Mardi 23 février 2010
- Présidence de M. Alain Lambert, président -Péréquation - Présentation du rapport
La délégation a procédé à l'examen du rapport de MM. Jacques Mézard et Rémy Pointereau, rapporteurs sur la péréquation.
M. Alain Lambert, président, a rappelé que la réunion de la semaine précédente avait été consacrée aux modes de scrutin et a annoncé que la présente séance abordait la question de la péréquation, considérant que l'une des forces de la délégation était la diversité des sujets qu'elle était susceptible d'examiner.
Il a précisé que la délégation pouvait et devait être ambitieuse dans le choix de ses sujets dès lors qu'elle intervenait en amont d'un débat législatif : en se montrant prospective, la délégation remplira sa mission d'informer le Sénat sans préjudice des compétences des commissions permanentes. Il a ajouté qu'il n'y avait ainsi aucune raison de principe pour qu'elle ne se saisisse pas d'un sujet qui lui semblerait digne d'examen.
Il a affirmé que la délégation pouvait aussi être ambitieuse dans ses méthodes de travail, qui n'étaient pas soumises aux mêmes contraintes (politiques, de temps, etc.) que les commissions permanentes : selon les cas, et notamment selon les demandes de ses membres, la délégation pourrait avoir un, deux, voire un groupe de rapporteurs ; selon les sujets et l'évolution de ses réflexions, elle pourrait consacrer une, deux, voire davantage de réunions à l'examen des rapports.
Il a cependant estimé que la délégation devait aussi, pour que ses travaux ne se télescopent pas avec ceux des commissions, faire montre de modération, variable selon les circonstances. Il a ainsi indiqué que les objectifs de la délégation seraient différents selon qu'aucun débat législatif ne serait annoncé ou, au contraire, qu'une commission permanente serait appelée à se prononcer à moyen terme sur le même sujet.
Il a rappelé que, en l'espèce, la commission des finances allait se prononcer sur la péréquation, comme l'avait annoncé son président, M. Jean Arthuis, lors de la table ronde du 10 février 2010, et comme l'y invitaient d'ailleurs les rendez-vous législatifs programmés par la dernière loi de finances. Il a rappelé qu'il fallait avoir à l'esprit cette considération lorsque le rapport de MM. Jacques Mézard et Rémy Pointereau serait discuté.
M. Jacques Mézard, rapporteur, a d'abord observé que la péréquation, principe constitutionnel inscrit au cinquième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, était périodiquement débattue. Selon lui, cette récurrence souligne la difficulté de définir un système de péréquation efficace. Soulignant l'existence de besoins tant dans les zones urbaines que dans les zones rurales, il a rappelé que les dispositifs de péréquation constituaient un instrument parmi d'autres de rééquilibrage et ne pouvaient à eux seuls remplacer une véritable politique de l'aménagement du territoire.
M. Jacques Mézard, rapporteur, a ensuite introduit son analyse des dispositifs de péréquation verticale, en soulignant leur croissance significative depuis 1998. Ainsi, la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui représente près de 80 % des concours financiers versés par l'Etat aux collectivités territoriales et la majorité des dotations de péréquation verticale, s'élève à 41 milliards d'euros en 2009, contre 19 milliards d'euros en 2003. Cette évolution s'est traduite par une augmentation significative des crédits de la DGF consacrés à la péréquation, qui ont été multipliés par quatre depuis 1998.
En outre, M. Jacques Mézard, rapporteur, a estimé que la réforme de la DGF en 2004 et les orientations du comité des finances locales avaient favorisé cette croissance des dotations allouées à la péréquation. Il a néanmoins observé que cette augmentation avait été très différente selon les strates de collectivités territoriales et a relevé la modestie des montants des dotations de péréquation au regard de l'ensemble des ressources des collectivités, dont elles représentent environ 3 %.
S'agissant de l'efficacité des dispositifs de péréquation, M. Jacques Mézard, rapporteur, s'est appuyé sur les travaux des professeurs Guengant et Gilbert, soulignant le niveau élevé de leur caractère péréquateur pour chaque catégorie de collectivité. Cependant, il a observé un certain tassement de la performance de la péréquation aux niveaux communal et départemental au cours des dernières années.
