Mardi 21 février 2006
- Présidence de M. Henri Revol, sénateur, président de l'Office, puis de M. Paul Blanc, sénateur, doyen d'âge, puis de M. Claude Birraux, député, premier vice-président, puis de M. Henri Revol, sénateur, président.Compte rendu de réunion de Bureau
M. Henri Revol, sénateur, président, a donné acte des décisions du Bureau du 8 février 2006.
Recherche - Bioéthique - Recherches sur le fonctionnement des cellules vivantes - Communication
Il a ensuite donné la parole à M. Alain Claeys, député, rapporteur de l'étude sur « Les recherches sur le fonctionnement des cellules vivantes ».
M. Alain Claeys, député, rapporteur, a présenté sa communication relative à l'audition publique qu'il a organisée sur le thème des cellules souches embryonnaires et adultes le 22 novembre 2005.
Cette audition a réuni les meilleurs chercheurs français du domaine concerné. Elle est de nature à éclairer l'Office et le Parlement sur l'avancement des recherches dans ce secteur comme sur l'état d'esprit des chercheurs. Elle a notamment permis de dresser un bilan très précis des recherches, encore au stade fondamental, sur la différenciation cellulaire et sur les espoirs de guérison de maladies aujourd'hui incurables.
La loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique a autorisé la recherche sur les embryons surnuméraires et le décret d'application vient d'être publié. Si les chercheurs se félicitent de la publication de ces textes, ils considèrent par contre que la France devra autoriser tôt ou tard le transfert nucléaire, tout en ayant à l'esprit les problèmes éthiques, notamment ceux concernant les dons d'ovocytes. Ils ont aussi insisté sur les difficultés rencontrées aujourd'hui pour importer des lignées de cellules souches embryonnaires.
La diffusion du compte rendu de cette audition publique, préalablement à l'examen du rapport, s'impose du fait du scandale retentissant qui a eu lieu en Corée à la fin de l'année 2005. Cette affaire concernait, d'une part, des dons d'ovocytes qui, contrairement à toute déontologie, avaient été sollicités de collaboratrices du professeur Hwang Woo-suk et, d'autre part, la fraude scientifique révélée à la suite de la parution d'un article sur les travaux réalisés par le professeur Hwang Woo-suk dans la revue Science. Ce scandale risque de jeter l'opprobre sur l'ensemble de la communauté scientifique. L'Office pourrait d'ailleurs s'intéresser au problème des publications scientifiques et de leur contrôle.
M. Alain Claeys, député, rapporteur, a indiqué que, dans le cadre de la préparation de son rapport, il allait prochainement se rendre aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne pour rencontrer les équipes travaillant sur le transfert nucléaire et que ses propositions de recommandations s'articuleraient autour de trois axes :
- les recherches à effectuer pour parvenir à une meilleure connaissance de la cellule,
- les applications possibles de ces recherches,
- la prise en compte des problèmes éthiques et les garanties devant être données dans ce domaine par le législateur.
De nombreux articles de presse sont consacrés aux cellules souches alors que les chercheurs restent, eux, silencieux. La diffusion, dès maintenant, du compte-rendu de l'audition publique pourrait ainsi contribuer à corriger ce déséquilibre et enrichir le débat.
M. Henri Revol, sénateur, président, a donné son accord à la diffusion du compte-rendu de l'audition du 22 novembre 2005 et pris acte de la communication d'étape du rapporteur. Il a ensuite suggéré que le Conseil scientifique de l'Office puisse être consulté sur le problème des publications scientifiques.
Recherche - Recherche polaire en Antarctique - Examen de l'étude de faisabilité
M. Christian Gaudin, sénateur, rapporteur, a tout d'abord rappelé que l'Office avait été saisi par le président de la commission des affaires économiques du Sénat, M. Jean-Paul Emorine, sur la recherche polaire en Antarctique en raison de ses enjeux scientifiques et environnementaux.
