Mercredi 12 décembre 2012
- Présidence de M. Joël Bourdin, président -Atelier de prospective : Quel avenir pour nos campagnes ?
M. Joël Bourdin, président. - Mesdames, messieurs, je vous remercie de votre présence à cet échange sur les territoires ruraux. J'adresse également mes remerciements à Edith Heurgon pour avoir accepté d'animer nos débats, et à nos intervenants extérieurs, spécialistes de la question, qui vont nous apporter leur éclairage.
J'aimerais vous dire quelques mots sur la délégation à la prospective qui a été créée par le Sénat voici trois ans. Elle a pour but de réfléchir à des enjeux de long terme. Sa vocation est de représenter les collectivités territoriales.
La délégation a désigné deux collègues pour travailler sur le sujet de l'atelier d'aujourd'hui : Renée Nicoux, sénatrice de la Creuse, qui connaît très bien les territoires ruraux, tout comme Gérard Bailly, sénateur du Jura. Ils sont les plus à même de nous guider dans notre réflexion.
Renée Nicoux prendra la parole, Gérard Bailly ajoutera quelques mots puis je laisserai le soin à Edith Heurgon de mener la séance.
Mme Renée Nicoux, rapporteure. - Le Sénat est une assemblée particulièrement sensible à la question rurale. C'est pourquoi cette mission, dont Gérard Bailly et moi-même avons été saisis, nous honore et nous oblige. Les difficultés que nous rencontrons en tant qu'élus de communes rurales se retrouvent à tout niveau. Nous l'avons constaté lors de nos déplacements et de nos auditions. L'intensité de ces difficultés varie bien entendu d'un territoire à l'autre.
Notre démarche n'est pas seulement prospective mais surtout politique. Pourtant, notre travail n'est pas partisan. En effet, quelle que soit notre orientation politique, nous avons les mêmes préoccupations face à cette question, pour le présent et pour l'avenir. La délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR) et l'institut national de la recherche agronomique (INRA) ont mené de très bons travaux de scénarisation, que leurs coordinateurs ici présents auront peut-être l'occasion de nous présenter cet après-midi. Je les remercie pour leur talent et leur disponibilité.
Nous avons identifié, sur la base de nombreuses auditions et de notre propre expérience, des tendances lourdes, de nombreux facteurs de risque et quelques opportunités. C'est ainsi que nous construisons nos propres scénarios qui feront l'objet d'une présentation dans le rapport. Nous souhaitons renforcer ces tendances dès lors qu'elles sont favorables, écarter les facteurs de risque, potentialiser les opportunités existantes et en créer de nouvelles. Nous refusons de laisser toute licence aux forces centrifuges qui produisent plus d'inégalités entre villes et campagnes, et entre les différents territoires ruraux eux-mêmes. Cela nous conduit à cette première interrogation : par quel cheminement et suivant quel équilibre, la métropolisation, tendance lourde, peut-elle s'accompagner d'un développement harmonieux de tous les territoires ruraux et des villes intermédiaires dont ils dépendent ?
M. Gérard Bailly, rapporteur. - Je remercie Renée Nicoux pour ces propos. J'aimerais remercier l'ensemble des participants à ces échanges. J'atteste personnellement que travailler au développement rural n'est pas une sinécure. Je suis président d'une communauté de communes de trente communes comptant seulement 6 200 habitants. De nombreux obstacles d'ordres financier, administratif et logistique doivent être surmontés. Que de résistances à infléchir, qui ne sont parfois que des conflits d'usage. Que de handicaps à compenser en raison de l'éloignement des services, des écoles, des soins et des réseaux, qu'ils soient physiques ou électroniques. Nous proposons le scénario du développement du territoire et non celui du laisser-faire. Nous souhaitons que la population soit présente sur l'ensemble du territoire de notre pays. Nous voulons que toutes les campagnes, à leur rythme, réalisent leur potentiel de développement, en misant sur leurs atouts respectifs, y compris énergétiques. Nous connaissons les conditions de ce développement ; ainsi, de très nombreux leviers devraient être actionnés de manière simultanée.
A la suite des auditions que nous avons menées, quatre facteurs nous ont paru nécessaires :
· Une gouvernance plus efficace, grâce
à une pratique accrue de l'inter-territorialité, en particulier
pour la maîtrise foncière nécessaire à la
coexistence harmonieuse de l'habitat, des activités agricoles et de
toute autre activité économique. En parallèle, il est
nécessaire de préserver l'environnement et le potentiel
touristique qui est essentiel pour ces territoires. Cette gouvernance serait
plus efficace si elle s'inscrivait à divers échelons, dans des
logiques de projets fédérateurs pour les habitants, qu'ils soient
agriculteurs, ouvriers, employés ou cadres.
· Un accès préservé ou
amélioré aux services publics, auxquels le Sénat - et en
particulier notre délégation - prête une attention toute
particulière, mais aussi une vraie complémentarité entre
les bourgs et les campagnes.
· Des réseaux physiques de communication
à la hauteur des exigences d'une économie moderne, en particulier
des réseaux de désenclavement qui sont capitaux, hier comme
aujourd'hui et peut-être encore davantage demain.
· Un accès
généralisé au haut débit, puis au très haut
débit.
Nous pensons que lorsque ces quatre facteurs seront réunis, les particuliers et les entreprises pourront envisager de rester ou venir s'installer sur ces territoires. Les citadins pourront également venir s'y ressourcer. Les politiques ciblées profiteront alors pleinement du développement économique, social et culturel de ces territoires.
Cette analyse reste-t-elle valable dans la durée ? Nous pouvons y réfléchir ensemble.
Je terminerai en posant une question : le très haut débit va-t-il devenir, à terme, une sorte de panacée pour les problèmes d'accès aux services, à la médecine, à l'éducation et à la culture dans ces campagnes ? Le haut débit sera-t-il pour nos campagnes le premier levier de leur développement ? Il me semble que c'est une vraie question car il est courant d'entendre des interrogations sur la nécessité d'alimenter en haut débit nos campagnes. A mon sens, la réponse est oui. Cela fera l'objet de nos discussions cet après-midi.
M. Joël Bourdin, président. - Nos deux rapporteurs ont évoqué à l'instant les principaux problèmes à aborder. J'ajouterai qu'avec la crise, nous pouvons nous interroger sur la capacité de nos territoires ruraux à résister autant que les territoires urbains. Existe-t-il dans ce domaine une fragilité particulière inhérente à ces territoires ruraux ? Les difficultés se situent souvent dans ces territoires, ce qui justifie que nous nous penchions sur cette question aujourd'hui. Je donne la parole à Edith Heurgon, notre animatrice.
Les débats sont animés par Edith Heurgon, prospectiviste
Ont participé à ces débats : Stéphane Cordobes, conseiller responsable de la prospective et des études à la DATAR, Armand Fremont, géographe, ancien recteur, Olivier Mora, ingénieur agronome - chercheur à l'INRA, Olivier Paul-Dubois-Taine, président du comité transports d'ingénieurs et scientifiques de France (IESF), Jean-Yves Pineau, directeur du Collectif Ville Campagne.
