Mardi 27 septembre 2016
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -Examen du rapport
La réunion est ouverte à 15 heures.
M. Jean-François Longeot, président. - Mes chers collègues, nous sommes donc réunis pour examiner le rapport de notre collègue Marie-Christine Blandin, au terme de trois mois de travaux pour notre mission d'information sur l'inventaire et le devenir des matériaux et composants des téléphones mobiles.
Avant de laisser la parole à notre rapporteure, je souhaitais d'abord me féliciter que nous ayons pu tenir les délais fixés par la Conférence des présidents, ce qui constitue à mes yeux une belle performance. Notre mission s'est en effet constituée le 27 juin dernier et a commencé ses travaux le 6 juillet.
En trois mois, notre mission d'information a ainsi procédé à vingt-trois auditions, entendant des acteurs extrêmement variés : le ministère de l'écologie, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, les fabricants de téléphones portables, les opérateurs de la téléphonie mobile - par le biais de leur fédération -, les éco-organismes actifs dans le domaine des déchets d'équipements électriques et électroniques, des associations de protection de l'environnement, des associations de consommateurs, les associations d'élus actives dans le domaine de la gestion des déchets, des chercheurs, des chefs d'entreprise du domaine de l'extraction des métaux précieux, etc. Le panel a donc été très large et nous n'avons ignoré aucun acteur du secteur.
Nous avons également effectué deux déplacements : l'un, le 31 août, sur le site des Ateliers du bocage, dans les Deux-Sèvres, entreprise d'économie sociale et solidaire qui fait partie du réseau Emmaüs ; le second, le 1er septembre, sur le site de l'entreprise Umicore, spécialisée dans la récupération et le recyclage des métaux précieux, à Hoboken, à côté d'Anvers.
Malgré ce planning très serré et ces travaux menés tambour battant uniquement en période de session extraordinaire, je tenais à vous remercier tous, mes chers collègues, de votre assiduité et de votre participation active à nos travaux. Je me réjouis par exemple de l'importance de la délégation qui a participé au déplacement dans les Deux-Sèvres : 9 sénateurs en déplacement le 31 août ! Je pense que c'est tout à l'honneur de notre mission d'information.
Je remercie également les vice-présidents qui ont été amenés à me suppléer, à savoir Évelyne Didier et Jean-Yves Roux.
Avant de lui céder la parole, je tiens enfin à saluer notre rapporteure pour la manière dont elle a orienté les travaux de la mission d'information. L'initiative du groupe écologiste nous a permis à tous de découvrir un sujet passionnant, et qui n'avait encore jamais été traité dans son ensemble.
Je remercie également notre rapporteure de m'avoir étroitement associé, en tant que président de notre mission d'information, à ses réflexions et à l'élaboration de son rapport. J'ai apprécié cette attitude consensuelle et constructive.
Je vais donc vous laisser la parole, madame la rapporteure, afin que vous présentiez votre rapport, dont je partage l'ensemble des conclusions : ses constats, bien entendu, qui reflètent fidèlement les informations que nous avons recueillies au cours de nos travaux, mais aussi ses propositions, qui me paraissent à la fois consensuelles et ambitieuses.
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. - Je tiens à mon tour à vous remercier, monsieur le président, de votre présidence bienveillante et efficace, ainsi que de votre implication dans nos travaux et dans l'élaboration de ce rapport.
Monsieur le président, mes chers collègues, le secrétariat de la mission d'information vous a transmis vendredi dernier le projet de rapport, qui comprend un peu plus d'une centaine de pages.
Ce rapport dresse des constats, pour certains frappants, étayés par les données chiffrées et les éléments précis collectés par notre mission d'information au cours des auditions, des déplacements ou encore dans les réponses aux questionnaires que j'ai transmis à certains organismes ou à certaines personnalités.
Sur la base de ces constats, le rapport dégage 5 orientations, à mes yeux consensuelles, qui se déclinent en 27 propositions concrètes couvrant l'ensemble du cycle de vie des téléphones portables : leur fabrication, leur utilisation, la collecte des équipements usagés et leur valorisation.
Je ne reviendrai pas dans le détail sur chacun des constats ou sur chacune des 27 propositions, puisque vous avez pu en prendre connaissance. Je tiens cependant à retracer les grandes lignes de force qui émanent du rapport.