M. Christian Gaudin, sénateur, rapporteur, a alors précisé qu'il s'agissait de la recherche effectuée en milieu polaire, c'est-à-dire dans les régions situées au-delà des 60° Nord ou Sud de latitude. En effet, ces régions présentent un intérêt tout particulier pour mener certaines recherches, observations ou expérimentations. En outre, distinguer l'Antarctique de l'Arctique paraît pleinement justifié compte tenu des différences entre les deux régions. L'Antarctique est en effet un continent grand comme trois fois l'Europe, recouvert d'un inlandsis ayant jusqu'à 4.000 m de profondeur, dépourvu de population autochtone et presque dépourvu de faune et de flore. Les conditions climatiques y sont extrêmes et ces régions sont totalement isolées. Enfin, du fait du traité de Washington de 1959 sur le statut de l'Antarctique, le 6e continent est réservé à la science et aux activités pacifiques.
A ce jour, aucun rapport parlementaire n'a été consacré à la recherche en milieu polaire, à l'exception de l'évocation des recherches en matière de climatologie, en 2002, dans le rapport de M. Marcel Deneux, sénateur, sur le changement climatique. Il y a une quinzaine d'année, l'Office avait consacré un rapport aux ressources minérales de l'Antarctique sous la direction de M. Jean-Yves Le Déaut, député, alors qu'une vive polémique avait surgi à la suite de la rédaction de la Convention de Wellington. La France devait alors, avec l'Australie, rejeter ce texte et impulser les négociations du protocole de Madrid, signé en 1991, qui assure une protection efficace de l'environnement en Antarctique. L'Office avait activement contribué à l'information du Parlement et du public et joué un rôle utile en établissant clairement les données scientifiques de cette question.
Une étude de l'Office paraît en outre se justifier par quatre motifs principaux : les enjeux de la recherche, l'évaluation de l'outil français de recherche au niveau européen et international, les responsabilités de la France dans la protection de l'Antarctique et la préparation de l'année polaire internationale 2007-2008. Cette opération sera un événement scientifique mondial. En effet, depuis 1882, seules trois années polaires ont été organisées (1882-1883, 1932-1933, 1957-1958). La dernière année polaire a d'ailleurs eu des conséquences très importantes puisque elle a conduit au développement des recherches en Antarctique, des bases permanentes et des premiers hivernages, notamment à Dumont d'Urville, en Terre Adélie, sous la direction de Claude Lorius pour la France. Elle a aussi amené à la conclusion du traité sur l'Antarctique. L'année 2007-2008 est donc un événement majeur dans lequel l'Office doit prendre sa place, a estimé le rapporteur.
M. Christian Gaudin, sénateur, rapporteur, a alors présenté les grands thèmes scientifiques et technologiques qui devraient être développés dans l'étude. Il a tout d'abord évoqué la climatologie. Plusieurs domaines de recherches se conjuguent : la paléoclimatologie à partir des forages glaciaires, notamment celui d'EPICA, au Dôme Concordia, profond de 3.270 m et permettant de reconstituer le climat sur 900.000 ans, mais aussi des carottages océaniques qui permettent des reconstitutions sur plusieurs millions d'années. Ces travaux permettent de modéliser le climat afin de démontrer l'impact de l'action de l'homme et de prévoir le climat futur. S'y ajoutent les travaux sur la fonte des glaces à la fois par des observations sur le terrain et des moyens spatiaux, notamment les banquises d'eau douce des mers de Ross et de Weddell, et ceux sur l'océanographie, l'océan austral jouant un rôle fondamental dans la circulation thermohaline et donc le climat.
Il a également évoqué les technologies mises au service de la recherche dans ce milieu extrême. En effet, les moyens logistiques, qu'il s'agisse des brises-glaces scientifiques ou du raid chenillé reliant les bases de banquise à celles de l'intérieur, sont absolument indispensables pour les missions scientifiques.
Par ailleurs, l'Antarctique se révèle un lieu exceptionnel pour l'observation de la haute atmosphère et l'astronomie. Il a notamment rappelé que le trou de la couche d'ozone y avait été découvert par des chercheurs britanniques. Le ciel sur la base de Concordia est également en cours d'étude, il pourrait être d'une qualité supérieure à celle des sites du Chili ou d'Hawaï. Enfin, des projets très importants visent à exploiter les qualités exceptionnelles du pôle sud (pureté et profondeur de la glace et obscurité) pour installer un détecteur géant de particules venant de l'espace, les neutrinos.