Mme Edith Heurgon. - J'ai été informée de la tenue de cet atelier prospectif au mois de juillet lorsqu'un des administrateurs du Sénat m'a contactée. Il souhaitait en effet se rendre à Cerisy, au Centre culturel international que je dirige dans la Manche, parce que le scénario 4, évoqué dans le cadre de la démarche de l'INRA et à laquelle j'ai participé, l'intéressait. J'ai accueilli avec plaisir en septembre sa délégation et j'ai réuni autour d'elle la responsable du CESERE de Basse-Normandie, le Conseil général de la Manche en pleine réflexion prospective, ainsi qu'une jeune femme travaillant dans une association des Chambres d'agriculture de l'Arc Atlantique. Cette association réalise de la prospective préventive via les acteurs du territoire. De nombreux agriculteurs participent à cette démarche. Il est particulièrement intéressant que la prospective se fasse sur le terrain avec l'ensemble des partenaires pour faire émerger des signaux faibles. Vous avez évoqué les tendances lourdes, des facteurs de risque et des opportunités. J'introduis la notion de prospective des signaux faibles.
A la suite de cette visite, j'ai été sollicitée afin de jouer le rôle de discutant prospectif à l'atelier d'aujourd'hui. Puis, j'ai constaté que j'étais en fait animatrice de ce débat, ce qui est tout à fait différent. Néanmoins ces deux rôles ne sont pas incompatibles et je souhaite relever ce défi.
J'ai travaillé pendant trente-sept ans pour la RATP, et créé l'équipe de prospective de cette société en 1980. Cette équipe était une sorte de noeud de réseaux entre le monde des transports et le monde de la ville. C'était un lieu de débat très ouvert. Par ailleurs, j'anime un centre culturel international dans la Manche, qui me rapproche un peu plus du monde des campagnes.
La prospective est une démarche de connaissance pour l'action. Elle vise à stimuler l'intelligence collective des acteurs. Elle articule trois types de savoirs : les savoirs experts, les savoirs pratiques et les expériences sensibles, voire des savoirs artistiques. J'ai développé cette prospective, que nous appelons prospective présente, avec Jean-Paul Bailly dans le cadre d'un rapport au Conseil économique et social élaboré dans les années 98. Intitulé à l'origine « Prospective et décision publique », ce rapport s'est finalement appelé « Prospective, débat et décision politique ». Rien n'est nouveau dans ces trois thèmes, en revanche leur association l'est. Il s'agit de mener une prospective non pas d'expert mais une prospective qui permette d'alimenter l'intelligence collective des acteurs pour de meilleures décisions publiques.
Dans un contexte sociétal inédit, et pour dépasser des tensions a priori insurmontables, il est nécessaire de formuler les bonnes questions. Celles de la prospective du présent revêtent souvent deux formes.
En effet, d'une part, elles reposent sur un parti pris d'optimisme méthodologique, dont nous avons besoin aujourd'hui. Elles partent souvent d'un diagnostic un peu négatif pour reformuler la question en des termes positifs, par exemple grâce à l'emploi du terme « si » : et si les campagnes qui rencontrent aujourd'hui des difficultés étaient finalement un des leviers principaux que nous pouvons exploiter pour réinventer le monde de demain ?
D'autre part, la prospective du présent observe les signaux faibles. Elle tente d'analyser les signaux qui appartiennent déjà au futur, mais pour lesquels nous n'avons pas les bonnes lunettes. Il s'agit de s'ouvrir davantage à ces signaux pour étudier les inventions des locaux sur le terrain. Nous constatons en effet qu'une grande vitalité s'oppose souvent à la rigidité des institutions qui peinent à se réformer.
L'objectif est de co-construire des devenirs souhaitables. Je rappelle que l'avenir est ce que nous prévoyons, quand le devenir est ce que nous construisons ensemble. Je pose donc la question en ces termes : que vont devenir nos campagnes ? Pour construire des devenirs souhaitables, la prospective classique tente d'élaborer des futurs possibles, la prospective du présent s'intéresse au devenir souhaitable.
Notre sujet est bien l'avenir de nos campagnes, et j'ajoute également l'avenir de nos villes. Je vous invite à ne pas tomber dans la nostalgie du passé. Il faut davantage prendre acte du défi du monde contemporain pour réinventer les campagnes. Cette ambition est forte.
Au préalable, il me semble essentiel de ne pas définir les ruralités par défaut. Il faut dépasser les catégories statistiques de l'INSEE par exemple. Il s'agit de penser le devenir des campagnes dans toutes ses composantes, qu'elles soient spatiales, géographiques, fonctionnelles, écologiques, économiques, sociales, culturelles ou politiques. De nombreuses prospectives ont été menées sur les campagnes. Je citerai en premier lieu la prospective animée par Philippe Perrier-Cornet de la DATAR, intitulée Repenser les campagnes, dont le préfacier Armand Frémont est aujourd'hui parmi nous. Dans cette prospective, nous pouvions déjà identifier trois types de campagnes :
· les « campagnes ressources », vues
et vécues en termes de production ;
· les « campagnes cadres de vie »,
comme espaces résidentiels et récréatifs ;
· la « campagne nature », à
savoir une nature objective, incluant des ressources, des cycles de vie et des
fonctions.
En second lieu, je citerai la prospective de 2006-2008 dont nous parlerons tout à l'heure. Elle a été conduite par l'INRA sur les nouvelles ruralités en 2030 et j'ai eu le plaisir d'y participer pour apporter un regard du passé. Prenant acte du fait urbain, elle définit les ruralités au coeur de nouveaux rapports ville-campagne. Ces ruralités sont définies comme des dynamiques qui portent à la fois sur la transformation des espaces, sur leurs usages productifs, résidentiels et récréatifs, sur les vécus et représentations des acteurs, sur leurs rapports à la nature et leurs enjeux écologiques ainsi que sur les modes de gouvernance. Nous avons pris comme parti d'évoquer les ruralités au pluriel parce qu'elles sont différentes selon les contextes géographiques, économiques et sociaux. Nous les avons illustrées au niveau des régions de Basse-Normandie, Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes et PACA.
Je vous propose de réfléchir ensemble sur le devenir souhaitable des campagnes au regard du fait métropolitain. Je vous invite à mener cette réflexion non pas en opposant traditionnellement villes et campagnes mais en construisant les nécessaires complémentarités et coopérations, qui nous permettent d'affronter le nouveau contexte sociétal et l'actuelle crise systémique.
Ce nouveau contexte sociétal est au carrefour de mutations macroscopiques et microscopiques. Les premières sont liées à la mondialisation, à l'émergence de nouvelles puissances, aux nouveaux régimes techniques de l'Internet et aux réseaux sociaux. Les secondes résident dans l'individuation des modes de vie, la longévité accrue de la vie, la diversité des âges et dans les manières variées d'habiter nos territoires. Entre ces deux types de mutations se développe un phénomène que nous aborderons aujourd'hui parce qu'il est essentiel. Il s'agit de l'explosion des mobilités. Je cite l'explosion des mobilités des biens, des informations et des personnes. Avec le regretté François Ascher, nous avions beaucoup travaillé sur ces mobilités-types qui reconfigurent les espaces et les temps. Quand j'aborde la question des mobilités, je ne parle pas de transports. J'évoque davantage les mobilités tous azimuts : les mobilités physiques quotidiennes et résidentielles, mais aussi les mobilités professionnelles, sociales, politiques et culturelles. Ces mobilités bousculent totalement les échelles spatio-temporelles. Elles désajustent les bassins de vie et les territoires administrés. Elles transforment les relations que nous avons avec autrui et avec soi-même.