S'agissant des communes, il a relevé que, entre 1994 et 2006, le système de péréquation avait eu des effets péréquateurs pour 71 % des communes, mais des effets sur-péréquateurs pour 21 % d'entre elles et des conséquences contre-péréquatrices dans 8 % des cas. Il a également observé que les grandes villes avaient été favorisées par l'introduction du critère de population comme élément de répartition, lors de la réforme de la dotation de base de la DGF
Au niveau départemental, M. Jacques Mézard, rapporteur, a constaté un certain recul du pouvoir péréquateur de l'ensemble des dotations, lié à l'intégration d'une part substantielle de la dotation générale de décentralisation (DGD) dans la DGF en 2004 et à l'augmentation en volume des compensations fiscales.
A contrario, il a indiqué que les régions bénéficiaient toujours d'une performance positive de leurs dotations de péréquation, celle-ci s'expliquant par une très forte croissance de leurs dotations de compensation créées en 2004.
Par ailleurs, il a regretté le manque de lisibilité et le trop grand nombre des dispositifs de péréquation verticale, les jugeant nuisibles à l'intensité péréquatrice des dotations de l'Etat. En revanche, il a estimé que les dotations de compensation avaient un effet d'égalisation des situations parfois supérieur à celui des dotations dites péréquatrices. A contrario, il a observé que le complément de garantie pouvait être indirectement contre-péréquateur en réduisant la part des dotations de péréquation.
Enfin, M. Jacques Mézard, rapporteur, a rappelé qu'étant construite sur un modèle économique assis sur la croissance, la DGF était contrainte dès que les conditions économiques se dégradaient. Ainsi, il a estimé que le rythme de la croissance économique pouvait être un facteur de réduction de la capacité péréquatrice de la DGF, au même titre que sa complexité.
M. Rémy Pointereau, rapporteur, a tout d'abord rappelé que, dans le cadre de ce rapport, son collègue Jacques Mézard et lui-même avaient procédé aux auditions de M. Yves Fréville, ancien sénateur, afin de disposer de précisions, suite à son intervention du 10 février 2010, lors de la table ronde sur la péréquation, ainsi que de MM. Jean-Christophe Moraud, sous-directeur « finances locales et action économique » à la direction générale des collectivités locales au ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités locales, et de Eric Quérenet de Bréville, sous-directeur à la direction du budget au ministère du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Il a relevé que ces différentes auditions avaient été très fructueuses et permettaient de soumettre aux membres de la délégation quelques pistes de réflexion.
Il a ensuite abordé le bilan des trois principaux dispositifs de péréquation horizontale, visant à répartir des ressources entre collectivités territoriales, pour des sommes évaluées à environ 1,2 milliard d'euros.
M. Rémy Pointereau, rapporteur, a rappelé que le premier d'entre eux, les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP), mis en place en 1975, avait pour objet de répartir, dans chaque département, le produit de la taxe professionnelle des établissements industriels, tels que les centrales nucléaires ou les usines de production automobile, qualifiés « d'établissements exceptionnels ». Il a précisé que cette répartition s'opérait entre la commune d'implantation, les communes proches et les communes défavorisées du département. Il a noté que, en 2007, 918 millions d'euros avaient été distribués par les FDPTP à ce titre mais que la fonction redistributive des FDPTP devrait pouvoir être largement améliorée, puisque l'on considérait que ces fonds étaient trois à quatre fois moins péréquateurs que le fonds de solidarité de la région Ile-de-France (FSRIF), le deuxième dispositif de péréquation horizontale.
