française en santé visuelle. Or ces besoins ne sont pas satisfaits, car 87 % des Françaises et des Français vivent dans un désert médical.

Les conditions d’accès aux soins se détériorent et les inégalités territoriales se creusent dans les zones dites sous-denses, créant ainsi de véritables « fractures sanitaires » dans notre pays. Dans ce contexte, le phénomène du « désert ophtalmologique » persiste, tant au regard de la difficulté de nombreux Français à obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste, souvent trop éloigné de leur domicile, qu’au niveau de leur renonciation aux soins, faute de moyens suffisants pour assurer les frais de déplacement.

En novembre 2024, dans le cadre du rapport rendu par la commission de l’Aménagement du territoire et du Développement durable de notre assemblée, nous constations encore, que les délais d’attente pouvaient atteindre jusqu’à 123 jours selon les territoires. En juin 2025, l’association UFC Que Choisir a tiré la sonnette d’alarme sur une situation qui empire. Des départements comme la Creuse ou Mayotte n’ont plus d’ophtalmologiste libéral, quand la Haute-Saône et le Lot n’en comptent qu’un.

Cette situation, dramatique, est d’autant plus préoccupante que l’ophtalmologie est essentielle pour la prévention et le suivi des troubles graves de la vision, qu’il s’agisse de la DMLA, du glaucome ou de la rétinopathie diabétique.

Ainsi, le glaucome qui représente la deuxième cause de cécité, concerne 1,2 million de personnes en France, dont un tiers n’ont jamais été dépistés ou traités, notamment en raison du caractère asymptomatique de cette pathologie et de l’absence de suivi.

On estime aujourd’hui à 11 milliards d’euros les coûts non médicaux associés à la déficience visuelle en France et à 19 111 euros par patient, le coût annuel de la perte de la vue, liée au glaucome.

Le poids terrible de la cécité pourrait être diminué, comme son coût pour la société, dès lors qu’un dépistage précoce de la rétinopathie diabétique et du glaucome serait réalisé dans le cadre d’un bilan visuel.

Permettre de diagnostiquer ces maladies contribue également à prévenir, comme à améliorer la prise en charge de pathologies associées, qu’il s’agisse du diabète de type II, ou de l’hypertension.

Dans ce contexte, un certain nombre de dispositifs et l’engagement d’acteurs de la santé ont commencé à opérer une profonde mutation de la santé visuelle en France.

Les orthoptistes ont ainsi pu obtenir le droit de pratiquer des actes, sans ordonnance médicale préalable, notamment pour la primo prescription de lunettes ou de lentilles des patients âgés de 16 à 42 ans, comme le dépistage de l’amblyopie chez les enfants de 9 à 15 mois ou les troubles de la réfraction chez les enfants de 30 mois à 5 ans.

Dans ce cadre, la réglementation a prévu également un travail en coopération étroite d’orthoptistes travaillant en interdisciplinarité avec les médecins. Il en résulte désormais une présence importante d’orthoptistes dans les cabinets et centres d’ophtalmologie, pour la plupart salariés.

Cette étroite relation a conduit très tôt à la mise en place de plusieurs protocoles article 51, en vertu de la loi HPST du 21 juillet 2009, pour la mise en place, à titre dérogatoire et à l’initiative des professionnels sur le terrain, de transferts d’actes ou d’activités de soins et de réorganisation des modes d’intervention auprès des patients.

C’est dans ce cadre que le RNO (ReNouvellement d’Optique) a été le premier protocole national à entrer dans le droit commun de la Nomenclature Générale des Actes Professionnels, par lequel l’orthoptiste peut réaliser un bilan visuel au sein du cabinet, qui sera ensuite, évalué par l’ophtalmologiste pour aboutir, soit à une prescription de lunettes, soit à une convocation pour d’autres examens.

Grâce à la collaboration et à l’interdisciplinarité de spécialistes de la santé visuelle et d’entrepreneurs, des protocoles organisationnels ont ainsi pu étendre le champ du premier recours par le nombre et la portée des examens accomplis par l’orthoptiste, sous le contrôle et la responsabilité d’un ophtalmologiste. Pratiqués en priorité dans les déserts médicaux, ils ont pris la forme de « postes avancés » ou de cabinets secondaires, dans les territoires ultramarins et en ruralité. Ce modèle de coopération interprofessionnel a permis de libérer le temps médical de l’ophtalmologiste et de réduire les délais d’attente de consultation, pour privilégier la prise en charge plus rapide des cas les plus graves et les plus urgents.

En vertu de l’article R 4342-1-2 du code de la santé publique, le protocole organisationnel permet de faire coopérer ophtalmologistes et orthoptistes « pour la prise en charge de patients suivis par un médecin ophtalmologiste signataire de ce protocole ».

Chaque année, ce sont plusieurs centaines de milliers de patients qui bénéficient de ce dispositif, en particulier dans les territoires faiblement denses. Pour autant, nombreux sont nos concitoyens qui ne peuvent en bénéficier, soit en raison de leur âge, soit de leur éloignement de l’offre de soins, n’ayant jamais pu être suivis par un ophtalmologiste.

En effet, en vertu de l’article R 4342-1-2 du code de Santé Publique, seuls les patients déjà suivis par un ophtalmologiste signataire du protocole, peuvent bénéficier de l’accès à un bilan visuel dans le cadre d’un protocole organisationnel. En conséquence, les Françaises et les Français qui sont les plus isolés et les plus éloignés du soin se trouvent malheureusement exclus de l’accès à ces cabinets secondaires ou à ces postes avancés, par ce texte.

Par ailleurs, les enfants et les personnes les plus âgées ne peuvent bénéficier de ce protocole, alors même qu’ils sont les premiers concernés par la prévention et par le dépistage de pathologies graves.

Eu égard à l’urgence du contexte de ce « désert ophtalmologique », cet amendement vise à confier aux orthoptistes exerçant dans le cadre d’un protocole organisationnel, sous la responsabilité d’un ophtalmologiste, la possibilité de réaliser, en premier recours, un bilan visuel pour tous les patients, quel que soit leur âge et en particulier pour celles et ceux qui ne sont pas suivis par un ophtalmologiste.