S'y ajoute une triple dette :
· la dette écologique - les
évolutions climatiques, la transition énergétique, la
biodiversité - qui nous impose des solidarités obligatoires
à l'échelle de la planète ;
· la dette économique, sur laquelle je
reviendrai dans un instant avec le récent ouvrage de Laurent Davezies
;
· la dette sociale, au sujet de laquelle une
conférence s'est tenue hier au Palais d'Iéna ; elle nous permet
de mesurer à quel point la question des précarités et des
inégalités sociales ne compte pas parmi les moindres de nos
problèmes.
Réfléchissons maintenant aux campagnes dans leur diversité, ou géo-diversité selon l'expression d'Armand Frémont, en prenant pour hypothèse que le monde de demain s'invente dans les campagnes peut-être autant que dans les villes.
En effet, les campagnes sont au carrefour de plusieurs enjeux de création de richesse et de valorisation des ressources : alimentaires, agricoles, écologiques et démographiques. Nous parlons davantage aujourd'hui d'exode urbain que d'exode rural mais il faut également évoquer la persistance de l'exode des jeunes dans certaines campagnes. Les campagnes sont porteuses d'un nouveau cadre de qualité de vie. A ce sujet, Jean Viard affirme qu'aujourd'hui nous vivons dans un monde de bonheur privé, dans un contexte de crise publique et de peur planétaire. Ces campagnes font appel à des valeurs clés, au coeur des tensions de la société contemporaine.
Nous voyons surgir des paradoxes. Ainsi, la croissance de l'urbanisation favorise la mise en place d'un système d'accélération très bien analysé par le philosophe allemand Hartmut Rosa. Ce système a trois conséquences : le stress individuel, l'affaiblissement du dialogue intergénérationnel et le déficit du débat public. Plus ce système se met en place, plus nous avons besoin de lenteur, d'oasis de décélération et de choix de son propre rythme. Plus nous vivons dans un monde global, plus la proximité physique et numérique prend de l'importance, notamment pour les plus jeunes et les populations qui prennent de l'âge. Plus se développent les échanges virtuels, plus nous souhaitons des rencontres physiques. Plus nous nous déplaçons, plus nous avons besoin d'escales, telles que des maisons et jardins. A ce sujet, nous avons organisé un colloque sur le renouveau des jardins. Nous nous sommes interrogés sur le thème suivant : les jardins connaissent-ils un regain en temps de crise ? La réponse était positive. C'est un philosophe américain, Robert Harrison, qui défend cette thèse. Les jardins sont un havre de paix qui nous permet de trouver des repères. Ils sont également un facteur de résistance face aux évolutions du moment, voire un vecteur d'invention radicale.
Pouvons-nous en dire autant des campagnes ? Pouvons-nous prendre pour hypothèse que nous vivons un moment de réinvention des campagnes ? Nous apprécions en effet le contact avec la nature, la terre, les vivants et les animaux. Nos campagnes sont productives, résilientes et agréables à vivre. Elles représentent pour certains d'entre nous un choix de vie. Nos campagnes sont différentes de celles d'hier car elles doivent être en mouvement et ouvertes aux autres. Elles doivent s'inscrire dans un réseau de villes et de métropoles car l'avenir des campagnes ne va pas reposer seul sur ces dernières. Je pose la question suivante : allons-nous être capables de dépasser la tension entre territoires à vivre et territoires à produire ? L'enjeu contemporain est la qualification mutuelle entre des territoires ruraux qui produisent pour la consommation de proximité mais aussi à échelle nationale et internationale, et des territoires à vivre qualifiés pour des habitants permanents mais aussi temporaires. Il s'agit de territoires extraordinaires pour organiser une mixité des cultures et des populations. Je pose également cette question : et si la modernité s'inventait aujourd'hui dans les campagnes ? Il a toujours été de bon ton de dire que c'était dans les villes qu'elle se créait.
Nous regrettons par ailleurs l'absence de Laurent Davezies, initialement annoncé comme participant. Il vous présente toutes ses excuses. Il est victime de son succès à la suite de la parution de son récent ouvrage dont je dirai quelques mots pour en situer la problématique qui me semble intéressante par rapport au débat de cet après-midi.
Je vous propose pour l'instant de poursuivre notre questionnement à partir des réflexions prospectives qui ont été conduites récemment sur les nouvelles ruralités par l'INRA avec Olivier Mora. Nous évoquerons également les réflexions prospectives conduites par la DATAR dans le cadre de Territoires 2040, et la prospective sur les mobilités dans les territoires périurbains et ruraux conduite par Olivier Paul-Dubois-Taine. Nous écouterons ensuite le témoignage de Jean-Yves Pineau, directeur du Collectif Ville Campagne, qui nous expliquera comment mener une prospective des territoires ruraux et des villes du point de vue des territoires. Puis un échange sera engagé avec la salle.
Par la suite, nous envisagerons la manière de dépasser ces tensions actuelles et d'ouvrir de nouvelles perspectives. Armand Frémont, qui a participé à de nombreuses prospectives et autres travaux sur l'aménagement du territoire, nous expliquera comment passer de ce diagnostic à un renouveau des perspectives. Enfin, chacun des intervenants pourra faire part de ses préconisations aux sénateurs en charge de ce rapport.
Je vais en quelques mots évoquer les points essentiels de l'ouvrage passionnant de Laurent Davezies, que je vous invite à lire. Avec La Crise qui vient, l'auteur nous explique que l'économie française est à la veille d'un choc : après trente ans de mondialisation, trente ans de mutualisation par le biais de l'endettement public, trente ans de croissance par la consommation plutôt que par la production, s'achève l'ère de la croissance industrielle et du développement des territoires. Laurent Davezies nous rappelle que « jusqu'à aujourd'hui ce sont les territoires les moins productifs qui ont enregistré les meilleures progressions en termes de revenu, de peuplement, d'emploi et de lutte contre la pauvreté, grâce à des amortisseurs puissants de redistribution et d'emploi public ». Il ajoute qu'aujourd'hui la crise de la dette publique détruit cette protection et affectera la solidarité au sein des territoires. Ce sont désormais des territoires eux-mêmes que devra venir la croissance. « Le curseur se déplace aujourd'hui, s'éloignant des territoires de la consommation. Il se rapproche de ceux de la compétitivité productive et nous allons connaître une vraie métropolisation. Les territoires peu productifs mais dynamiques risquent de connaître un net ralentissement. Les territoires productifs et dynamiques bénéficieront d'une inflexion positive ». Il ajoute que « les deux crises que vient de subir la France sont porteuses d'un nouveau régime d'inégalités et quatre France prennent place sous nos yeux ».
Les questions à se poser sont les suivantes :
· Faut-il favoriser l'égalité des
territoires ou la lutte contre les inégalités sociales ?
· Est-ce qu'aujourd'hui croissance et
égalité territoriale ne sont pas antinomiques ?
· Quels sont les nouveaux moteurs de croissance
?
Certes, beaucoup d'ajustements à opérer impliquent des mécanismes qui ne sont pas territorialisés mais qui doivent compter avec des ressources évidentes et latentes que recèlent les territoires. Le secteur public qui était hier l'accélérateur joue désormais un rôle de frein. Il convient donc de restructurer tant le secteur public que le secteur privé car il existe un paradoxe entre le recul de la démocratisation de nombreux services publics et l'extraordinaire démocratisation des biens et des services privés. Dans la course à l'égalisation des positions sociales, le marché a un rôle croissant. Aujourd'hui la distinction entre catégories sociales a déserté le registre de la consommation pour se nicher dans celui de la localisation résidentielle. Face à cette nouvelle fracture territoriale, deux mécanismes émergent : la solidarité nationale et la mobilité. La mobilité résidentielle ne s'opère pas d'un secteur en grande difficulté vers un secteur très productif. On procède plutôt à des déménagements en saut de puce vers des territoires proches.
