Proposition de loi Renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes
Direction de la Séance
N°35
31 mars 2025
(1ère lecture)
(n° 483 , 482 )
AMENDEMENT
C | Défavorable |
---|---|
G |
présenté par
Mme Mélanie VOGEL, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mmes OLLIVIER et PONCET MONGE, M. SALMON et Mmes SENÉE et SOUYRIS
ARTICLE 3
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Rédiger ainsi cet article :
I. – Après l’article 222-14-3 du code pénal, il est inséré un article 222-14-3-1 ainsi rédigé :
« Art. 222-14-3-1. – Sans préjudice de l’application des dispositions des articles 223-15-3 et 222-33-2-1, le fait d’imposer un contrôle coercitif sur la personne de son conjoint, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin, par des propos ou comportements répétés ou multiples, portant atteinte aux droits et libertés fondamentaux de la victime, ou instaurant chez elle un état de peur ou de contrainte dû à la crainte d’actes exercés directement ou indirectement sur elle-même ou sur autrui, que ces actes soient physiques, psychologiques, économiques, judiciaires, sociaux, administratifs, numériques, ou de toute autre nature est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende lorsque ces faits ont causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné aucune incapacité de travail.
« Les mêmes peines sont encourues lorsque cette infraction est commise par un ancien conjoint ou un ancien concubin de la victime, ou un ancien partenaire lié à cette dernière par un pacte civil de solidarité
« Les peines encourues sont portées à cinq ans d’emprisonnement et à 75 000 € d’amende lorsque l’infraction a causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours ;
« Les peines encourues sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 € d’amende lorsque l’infraction :
« 1° A créé chez la victime une situation de handicap temporaire ou permanent ;
« 2° A été commise sur une personne particulièrement vulnérable en raison de son âge, de son handicap visible ou invisible ou de son état de santé physique ou psychologique.
« Les peines encourues sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 1 000 000 € d’amende lorsque l’infraction :
« 1° A été commise en présence d’un mineur, ou dans un contexte où un mineur résidait de manière habituelle au domicile de la victime ou de l’auteur ;
« 2° A été facilitée par l’usage abusif de dispositifs ou d’institutions, tels que des actions en justice, des lieux de soins, des dispositifs administratifs ou des mesures de protection de l’enfance. »
II. – Le code civil est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa l’article 373-2-1 est complété par les mots : « parmi lesquels l’exercice d’un contrôle coercitif, au sens de l’article 222-14-3-1 du code pénal, d’un parent sur l’autre en présence de l’enfant » ;
2° Aux deuxième et dernier alinéas de l’article 373-2-10, le mot : « emprise » est remplacé par les mots : « contrôle coercitif » ;
3° Au début du 6° de l’article 373-2-11, sont ajoutés les mots : « Le contrôle coercitif, » ;
4° La seconde phrase du premier alinéa de l’article 373-2-12 est complété par les mots : « ainsi que sur un éventuel contrôle coercitif et les psychotraumatismes associés » ;
5° Le troisième alinéa de l’article 378 est complété par deux phrases ainsi rédigées : « Néanmoins, s’il s’agit d’une condamnation reposant sur l’existence d’un contrôle coercitif, la juridiction ordonne le retrait total de l’autorité parentale, sauf décision contraire spécialement motivée. Si elle ne décide pas le retrait total de l’autorité parentale, la juridiction ordonne le retrait partiel de l’autorité parentale ou le retrait de l’exercice de l’autorité parentale, sauf décision contraire spécialement motivée. » ;
6° Au premier alinéa de l’article 378-1, après le mot : « témoin », sont insérés les mots : « d’un contrôle coercitif, » ;
7° À l’article 378-2, après les deux occurrences du mot : « crime », sont insérés les mots : « ou un délit reposant sur l’existence d’un contrôle coercitif » ;
8° L’article 515-11 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, après le mot : « allégués », sont insérés les mots : « , y compris un contrôle coercitif exercé sur la victime, » ;
b) Le 5° est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque l’ordonnance de protection est prise en raison du contrôle coercitif exercé par la victime, l’absence de suspension de l’exercice de l’autorité parentale et des droits de visite et d’hébergement fait l’objet d’une décision spécialement motivée » ;
9° L’article 1140 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Une telle contrainte peut résulter du contrôle coercitif qui est imposé au cocontractant ».
Objet
Le présent amendement du groupe Écologiste, Solidarité et Territoires a pour objet de rétablir la version de l’article 3 tel qu’il ressort des travaux de l’Assemblée nationale, afin de consacrer le contrôle coercitif comme infraction autonome et reconnaître pleinement ses effets.
Il vise ainsi à revenir sur la rédaction proposée par les rapporteurs en commission, proposant de transformer ce délit en simple circonstance aggravante de harcèlement sur conjoint, limitant très clairement la portée et la consécration du contrôle coercitif.
Il est pourtant temps de donner à la justice les moyens de reconnaître et de sanctionner les manifestations de comportement de contrôle et de coercition et reconnaître l’échec des approches de la violences conjugales définie à partir d’actes isolés. La violence conjugale est un ensemble d’agressions, une atteinte aux droits et ressources des victimes, femmes et enfants, de nature à produire une atteinte à la liberté, l’autonomie, l’auto-détermination, le droit à la santé des victimes.
Ce concept ne se limite pas dans le couple à des actes isolés de violence physique ou psychologique, mais englobe un schéma global de comportements cumulés, souvent perpétrés après la séparation par des moyens divers : économiques, psychologiques, administratifs ou judiciaires. Reconnaître le contrôle coercitif comme infraction autonome permettrait une vraie qualification pénale de la manipulation et de la contrainte exercée sur la victime par le partenaire violent : traquer, surveiller, espionner, humilier, utiliser les enfants comme moyen de contrainte, multiplier les procédures judiciaires, couper les finances et exercer des chantages, sont autant d’actes utilisés simultanément pour contraindre et dominer la victime de violences conjugales.
Plusieurs pays ont ainsi consacré dans leur arsenal pénal le contrôle coercitif, à l’instar de l'Angleterre, l'Écosse, le Pays de Galles, le Danemark, la Belgique ou encore l’Australie.
L’objectif de cette consécration est clair : donner aux victimes et aux juridictions les outils nécessaires pour reconnaître, sanctionner et prévenir ce schéma de comportement violent et destructeur.