Au préalable, il me paraît utile de rappeler le contexte dans lequel nous avons été amenés à travailler sur la question des téléphones portables, de leurs matériaux et composants.
Les chiffres sont éloquents : environ 24 millions de téléphones portables sont vendus en France chaque année, un chiffre stable depuis 2012. Ainsi, 92 % des foyers français ont au moins un téléphone portable et un foyer possède en moyenne 2,4 appareils.
Le téléphone portable a émergé comme le produit phare de la société de consommation actuelle. Il est devenu indispensable, plus encore depuis l'arrivée et l'explosion des smartphones : c'est l'objet du quotidien par excellence. Avec son portable, on prend des photos, on lit les journaux, on consulte ses mails, on envoie des SMS, on se connecte sur les réseaux sociaux, on passe des commandes, etc.
Téléphoner semble parfois être devenu une fonction accessoire de l'appareil. Mais connaît-on vraiment cet équipement ? Que contient un téléphone portable ? Qu'advient-il du téléphone portable usagé, de ses composants et matériaux ?
Ces questions n'ont pas donné lieu à ce jour à des rapports ou des études spécifiques. C'est tout l'intérêt de nos travaux : ils ont permis, je le crois, à bon nombre d'entre nous de découvrir certaines réalités et certaines problématiques, notamment par le biais d'auditions ou de déplacements passionnants.
La vocation de ce rapport est donc à la fois pédagogique - sensibiliser le grand public ainsi que les pouvoirs publics -, mais aussi prospective.
S'agissant de la composition des téléphones portables, plusieurs constats marquants se sont imposés. Tout d'abord, le manque de connaissances sur la composition exacte des téléphones portables est apparu flagrant : il est tout de même étonnant que les informations que nous avons obtenues proviennent davantage de l'aval de la filière - les éco-organismes notamment - que des fabricants eux-mêmes. Ensuite, les téléphones portables constituent une véritable « mine urbaine » - : ils contiennent des métaux précieux, voire stratégiques, dans des proportions impressionnantes. Je vous rappelle que, par exemple, une tonne de cartes électroniques contient en moyenne 200 grammes d'or, tandis que la concentration d'une très bonne mine est évaluée à 5 grammes par tonne de minerai ! Ces chiffres sont tout de même stupéfiants.
Les matériaux et composants des téléphones portables soulèvent des interrogations, en matière de toxicité, de soutenabilité des approvisionnements et, surtout, en ce qui concerne les conditions d'approvisionnement.
Un sujet sensible est la question des « minerais de conflit », minerais dont l'extraction entretient des conflits. C'est notamment le cas du tantale, métal massivement utilisé pour la fabrication des condensateurs des téléphones portables et dont 80 % des réserves mondiales sont situées en République démocratique du Congo, dans la région en guerre du Kivu. Sur cette question, je reste marquée par la formule utilisée par le représentant d'un fabricant lors de son audition : « Les employés de notre groupe qui gèrent les problèmes d'approvisionnement dorment mal la nuit. »
Dernier constat, enfin : la conception des téléphones est délibérément défavorable au réemploi et au recyclage ; le meilleur exemple est la quasi-impossibilité de remplacer les batteries intégrées, problématique qui a été évoquée par nombre de nos interlocuteurs.
Face à cette réalité, le bilan du dispositif de modulation environnementale des éco-participations est dérisoire : comment espérer qu'il soit efficace quand l'éco-participation s'élève à 1 centime d'euro par téléphone ?
Sur la base de ces constats, le rapport formule plusieurs propositions destinées à responsabiliser les fabricants de téléphones portables, telles que l'amélioration de l'information du consommateur sur leur composition ou le renforcement des modulations d'éco-participation favorables à l'éco-conception, ceci en augmentant les montants, en diversifiant les critères et en accroissant la publicité des malus.
S'agissant ensuite de la phase d'utilisation des téléphones portables, nous avons constaté que l'explosion du marché, rythmée par des évolutions technologiques très fréquentes, est nourrie par l'obsolescence programmée, c'est-à-dire l'utilisation de techniques variées visant à réduire la durée de vie ou la durée d'utilisation du téléphone.
Cette obsolescence peut prendre plusieurs formes, telles que l'obsolescence logicielle, les obstacles mis à la réparation, l'obsolescence marketing - visible par le biais des campagnes publicitaires agressives qui incitent à renouveler son équipement - ou encore le subventionnement à l'achat.
