Proposition de loi Renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
commission des lois
N°COM-10
24 mars 2025
(1ère lecture)
(n° 279 )
AMENDEMENT
Adopté |
présenté par
Mmes SCHALCK et VÉRIEN, rapporteures
ARTICLE 3
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Rédiger ainsi cet article :
L’article 222-33-2-1 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 222-33-2-1. – Le fait de harceler son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
« Constituent l’infraction mentionnée au premier alinéa les propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet de restreindre gravement la liberté d’aller et venir de la victime ou sa vie privée ou familiale, ou de contraindre sa vie quotidienne par des menaces ou des pressions psychologiques ou financières.
« Les faits mentionnés aux premier et deuxième alinéas sont punis de cinq ans d’emprisonnement et 75 000 € d’amende :
« 1° Lorsqu’ils ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours ;
« 2° Lorsqu’ils ont été commis alors qu’un mineur était présent et y a assisté ;
« 3° Lorsqu’ils ont été commis sur un mineur ;
« 4° Lorsqu’ils ont été commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à l’âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur.
« Les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 € d’amende lorsque l’infraction est commise dans plusieurs des circonstances mentionnées aux 1° à 4°.
« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 150 000 € d’amende lorsque le harcèlement a conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider.
« Les mêmes peines sont encourues lorsque l’infraction est commise par un ancien conjoint ou un ancien concubin de la victime, ou un ancien partenaire lié à cette dernière par un pacte civil de solidarité. »
Objet
Le contrôle coercitif (que l’on peut définir comme un ensemble de micro-régulations mettant la victime dans une situation de perte d’autonomie, voire de captivité) est une forme de violence conjugale particulièrement pernicieuse. Il crée, pour celles et ceux qui en sont victimes, un préjudice grave que l’état de notre droit pénal ne suffit pas, de l’aveu général, à prendre en compte.
Sa répression constitue un enjeu essentiel pour la lutte contre les violences intrafamiliales et, partant, pour la protection de la société.
Toutefois, la rédaction adoptée par les députés pour réprimer ce contrôle pose, comme l’ont montré les auditions conduites par les rapporteures, de lourdes difficultés.
En premier lieu, le choix d’une infraction autonome est de nature à complexifier l’articulation entre celle-ci et les infractions existantes approchantes (harcèlement, violences psychologiques, etc.), créant un risque au regard du principe constitutionnel de légalité.
En deuxième lieu, l’emploi par le législateur des mots « contrôle coercitif » crée une rigidité forte, qui sera source de contraintes pour ceux qui utilisent ce concept sociologique à des fins probatoires (à l’instar des enquêteurs) ou dans d’autres domaines que le droit pénal (donc en matière civile), étant rappelé que la loi pénale est d’interprétation stricte et que ce principe exclut toute extension ultérieure du périmètre d’une notion qui figure au code pénal.
En troisième lieu, les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale en matière civile étaient pour certaines superfétatoires, puisqu’elles ne donnaient pas au juge aux affaires familiales de nouvelles prérogatives, et pour d’autres contraires aux engagements internationaux de la France.
Enfin, la rédaction retenue employait des termes qui ne sont pas définis en droit (comme la « peur » ou l’« usage abusif de dispositifs ou d’institutions »), si bien que leur portée ne pouvait pas être saisie avec précision, et était assortie de circonstances aggravantes parfois incompatibles entre elles (à l’instar de l’incapacité temporaire de travail – ITT – de plus de huit jours et du « handicap temporaire » qui, bien que recouvrant potentiellement le même préjudice, ne correspondaient pas au même quantum encouru). Ce constat, unanime, a poussé l’ensemble des juristes entendus par les rapporteures à solliciter une évolution du dispositif.
C’est pour tenir compte de ces risques et pour sécuriser la répression du contrôle coercitif en évitant à terme une censure constitutionnelle qui, si elle intervenait par le biais d’une question prioritaire de constitutionnalité, pourrait avoir des effets dévastateurs sur les victimes, qu’il est proposé une nouvelle rédaction présentant les caractéristiques suivantes :
- rattachée au harcèlement sur conjoint, elle tiendrait compte du caractère durable des faits qui constituent le contrôle coercitif ;
- définissant clairement les faits susceptibles d’être réprimés sans utiliser le terme « contrôle coercitif », elle ménagerait la souplesse dont les enquêteurs, les magistrats et l’ensemble des praticiens ont besoin pour mieux analyser, repérer et prendre en charge les faits de violence conjugale ;
- s’appuyant sur des termes clairs, elle pourra facilement être comprise par les citoyens, puis utilisée par les acteurs de la chaîne pénale ;
- reposant sur une chaîne de circonstances aggravantes permettant, notamment, un cumul inspiré de ce qui existe en matière de vol, elle apportera une juste réponse pénale à des comportements qui nuisent à l’intégrité des victimes et qui sont souvent le précurseur de faits bien plus graves : en effet, et selon le ministère de la justice, deux tiers des féminicides ne sont précédés d’aucune violence physique – alors même que, selon les associations et les personnalités qualifiées entendues par les rapporteures, tous les faits de violence, jusqu’aux plus graves, sont précédés d’un contrôle coercitif.