Laurent Davezies conclut que « le sevrage de la dépense publique et la restriction des crédits, une énergie chère, la crise de l'économie résidentielle et l'enjeu de la compétitivité permettent d'envisager un retour des métropoles sur le devant de la scène. De nouveaux arbitrages sont nécessaires entre croissance, développement social et cohésion territoriale. La nouvelle grammaire de la croissance érige le territoire en facteur de production ». Peut-on voir là une opportunité ? La question des territoires et de leur enjeu a longtemps été minimisée. C'est l'équilibre du pays qui dépend désormais de la santé de ces territoires. Il convient donc d'inverser la donne et de faire en sorte que les économies locales en bonne santé conditionnent la croissance nationale. Les territoires se tournaient vers l'Etat. N'est-ce pas plutôt l'Etat qui va se tourner aujourd'hui vers les territoires ?
Nous entrons maintenant dans un second temps, le temps du questionnement. Je donne la parole à Olivier Mora.
M. Olivier Mora. - Je travaille à l'INRA et j'ai coordonné ce travail réalisé entre 2006 et 2008 sur les nouvelles ruralités à horizon 2030. Je vous propose de passer en revue les différents scénarios et d'évoquer les présupposés et tendances fortes. Nous regarderons les changements survenus depuis 2008 et la manière dont ils affectent chacun des scénarios élaborés. Nous tenterons d'éclairer les enjeux spécifiques qu'ils soulignent.
Nous avions pris comme base de réflexion le fait que les ruralités sont entrées dans l'ère des mobilités. Cela se traduit par plusieurs facteurs :
· L'accroissement des migrations
résidentielles vers les espaces ruraux. Les données de l'INSEE
sont très explicites sur le sujet ; elles retracent une augmentation de
0,7 % par an de la croissance de la population dans les espaces ruraux
contre 0,5 % dans les pôles urbains. Du point de vue des
représentations des ruralités, nous assistons à la fin
d'une représentation par l'exode rural, même si des
disparités territoriales subsistent en France. Nous sommes entrés
dans l'ère de l'attractivité des campagnes.
· L'augmentation des mobilités physiques
au sens des déplacements. Il s'agit des mobilités
journalières entre le domicile et le travail. Cette dissociation entre
le lieu de travail et le lieu de résidence est en train de transformer
le territoire. Je pense également aux mobilités liées aux
loisirs et à l'accessibilité aux services.
Les ruralités, à travers ces mobilités, s'intègrent aujourd'hui dans d'intenses relations entre ville et campagne. Ce constat est un élément fondamental de notre démarche.
Je souhaite aborder un deuxième point : les ruralités aujourd'hui ne sont plus monofonctionnelles. Nous avons tendance à penser les ruralités en référence à une activité sectorielle, à savoir l'agriculture et l'agroalimentaire qui restent très prégnantes en termes d'occupation de l'espace. Pour autant, aujourd'hui, les ruralités sont devenues plurifonctionnelles : à côté de la production agricole, les ruralités intègrent également des fonctions liées à la nature, aux écosystèmes, au cadre de vie et au patrimoine.
La première conséquence de cette transformation vers une plurifonctionnalité réside dans la caractérisation économique de l'emploi sur les territoires ruraux. L'activité agricole ou alimentaire n'est plus l'activité principale qui correspond aujourd'hui à environ 10 % ou 15 % des emplois. Dans les territoires ruraux comme ailleurs, l'économie résidentielle reste l'activité la plus importante et représente 40 % des emplois environ.
La seconde conséquence est que l'évolution de l'agriculture elle-même se poursuit. Elle se spécialise régionalement avec des bassins de production de plus en plus marqués et des formes d'organisation et d'exploitation de l'agriculture qui se dualisent : l'agriculture de type familiale se maintient et l'agriculture de firme se développe.
Enfin, cette approche fonctionnelle des ruralités renvoie fréquemment à un raisonnement en termes de coexistence des différentes fonctions. J'attire votre attention sur l'hybridation des fonctions et non pas seulement leur coexistence. Il est important d'observer la manière dont ces fonctions sont imbriquées et participent de la fabrication du territoire. L'enjeu pour l'avenir est de savoir comment renforcer des synergies entre ces différentes fonctions.
Nous avons identifié quatre scénarios qui se situent dans un contexte général de métropolisation :
· Les campagnes de la diffusion
métropolitaine. Ce scénario fait l'hypothèse de
l'émergence métropolitaine et de l'intégration des
campagnes dans ces grandes aires. Ces campagnes connaissent de fortes
dynamiques résidentielles et de mobilité entre le domicile et le
lieu de travail. Leur paysage est très fragmenté. Elles sont
caractérisées par une économie résidentielle peu
qualifiée.
· Les campagnes intermittentes. Ce
scénario s'appuie davantage sur un changement des modes de vie. La
mobilité devient notamment un véritable mode de vie. La
population s'efforce de profiter tant des avantages de la ville que de ceux de
la campagne. Ces dernières sont caractérisées par un riche
patrimoine naturel ou culturel. Dans ce modèle, l'accès aux
technologies de l'information est très important, notamment pour
l'activité professionnelle.
· Les campagnes au service de la densification
urbaine. C'est un scénario de rupture. Cette rupture très forte
dans les mobilités individuelles transforme les phénomènes
de périurbanisation qui se poursuivaient jusque-là. Les campagnes
deviennent fournisseurs d'énergie, de biens alimentaires et de services
pour les métropoles.
· Les campagnes dans les mailles des
réseaux de villes. Ce scénario imagine que les territoires se
structurent autour de réseaux de ville qui s'imbriquent aux espaces
ruraux, avec des territoires qui favorisent la qualité de vie. Un
équilibre économique coexiste entre des activités
productives, dont les activités agricoles, et des dynamiques
résidentielles.
Quels changements sont survenus depuis la définition de ces quatre scénarios en 2008 ?
A propos du premier scénario, et d'après les données de l'INSEE, nous constatons un agrandissement des aires urbaines. Nous assistons à l'apparition de ruralités métropolitaines avec la structuration à échelle très large de véritables régions métropolitaines. De nombreuses questions surgissent face à ce phénomène et posent un problème en termes de mobilité, de gestion des écosystèmes, de fragmentation des espaces et de maintien de l'activité agricole. Mais ce type de territoire est plébiscité par les résidents.
Concernant le deuxième scénario, les mobilités dans ces campagnes patrimonialisées se maintiennent, voire s'accroissent. Elles sont liées à des mobilités touristiques nationales et internationales.
Je ne constate pas d'évolution spécifique concernant le scénario 3. Les questions de l'alimentation et de l'énergie qui sont centrales dans ce scénario se généralisent à l'ensemble des scénarios.
Enfin, j'observe que la croissance des communes rurales se poursuit de manière soutenue. En parallèle, les villes moyennes connaissent des difficultés. Ce dernier scénario est également affecté par une baisse de l'activité industrielle dans les territoires ruraux. Quelle va être la robustesse des réseaux de villes dans le contexte actuel de crise ? Quelle sera la capacité de ces réseaux à fournir un accès aux services et à l'emploi ? Comment ces réseaux de villes et ces territoires vont réussir à se doter de lieux de structuration et de planification, d'ingénierie territoriale et de lieux de conservation qui permettent aux différents acteurs du territoire d'entrer dans un véritable projet ?
