Projet de loi Souveraineté alimentaire et agricole

commission des affaires économiques

N°COM-404

6 juin 2024

(1ère lecture)

(n° 639 )


AMENDEMENT

présenté par

MM. DUPLOMB et MENONVILLE, rapporteurs


ARTICLE 14

Consulter le texte de l'article ^

Rédiger ainsi cet article :

I. – Le code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Le chapitre II du titre Ier du livre IV est complété par une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« La gestion et la protection des haies

« Art. L. 412-21. – Sauf disposition spéciale, une haie est une unité linéaire de végétation d’une largeur maximale de vingt mètres qui comprend au moins deux éléments parmi les trois suivants :

« 1° Des arbustes ;

« 2° Des arbres ;

« 3° D’autres ligneux.

« II. – La valeur des haies est reconnue pour les services écosystémiques qu’elles rendent.

« Les haies font l’objet d’une gestion durable, maintenant leur multifonctionnalité agronomique, écologique et paysagère dans l’espace et dans le temps.

« Cette gestion inclut les travaux d’entretien usuels et permet la valorisation économique des produits de la haie. En tout état de cause, ces travaux ne sont pas assimilables à la destruction de haie au sens de l’article L. 412-24.

« III. – Les gestionnaires de voirie, d’infrastructures ferroviaires, d’infrastructures de communications électroniques et de réseaux de distribution publique d’électricité mettent en œuvre un plan de gestion durable des haies.

« Art. L. 412-22. – I. – En s’appuyant sur les données de l’Observatoire de la haie et après avis des organisations représentatives agricoles, l’autorité administrative compétente dans le département procède à un inventaire cartographié des protections législatives ou réglementaires particulières applicables aux haies.
« Dans la réalisation de cet inventaire, il est tenu compte :
« 1° Des différences de services écosystémiques apportés par les haies en fonction de leurs caractéristiques ;
« 2° Des us et coutumes reconnus de manière constante sur le territoire du département ;
« 3° À l’échelle départementale, de l’éventuelle progression nette de la longueur des haies établie par l’Inventaire forestier national depuis 1962 et par l’enquête sur l’utilisation du territoire depuis 1982 ;
« 4° À l’échelle d’une parcelle ou d’un terrain, de la présence ou non de haies et, le cas échéant, de leur état, sur les photographies aériennes des années 1950 à 1965 mises à disposition par l’Institut national de l’information géographique et forestière ;
« 5° Du bon usage des deniers publics, s’agissant des haies ayant bénéficié de financements publics pour leur plantation au sens de l’article L. 114-3 du code rural et de la pêche maritime.
« II. – L’autorité administrative compétente dans le département met à la disposition du public, notamment sur internet, cette cartographie des protections applicables aux haies sur le territoire et tient à jour cette base de données.
« Lors de la mutation d’une parcelle à usage agricole ou du changement des parties d’un bail rural, l’acquéreur ou le preneur à bail est informé de la présence de protections applicables aux haies implantées sur la ou les parcelles concernées.
« III. – Un décret en Conseil d’État établit des prescriptions encadrant le degré de précision de la cartographie et les écarts d’interprétation entre plusieurs départements limitrophes.
« Un décret, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, définit les conditions dans lesquelles les informations de l’inventaire sont mises à la disposition du public.

« Art. L. 412-23. – Lorsque l’inventaire départemental mentionné à l’article L. 412-22 établit qu’une haie ne fait l'objet d’aucune protection particulière, la personne projetant de détruire tout ou partie de cette haie déclare sur une plateforme en ligne le nombre de mètres de linéaire qui seraient détruits lors de l'opération, ce qui donne lieu à l'octroi d'un récépissé. Ce récépissé vaut absence d'opposition à la destruction de la haie pendant un délai de trois mois à compter de sa délivrance, dès lors que cette personne ne dépasse pas une marge forfaitaire attribuée à chaque propriétaire ou gestionnaire d'un terrain ou d'une parcelle, pour chaque année civile, par l’autorité administrative compétente, après avis des organisations représentatives agricoles.
« En cas de dépassement de cette marge forfaitaire, ou lorsque l’inventaire départemental établit qu’une haie fait l’objet d’une ou plusieurs protections particulières, la destruction de tout ou partie d'une haie est régie par l'article L. 412-24 du présent code.

