Proposition de loi Programmation et simplification dans le secteur économique de l'énergie

Direction de la Séance

N°40

3 juillet 2025

(2ème lecture)

(n° 802 , 801 )


Question préalable

C
G  

Motion présentée par

M. JADOT, Mme GUHL, MM. SALMON, BENARROCHE, Grégory BLANC et DANTEC, Mme de MARCO, MM. DOSSUS, FERNIQUE, GONTARD et MELLOULI et Mmes OLLIVIER, PONCET MONGE, SENÉE, SOUYRIS et Mélanie VOGEL


TENDANT À OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE

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En application de l’article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie (n° 802, 2024-2025).

Objet

Par la présente motion, le groupe Écologiste, Solidarité et Territoires considère qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi portant programmation nationale et simplification normative dans le secteur économique de l'énergie.

Alors que la loi énergie-climat du 8 novembre 2019 avait prévu qu'une loi de programmation détermine, avant le 1er juillet 2023, puis tous les cinq ans, les grands objectifs énergétiques du pays, depuis 2022, les gouvernements qui se sont succédé ont refusé de présenter un projet de loi. 

Cette proposition de loi de la majorité sénatoriale, portée par Daniel Grémillet, était une alerte sur l’absence de loi de programmation gouvernementale. Or, un groupe parlementaire ne peut mener les études d’impact nécessaires dans le cadre d’une loi de programmation aussi engageante que celle-ci.

Une loi de programmation énergie-climat (LPEC) est nécessaire mais elle ne peut pas être débattue dans ces conditions, sans étude d’impact, sans avis du Conseil d’État, sans consultation publique et surtout sans trajectoire financière. Les choix énergétiques qui engagent notre pays pour les années à venir ne peuvent être pris sans études chiffrées et sans plans de financement. Pour notre groupe, il s’agit d’une nécessité absolue au même titre que le débat démocratique sur les choix qui engagent notre pays. 

Ce texte prévoit pourtant la relance du nucléaire avec la construction de 14 EPR à engager d’ici 5 ans. Pour rappel, le démarrage de l’EPR de Flamanville 3 est intervenu avec 12 ans de retard et son coût, estimé à 3,3 Md€ en 2006, a atteint 23,7 Md€ en 2023. Pour les 6 premiers EPR 2 envisagés par le Gouvernement, EDF a déjà révisé ses prévisions à la hausse - 67,4 milliards d’euros au lieu de 51 milliards d’euros - et la Cour des comptes estime que le coût total des investissements pourrait dépasser 100 milliards d’euros. Il est donc vital d’étudier l’intérêt et la faisabilité économique, énergétique et environnementale de ces installations.

De ce point de vue, la démission gouvernementale sur le sujet énergétique est irresponsable et inacceptable. Les propos contradictoires venant du Gouvernement concernant l’intérêt et l’agenda de ce texte démontrent une absence totale de vision politique et une volonté de rejeter la responsabilité de leur échec sur le Parlement. 

Le 6 mai dernier, lors du débat, en application de l'article 50-1 de la Constitution, portant sur la souveraineté énergétique de la France, le Premier ministre annonçait que la publication du décret fixant la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) interviendrait après l'examen par l'Assemblée nationale de la présente proposition de loi. Le 15 juin 2025, Marc Ferracci, ministre chargé de l’Industrie et de l’Energie, déclarait dans la presse que le Gouvernement publierait ce décret avant la rentrée, sans attendre la fin de la navette parlementaire. Dix jours plus tard, lors d’une séance de questions au Gouvernement au Sénat, le même ministre annonce que ce décret ne sera pris qu’une fois que la représentation nationale aura pu débattre, voter et converger sur un texte. Pourtant, lors de son examen par l’Assemblée nationale, le Gouvernement a été incapable de présenter un véritable projet et de mobiliser sa majorité relative, ce qui a contribué à rendre le texte encore plus inapplicable et dangereux qu’il ne l’était à l’issue de son examen au Sénat.

Nous ne pouvons laisser ce texte aller à son terme alors que le Gouvernement n’a toujours pas répondu à certaines questions. Quelle est sa vision de la planification énergétique pour le pays ? Quelle est son intention vis-à-vis de cette proposition de loi ? Quand compte-t-il publier le décret fixant la PPE ? Le flou demeure et ne permet pas de poursuivre sereinement et en responsabilité nos débats sur ce texte. 

Sur le fond, cette proposition de loi prévoit un recul significatif en matière d’énergies renouvelables. En cherchant à favoriser le nucléaire, nous prendrons le risque de ne pas respecter nos obligations européennes et les objectifs de 44% d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’ici à 2030. Le remplacement des énergies renouvelables par la notion d’énergie décarbonée crée également un risque de contentieux. En effet, le droit de l’Union européenne n’intègre pas cette notion d’énergie décarbonée. Il fixe des objectifs en termes de part des énergies renouvelables dans la production et dans la consommation d’énergie, ce que ce texte vise à supprimer du code de l’énergie. Enfin, l’obligation de réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 55% entre 1990 et 2030 ne serait, avec ce texte, plus une obligation de résultat mais de moyens. Il s’agit d’un renoncement majeur vis-à-vis de nos engagements internationaux et européens et fait également peser des risques de contentieux. Il en va de même pour l’abaissement des objectifs de rénovations énergétiques, qui s’opposent en particulier aux objectifs de baisse de la consommation fixés par la directive UE 2023/1791 relative à l’efficacité énergétique. 

Pour l'ensemble de ces motifs de méthode et de fond, le groupe Écologiste, Solidarité et Territoires considère que les conditions d'un examen de cette propositon de loi ne sont pas réunies, s’oppose donc fermement à un tel texte, considère qu’il n’y a pas lieu de poursuivre les délibérations et propose donc au Sénat d’adopter la présente motion.



NB :En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, cette motion est soumise au Sénat avant les orateurs des groupes.