Mme Edith Heurgon. - Ces éléments relatifs aux évolutions constatées depuis 2008 pourront être débattus via d'autres analyses que celles de l'INSEE, notamment grâce à des observations sur le terrain.
Je passe la parole à Stéphane Cordobès, qui va évoquer les travaux de Territoires 2040.
M. Stéphane Cordobes. - Territoires 2040 a regroupé sept, voire huit groupes de travail. Nous avons interrogé le territoire national en l'analysant au travers des fonctions que certains types d'espaces remplissent.
Nous sommes partis du constat que la multiplication et l'intensification des échanges sur les territoires rendaient la réflexion par type de territoire très difficile. Nous avons senti la nécessité d'inventer de nouvelles catégories qui permettent de penser de manière prospective des espaces qui associent ces différents territoires. Par exemple, je fais référence au travail de Michel Lussault pour lequel il ne s'agit pas simplement de penser à l'avenir des grandes agglomérations, mais bien à l'avenir de ces grandes agglomérations en interaction avec l'ensemble des territoires qui constituent leur hinterland. C'est bien à travers cette interaction et les dynamiques qui se nouent que l'on peut comprendre l'évolution du système territorial. Tous ces travaux sont disponibles sur le site de la DATAR, Territoires 2040. Je ne vais pas revenir sur ce sujet.
Je souhaite davantage attirer votre attention sur les questions que ces travaux nous posent. Elles n'émanent pas en effet d'une vision de la DATAR, mais de la recension et de la pensée d'experts réunis dans un collectif de plus de cinq cents personnes, lesquelles ont produit des interpellations prospectives et stratégiques. Ce groupe s'est penché de très près sur l'évolution des campagnes françaises et s'est intéressé aux espaces de faible densité. Présidé par Laurence Barthe, il a bâti des scénarios. Je ne vais pas les décrire en détail car toute démarche prospective mène à la définition de scénarios. Nous retrouvons des sujets communs avec les scénarios évoqués par Olivier Mora, tels que la faible densité absorbée par exemple. La campagne se densifie autour des villes.
Les systèmes entreprenants sont ces territoires ruraux qui, à travers de nouvelles pratiques, sont producteurs d'innovation et d'hybridation. Ils inventent de nouvelles façons de vivre qui peut-être renouvellent les territoires ruraux, et sans doute nos urbanités. C'est un point important. Je pense aussi aux archipels communautaires, avec une logique ségrégative : les personnes choisissent de vivre ensemble dans une logique d'exclusion à travers la recherche d'entre soi. Je pense également aux plates-formes productives, à savoir ces espaces ruraux qui se spécialisent dans la production agroalimentaire et qui constituent un support technique aux espaces urbains qui croissent et grandissent.
Ce sont des situations territoriales possibles, plus que des scénarios. Nous les détectons déjà sur certains territoires.
A travers ces situations territoriales, nous souhaitons interroger les enjeux qu'elles posent aux politiques d'aménagement du territoire et aux politiques plus globalement. Je précise au préalable que la démographie et son retournement, qui a eu lieu dans les années 1990-2000, nous interrogent beaucoup sur l'évolution des campagnes. Nous avons constaté une croissance de quasiment tous les espaces ruraux en termes de population. Cela nous permet de parler de la fin de l'exode rural.
Nous pouvons toutefois nous demander si cet exode rural est véritablement terminé. Les populations les plus jeunes cessent-elles de quitter les campagnes ? L'installation de retraités et de professionnels à la campagne prouve-t-elle la fin de cet exode ?
En second lieu, je rappelle que l'on parle souvent en pourcentage, en citant le chiffre de + 0,5 %, à propos de la croissance de la population rurale, comme Olivier Mora l'a rappelé.
Néanmoins, nous ne sommes pas tout à fait sur le même ordre de grandeur. En effet, 0,5 % de 60 % de la population, si j'exclus le périurbain, est un chiffre différent de 0,7 % de 40 % de la population (30 % de périurbain et 10 % d'espaces ruraux). La croissance de la population française aujourd'hui est avant tout urbaine et dans les grandes agglomérations. Elle ne se situe pas dans les espaces ruraux. Il est important de rappeler ce point.
Le premier enjeu que nous proposons à la réflexion est le suivant : nous partons du constat que l'on ne peut plus penser l'évolution des espaces ruraux indépendamment les uns des autres et indépendamment des grandes métropoles. Le territoire français se structure en effet de plus en plus en vastes espaces métropolitains urbanisés qui intègrent ces espaces de campagne. Ils s'inscrivent dans des trajectoires et destinées communes. Comprendre aujourd'hui l'évolution des espaces ruraux ou des campagnes, c'est nécessairement la comprendre en fonction de l'évolution de ces grands espaces métropolisés. Une question centrale se pose par ailleurs, concernant la mise en capacité de ces territoires nouveaux. En effet, nous raisonnons en termes de vastes systèmes territoriaux, régionaux ou interrégionaux, dont le fonctionnement repose non pas seulement sur le succès et le développement de chaque territoire, mais sur la cohérence et la complémentarité de tous ces territoires entre eux.
Cette question peut d'ailleurs être précisée : comment mettre en capacité ces territoires nouveaux, non pas simplement pour qu'ils connaissent une dynamique endogène qui leur soit propre, mais aussi pour qu'ils s'inscrivent dans une dynamique de systèmes beaucoup plus globaux ?
Nous n'imaginons pas, par ailleurs, ces différents scénarios diversifiés de manière exclusive les uns des autres. Dans Territoires 2040, les scénarios évoqués peuvent se produire en différents lieux du territoire de manière assez limpide. Dès lors, les espaces de faible densité peuvent entrer dans des logiques de développement très différentes les unes des autres.
Jusqu'à aujourd'hui, nous avons pensé le développement des territoires de manière assez homogène. Est-ce que cette pensée adoptée dans les années 80 est encore pertinente aujourd'hui compte tenu de l'extrême hétérogénéité des territoires ? Le modèle de développement territorial qui reposait à la fois sur l'accueil de population et d'entreprises est-il un modèle qui peut encore être promu pour l'ensemble des territoires français ? Sur les territoires les plus éloignés par exemple, ce modèle est-il valable sachant que d'après les données de l'INSEE, ces territoires perdront une partie de leur population ? L'ouvrage de Laurent Davezies pose la question de la pérennité de ce modèle et de l'équilibre des territoires.
Le troisième défi est le suivant : ces dernières années, l'aménagement du territoire s'est opéré tant par les pratiques des usagers que par les politiques d'aménagement du territoire. La périurbanisation n'est pas nécessairement liée à des dispositifs d'aménagement mais plutôt à un défaut de régulation à travers les politiques dédiées. A travers leurs pratiques, les usagers se sont installés en zones rurales et travaillent en zones urbaines. Demain, l'avenir des politiques d'aménagement ne passera-t-il pas par la prise en compte à la fois des usagers et des usages ? Cela permettrait de renforcer l'égalité entre les citoyens.
Mme Edith Heurgon. - Lors d'un colloque sur l'aménagement du territoire en 2006, nous avions rappelé que ce sont les ménages qui aménagent le territoire.