« Art. L. 412-24. – I. – La destruction d’une haie s’entend de sa suppression définitive, notamment par arrachage ou par coupe conduisant à sa disparition.
« Toute destruction d’une haie soumise, en vertu d’une législation ou d’une réglementation spéciale, soit à déclaration, soit à autorisation, obéit à une procédure unique décrite au présent article en lieu et place des formalités prescrites par les différents textes.
« II. – Dans le cas où la destruction de la haie est soumise à déclaration en application d’une législation ou d’une réglementation spéciale, son auteur procède à une déclaration unique préalable.
« Dans un délai d'un mois, l’autorité administrative peut s’opposer à la destruction projetée. Les travaux ne peuvent commencer avant l’expiration de ce délai. Son silence ou son absence d’opposition au terme de ce délai valent absence d’opposition au titre des législations applicables au projet.

« III. – Dans le délai prévu au II, l’autorité administrative compétente dans le département peut indiquer à l’auteur de la déclaration que la mise en œuvre de son projet est subordonnée à l’obtention d’une autorisation unique, lorsqu’une législation ou une réglementation particulière le prévoit.
« L’autorité administrative l’en informe, lui demande, le cas échéant, la transmission d’éléments complémentaires et l’informe du délai de sa décision. L’autorisation est délivrée sur la base des critères propres à la législation ou à la réglementation qui la prévoit.

« Les règles de consultation applicables à l’autorisation unique se substituent aux règles de consultation prévues par les législations spéciales applicables à la haie.

« IV. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités et les conditions de la déclaration unique prévue au II et de l’autorisation unique prévue au III.

« Art. L. 412-25. – I. – Lorsqu’une destruction de haie est subordonnée à des mesures de compensation sur le fondement d’une législation ou d’une réglementation particulière, cette compensation est réalisée par replantation d’un linéaire dans les conditions prévues à l’article L. 163-1.

« L’autorité administrative compétente peut prévoir que le demandeur doit solliciter un conseil avant les opérations de destruction de haie.
« II. – Le fait de détruire une haie, lorsque cette destruction requiert l’absence d’opposition à la déclaration unique prévue au II de l'article L. 412-24, sans avoir obtenu cette absence d’opposition ou en violation d’une mesure de retrait de cette absence d’opposition est puni de l’amende prévue pour les contraventions de troisième classe.
« Le fait de détruire une haie, lorsque cette destruction requiert l’autorisation unique prévue au III de l'article L. 412-24, sans avoir obtenu cette autorisation unique ou en violation d’une mesure de retrait de cette autorisation unique est puni de l’amende prévue pour les contraventions de cinquième classe.
« La destruction d’une haie en méconnaissance des formalités prescrites par la présente section oblige en outre le contrevenant à la replantation d’un linéaire au moins égal à celui détruit.

« III. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions dans lesquelles il peut être procédé à des destructions de haie en cas d’urgence, à condition de pouvoir justifier de motifs visant à assurer la sécurité et l’intégrité des personnes et des biens. 

2° Le I de l’article L. 181-2 est complété par un 19° ainsi rédigé :
« 19° Absence d’opposition à la déclaration ou à l’autorisation unique de destruction de haies prévues aux articles L. 412-22 et L. 412-23 du présent code. » ;
3° Le II de l’article L. 181-3 est complété par un 14° ainsi rédigé :
« 14° Le respect des conditions de non-opposition à la déclaration unique ou de délivrance de l’autorisation unique préalables à la destruction de haies prévues aux articles L. 412-22 et L. 412-23 du présent code, lorsque l’autorisation environnementale tient lieu de cette déclaration ou de cette autorisation. » ;

4° L’article L. 411-1 est complété par un III ainsi rédigé :

« III. – Sauf disposition spéciale, et sans préjudice du I, une période d’interdiction de taille des haies est fixée du 31 mars au 31 juillet pour l’ensemble du territoire national. En cas de contexte climatique exceptionnel, l’autorité représentante de l’État dans le département peut adapter cette période, en tenant compte des périodes sensibles pour les espèces à enjeux locaux au regard des périodes de nidification et des spécificités et conditions climatiques et pédologiques du département. »

II. – L’inventaire cartographié des protections législatives et réglementaires applicables à la haie dans chaque département mentionné à l'article L. 412-22 du présent article est réalisé dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi. Les articles L. 412-23 à L. 412-25 du code de l'environnement entrent en vigueur dès lors que cet inventaire est réalisé.