Il a précisé que le FSRIF, mis en place en 1991, avait pour objectif de contribuer à l'amélioration des conditions de vie dans les communes d'Ile-de-France supportant des charges particulières au regard des besoins sociaux de leur population, sans disposer de ressources fiscales suffisantes. Il a indiqué que le FSRIF assurait une redistribution entre les communes de la région Ile-de-France par prélèvement sur les ressources fiscales des communes les plus favorisées au profit des communes les plus défavorisées. Il a par ailleurs mentionné l'existence d'un mécanisme de sortie du dispositif du FSRIF, non renouvelable, mis en place par la loi n° 96-241 du 26 mars 1996 portant diverses dispositions relatives aux concours de l'Etat, aux collectivités territoriales et aux mécanismes de solidarité financière entre collectivités territoriales, précisant que ce dispositif allouait aux communes devenues inéligibles au FSRIF, par le jeu d'un classement fondé sur indice synthétique de ressources et de charges, un montant de garantie égal à 50 % de l'attribution perçue l'année précédente au montant de l'éligibilité au FSRIF.
M. Rémy Pointereau, rapporteur, a ensuite observé que l'intercommunalité représentait le troisième mode de péréquation horizontale. Il a relevé que 83 % des communautés d'agglomération avaient mis en place une dotation de solidarité communautaire, dont le produit était évalué à 546 millions d'euros, soit à 30 euros par habitant. Il a par ailleurs relevé des inégalités importantes des niveaux de DGF pour les groupements de communes, plus particulièrement pour les communautés de communes. Il a observé que ces différences de dotations s'expliquaient par des raisons historiques, avec la mise en place de régimes fiscaux différents selon la date de création, destinés à inciter les communes à se regrouper en intercommunalités. Il a précisé que la stratification de ces dispositifs était évaluée à 3 milliards d'euros et qu'il s'avérait nécessaire d'y mettre fin. Il a constaté que, en raison de l'absence d'agrégation des données, il n'était pas possible d'évaluer concrètement l'effet péréquateur de l'intercommunalité. Il a enfin ajouté que, selon les services des ministères du budget et de l'intérieur, une péréquation efficace était plus facile à mettre en place au niveau intercommunal qu'au niveau communal, marqué par l'existence de plus de 36 000 communes.
Il a ensuite constaté que la suppression de la taxe professionnelle introduisait un bouleversement dans la structure des finances locales dont il était nécessaire de mesurer les effets et les opportunités sur les dispositifs de péréquation. Il a illustré son propos en rappelant que la loi de finances pour 2010 garantissait le maintien des FDPTP pour 2010, à titre conservatoire : les communes se verraient donc reverser en 2010 les mêmes sommes qu'en 2009 et selon les règles applicables pour cette année-ci. Il a ajouté que, à partir de 2011, une péréquation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) serait organisée aux niveaux régional et départemental, que le quart de la CVAE perçue par les régions et par les départements serait mis en péréquation respectivement dans deux fonds, un au profit des régions, un au profit des départements. Il a indiqué que la répartition du quart de CVAE entre départements et entre régions serait effectuée en fonction de trois critères :
- pour les départements : la population, le nombre de bénéficiaires de minima sociaux et de l'allocation personnalisée à l'autonomie, la longueur de voirie ;
- pour les régions : la population, l'effectif des élèves scolarisés dans les lycées publics et privés et celui des stagiaires de la formation professionnelle et la superficie, retenue dans la limite du double du rapport entre, d'une part, le nombre d'habitants de la région et, d'autre part, la densité de population moyenne de l'ensemble des régions.
M. Rémy Pointereau, rapporteur, a précisé que, en complément de ce système, il était prévu un dispositif de péréquation, fondé sur l'écart du potentiel fiscal entre département et entre régions, alimenté par une partie de la dynamique de la croissance de la CVAE, calculée sur la base des constatations de l'année précédente. Il a fait part de ses réserves sur la mise en place d'une péréquation efficace au niveau des départements qui se limiterait au seul critère de la population : il a estimé nécessaire de prendre en compte à la fois la part des personnes âgées de plus de 60 ans et celle des personnes dépendantes au sein de la population départementale. Il a évoqué la possibilité d'approfondir ce point dans le cadre d'une autre réflexion, qui pourrait par exemple être consacrée au cinquième risque.
S'agissant du FSRIF, à partir de 2011, il a indiqué que les modalités de son fonctionnement devraient être transformées pour prendre en compte l'impact de la modification de la notion de potentiel financier et de la suppression de la TP sur les versements du fonds.