M. Olivier Paul-Dubois-Taine. - Je vais vous présenter un rapport du Centre d'analyse stratégique, relatif aux nouvelles mobilités dans les territoires périurbains et ruraux. Le point de départ est une idée issue du Grenelle de l'environnement et de ses analyses sur le développement des déplacements et des mobilités rurales. Ce développement était analysé essentiellement dans la problématique des grandes agglomérations avec le slogan toujours d'actualité selon lequel le développement des transports collectifs offrirait une réponse satisfaisante d'un point de vue à la fois économique, social et écologique aux besoins de mobilité. Ce faisant, les réflexions du Grenelle ont ignoré la moitié, voire davantage, de la population française.
Nous nous sommes demandé comment explorer ce terrain laissé de côté : comment nos concitoyens vivent-ils au quotidien et comment se déplacent-ils dans les territoires qui ne disposent ni de possibilité de marche à pied en raison de la faible densité, ni des transports collectifs ?
Je vais avancer trois idées :
· Les besoins de mobilité des personnes
sont devenus les mêmes dans tous les territoires. Nous avons un mode de
vie urbain, que nous habitions en ville ou à la campagne. Ceci est
corroboré par l'enquête nationale Transports et
déplacements de 2008 menée par le ministère des transports
avec l'INSEE. Je vous en recommande la lecture. Limiter la mobilité
revient à restreindre la liberté fondamentale qu'est la
mobilité.
· Un fossé se creuse entre les grandes
métropoles denses et les territoires à faible densité,
c'est-à-dire entre les conditions de mobilité qui existent entre
ces deux types d'espaces. Dans les zones urbaines denses, il est évident
que les déplacements se font plus facilement : par exemple, 30 %
à 35 % des déplacements se font à pied dans la population
vivant au coeur des métropoles de forte densité et plus de
45 % dans Paris intra-muros. Les politiques de développement
conduites depuis quarante ans ont offert un réseau de transports
collectifs qui permet à plus de 50 % des déplacements de se
faire sans voiture. Les habitants de zones à faible densité sont
eux captifs de l'usage de la voiture. La dépendance à
l'automobile nous amène à poser des questions avant tout sociales
et non pas environnementales.
· Il s'agit désormais de repenser
l'organisation et le système des mobilités.
J'aimerais terminer par trois bonnes nouvelles. Economiquement, nous disposons de très nombreux moyens, notamment si nous observons le parc automobile actuel par exemple. Ce potentiel est sous-utilisé. Il existe, par ailleurs, une capacité d'auto-développement des campagnes du fait des solidarités. Enfin, les possibilités fournies par les services numériques ouvrent le champ des possibles.
M. Jean-Yves Pineau. - Je suis directeur du Collectif Ville Campagne, association nationale basée à Limoges et créée en 1995. Je suis au contact quotidien de locaux, d'élus et de techniciens qui veulent vivre en ruralité.
Mes propos sont issus de travaux de réflexion et de réunions d'acteurs autour de ces questions d'attractivité et de politiques d'accueil.
Ces questions sont d'abord d'ordre politique et de société. En référence à Laurent Davezies, je dirais qu'il est important de renouer les destins des territoires de la République si nous souhaitons être encore capables dans quelques années de parler de République. Il s'agit là d'un sujet urgent. Je m'adresse aux sénateurs.
J'aimerais prendre par ailleurs le contre-pied de ce qui s'est dit cet après-midi. J'ai entendu que le fait urbain a gagné. Selon moi, c'est le fait rural qui a véritablement gagné. Les urbanistes les plus en pointe ont inventé le concept de ville nature. Lorsque la ville s'est créée, elle s'est protégée de la nature qui était considérée comme hostile. L'association des maires de France nous rappelle que 100 % des Français vivent sous influence rurale, que ce soit en termes d'alimentation, d'aménagement de l'espace ou de cadre paysager.
Je cite ici « trois bonnes raisons de désespérer » :
· Le développement local est mort. Qui
met au coeur de son activité le développement local ?
· Il est certes nécessaire de
décentraliser mais il serait dommage de devoir par la suite
recentraliser à des niveaux régionaux. Par ailleurs, qu'en est-il
de la représentation politique et citoyenne dans de futures
collectivités territoriales qui risquent demain de poser des questions
de compétence, d'organisation et d'impulsion des dynamiques entre
métropoles, départements, régions et EPCI ?
· Si nous continuons de raisonner via un
modèle bientôt épuisé, fondé sur une
énergie peu coûteuse, sur l'exploitation des ressources naturelles
et la concentration des moyens, je ne conçois pas de quelle
manière nous pouvons élaborer des politiques. Il me semble
nécessaire de changer de paradigme et de mode de lecture.
Pour résumer, je dirais qu'il existe trois chantiers :
· Comment mettre en oeuvre des politiques qui
visent à construire des écosystèmes territoriaux ouverts
et reliés ?
· Comment accompagner la transition
écologique des territoires, notamment énergétique ?
· Il me semble urgent et crucial de mettre en
oeuvre la question de la circulation de l'innovation sur les territoires
auprès des citoyens. Une montée en compétence et en
connaissance est nécessaire pour réfléchir sur les causes
de cette crise et trouver des issues de sortie.
Les Français nous disent qu'aujourd'hui les territoires qualifient la ville. Or, le débat porte actuellement davantage sur la ville qualifiant les territoires, même si les citoyens apportent la preuve contraire chaque jour. Par ailleurs, nous nous situons dans une mise en tension très forte des territoires de vie avec les territoires administrés. Il me semble nécessaire de dépasser les territoires car ces derniers sont dépassés par les acteurs économiques et les citoyens. Où se situent donc les cadres de coopération interterritoriaux ? Ces cadres restent à construire.
Mme Edith Heurgon. - Je vous invite à lancer le débat et passe tout d'abord la parole à Renée Nicoux.
Mme Renée Nicoux, rapporteure. - Monsieur Pineau, je tiens à préciser que j'apprécie les idées à contre-courant et vous remercie pour votre intervention. Je relève une question posée par Stéphane Cordobès : est-il bien nécessaire de poursuivre la mise en place de politique d'attractivité territoriale ? Je répondrai que si nous interrompons cette politique, nous signons la mort des territoires. Il faut donc poursuivre cette politique pour maintenir en vie les territoires. Il existe de très nombreuses ressources au sein de ces territoires, qui sont choisis par les résidents attirés pour le cadre de vie et la nature qui y règne. Néanmoins, si personne n'entretient ce poumon du pays, il est condamné à devenir un désert. Nous n'avons pas le choix. Nous devons nous concentrer sur cette politique d'aménagement du territoire qui n'existe plus depuis de nombreuses années. Nous devons travailler sur l'avenir des campagnes, mais aussi sur l'agriculture qui est une économie productive. Il s'agit d'une industrie : nous oublions trop souvent qu'elle apporte un élément positif à la balance commerciale française. Il ne faut pas oublier que les territoires ruraux ne sont pas le vide. Une grande partie des activités industrielles se développent précisément dans les territoires ruraux et non pas seulement dans les métropoles. Au travers de la solidarité nationale, nous devons leur apporter les moyens de vivre et l'équivalent de ce qui se trouve dans les zones urbaines.
M. Gérard Bailly, rapporteur. - J'aimerais évoquer la question de la solidarité sur les territoires. N'a-t-on pas trop délaissé nos PME sur les territoires ruraux dont les salariés vivaient encore dans les campagnes et faisaient vivre les commerces locaux ? Aujourd'hui, ils contribuent au phénomène de désertification en rejoignant les bourgs.