Les dispositions législatives existantes étant clairement insuffisantes, le rapport comprend plusieurs propositions concrètes, la principale étant l'allongement de la durée de la garantie légale de 2 ans à 4 ans, tout en améliorant l'information du consommateur sur son existence et son contenu. Un tel allongement enclencherait une dynamique vertueuse en incitant les fabricants à améliorer la conception de leurs produits et à privilégier la réparation. L'allongement à 4 ans paraît une solution mesurée, sachant par ailleurs que la durée de la garantie légale est de 6 ans au Royaume-Uni.
Un fil rouge de nos travaux a été la question de la collecte des téléphones portables usagés. Comment expliquer qu'on ne collecte qu'environ 15 % des téléphones portables disponibles ? Comment expliquer qu'environ 100 millions de téléphones « dorment » dans les tiroirs de nos concitoyens ?
L'information lacunaire fournie au consommateur en la matière est une explication : qui connaît les emplacements où déposer des téléphones usagés ? Qui a conscience de l'intérêt de s'en séparer ?
Au-delà de cette explication, il existe aussi un certain nombre de freins psychologiques, comme l'attachement personnel à cet équipement, la crainte de voir des données personnelles réutilisées ou l'illusion que le téléphone usagé sera un recours en cas de problème avec son nouveau téléphone.
Sur cette question, le rapport comprend de nombreuses propositions destinées à augmenter le niveau de la collecte, notamment par le biais d'une meilleure information du consommateur sur le geste de tri.
Nous préconisons ainsi une campagne nationale de communication consacrée au tri des téléphones portables, le renforcement du contrôle sur l'application du mécanisme de reprise par les sites de vente en ligne - dont près de la moitié ne respectent pas la loi -, ou encore la systématisation de l'information du consommateur sur les possibilités de tri à chaque étape du parcours de vente, y compris sur internet.
Cette collecte limitée est d'autant plus problématique qu'elle nuit au réemploi, qui doit constituer la première de nos priorités, conformément à la hiérarchie des modes de traitement des déchets, et à l'activité des acteurs du secteur, notamment ceux issus de l'économie sociale et solidaire, tels que les Ateliers du bocage, qu'il convient de soutenir résolument. Il s'agit ainsi d'un gisement d'emplois, aujourd'hui négligé au risque de nourrir certains trafics.
S'agissant justement du devenir des matériaux et composants des téléphones portables, nos travaux nous ont permis de découvrir que la majorité du gisement de téléphones usagés échappe à la filière réglementaire et part dans des filières parallèles. Interpol a montré que, en 2012, seulement 35 % des déchets d'équipements électriques et électroniques jetés ont été retrouvés dans les filières réglementaires de collecte et de valorisation des déchets.
Le marché de l'occasion, qui se développe aujourd'hui fortement, se caractérise ainsi par un circuit très peu transparent. De nombreux interlocuteurs ont évoqué l'existence d'exportations de lots complets mélangeant déchets et équipements réparables ne respectant pas toujours la réglementation en vigueur. Il existe de véritables stratégies de contournement de la réglementation relative à l'exportation de déchets jouant sur la complexe frontière entre la qualification de « déchet » et celle d'« équipement » réparable.
Sur ce sujet, le rapport comprend plusieurs propositions visant à soutenir les acteurs du réemploi et à clarifier les circuits des filières parallèles à la filière réglementaire. Nous proposons notamment de renforcer les contrôles sur les exportations des téléphones de seconde main, afin de garantir le respect de la réglementation sur les transferts transfrontaliers de déchets. Nous proposons également d'imposer aux opérateurs vendant des quantités de téléphones et de déchets en mélange un tri préalable, afin de n'exporter que des produits effectivement susceptibles de réemploi.
Enfin, nous avons abouti à la conclusion que le recyclage des composants et matériaux issus des téléphones portables constitue, sous réserve bien entendu de la massification de la collecte des équipements usagés, une opportunité pour créer une filière d'excellence. Cette opportunité n'est d'ailleurs nullement incompatible avec le développement du réemploi.