Enfin, il a précisé qu'un fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) était prévu par la loi de finances pour 2010 pour assurer le maintien du niveau actuel des ressources des collectivités territoriales. Il a expliqué que ce mécanisme de compensation « neutraliserait » en 2011 l'impact de la réforme, au regard de la péréquation, ce qui devrait avoir pour effet, si aucune correction n'était apportée, de fixer les inégalités entre collectivités territoriales à leur niveau actuel. Il a ainsi indiqué que la CVAE pourrait aggraver les inégalités financières, en créant de nouvelles inégalités par rapport aux ressources issues de la TP. Il a donné comme exemple la CVAE des communes, qui réduisait les ressources de celles hébergeant des industries dont la valeur ajoutée comprenait une forte composante foncière, en faveur des communes comptant sur leur territoire des activités du secteur tertiaire.
M. Rémy Pointereau, rapporteur, a conclu que le contexte actuel invitait la délégation à préparer les trois rendez-vous législatifs, prévus par la loi de finances pour 2010, qui viseraient, entre juin 2010 et fin 2012, à réajuster les dispositions votées en loi de finances, en fonction de la réforme des collectivités territoriales, de la nouvelle répartition des compétences et des simulations actuellement réalisées par les services du ministère du budget sur les effets de la réforme de la TP. Il a par ailleurs proposé que le FNGIR devienne à terme un dispositif de péréquation horizontale.
M. Jacques Mézard, rapporteur, a constaté qu'il n'existait pas de définition claire des objectifs de la péréquation ; un effort de clarification est donc nécessaire afin de recenser les pistes envisageables pour rénover les dispositifs de péréquation qui reposent aujourd'hui sur des constructions empiriques.
Il s'est d'abord interrogé sur le fait de savoir si la péréquation devait garantir un niveau de ressources suffisant pour financer les dépenses obligatoires des collectivités territoriales ou, un peu plus largement, pour financer les besoins des citoyens. Il a souligné que cette approche en termes de ressources suffisantes soulevait plusieurs difficultés, la première d'entre elles étant d'apprécier la mesure des charges budgétaires, lesquelles ne reflètent pas forcément les besoins de la population. Il s'est ainsi référé à étude de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), selon laquelle le montant de l'aide sociale à l'enfance variait de 1 à 5 selon les départements, pour considérer qu'un accroissement de ressources pouvait entraîner une augmentation des dépenses ne correspondant pas à une augmentation réelle des charges de la collectivité.
Il a ensuite indiqué qu'une réflexion devait être menée pour déterminer si la péréquation avait pour objectif de garantir à un territoire les conditions de son développement. Il a rappelé qu'un tel choix conduisait à un bouleversement fondamental de la philosophie actuelle des dispositifs de péréquation, dans la mesure où il impliquait de passer d'une logique de stock à une logique de flux, puisque toute dotation de péréquation ne devait plus être considérée comme un acquis, mais uniquement comme un outil destiné à atteindre un niveau économique donné. Les dispositifs de péréquation agiraient alors comme une aide économique transitoire et non plus pérenne.
Il a précisé que le législateur devait également s'interroger sur l'opportunité de garantir le niveau actuel des ressources de toutes les collectivités territoriales. Il a estimé qu'un tel choix aurait pour effet de figer les inégalités entre collectivités territoriales d'une même strate, ce qui n'était pas plus souhaitable que de mettre en place des dispositifs qui pénaliseraient les territoires les plus dynamiques.
Par ailleurs, il a souligné combien il était difficile de se prononcer sur une réforme des dispositifs de péréquation sans connaître l'évolution de la répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités territoriales.
En tenant compte de ces contraintes, il a proposé de tracer les contours d'une réforme de la péréquation dont l'objectif prioritaire devait être de réduire les inégalités entre collectivités territoriales, d'autant que les inégalités s'étaient aggravées depuis 2001, mais aussi de corriger les effets pervers des mécanismes existants. Pour cela, il a estimé indispensable de définir de nouveaux critères de répartition des dotations de péréquation.