Objet

Cet amendement approfondit la logique de l’article 14, qui en l’état n’apporte qu’une sécurisation juridique sous réserve d’avoir procédé à une déclaration unique préalable pour toute destruction de haies et d’attendre un (éventuel) accord de l’administration pendant une période de deux mois. Il vise à pousser au bout la logique d’« internalisation » de la complexité juridique par l’administration, qui était seulement esquissée par cet article.

L’amendement apporte ainsi cinq principales modifications au texte issu de l’Assemblée nationale :

Les six principales modifications apportées par cet amendement sont les suivantes :

1) Le rétablissement d’une définition plus lisible, moins sujette à interprétation et plus générale de la haie, plus proche de celle de la PAC (applicable également aux particuliers et aux collectivités), qui est la mieux connue du monde rural (art. L. 412-21). Cette définition, qui exclut les alignements d’arbres sans strate arbustive, a une visée pédagogique et vise à rassembler le plus largement possible autour d’une définition.

2) L’amendement prescrit la réalisation, en deux ans, d’un inventaire départemental cartographié des protections applicables aux haies (art. L. 412-22), par les directions départementales des territoires, sous l’autorité du préfet, et après avis de la profession agricole, tenant compte des spécificités écologiques et historiques des territoires, afin notamment de ne pas pénaliser les « bons élèves » des soixante-dix dernières années. Cet inventaire est porté à la connaissance du public sur une plateforme en ligne sous forme de cartographié.

Ce faisant, il permet à la fois une réflexion de l’administration sur sa doctrine d’application de la réglementation en vigueur, une clarification et une amélioration du porter-à-connaissance de cette réglementation aux acteurs censés la respecter, et au premier chef des agriculteurs.

3) À partir de cet effort d’identification des différentes réglementations applicables, l’amendement prévoit la possibilité de procéder à des formalités extrêmement allégées, avec récépissé immédiat, dès lors que les données de cet inventaire cartographié font état de l’absence de protections particulières et que le demandeur est en deçà d’une marge forfaitaire qui lui est attribuée chaque année par le préfet de département (L. 412-23). Ce régime allégé de déclaration permet d’accorder toute la flexibilité demandée par le monde agricole et autres gestionnaires dans la gestion des haies, tout en leur apportant le plus possible de sécurité juridique.

4) L’amendement donne une définition de ce qu’est la destruction de haie – ce qui manquait à cet article tel qu’issu des débats à l’Assemblée nationale –, puis reprend, en l’allégeant, la procédure de déclaration et d’autorisation uniques préalables prévue par le Gouvernement (L. 412-24). Cette procédure administrative a pour fin de « couvrir » les demandeurs au regard des sanctions pénales, par coordination avec l’article 13 du projet de loi qui présume la « non-intentionnalité » des atteintes à l’environnement dans le cas où les formalités ont été respectées, écartant de ce fait les peines infâmantes.

L’amendement étend cette procédure simplifiée à l’ensemble des régimes de protection existants plutôt qu’à la liste, restrictive et de ce fait nécessairement incomplète, des régimes énumérés à l’article 14, afin d’emporter également d’autres régimes dans cette procédure, tels que la trame verte et bleue, la protection de biotope ou les arbres bordant les chemins ruraux.

Il réduit le délai dans lequel l’administration est censée répondre à un mois, au lieu du « délai défini par un décret en Conseil d’État » (2 mois envisagés par le ministre de l’agriculture en séance publique à l’Assemblée nationale), afin d’accélérer cette procédure.

5) En cas de non-respect de la procédure de déclaration ou d’autorisation uniques préalables, l’amendement prévoit l’application d’un régime de sanction identique à celui qui a été adopté à l’Assemblée nationale, mieux proportionné (450 € ou 1 500 € de contravention selon les cas – contre 75 000 € ou 100 000 € dans le texte initial) (art. 412-25).

En lieu et place de la compensation systématique pour toute destruction de haie prévue par le Gouvernement et maintenue dans le texte adopté par l’Assemblée nationale, il rappelle simplement que des mesures de compensation s’appliquent dans les seuls cas où elles sont prévues par une législation ou une réglementation particulière existante. Il s’agit d’une simplification majeure de la procédure.

6) Enfin, à des fins de pédagogie et de clarté de la loi, l’amendement fixe par défaut (hors application de la PAC) une date d’interdiction de la taille des haies nationale uniforme, allant du 31 mars au 31 juillet. La possibilité est laissée au préfet de département, en cas de contexte climatique exceptionnel, d’adapter ce périmètre (en étendant, en décalant voire en raccourcissant la période d’interdiction).