Proposition de loi Lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur
Direction de la Séance
N°3
19 décembre 2024
(1ère lecture)
(n° 186 , 185 )
AMENDEMENT
C | |
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présenté par
M. SALMON, Mme GUHL, MM. JADOT, BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE, GONTARD et MELLOULI et Mmes OLLIVIER, PONCET MONGE, SENÉE, SOUYRIS et Mélanie VOGEL
ARTICLE 2
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Supprimer cet article.
Objet
Cet amendement propose de supprimer l’article 2, qui représente un recul environnemental et sanitaire important et dont on peut interroger la conformité avec le droit européen.
Le rôle de l’Anses est d’assurer la sécurité sanitaire humaine et animale dans les domaines de l'environnement, du travail et de l'alimentation. Les enjeux socio-économiques doivent bien évidemment être pris en compte et ils le sont déjà. En effet, l’article L. 1313-1 du code de la santé publique prévoit déjà que l’ANSES mène des analyses socio-économiques dans son domaine de compétence.
Toutefois, au regard du rôle qui lui incombe, en tant qu’agence sanitaire, l’ANSES ne doit pas mettre les enjeux économiques sur le même plan que les enjeux sanitaires et environnementaux comme le suggère l’introduction d’une balance bénéfices/risques proposée par cet article. Cela ne semble par ailleurs pas conforme au droit de l’Union européenne : le règlement 1107/2009 précisant que « Lors de la délivrance d’autorisations pour des produits phytopharmaceutiques, l’objectif de protection de la santé humaine et animale et de l’environnement, en particulier, devrait primer l’objectif d’amélioration de la production végétale ». Cela est aussi confirmé par un jugement de la Cour de Justice de l’Union européenne du 19 janvier 2023.
L’article 2 prévoit également d’autoriser l’usage d’aéronefs sans pilote pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques.
Rappelons tout d’abord que l’article 9 de la directive 2009/128/CE pose le principe d'une interdiction des traitements aériens par produits phytopharmaceutiques dans l'Union européenne. Ce principe est assorti de dérogations qui doivent respecter des conditions strictes, en particulier l'absence d'autre solution viable ou la présence d’« avantages manifestes » de cette pratique par rapport à l'application terrestre des pesticides.
Les membres du groupe Écologiste, Solidarité et Territoires estiment, de façon globale, que le triptyque « robotique, génétique, numérique » plébiscité par la politique gouvernementale, et dans l’esprit duquel s’inscrit cet article, n’est globalement pas le bon levier pour orienter la politique agricole, car il favorise l’agrandissement des exploitations, privilégie la mécanisation à l’installation de paysans nombreux permettant de faire vivre les territoires, et limite leur autonomie en les rendant dépendant d’industriels et d’acteurs du numérique, souvent étrangers, pour la conduite de leur ferme, acteurs qui collectent au passage des données parfois stratégiques.
De plus, dans ce cas précis de l’épandage par drone, on constate une absence d’éléments permettant d’établir l’efficacité et la sécurité de ce dispositif sur les plans de la santé et de l’environnement, en particulier sur le risque de dérives, dans un contexte agricole français marqué par une forte proximité entre le parcellaire agricole et des habitations ou des cours d’eau.
Enfin, cet article abroge l’ensemble des dispositions relatives à l’interdiction des produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes. De nombreuses études ont pourtant démontré la nocivité de leur impact sur l’environnement et la santé humaine, en premier lieu celle des agriculteurs. Ces substances chimiques attaquent le système nerveux des insectes, notamment des pollinisateurs, entraînant un déclin des populations.
Les apiculteurs ont d’ailleurs vécu au quotidien les ravages des pesticides sur leurs essaims. Le Conseil d’État, saisi à de nombreuses reprises par des organisations environnementales, a systématiquement annulé depuis 20 ans toutes les autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques à base de néonicotinoïdes car elles ne font pas la preuve de leur innocuité à l’égard des abeilles exigée par la législation européenne.
Ces insecticides sont généralement persistants dans les sols et peuvent migrer vers les milieux aquatiques, menaçant ainsi l’ensemble de la biodiversité.
L’interdiction des neurotoxiques néonicotinoïdes, mise en place il y a six ans pour protéger les écosystèmes, a déjà subi des dérogations inadmissibles accordées à la filière betteravière, que la Cour de Justice de l’Union Européenne a jugées illégales en janvier 2023.
Au regard de tous ces éléments, cet article est particulièrement problématique, à l’heure où les études scientifiques sur l’impact des pesticides sur la santé et l’environnement continuent de s’accumuler.