La filière du recyclage manque aujourd'hui cruellement des infrastructures nécessaires, notamment pour le traitement des cartes électroniques. Ces dernières sont envoyées par exemple en Belgique, sur le site d'Umicore, que nous avons pu visiter. La France dispose pourtant d'entreprises innovantes et actives dans le domaine du recyclage des DEEE, comme l'entreprise Morphosis au Havre ou l'entreprise TerraNova dans le Pas-de-Calais, dont nous avons pu entendre les dirigeants.
Notre pays dispose par ailleurs de sites et d'un savoir-faire industriels historiques et, en matière de recherche, il est l'un des plus actifs, grâce à une coopération efficace entre établissements publics, chercheurs et start-ups.
Il est donc indispensable d'établir et de mettre en oeuvre une stratégie nationale de développement du recyclage des métaux définissant des priorités, qui permettrait de guider le soutien public apporté tant aux projets de recherche qu'aux unités de traitement. Cette stratégie devrait s'intéresser notamment à l'identification des faiblesses de la filière, cibler les métaux rares et stratégiques, déterminer le degré de désassemblage et de neutralisation des substances dangereuses ou encore - c'est un point qui me tient à coeur - effectuer un inventaire des sites industriels reconvertibles.
Voilà donc, monsieur le président, mes chers collègues, la tonalité des constats et des propositions du rapport que je soumets aujourd'hui à votre approbation, et pour lequel je vous propose le titre suivant : « 100 millions de téléphones portables usagés : l'urgence d'une stratégie. »
Ce rapport a, comme je l'ai dit, une vocation pédagogique et prospective. Il dénonce certaines pratiques, il alerte les pouvoirs publics et il sensibilise le grand public et les consommateurs. J'espère que notre mission d'information approuvera d'une seule et même voix ses conclusions.
Je vous remercie tous et je suis à votre disposition pour entendre vos commentaires et répondre à vos interrogations. Je remercie également l'administration du Sénat de l'aide de très grande qualité qu'elle m'a apportée.
M. Jean-François Longeot, président. - Merci de cette présentation qui reflète bien les auditions que nous avons menées et les propositions ambitieuses qui sont faites dans ce rapport.
M. Daniel Raoul. - Pour le physicien que je suis, ces travaux sont très intéressants. Je remarque que n'a pas été évoqué le problème des chargeurs universels. Nous possédons tous une ribambelle de chargeurs. Depuis le Grenelle I, je mène un combat en faveur du chargeur universel, combat qui n'a guère avancé. En particulier, une marque dont le symbole est une pomme continue à prévoir des chargeurs spécifiques pour ses produits. Or le Parlement européen a enfin admis le principe du chargeur universel, préalable qu'on nous opposait jusqu'alors.
Deuxième remarque : vous avez raison d'insister sur le problème des batteries. Alors que l'appareil peut parfaitement fonctionner, il est parfois impossible de changer une batterie défectueuse, sauf si l'on trouve un « bidouilleur » qui y parviendra grâce à quelques tournevis spéciaux.
Ma troisième remarque concerne l'obsolescence, dont le rapport souligne qu'elle est double. Je ferai une remarque en tant que physicien : il existe une obsolescence naturelle des composants liée au choix initial des processeurs ; plus les processeurs sont de qualité, moins la loi de diffusion métallique de Fick s'applique, autrement dit plus les éléments dopants restent fixes et donc conservent les qualités du processeur dans le temps. Dans les ordinateurs comme dans les téléphones, le choix initial du processeur est important quant à la durée de vie efficace de l'élément du composant.
Certains combinent donc obsolescence physique « naturelle » et obsolescence commerciale, puisqu'ils y gagnent chaque fois en vendant de nouveaux téléphones. C'est un autre débat...
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. - S'agissant du chargeur universel, vous avez tout à fait raison : quoique l'Europe en ait décidé le principe, sur le terrain, il se fait attendre. Cette question est évoquée à la page 37 du rapport, dans des termes proches des vôtres.
Concernant les batteries, plusieurs associations, dont les Amis de la Terre ou Halte à l'obsolescence programmée, nous ont décrit les stratégies employées par les fabricants : auparavant, on pouvait dévisser la batterie ; ensuite, des vis spéciales ont été utilisées nécessitant, pour être retirées, de recourir à des tutoriels sur internet ; puis il a fallu utiliser un tournevis spécial que les associations mettaient à disposition de ceux qui le voulaient contre quelques euros ; désormais, la batterie est collée et enfermée dans un revers du carter, ce qui ne permet plus son extraction.