De la salle. - Je suis citoyen français, arrivé en France dans les années 80, médecin chef, expert à la Cour d'appel et journaliste. J'aimerais vous donner un exemple de solution intéressante mise en oeuvre lorsque j'étais médecin chef dans la fonction publique, à savoir l'accueil familial thérapeutique et social. Ce projet peut servir dans toute la France. Le contexte social permet des solutions mais il faut un regard de terrain extérieur, et non pas seulement franco-français.
De la salle. - Je représente le ministère de l'écologie et je viens de Haute-Marne. Je ne me suis pas reconnu dans le chiffre évoqué de 0,7 % de croissance de la population rurale. J'observe, pour ma part, certains petits villages très isolés, pour lesquels les collectivités locales n'ont plus de moyens, par exemple, pour déneiger les routes. Selon moi, dans ces espaces, les mobilités ont décru, car même si le parc automobile est élevé, les conducteurs prennent de l'âge. Est-il nécessaire de continuer à décentraliser ?
M. Olivier Piron, vice-président de l'association HQE (Haute qualité environnementale des bâtiments). - Les villes n'ont pas été évoquées. Il convient pourtant de noter à leur sujet :
· l'impossible évolution du patrimoine
des villes ;
· les équations économiques de
plus en plus insolubles avec la bulle immobilière (qui va se calmer) et
avec le coût des travaux (j'ai mené une prospective sur le Grand
Paris ; à moins de cinq milliards d'euros, il est impossible de trouver
un espace qui puisse servir aux transports en commun) ;
· les différences de coût de
construction entre la ville et la campagne, qui sont très importantes ;
je note ainsi le chiffre de 1 000 euros TTC du m² pour une maison
individuelle à la campagne comparé à 1 600 ou 1 700 euros
TTC par m² minimum en ville.
J'ajoute que Paris est passé de 3,2 millions d'habitants à 2,2 millions d'habitants parce que de nombreux îlots ont été démolis pour des raisons de santé publique. Cette tendance va, semble-t-il, se poursuivre pour des raisons cette fois énergétiques. La question de prospective que je pose est la suivante : que serait un urbanisme à énergie positive ? Serait-ce un urbanisme à forte densité ou au contraire un urbanisme de faible densité ?
M. Joël Bourdin, président. - J'aimerais évoquer le numérique, cité par plusieurs d'entre nous. Est-ce positif ou négatif ? Nous n'en savons rien. Il faut avant tout avoir accès au numérique. Notre rôle d'élu consiste précisément à favoriser l'accès de tous au numérique, même dans les zones où la rentabilité n'est pas au rendez-vous pour les fournisseurs d'accès. J'observe des éléments positifs. Il existe en effet des activités créées dans des zones reculées grâce au numérique, c'est le cas par exemple d'un habitant de ma commune qui achète et revend sur Internet des livres de seconde main. J'ai découvert récemment son activité en achetant un de ses ouvrages.
J'ai interrogé Jean-Paul Bailly, PDG de La Poste, au sujet du numérique. Il confirme que le e-commerce pénètre de plus en plus dans les campagnes. Mais il faut également remarquer que le e-commerce a des conséquences néfastes sur le commerce local. Lorsque nos concitoyens achètent leurs biens en ligne ou via un drive, ils participent à la destruction du commerce local. Que doit-on attendre de ces phénomènes ?
M. Armand Fremont. - J'aimerais tout d'abord parler de la voltige des mots. Avant même d'entrer en séance, nous avons commencé à parler de « ruralités », de « périurbain », « d'espaces à faible densité », de « campagne ». Qu'est-ce que tout cela veut dire ? Je ne vais pas apporter de réponse à cette question ce soir. Mais je remarque que ce sont des mots qui ont virevolté tout au long de nos discussions. J'aime le mot « campagne », que vous avez choisi dans le titre de cet atelier. Ce mot est très intéressant. Il n'a pas simplement un contenu fonctionnel, de circonscription ou de division administrative. Il a du sens. Remarquez en effet que vous ne direz jamais que vous habitez dans un espace périphérique ou rural. Vous direz davantage et avec plaisir que vous habitez à la campagne.
J'aimerais rappeler en second lieu qu'il est nécessaire de parler des campagnes et non pas de la campagne. Du point de vue de son espace, la campagne est l'objet d'une compétition permanente entre différents types d'espace, qui peuvent être considérés comme complémentaires si nous restons optimistes. Si nous y regardons de plus près, ces espaces sont antagonistes. Il existe des campagnes où l'espace consacré à l'agriculture est majoritaire. Il existe d'autres espaces, résidentiels, de production, voire d'infrastructures en provenance des besoins locaux et de la ville. Par ailleurs encore, il existe des espaces sous protection auxquels nous prêtons la plus grande attention, qui ne sont ni résidentiels ni agricoles. Une clé pour le présent et pour l'avenir est de trouver un équilibre entre ces différents espaces.
L'ouvrage de Laurent Davezies rappelle que nous nous trouvons face à une crise de grande ampleur. Quel est donc l'impact de cette crise sur les campagnes françaises ? La première réaction de Laurent Davezies consiste à dire que la crise va accentuer les difficultés dans les campagnes car celles-ci bénéficient de mobilités résidentielles et de transferts sociaux qui ne pourront sans doute plus être maintenus au même niveau. Par conséquent, nous nous trouvons devant une nouvelle crise qui atteindrait cette fois la plus grande partie du territoire français. Il me semble très difficile de répondre à cette question. La réponse de Laurent Davezies consiste à dire que des correctifs doivent être apportés. Mais pour être pleinement convaincant, il me semble nécessaire qu'il publie un nouvel ouvrage. Quelle est l'ampleur et la durée de cette crise ? S'il s'agit d'une crise qui va transformer en profondeur la société, la réflexion sur les campagnes prendrait une acuité sans doute encore plus forte.
Un troisième point n'a pas été évoqué : il me semble que la qualité et l'avenir des campagnes passent par la vitalité des petites villes qui les innervent. La Normandie est maillée par un réseau assez dense de petites villes, notamment le département de la Manche, constitué de petites villes avec une métropole, Caen, relativement éloignée. La petite ville détient une qualité endogène. C'est elle qui permet le mieux d'organiser les principaux services nécessaires à une économie résidentielle. Le petit bourg rural est sympathique mais dépassé. Par ailleurs, c'est la petite ville qui assure le meilleur des liens avec l'économie globale et peut développer des activités de production ayant des conséquences sur tous les territoires voisins. En conclusion, sauvez les campagnes par les petites villes !
M. Gérard Bailly, rapporteur. - Dans votre intervention, vous avez évoqué la solidarité financière avec les campagnes. J'aimerais savoir s'il existe des études montrant que la campagne est particulièrement coûteuse pour la Nation.
Par ailleurs, je ne partage pas votre avis : les petits bourgs me semblent très importants.