Enfin, l'Antarctique devient un lieu de préparation des missions spatiales, notamment des voyages vers Mars. En effet, l'hivernage au coeur du continent a beaucoup de similitude avec un voyage spatial (9 mois de confinement et 4 mois de nuit). Certains matériels y sont aussi expérimentés comme ceux dédiés au traitement des déchets des bases ou des robots d'exploration des planètes ou satellites du système solaire.
M. Christian Gaudin, sénateur, rapporteur, a ensuite abordé la question des responsabilités françaises en Antarctique et de l'évaluation de notre outil de recherche. Il a estimé que, compte tenu de son statut d'État possessionné et de partie consultative, la France avait un rôle particulier vis-à-vis de la protection de l'Antarctique comme terre réservée à la science. Aujourd'hui des menaces nouvelles se font jour, comme le développement du tourisme, de la prospection biologique ou encore les questions liées aux responsabilités et aux mesures d'urgence en cas d'accident écologique.
La France, comme la plupart des pays, dispose d'un Institut spécialisé dans la recherche en milieu polaire, l'Institut polaire Paul-Emile Victor (IPEV) qui est une agence de moyens au service des grands instituts de recherche et des laboratoires universitaires. En coordination avec l'administration des TAAF, il a notamment la charge de la gestion ou de l'exploitation des bases et des moyens techniques. L'étude de l'Office aurait donc également pour objectif d'en évaluer le fonctionnement et les moyens au regard des principaux instituts étrangers, d'évaluer les coopérations en cours ou futures. Enfin, la meilleure coordination des moyens, le partage des coûts au niveau européen, voire la création d'une agence polaire européenne sur le modèle de l'Agence spatiale européenne (ESA) devraient être approfondis.
En conclusion, le rapporteur a estimé que la rédaction d'un rapport de l'Office suite à la saisine du Président de la commission des affaires économiques du Sénat était pleinement justifiée. Toutefois, il conviendrait de retenir le libellé suivant : « La place de la France dans les enjeux internationaux de la recherche en milieu polaire, le cas de l'Antarctique ».
Mme Catherine Procaccia, sénateur, a interrogé le rapporteur sur les conclusions qu'il tirait de sa mission de quatre semaines en Antarctique avec l'IPEV.
M. Christian Gaudin, sénateur, rapporteur, a indiqué qu'il avait été très impressionné par la difficulté des conditions d'hivernage et les contraintes pesant sur le personnel scientifique et technique. Le rôle d'une base comme Concordia pour la préparation de missions spatiales est également un point important, son maintien dans la durée ne pourra d'ailleurs être assuré que dans un cadre élargi.
Puis répondant à M. Ivan Renar, sénateur, qui lui demandait quelles étaient les relations entre les différentes bases en Antarctique, le rapporteur a expliqué qu'elles étaient séparées par plusieurs centaines de kilomètres et que les rigueurs du climat empêchaient la plupart des contacts. Seuls des échanges via Internet ou le téléphone satellitaire sont possibles. En revanche, les missions sont coordonnées par des institutions internationales et européennes.
M. Paul Blanc, sénateur, a souhaité savoir si les études sur les carottages de glace avaient permis de découvrir dans le passé une trace de faune en Antarctique.
M. Christian Gaudin, sénateur, rapporteur, a alors précisé qu'en dehors de la côte aucune faune ou flore connue n'avait été identifiée dans les derniers 900.000 ans en Antarctique. Depuis, cette date, la neige s'y accumule en couche fine de quelques centimètres par an, y emprisonnant des bulles d'air ou des poussières microscopiques, permettant d'avoir des indications sur l'atmosphère des époques successives.
Puis, à l'instigation de M. Claude Birraux, député, premier vice-président, un débat auquel ont pris part Mme Catherine Procaccia et M. Ivan Renar, sénateurs, a eu lieu pour savoir s'il convenait d'introduire le niveau européen dans le libellé de l'étude. Un consensus s'est dégagé pour retenir la proposition du rapporteur.
L'Office a alors autorisé, à l'unanimité des présents, la poursuite de cette étude.