À ce jour, ce genre de méfait est puni d'une augmentation de 100 % de l'éco-participation ; cela paraît énorme, mais en réalité, elle passe de 1 centime à 2 centimes ! Cette sanction n'effraie donc aucun constructeur.
Enfin, s'agissant de l'obsolescence, vous avez raison au sujet des processeurs. Pour ma part, j'ai découvert le caractère massif de l'obsolescence logicielle et la charge de mémoire que représentent toutes les mises à jour successives, qui condamnent un appareil performant à devenir un dinosaure en un temps record.
Mme Évelyne Didier. - À mon tour de féliciter d'abord le groupe écologiste du choix de ce sujet, à la fois technique et presque philosophique, ainsi que le président et la rapporteure du travail accompli en en temps aussi court. Il était bien difficile de suivre votre rythme, effectivement, et chacun a fait ce qu'il a pu pour participer à vos travaux !
Les enjeux sociaux et environnementaux sont très liés. Ainsi, le rapport souligne bien que la production de certains minerais est parfois prise en otage par des gens pas très catholiques qui se servent de la demande mondiale pour prospérer. Il est donc important, à notre modeste niveau, de mettre en avant ces questions. Finalement, c'est l'exploitation inconsidérée de la nature et de l'homme qui pose problème.
Je souhaite insister sur un point important, évoqué dans les auditions. Les sociétés productrices de smartphones représentent un modèle très particulier d'entreprise. Ce sont des sociétés de niveau mondial presque toujours, et même des mastodontes, qui drainent des masses financières importantes, et ce fait même concourt à l'obsolescence. Ce sont des entreprises sans usines et sans salariés, qui font appel uniquement à la sous-traitance, ce qu'ont confirmé les représentants d'Apple quand nous avons évoqué ce point devant eux. Elles conçoivent l'objet, le promeuvent, mais en réalité elles n'assument aucune responsabilité sociale et environnementale, qu'elles font reposer sur les sous-traitants. D'une certaine façon, elles refusent les responsabilités afférentes à leur enrichissement - et quel enrichissement !
C'est une cause fondamentale du développement de l'obsolescence programmée. Ainsi, de manière contradictoire, l'innovation est source de progrès pour la société - on est heureux de posséder ce type d'appareil, fort utile -, cependant qu'elle entraîne une accélération de la compétition, source de production de déchets et donc d'obsolescence. Ce système est donc très difficile à contrecarrer. D'où peut-être nos difficultés à obtenir des comportements plus vertueux.
En tout cas, le constat que dresse le rapport est précis, complet et honnête. Il est important que nous le fassions connaître.
Augmenter l'éco-participation de 1 centime à titre de pénalité, eu égard à la valeur des objets concernés, c'est se moquer du monde ; je ressens cela presque comme une insulte. Comment promouvoir dans ces conditions des pratiques vertueuses ? On fait semblant ! C'est une façon de détourner la volonté du législateur européen et des législateurs nationaux : par la mise en place des filières à responsabilité élargie des producteurs, nous avons voulu responsabiliser le producteur - le « metteur sur le marché » - ; il faut donc que celui-ci soit, bien plus qu'il ne l'est aujourd'hui, responsable du devenir des objets jusqu'à leur fin de vie, et donc faire en sorte que la responsabilité élargie des producteurs soit une réalité.
Mme Delphine Bataille. - Au nom de mon groupe, je renouvelle mes compliments à Mme la rapporteure pour avoir rendu son rapport dans un délai très contraint.
Celui-ci rend très fidèlement compte du constat que nous avons dressé, au travers des nombreuses auditions que nous avons menées, sur les trois grands enjeux que nous avons dégagés : la fabrication des téléphones portables ; leur mise sur le marché, leur utilisation et leur collecte ; le devenir des matériaux.
Je n'ai pas pu lire de manière détaillée ce rapport ; je me suis concentrée sur les nombreuses propositions qu'il formule, pour certaines très ambitieuses - on ne pouvait pas ne pas les faire -, mais dont la mise en oeuvre sera difficile.