M. Rémy Pointereau, rapporteur, a poursuivi en abordant la question du montant optimal d'un dispositif de péréquation. Il a précisé qu'il s'agissait de définir un seuil minimal à partir duquel une politique péréquatrice serait efficace pour les collectivités territoriales bénéficiaires mais également un seuil maximal évitant d'éventuels effets pervers, tels que, pour les collectivités bénéficiaires, une installation dans une position d'assistanat et, pour les collectivités contributrices, une désincitation au développement au-delà du seuil d'application des écrêtements qu'elles auraient à subir. Il a noté qu'il était difficile d'apporter une réponse précise à cette question, rappelant qu'il était important de faire preuve de réalisme et de prudence dans ce domaine, dans l'attente des simulations que le Gouvernement devait remettre au Parlement le 1er juin 2010. Il a déclaré, sous cette réserve, avoir fait le choix de limiter sa réflexion au niveau optimal de la péréquation réalisée dans le cadre de la CVAE, mise en place par la loi de finances pour 2010, en la considérant comme une donnée désormais incontournable. Il a proposé de porter, dès 2011, à 33 % la part péréquatrice du produit de la CVAE, contre 25 % actuellement. Il a jugé que cette proposition lui apparaissait fondamentalement novatrice car elle visait à développer une péréquation fondée sur des ressources fiscales en lieu et place de dotations budgétaires et de concours financiers de l'Etat.
Il a ensuite abordé la dernière piste de réflexion portant sur les critères sur lesquels devraient reposer les nouveaux dispositifs de péréquation. Il a observé que le potentiel fiscal intervenait aujourd'hui dans la répartition de toutes les dotations de péréquation existantes, relevant qu'il était mis à mal par la suppression de la taxe professionnelle, d'une part, et par le développement des nouvelles dotations de compensation liées à cette suppression, d'autre part. Il a affirmé qu'un des critères centraux de répartition de la péréquation devait donc être redéfini. Il a souhaité attirer l'attention sur deux critères destinés à rendre les dispositifs de péréquation plus efficaces.
S'agissant du critère de revenu global des habitants, M. Rémy Pointereau, rapporteur, a indiqué que la prise en compte de ce critère, dans de nombreux pays européens tels que l'Allemagne, avait permis une forte égalisation des ressources des collectivités territoriales. Il a estimé que la base fiscale la plus pertinente, permettant de prendre en compte la quasi-globalité des ressources des contribuables, était celle de la contribution sociale généralisée (CSG), et non celle de l'assiette de l'impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP), compte-tenu des trop nombreuses exonérations prévues qui fausseraient l'évaluation des richesses des territoires.
Sur la question du critère de la population, il a souligné sa divergence avec M. Jacques Mézard, rapporteur, sur sa prise en compte comme élément fondamental de répartition des dotations de péréquation. Il a proposé de pondérer le critère de population par la prise en compte de la part des personnes âgées de plus de 60 ans du territoire, la part des personnes dépendantes et peut-être, dans une moindre mesure, le nombre des bénéficiaires de minima sociaux, afin de prendre en compte les spécificités sociales des territoires et de ne pas pénaliser ceux à faible densité.
Abordant la dernière piste de réflexion, M. Jacques Mézard, rapporteur, s'est interrogé sur la définition d'un niveau territorial pertinent pour la mise en oeuvre des dispositifs de péréquation. Soulignant que la référence au potentiel fiscal était remise en cause par la suppression de la taxe professionnelle, il s'est s'interrogé sur la possibilité de continuer à traiter la péréquation au niveau communal. Par ailleurs, il a indiqué que les services de l'Etat avaient des difficultés méthodologiques majeures pour mesurer les effets des dispositifs de péréquation sur l'ensemble des 36 000 communes.
Il s'est prononcé en faveur d'une territorialisation de la dotation globale de fonctionnement, car l'approfondissement de l'intercommunalité pouvait, à terme, permettre de réaliser une péréquation au niveau intercommunal en fonction de la richesse de l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) et de ses communes membres.
Il a estimé que la péréquation verticale serait sans doute plus efficace si elle était assise sur une base territoriale un peu élargie.