Mme Renée Nicoux, rapporteure. - Pour répondre à cette remarque, je me réfère aux propos de Laurent Davezies puisque c'est de lui qu'elle provient. Je prends l'exemple des personnes qui prennent leur retraite dans les campagnes et qui bénéficient donc d'un salaire différé reposant sur les transferts sociaux. Il n'est pas question de bénéfices pour les campagnes. Il s'agit précisément de salaires différés. Nous pourrions par ailleurs considérer que les zones urbaines bénéficient de l'investissement dont ont bénéficié les jeunes dans leurs territoires et qui quittent les campagnes pour travailler dans les entreprises de la ville. Je ne partage donc pas cette remarque car il s'agit là de solidarités entre les territoires. J'ajoute que la ville peut même être considérée comme un prédateur, qu'il s'agisse de la main-d'oeuvre ou même de biens matériels. Prenons l'exemple de la forêt : nous avions essayé de créer de l'activité dans des zones rurales à partir d'un bien local. Finalement, des appels à projets ont été lancés par rapport à l'utilisation de la biomasse. Or, ces projets se sont installés à proximité des grandes villes pour des raisons de rentabilité, au détriment des campagnes, productrices de la matière première. De ce point de vue, les transferts ont eu lieu dans l'autre sens. C'est pourquoi je ne partage pas ce qui a été écrit par Laurent Davezies concernant les transferts sociaux. Il est vrai, en revanche, que les campagnes, par rapport à l'économie résidentielle, bénéficient de ce retour.
Il a été dit qu'à cause de la crise, surviendraient des déperditions de transferts sociaux. Or nous constatons que dans les pays en crise, tels que la Grèce, l'Espagne et l'Italie, ce sont en fait les campagnes qui retrouvent de la vitalité car les moyens d'existence sont moins coûteux dans les zones rurales. Les équilibres varient en temps de crise et n'affectent pas de manière négative les campagnes.
M. Stéphane Cordobes. - Il n'y a pas véritablement de réponse à la question portant sur la différence de coût entre ville et campagne. La vraie question porte davantage sur la recherche d'un nouvel équilibre.
M. Georges Labazée. - Dans quelques jours, le canton va disparaître. Ce changement va considérablement modifier le regard que nous portons sur l'organisation administrative et territoriale. Les relations sociales, économiques et humaines vont s'en trouver totalement bouleversées.
M. Jean-Yves Pineau. - Nous menons actuellement une expérimentation en Basse-Normandie, dans le pays de Coutances avec le soutien de la DATAR et de la Région, sur l'articulation entre petites villes et campagne et entre littoral et rétro-littoral. Tout le monde insiste sur l'importance des enjeux. Nous souhaitons donc proposer aux élus volontaristes de les accompagner pour trouver des éléments concrets de coopération et d'élaboration de liens très forts entre petites villes et campagnes ainsi qu'entre littoral et rétro-littoral.
En second lieu, j'aimerais dire que concernant la crise, si nous refusons de considérer que les territoires ruraux sont une chance pour les métropoles, la France marchera de manière bancale. Nous travaillons avec des Grecs et des Espagnols qui, compte tenu de la crise, ont été amenés à réinventer le développement local.
Mme Nadège Chambon, chercheur à l'Institut Jacques Delors. - L'avenir de nos campagnes ne passe-t-il pas par un changement de la manière de penser le développement par les décideurs politiques ? En France, nous avons une culture du développement local. Ce n'est pas le cas au niveau européen. Or la Grèce et l'Espagne auraient bien besoin d'une réflexion sur ce sujet, pour contrebalancer les effets de la politique d'austérité. L'avenir de nos campagnes ne passe-t-il pas par un changement de mode de pensée et de paradigme de la part de nos décideurs de très haut niveau ?
M. Peio Olhagaray, directeur du développement économique de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Bayonne-Pays-Basque. - Je travaille pour la CCI de Bayonne et représente cet après-midi les CCI françaises. Un sujet me semble essentiel : je crois qu'il faut mettre en place des transactions territoriales entre la campagne et la ville. J'ai suggéré à la Commission de créer des contrats de transactions territoriales dans le droit d'accès, d'usage et d'exploitation des actifs immatériels et stratégiques non délocalisables présents dans les campagnes. Je pense à l'eau, à la forêt et à l'activité touristique qui en zone de campagne, est un vrai actif économique majeur mais non délocalisable.
Mme Edith Heurgon. - J'aimerais que chacun de nos invités nous fasse part d'une conclusion ou d'une proposition en vue de la rédaction du rapport sur le sujet d'aujourd'hui.
M. Stéphane Cordobes. - Le bon côté de l'urbanisation quasi-généralisée en France réside dans le fait que les campagnes sont au centre, et non dans les périphéries. Le fait de se situer au centre de l'urbain invite sans doute à repenser les modes de partenariat entre la campagne et l'urbain et les nouveaux modes d'urbanité en cours d'invention dans les campagnes.
M. Armand Fremont. - Je reviens sur ce qui a été écrit par Laurent Davezies. Lisez son ouvrage, il mérite réflexion.
M. Olivier Paul-Dubois-Taine. - J'ai une suggestion à faire : il me semble qu'il est possible, grâce à l'apport d'aides publiques légères, de favoriser l'innovation dans les campagnes. Il y a en effet moins de contraintes que dans les villes. Le principal frein à l'innovation dans les grandes villes est la complexité de la gouvernance. Nous devons thésauriser et valoriser ce potentiel.
M. Olivier Mora. - Des collectivités territoriales mettent en place des structures de concertation.
Il faut revisiter aujourd'hui cette question : ces forums territoriaux devraient également être engagés dans des actions extra-sectorielles et être constitués de lieux de création d'une véritable innovation territoriale qui permettrait de traiter des questions d'énergie et d'alimentation. Ces sujets font actuellement l'objet de politiques macroéconomiques mais posent parfois des problèmes au niveau des territoires.
M. Jean-Yves Pineau. - Voici quelques mots de Vincent Piveteau, Olivier Dulucq et Franck Chaigneau : « créativité, innovation, expérimentation sont à l'ordre du jour. Une volonté forte de se saisir de manière responsable de l'exploration d'un avenir en commun souhaitable et durable. Il faut des liens, des ponts, du dialogue entre les territoires, de la confiance entre acteurs et décideurs à tous les étages. Il reste à écrire le récit commun entre villes et campagnes. Que le rural soit co-auteur de la métropole, que la métropole soit co-auteur du rural. Réinventer la République et ses territoires dans un sens commun, dans un sens du commun. Il faut donner un cadre juridique au couple encore illégitime de l'urbain/rural. Vers un PACS territorial ? »
Mme Edith Heurgon. - J'ai souvent employé deux mots : le yin et le yang de la campagne. Il ne faut pas les séparer. Innovation oui, mais innovation coopérative. Comment arrêter de travailler chacun de son côté dans son domaine et son territoire ? Il faut trouver le moyen de faire coopérer des dispositifs. Que partageons-nous, entre ville et campagnes ? Nous partageons de nombreuses choses et beaucoup veulent profiter à la fois de la ville et de la campagne.
Mme Renée Nicoux, rapporteure. - Je voudrais remercier l'ensemble des contributions de ce jour, menées en vue de l'amélioration de la vie dans les campagnes. De nombreuses innovations se mettent en place dans les campagnes. Mais nous nous trouvons fréquemment confrontés au problème du manque d'ingénierie. Nous n'avons pas les moyens de la financer. Sans ingénierie, l'innovation n'est pas possible. Péréquation et solidarité sont essentielles pour faire aboutir ces projets. Ces derniers permettraient une vie commune plus adaptée. L'interaction entre les villes et les campagnes doit se construire. Elle nous permettrait de passer moins de temps à défendre le peu qui existe sur les territoires qu'à travailler pour l'avenir.
M. Joël Bourdin, président. - Merci à Edith Heurgon, à tous les experts présents aujourd'hui et à nos rapporteurs.