Projet de loi Financement de la sécurité sociale pour 2025

Direction de la Séance

N°1100

15 novembre 2024

(1ère lecture)

(n° 129 , 138 , 130)


AMENDEMENT

C Défavorable
G  

présenté par

Mmes SOUYRIS et PONCET MONGE, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL


ARTICLE ADDITIONNEL APRÈS ARTICLE 9 BIS

Après l’article 9 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code de la santé publique, est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 3322-9, il est inséré un article L. 3322-9-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3322-9-1. – Le prix minimum de vente au détail, toutes taxes comprises, des boissons mentionnées au 3°, 4° et 5° de l’article L. 3321-1 ne peut être inférieur à 0,60 euros par centilitre d’alcool pur.

« Un décret peut moduler à la hausse ce prix minimum unitaire, notamment selon la classification prévue à l’article L. 3321-1 ou selon les caractéristiques de la consommation de chacune de ces boissons, sans qu’il puisse dépasser 2 euros par centilitre d’alcool pur.

« Les prix minimum unitaires prévus aux alinéas précédents sont révisés chaque année au 1er janvier en fonction de l’indice des prix à la consommation hors tabac constaté par l’Institut national de la statistique et des études économiques pour la France. Ils sont arrondis au centime d’euro le plus proche. L’indice de référence est le dernier indice mensuel publié au 1er janvier 2024. »

2° Après l’article L. 3351-1, il est inséré un article L. 3351-1-… ainsi rédigé :

« Art. L. 3351-1-…. – La vente de boissons alcooliques à un prix inférieur à celui qui découle de l’application des dispositions de l’article L. 3322-9-1 est punie de 7 500 € d’amende. La récidive est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

« Les personnes physiques coupables de l’infraction prévue au premier alinéa encourent également la peine complémentaire d’interdiction à titre temporaire d’exercer les droits attachés à une licence de débit de boissons à consommer sur place ou à emporter pour une durée d’un an au plus.

« Les personnes morales coupables de l’infraction prévue au premier alinéa encourent les peines complémentaires prévues aux 2° , 4° , 8° et 9° de l’article 131-39 du code pénal. »

3° À l’article L. 3351-8, après la référence : « L. 3322-2 » est insérée la référence « L. 3322-9-1 ».

II. – Le 9° de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la loi n°    de finances pour 2025, est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, le pourcentage : « 28,14 % » est remplacé par le pourcentage : « 28,17 % » ;

2° Au a, le nombre : « 22,96 » est remplacé par le nombre : « 22,99 ».

III. – Le II entre en vigueur le 1er février 2025.

Objet

Cet amendement reprend le principe exposé dans un amendement AS793 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 présenté par Jérôme Guedj et les députés socialistes, adopté en commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale mais écarté par le Gouvernement lorsque le projet de loi avait été adopté selon la procédure prévue à l’article 49-3 de la Constitution. 

L’amendement vise à l’instauration d’un prix minimum de vente des boissons alcooliques.

Il s’inspire d’une législation adoptée au Royaume-Uni par le Parlement écossais en 2012 et entrée en vigueur en 2018 : le prix unitaire minimum de l’alcool (MUP). Le prix par unité d’alcool n’est du reste pas une nouveauté en Ecosse où un système de taxe libellée en guinée puis en schilling fut en vigueur au XIXème siècle. Il est d’ailleurs demeuré dans l’appellation commerciale des bières telle que « eighty shilling beer ». Santé Publique Ecosse (PHS) a évalué l’impact de la loi MUP en 2023. Même si une telle évaluation est délicate, selon le PHS, il existe des preuves solides que le MUP a réduit le nombre de décès directement causés par la consommation d’alcool en Écosse.

Ce modèle écossais a fait l’objet d’une longue analyse par nos collègues dans leur rapport d’information n° 638 déposé le 29 mai 2024 et intitulé « La fiscalité comportementale en santé : stop ou encore ? ». Le rapport qui déplore l’absence de politiques de lutte contre la consommation nocive d’alcool, notamment sur le plan fiscal, recommande d’explorer les possibilités de transposer ce modèle.

Les dispositions que cet amendement propose d’introduire dans le code de la santé publique sont d’application immédiate. Le Gouvernement aura toutefois la faculté de moduler, par décret, le prix minimum, notamment s’il souhaite cibler les boissons alcooliques consommées par les plus jeunes (1°). En l’état, une bouteille de spiritueux de 70 cl, comportant 40° d’alcool, ne pourra être vendue en dessous de 17 euros  tandis qu’une bouteille de vin :-de 75 cl comportant 12° d’alcool ne pourra être vendue en dessous de 5 euros et quarante centimes.

La méconnaissance des règles de prix minimum unitaire sera sanctionnée d’une peine d’amende  (2°). Les agents relevant de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes seront compétents pour rechercher et constater les infractions. (3°)

Ces dispositions ont vocation à s’inscrire dans la partie recettes du projet de loi par l’effet d’augmentation mécanique qu’elles induisent sur les recettes de TVA. En effet, en vertu du 9° de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, en 2004 une fraction de 28,57 % de la taxe sur la valeur ajoutée est affecté aux organismes de sécurité sociale dont 23,39 points de pourcentage à la branche « maladie, maternité, invalidité et décès ». Pour 2025, le projet de loi de finances élaboré par le Gouvernement prévoit de fixer ces chiffres à respectivement 28,14% et 22,96 points. Le tome I de l’annexe au projet de loi de finances pour 2025 « Évaluation des voies et moyens » chiffre à 216,2 milliards d’euros les recettes nettes de TVA, dont 57,5 milliards sont reversés aux organismes de sécurité sociale. Les 75 millions de recettes supplémentaires attendues représentent 0,035 point de pourcentage.

Concrètement, les dispositions introduites par cet amendement n’auront pas d’impact sur les droits d’accises qui sont fixés non en fonction du prix mais en fonction du degré d’alcool. En revanche, elles auront un impact direct sur les recettes de la TVA assises sur les ventes de boissons alcooliques. Ces recettes de TVA de sur les alcools (au taux de 20%) s’élèvent à environ 3 milliard d’euros, ce qui est d’ailleurs légèrement inférieur aux produits des droits d'accises qui s’établissent à environ 3,2 milliard d’euros. On peut estimer que le prix minimum unitaire entraînera une augmentation moyenne de 10% pour environ un tiers des références de boissons représentant le quart du chiffre d’affaires. La hausse de prix de vente au détail se traduira par une hausse des recettes de TVA de 75 millions d’euros soit, compte tenu des règles actuelles, une hausse des recettes pour les régimes obligatoires de sécurité sociale de plus de 20 millions d’euros dès la première année.

L’amendement propose également de modifier le chiffre des points de pourcentage de TVA affectés aux régimes obligatoires de sécurité sociale de façon à ce qu’ils puissent percevoir l’intégralité des recettes supplémentaires de TVA induites par le prix de vente minimum. Le produit des recettes de TVA affectées à l’Etat et aux autres administrations publiques demeure inchangé. 

Par ailleurs, il est utile de rappeler que la consommation d’alcool provoque des dommages importants sur la santé. Elle représente un enjeu de santé publique majeur en France où elle est à l’origine de 49 000 décès par an, selon le ministère de la santé et de la prévention. Malgré les taxes affectant les boissons alcooliques, l’alcool coûte plus cher aux finances publiques que ce qu’il rapporte (« Coût social des drogues en France », note de synthèse de l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives, Pr. Pierre Kopp, Paris, septembre 2015). A long terme, cet amendement aura un impact réducteur sur les dépenses d’assurance maladie.