Projet de loi Emploi des salariés expérimentés et évolution du dialogue social
Direction de la Séance
N°11
2 juin 2025
(1ère lecture)
(PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE)
(n° 668 , 667 )
AMENDEMENT
C | Défavorable |
---|---|
G | Défavorable |
Rejeté |
présenté par
Mmes PONCET MONGE et SOUYRIS, MM. BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE et GONTARD, Mme GUHL, MM. JADOT et MELLOULI, Mme OLLIVIER, M. SALMON et Mmes SENÉE et Mélanie VOGEL
ARTICLE 4
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Après l’alinéa 7
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
I bis. – Le bénéfice du contrat mentionné au I pour les entreprises est soumis, dans des conditions fixées par décret, à la publication par l’employeur chaque année d’indicateurs relatifs à l’emploi des seniors mentionnant le nombre de fins de contrat de travail et de contrats de mise à disposition mentionnés au 1° de l’article L. 1251-1 du code du travail, impliquant des salariés de plus de cinquante ans à l’exclusion des démissions, des contrats de travail et contrats de mise à disposition conclus avec une structure d’insertion par l’activité économique mentionnée à l’article L. 5132-4 du même code et des contrats de mission mentionnés au 2° de l’article L. 1251-1 dudit code.
Lorsque les résultats obtenus par l’entreprise au regard des indicateurs mentionnés au premier alinéa du présent I bis se situent en deçà d’un niveau défini par décret, l’entreprise ne peut plus bénéficier du contrat mentionné au I du présent article.
Objet
Le présent projet de loi de transposition de plusieurs ANI entérine la création d’un CDI de valorisation de l’expérience ouvert aux demandeurs.euses d’emploi de 60 ans et plus inscrit.e.s à France Travail et pouvant être ouvert dès 57 ans par accord de branche. L’article 4 portant création de ce CDI dispose que le recrutement par le biais de ce contrat spécifique ne peut pas concerner un.e demandeur.euse d’emploi ayant été employé.e en CDI dans la même entreprise ou le même groupe au cours des six derniers mois.
Si cette dernière disposition est positive pour limiter les effets d’aubaine liés à l’accès aux exonérations de cotisations sociales patronales sur les indemnités de départ des salarié.e.s embauché.e.s par un CDI Salariés Expérimentés, elle ne semble pas réguler suffisamment les stratégies potentielles d’optimisation sociale de la part des entreprises pouvant se séparer d’un.e salarié.e au sein d’un groupe pour le.la reprendre ensuite via le CDI Salariés Expérimentés. De même, elle ne permet pas de lutter suffisamment contre les séparations par licenciement économique, qui affectent pourtant une part importante de travailleurs.euses seniors à partir de 55 ans.
Or entre 50 et 59 ans la part des salarié.e.s en emploi chute de 12 points, de 84 % à 72 %. Cela est notamment dû à un taux important de ruptures de contrat après 55 ans. Selon l’UNEDIC : "la moitié des personnes de 55 ans et plus prises en charge par l’Assurance chômage le sont à la suite d’un licenciement (trois fois plus que les moins de 25 ans)".
De plus, "un quart des seniors indemnisés le sont à la suite d’une rupture conventionnelle" soit près de 100 000 personnes. Selon l’UNEDIC encore, 56 ans est un âge pivot à partir duquel le taux d’accès à l’emploi durable devient significativement plus faible qu’à 50 ans, diminution de 2 à 4 points. Le taux d’accès à l’emploi durable après la perte d’un CDI entre 50 et 61 ans par exemple est particulièrement faible, puisqu’il est divisé par 3 (-26 %), impactant particulièrement les salarié.e.s à l’ancienneté élevée dans leur emploi. Selon l’UNEDIC : "l’effet négatif de l’âge est plus élevé pour les allocataires qui avaient plus de 10 ans d’ancienneté dans leur CDI : leur taux d’accès devient significativement plus faible dès 54-55 ans".
Ces données démontrent que les entreprises ont tendance à se séparer brutalement de leurs salarié.e.s seniors, et à moins recruter à ces âges du fait de mécanismes de discrimination à l’embauche par les entreprises envers les seniors, les contraignant ainsi à des périodes de chômage longue durée.
De fait, en cas de chômage, les probabilités de retour à l’emploi après 50 – 55 ans sont faibles. Selon la DG Trésor « la part des chômeurs de longue durée (plus d’un an) chez les chômeurs de plus de 55 ans est en 2018 de 60 %, contre 42 % pour l’ensemble de la population des plus de 15 ans. De fait, la probabilité de reprendre un emploi après un épisode de chômage est moitié plus faible pour les seniors que pour les 25-54 ans. ». Cela est dû notamment à la discrimination à l’embauche envers les seniors.
Ainsi, en 2021, les testings réalisés par la DARES montrent qu’une personne ayant 55 ans a trois fois moins de chances d’être appelée pour un entretien qu’un 23-30 ans (75 % de réponses positives de moins). In fine, les seniors ne représentent que 6 % des embauches.
Du fait de ces licenciements et de ces discriminations à l’embauche, le nombre des demandeurs.euses d’emploi de plus de 50 ans a nettement augmenté, passant de 312 000 en 2008 (cat. A) à 809 000 fin 2022 et 868 000 au 4eme trimestre 2024. De surcroît, il s’agit beaucoup plus souvent de chômeurs.euses de longue durée : la durée moyenne de chômage des plus de 50 ans était de 370 jours début 2008. Elle atteint 665 jours fin 2022.
Pour l’ensemble de ces raisons, et dans le but de lutter contre les séparations évitables dont sont victimes les seniors, il convient de conditionner le bénéfice de l’offre du contrat et des exonérations mentionnées à l’article 4 à la publication par l’employeur d’indicateurs relatifs à l’emploi des séniors mentionnant le nombre de fins de contrats dans l’entreprise après 50 ans. Il serait en effet paradoxal d’offrir à une entreprise qui se sépare massivement de ses salariés à 56 ans le bénéfice d’un contrat ouvrant droit à des exonérations de cotisations patronales dès 57 ou 60 ans.
L’article 2 de la réforme des retraites de 2023 prétendait lutter contre les ruptures de contrats abusives envers les séniors par l’instauration d’un système de bonus-malus. Cet article a été retoqué par le Conseil Constitutionnel. Pourtant un tel index senior aurait permis l’établissement d’indicateurs pour conditionner le bénéfice d’un CDI pour les salarié.e.s expérimenté.e.s et des exonérations afférentes. Il est proposé ici de s’en inspirer afin de conditionner le bénéfice du CDI à destination des salarié.e.s expérimenté.e.s créé par le biais du présent article 4 à un taux défini de rupture de contrats envers les salarié.e.s de plus de 50 ans.
Tel est l’objet de cet amendement.