Il a observé que l'ambition de la réforme devait favoriser une logique de péréquation entre collectivités territoriales plutôt qu'une cristallisation des situations acquises fondée sur la logique des situations historiques. Il a jugé qu'une telle réforme avait des effets importants sur les finances des collectivités territoriales et qu'elle devait donc être réalisée très progressivement.
Enfin, il s'est prononcé en faveur d'une globalisation des dotations de péréquation afin d'améliorer la lisibilité de la réforme.
M. Alain Lambert, président, s'est réjoui de l'approche « par pistes » des rapporteurs, saluant leur choix d'alimenter la réflexion de la commission des finances plutôt que celui de lui fournir une solution « clefs en main ».
Il a ensuite invité chaque membre de la délégation à se prononcer sur les cinq questions identifiées par les rapporteurs :
- quels objectifs pour la péréquation de demain ?
- quel montant optimal pour la péréquation ?
- quels critères pour une péréquation rénovée ?
- quel niveau territorial de péréquation privilégier ?
- que penser de la création d'une dotation globale de péréquation ?
M. Eric Doligé s'est interrogé sur l'origine des inégalités financières entre territoires nécessitant la mise en oeuvre d'une politique de péréquation, soulignant qu'elles pouvaient être de deux ordres. Tout d'abord, il a relevé qu'il pouvait s'agir de difficultés locales, liées aux spécificités économiques, géographiques ou sociales des territoires, et aux compétences des collectivités territoriales, rappelant l'exemple selon lequel le coût de la réalisation d'une route dépendait de la topographie des territoires. Il a ensuite abordé la deuxième source d'inégalités financières, à savoir le financement de charges, définies au niveau national, et sur lesquelles une collectivité territoriale ne disposait d'aucune maîtrise au niveau local. Il a constaté que, quelle que soit la source des inégalités financières entre collectivités territoriales, il était nécessaire d'abandonner les politiques de péréquation assises sur la définition d'un seuil d'éligibilité.
Il s'est ensuite interrogé sur la situation financière qui devait être prise en compte pour mettre en place une péréquation performante, à savoir la situation financière actuelle d'une collectivité territoriale ou sa situation future. Il a précisé que la prise en compte de la situation actuelle des finances d'une collectivité territoriale nécessitait l'évaluation de ses recettes et de ses dépenses, pour qu'elle puisse ensuite bénéficier d'une péréquation horizontale, accompagnée, le cas échéant, d'une péréquation verticale, afin de rééquilibrer son budget. Il a ensuite indiqué que la prise en compte de la situation financière future d'une collectivité territoriale nécessitait la création d'un nouveau dispositif de péréquation, qui permettrait d'anticiper les évolutions financières négatives, la situation actuelle devant être considérée comme une donnée de base.
M. Eric Doligé a enfin abordé la question de l'origine des ressources utilisées pour la péréquation. Il a proposé la création d'un fonds national de péréquation alimenté par des ressources nationales, considérant que le prélèvement sur les ressources des collectivités territoriales riches présentait plusieurs inconvénients, peu d'entre elles étant volontaires pour contribuer financièrement à un tel dispositif. Il a également souhaité une réflexion nationale sur la compensation des handicaps naturels et structurels d'une collectivité territoriale, avec la mise en place de critères précis destinés à apprécier les difficultés d'un territoire. Il a insisté sur l'idée selon laquelle la péréquation nationale de solidarité se heurtait à une limite, à savoir la prise en compte des situations financières passées au détriment des situations financières futures.
M. Claude Belot a rappelé le caractère récurrent du débat sur la péréquation. Il a estimé que les conditions économiques actuelles ne permettraient pas une amélioration de la performance de la péréquation, compte-tenu des faibles marges de manoeuvre disponibles pour éviter une baisse des recettes des collectivités territoriales.
