Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2026
Direction de la Séance
N°471
14 novembre 2025
(1ère lecture)
(n° 122 )
AMENDEMENT
| C | |
|---|---|
| G | |
| En attente de recevabilité financière | |
présenté par
M. MILON, Mme IMBERT, M. KHALIFÉ, Mme DESEYNE, M. SOL, Mme GRUNY, M. HENNO, Mme LASSARADE, M. SOMON, Mme MICOULEAU, M. BURGOA et Mmes DOINEAU et AESCHLIMANN
ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 34
Après l'article 34
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 162-22-7 du code de la sécurité sociale, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Les critères de gestion de cette liste doivent répondre aux principes suivants :
« 1° L’évolution de la liste répond à une vision pluriannuelle ;
« 2° Une spécialité pharmaceutique, un produit ou une prestation ne peut être radié que si la pratique est arrivée à maturité de son développement ;
« 3° Le montant de la consommation constaté au moment de la décision de radiation d’une spécialité pharmaceutique, d’un produit ou d’une prestation est réintégré dans son intégralité au sein des prestations d’hospitalisation mentionnées au 1° de l’article L. 162-22-3. »
Objet
Le financement des médicaments et des dispositifs médicaux au sein des établissements de santé MCO est normalement assuré par les tarifs des GHS, qui sont des forfaits « tout compris » regroupant des prises en charge homogènes en termes médico-économiques. Cependant, à l’image des traitements innovants, certains médicaments ou dispositifs médicaux très onéreux ne peuvent pas être intégrés dans ces forfaits « standards » « moyens » , d’où l’existence d’une liste en sus dédiée (médicament et DM).
La liste en sus est ainsi un outil essentiel pour garantir le financement et donc un accès égalitaire à l’innovation et aux traitements coûteux sur tout le territoire, et à tout moment.
En 2023, à la surprise générale, une politique du « ni GHS, ni liste en sus » a été mise en œuvre, au mépris des règles habituelles de gestion de la liste en sus qui prévoient que si le motif de radiation porte sur le coût, les montants remboursés correspondants sont réintégrés dans les tarifs des GHS concernés. Si un accompagnement des établissements les plus impactés a été mis en œuvre par le biais d’une aide à la contractualisation, le montant de cette enveloppe ne compensait pas les montants en jeu.
Cette politique des radiations 2023 a été dénoncée par les acteurs (fédérations d’établissements, sociétés savantes, industriels, etc.), qui appellent depuis à ce qu’une réflexion approfondie sur les modalités de révision de la liste en sus (molécules et DMI) soit menée, ce qui n’a malheureusement pas été fait jusqu’au mois de juillet dernier.
Pour 2024, un moratoire a été décidé afin de pouvoir échanger sur les modalités de gestion de ces listes en sus. Il a été reconduit en 2025.
Cependant, ce moratoire ne solutionne pas les problèmes posés par les modalités de radiations intervenues lors de la campagne 2023. En 2024, les arguments portés par les acteurs ont été entendus pour les dispositifs médicaux : Le montant correspondant à la consommation 2022 des dispositifs médicaux radiés en 2023 a été réintégré dans les tarifs 2024. Pour les molécules onéreuses radiées en 2023, la compensation par le biais d’une aide à la contractualisation a été maintenue en 2024 et 2025, dans les mêmes conditions qu’en 2023.
Fin juillet 2025, les pouvoirs publics ont présenté lors d’une réunion de travail relative à la gestion de la liste en sus, leur volonté de radier des médicaments et DM dans le cadre de la campagne tarifaire 2026, avec des scénarios de réintégration partielle, c’est-à-dire en réintégrant moins de la moitié des montants en jeu dans les tarifs des GHS. Le montant total de l’enveloppe des dispositifs médicaux en jeu est de plus de 160 millions d’euros. Concernant l’enveloppe des médicaments, le montant total de l’enveloppe en jeu s’élève à plus de 42 millions d’euros.
A ce jour, les travaux présentés montrent un différentiel entre le montant actuel pour la liste en sus et le montant intégré dans les GHS/GHM plus que significatif. En effet, pour les DM, le montant réintégré dans les GHM/GHS est de 74,5 millions d’euros sur les plus de 160 millions d’euros, soit 46 %. On constate le même taux pour les médicaments à 46 % puisque 19,448 millions d’euros sont intégrés dans les GHS/GHM sur les 42 millions d’euros actuels au sein de la liste en sus. Le but affiché est de réaliser 54 % d’économies sur les produits ciblés, mais sans données objectivées, sans étude d’impact, et sans vision d’ensemble.
Une lecture uniquement budgétaire et comptable, même si nous sommes conscients des fortes tensions financières, serait un recul pour la prise en charge des patients en termes de santé publique et d’égalité d’accès aux soins. A titre d’exemple, la radiation précipitée des guides FFR (mesure de la fraction de flux de réserve coronaire) en 2023 a provoqué une chute durable des pratiques, tous secteurs confondus : l’activité de 2025 reste inférieure à celle de 2022, soit 38 000, contredisant les prévisions mêmes de la HAS à plus de 52 000 en 2025. Cet exemple illustre les dégâts d’une politique aveugle qui réduit la liste en sus à une simple ligne d’économies. Les enjeux sur la pratique médicale sont bien réels, ainsi que les conséquences qui peuvent en découler en termes de prise en charge.
Si le principe d’une gestion de la liste en sus dynamique avec des entrées et des sorties, notamment au fil des innovations, n’est pas contestée, la méthodologie n’est pas la bonne.
À moyen terme, la visibilité du modèle est menacée. À long terme, c’est la crédibilité même de la régulation qui est en jeu. La liste en sus ne peut se réduire à un exercice comptable, mais doit rester un outil de pilotage de l’innovation et des traitements onéreux impossibles à intégrer dans les GHS, au service des patients.
Sans cadre clair, stable et concerté, c’est la confiance des professionnels qui s’effrite et, avec elle, la capacité du système de santé à conjuguer innovation, équité et soutenabilité.
C’est la raison pour laquelle cet amendement propose d’inscrire trois principes intangibles de gestion de la liste en sus : une gestion pluriannuelle de l’évolution de la liste en sus, une spécialité pharmaceutique, un produit ou une prestation n’est radié que lorsqu’il est arrivé à maturité de développement de sa pratique, une compensation totale du montant radié est intégrée au sein des tarifs des GHS.