Ces propositions, au nombre de 27, s'articulent opportunément autour de 5 axes. Toutefois, elles auraient été plus lisibles si leur nombre avait été limité à 10 et si elles avaient été précisément ciblées. Certaines auraient pu être regroupées en une seule, par exemple les propositions 12 - lancement d'une campagne de sensibilisation auprès de nos concitoyens sur le tri des téléphones portables - et 14 - diversification des modalités de collecte par une meilleure information des citoyens -, aux objets très similaires.
De même, les propositions 23 et 24, qui portent sur les obligations imposées aux opérateurs qui vendent des quantités de téléphones et de déchets en mélange, auraient pu être regroupées.
En tout état de cause, le rapport de cette mission répond à nos attentes quant à la responsabilisation des fabricants de portables, la lutte contre l'obsolescence programmée, l'augmentation de la collecte, le soutien aux acteurs de réemploi et la définition d'une stratégie nationale.
La proposition de création d'une filière française d'excellence de traitement de déchets de téléphones me paraît très judicieuse. Je me demandais s'il ne serait pas possible, à travers cette recommandation, d'insister sur la nécessité de relancer une formation adaptée pour permettre le développement, sur le long terme, de savoir-faire précieux dans ce domaine, pourquoi pas en installant une mission d'observation du devenir de ces matériaux dont l'objectif serait d'améliorer la connaissance et d'organiser une veille technologique.
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. - Je précise, pour ceux qui ne le sauraient pas encore, que vous avez rédigé, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, un rapport sur les terres rares. Vous avez donc étudié l'amont - l'approvisionnement -, alors que notre rapport porte sur l'aval. Mais en étudiant l'aval, nous sommes revenus quelque peu sur l'amont !
Vous avez raison, nous aurions pu regrouper certaines de nos propositions, mais puisque nous n'avons sans doute pas suffisamment travaillé ensemble en amont, nous laisserons les choses en l'état.
L'amélioration de la collecte et des campagnes d'information concernent à la fois les 100 millions de téléphones qui dorment aujourd'hui dans les tiroirs et les bonnes pratiques à acquérir pour gérer le flux induit par les 24 millions de téléphones vendus chaque année.
S'agissant de la formation, j'ai été sensibilisée récemment par des acteurs du nucléaire qui m'ont expliqué qu'une partie de la maîtrise de ces sujets par les ingénieurs et les techniciens de la maintenance, du démantèlement ou du remontage se perdait. S'agissant des questions techniques liées aux métaux, les savoir-faire existent encore, mais il serait bien que ceux qui les maîtrisent les transmettent.
Puisque vous avez abordé notre proposition de créer d'une filière industrielle du traitement, je signale que plusieurs des personnes auditionnées nous ont dit qu'il y avait un autre problème, celui de l'investissement. Tant Bpifrance que les investisseurs privés, tout le monde adore mettre son argent dans les start-ups ; comme au Loto, on peut doubler la mise en six mois pour peu que la start-up fonctionne, mais on peut aussi perdre son argent. En revanche, on trouve beaucoup moins de monde pour investir dans une filière industrielle d'extraction du tantale qui demande dix ans pour être vraiment rentable. Par conséquent, le recyclage des métaux est le parent pauvre des investisseurs. Là aussi, il y a une réflexion à mener.
M. Didier Mandelli. - En tant que coprésident du groupe d'études « Gestion des déchets » - et j'associe à mon propos mon collègue Gérard Miquel -, je veux dire que le travail a été conduit en profondeur. Contrairement à ce qui a été dit, je considère que détailler l'ensemble des propositions qui y sont formulées permet aussi de distinguer entre les responsabilités des uns et des autres : les éco-organismes, les opérateurs et les collectivités locales, qui sont toutes parties prenantes. Ainsi, les propositions 12 et 14 ne s'adressent pas aux mêmes acteurs.
Enfin, je souhaite qu'on puisse évaluer la mise en oeuvre de ces propositions.
Mme Marie-Christine Blandin, rapporteure. - Vous avez invoqué votre qualité de coprésident du groupe d'études « Gestion des déchets » : si vous ajoutez le savoir d'Évelyne Didier et les connaissances de Delphine Bataille sur les terres rares, j'avais bien conscience, quand s'est formée cette mission, que nous étions sous surveillance...
M. Jean-François Longeot, président. - Je vais maintenant mettre aux voix le projet de rapport.
Le rapport est adopté à l'unanimité.
La séance est levée à 15 heures 40.