Il a rappelé le travail qu'il avait conduit sur la péréquation, avec M. Jean François-Poncet, au nom de la délégation sénatoriale pour l'aménagement et le développement durable du territoire. Évoquant un déplacement de cette délégation au sein d'un conseil général pauvre d'une zone de montagne, il a observé que la « pauvreté » du département n'était qu'apparente et que les problèmes locaux étaient traités convenablement. Il en a déduit qu'il n'existait aucun lien entre la solidité de la structure financière d'une collectivité territoriale et son niveau de ressources. Il a par ailleurs observé que l'accroissement de ressources pouvait entraîner une hausse des dépenses d'une collectivité territoriale et de son endettement, ne correspondant pas pour autant à une augmentation réelle des charges de celle-ci ou à une demande des citoyens.
Puis M. Claude Belot a souligné le rôle indispensable du département comme « outil » de péréquation, mentionnant les aides de fonctionnement attribuées aux communes. Il a rappelé que la mission temporaire sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales avait conclu que les conseils généraux disposaient des outils nécessaires de connaissance des communes, compte-tenu de leur proximité avec celles-ci, leur permettant ainsi de leur fournir l'aide financières dont elles ont besoin.
Il a par ailleurs observé l'existence de fortes contraintes financières sur les départements, en raison de la disparition de la taxe professionnelle et de l'augmentation de leurs dépenses en matière d'aide sociale. Il a également souligné la nécessité d'ajuster les compétences de chaque strate de collectivités territoriales. Enfin, il a estimé que, compte-tenu des risques financiers induits par les difficultés actuelles, le principe de bonne gestion d'une collectivité publique devait être renforcé, tout en rappelant la nécessité de définir un dispositif de péréquation efficace pour y faire face.
M. Bruno Sido a souscrit aux interventions précédentes selon lesquelles le département était le périmètre pertinent et efficace pour une péréquation en faveur des communes et de leurs groupements. Précisant que la péréquation renvoyait à la notion de « richesse relative » d'une collectivité territoriale, il a observé que la mise en place d'un dispositif péréquateur nécessitait la définition préalable de la notion de « richesse », afin de définir les collectivités territoriales contributrices et bénéficiaires d'un dispositif de péréquation, et avant la mise en oeuvre d'une dotation nationale.
M. Yves Daudigny s'est demandé comment mesurer la richesse des communes, alors que la réforme de la taxe professionnelle rendait le critère de potentiel fiscal obsolète. Il a estimé que la péréquation devait pourtant prendre en compte la richesse objective des territoires concernés, soulignant qu'une collectivité territoriale pouvait avoir le sentiment d'être en difficulté alors que ses résultats économiques et financiers la plaçaient en réalité au sommet de la strate à laquelle elle appartient.
Il a relevé que certains souhaitaient que la péréquation ne s'exerce que sur les recettes supplémentaires et non sur la globalité de la situation existante. Il a souligné l'aspect limité qu'aurait une telle politique de réduction des inégalités. Enfin, il a noté que la péréquation devait être différente selon qu'elle concernait des dépenses « obligatoires », c'est-à-dire en l'occurrence, liées aux transferts de compétences sociales dans le cas des départements, ou des dépenses facultatives basées sur les compétences dévolues à chaque collectivité territoriale. Il a observé que la réforme de la répartition des compétences entraînerait sans doute une nouvelle modification de la péréquation.
A son tour, M. Alain Lambert, président, a vu dans le département le niveau territorial le plus pertinent pour mettre en oeuvre la péréquation, sous réserve que les relations financières entre les départements et l'Etat soient assainies dans le cadre de la péréquation verticale. Il a estimé difficile de réduire les ressources des collectivités territoriales, chacune prenant des engagements financiers à hauteur de ses ressources. Il a proposé de plafonner, en valeur, les ressources des collectivités territoriales les plus riches. Il a fait observer que l'approche de cette question sous l'angle non du volume de richesses, mais de la valeur, introduirait dans le raisonnement le niveau de l'inflation et les répercussions qu'il pourrait avoir sur la péréquation. Enfin, il a noté que l'assiette de la CSG pouvait constituer un meilleur indicateur de localisation de richesse que l'IRPP, mais il a mis en garde contre la tentation de faire du produit de cette contribution une ressource péréquatrice. Il a ensuite incité les rapporteurs à préciser leur position respective sur le critère de répartition des dotations de péréquation basé sur la population, apparu comme une source de divergences.
M. Jacques Mézard, rapporteur, a rappelé qu'il était élu d'un département enclavé et rural, et que pour autant il ne souhaitait pas remettre en cause le critère de population dans la répartition de la DGF. Il a estimé que l'accroissement des dotations de péréquation ne résoudrait pas les problèmes d'enclavement et d'isolement que connaissent les départements les plus pauvres. Il a observé que l'accroissement des dotations de péréquation n'avait pas foncièrement amélioré la situation, et que ces problèmes devaient être traités dans le cadre d'une politique volontariste d'aménagement du territoire.
M. Rémy Pointereau, rapporteur, a indiqué que la répartition des dotations de péréquation en fonction du critère de population conduisait à ne pas traiter les difficultés des départements à faible densité de peuplement. Il a souhaité que le critère de population soit complété par des critères objectifs, notamment territoriaux, tels que l'enclavement du territoire, ses handicaps naturels, ou d'autres critères tels que l'âge de la population. Il a remarqué que la prise en compte des critères relatifs aux minima sociaux posait la question de la bonne gestion des territoires, certains départements réduisant le nombre des bénéficiaires de ces minima par leur bonne politique d'insertion. Il a appelé à la pondération du critère de population afin de ne pas aggraver la situation des territoires les plus fragiles.
M. Yves Détraigne s'est demandé comment trouver le bon système de péréquation. Il a admis la nécessité de parvenir à évaluer les niveaux de richesse des territoires pour que la péréquation puisse être efficace. Il a noté que des critères de territorialité et de charges pouvaient utilement être pris en compte. Il a souhaité attirer l'attention sur le fait que la situation des collectivités territoriales évolue, alors que la DGF est caractérisée par une forte inertie. Une évolution économique et démographique d'un territoire peut avoir pour conséquence de rendre obsolète, voire inéquitable, la répartition de la DGF. Il a cité un cas local caractérisé par un écart de 1,8 entre la DGF d'une commune et celle des communes de la même strate au sein d'un même département. Il a prôné une certaine souplesse dans l'évolution de la DGF, grâce à l'examen annuel des différents critères.
M. Jacques Mézard, rapporteur, a jugé que le critère de bonne gestion devrait être pris en compte, car les efforts de gestion des collectivités territoriales pouvaient leur permettre de mieux répondre aux besoins de leur population. Il s'est demandé si l'allocation de dotations de péréquation par l'Etat ne devrait pas tenir compte de ces choix de gestion, sur la base de critères objectifs d'évaluation de la gestion locale.
M. Eric Doligé a rappelé que certaines communes connaissaient des situations spécifiques, générant des difficultés particulières, mais que sous réserve de ces quelques exceptions, les communes ne connaissaient pas, dans son département, de situation réelle de pauvreté. De même, l'échelon régional, avec toutes ses nuances, ne lui a pas semblé aujourd'hui en grande difficulté. Il a en revanche considéré que les départements connaissaient une situation très dégradée du fait de l'explosion des dépenses sociales et de la réduction de leurs recettes fiscales. Il a jugé que la strate départementale était fragilisée. Il a estimé que la péréquation ne permettrait sans doute pas de régler ces problèmes. Il a souhaité qu'une réflexion soit menée sur le financement des dépenses sociales pesant sur les finances départementales.
M. Alain Lambert, président, a rappelé que M. Dominique Hoorens, directeur des études économiques et financières de l'Union sociale pour l'habitat, avait distingué les missions des départements autour de deux concepts : les dépenses pour un « compte d'Etat », qui recouvriraient les compétences du département définies par l'Etat, et les dépenses pour « compte propre », qui correspondraient aux missions propres du conseil général. Cette distinction permettrait de cantonner le problème de financement des prestations universelles d'aide sociale qui devait être réglé avec l'Etat plutôt que dans le cadre de la péréquation.
Enfin, il a indiqué que la délégation pourrait par ses travaux contribuer à la réflexion de la commission des finances qui se saisira au fond du sujet de la péréquation.