Jeudi 6 juillet 2017
- Présidence de M. Michel Magras, président -Foncier dans les outre-mer - Présentation du rapport d'information
M. Michel Magras, président. - Mes chers collègues, avant d'aborder notre ordre du jour, je voulais souligner le fait que nous siégeons en séance publique ce matin, comme d'ailleurs tous les autres jeudis matins de la session extraordinaire, alors que ce créneau horaire, au moins en première partie de matinée, nous est normalement réservé pour réunir la délégation. Il nous faudra veiller à ce que cette concomitance, qui pourrait porter préjudice à notre travail collectif en délégation, ne se pérennise pas à l'automne.
Nous avons aujourd'hui deux points importants à l'ordre du jour : le troisième volet de notre étude pluriannuelle sur le foncier dans les outre-mer, puis le bilan triennal d'activité de la délégation.
Nous nous retrouvons tout d'abord aujourd'hui pour examiner le troisième et dernier volet de l'étude sur le foncier dans les outre-mer dont Thani Mohamed Soilihi est le rapporteur coordonnateur et Antoine Karam et Daniel Gremillet les rapporteurs.
Après un premier volet sur la gestion des domaines public et privé de l'État, la deuxième partie s'est concentrée sur la sécurisation des titres fonciers, avec les deux grandes problématiques de l'indivision et des façons d'accorder notre droit civil avec les droits coutumiers locaux, parfois très prégnants. Le dernier volet porte quant à lui sur la question des conflits d'usage et sur l'optimisation d'un foncier disponible particulièrement rare et cher dans nos outre-mer.
Pour présenter le rapport, je cède immédiatement la parole à nos collègues rapporteurs, qui interviendront dans l'ordre suivant : Thani Mohamed Soilihi, Daniel Gremillet et Antoine Karam.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur coordonnateur. - Nous parvenons aujourd'hui au terme de notre étude triennale sur le foncier dans les outre-mer. Comme vient de le rappeler notre président Michel Magras, les deux premiers volets ont traité successivement de la gestion des domaines public et privé de l'État, puis de la sécurisation des titres de propriété confrontée au phénomène de l'indivision et à l'existence de droits coutumiers très prégnants dans certains de nos territoires - je pense bien sûr plus particulièrement à Mayotte, mais également aux trois collectivités du Pacifique. Le troisième et dernier volet de l'étude est centré sur la problématique des conflits d'usage et sur les outils devant permettre d'optimiser l'utilisation du foncier disponible dans les outre-mer.
Alors que les deux premiers volets avaient donné lieu à des déplacements en Guyane, en Martinique et à Saint-Martin pour le premier, et à Mayotte puis à Wallis-et-Futuna, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française pour le deuxième, les exigences du calendrier et la contrainte budgétaire ne nous ont pas permis d'effectuer un nouveau déplacement à l'appui de notre étude sur les conflits d'usage. Nous avons néanmoins pu recueillir une masse d'informations via les réponses obtenues à nos questionnaires et lors des visioconférences que nous avons organisées. Ces visioconférences nous ont permis d'entrer en contact avec les responsables politiques, les gestionnaires de structures en charge des questions foncières mais aussi des acteurs économiques locaux de plusieurs territoires : successivement la Guyane, La Réunion, la Guadeloupe, la Polynésie française et Mayotte. Au total, pour l'instruction de notre sujet, plus de 70 personnes ont été entendues.
La question des conflits d'usage revêt une acuité toute particulière dans nos outre-mer car le foncier disponible y est rare et cher, qu'il y ait peu d'espace, comme dans la plupart de nos territoires insulaires, ou une vaste superficie comme en Guyane où l'essentiel du territoire est « sous cloche », selon l'expression chère à notre collègue Georges Patient, ou figé dans le giron étatique.
Or, la faiblesse du foncier disponible est d'autant plus préjudiciable au développement des territoires ultramarins que ceux-ci doivent le plus souvent relever des défis dont l'intensité est majorée en comparaison de ce que l'on connaît dans l'Hexagone. Qu'il s'agisse des phénomènes de décohabitation, de transition vers un modèle de cellule familiale plus restreinte et de proportion de plus en plus importante de familles monoparentales - un quart des ménages en Guadeloupe et en Guyane contre 9 % dans l'Hexagone --, ou qu'il s'agisse de territoires connaissant un fort dynamisme démographique tels que La Réunion dont la population approche les 850 000 habitants ou la Guyane, Mayotte ou encore Saint-Martin, aux prises avec des flux migratoires non maîtrisés, ces évolutions démographiques ont pour conséquences immédiates le gonflement des besoins de logements et la prolifération des occupations et constructions illicites.
Par ailleurs, la recrudescence des phénomènes climatiques extrêmes et la montée des eaux due au réchauffement global entraînant un recul du trait de côte réduisent l'habitabilité d'une bande littorale dont nous avons vu précédemment, au cours de nos travaux, qu'elle était partiellement sanctuarisée via la ZPG et ses zones naturelles.
Qu'elles aient une origine géographique - risques naturels d'ordres divers, sismique, de glissement de terrain ou encore de submersion -, d'origine culturelle comme la sanctuarisation coutumière de certaines terres, ou bien d'origine historique et juridique comme le caractère proportionnellement démesuré du domaine de l'État par rapport à celui des collectivités ou le classement de zones étendues pour préserver une biodiversité exceptionnelle - rappelons que 80 % de la biodiversité de la France se situe outre-mer ! - les contraintes conduisant à un amenuisement du foncier disponible se conjuguent et se cumulent.
En regard de ces contraintes, les besoins eux aussi sont multiples et concurrents en termes d'occupation foncière. Nous avons évoqué le logement, mais il y a également la création d'infrastructures pour répondre aux besoins collectifs - voies de communication, réseaux d'assainissement, bâtiments scolaires, hôpitaux... - ou encore les nécessités économiques - agriculture, installations touristiques, activités minières et industrielles, entreprises...
Les besoins d'espace sont multiples et rivaux et cette forte tension qui s'exerce sur le foncier rend d'autant plus cruciale la définition de stratégies territoriales s'adossant à des outils efficaces. En effet, la concurrence entre tous les usages possibles est exacerbée et nécessite de définir des priorités, dans l'immédiat et pour le développement futur. Ce constat général justifie notre choix de sujet ciblant les conflits d'usage.
Avant de céder la parole à mes collègues rapporteurs, je tiens à souligner le caractère largement lacunaire et disparate de la connaissance que nous avons de la situation foncière de nos outre-mer et du fonctionnement des marchés foncier et immobilier. En ce domaine comme pour d'autres secteurs, le manque d'information est une constante et, en dépit d'une prise de conscience réelle et d'avancées ponctuelles, cette faiblesse est préjudiciable au développement des territoires car, sans outil de pilotage, il est difficile de définir et de mettre en oeuvre des stratégies ou d'endiguer les mouvements spéculatifs. C'est pourquoi la première des dix recommandations que nous formulons dans le troisième volet de notre étude est de mettre en place des dispositifs locaux de collecte et d'agrégation des données relatives aux marchés foncier et immobilier, ainsi que des mécanismes de coordination au niveau central. Cela permettrait de rassembler les données éparpillées localement et disponibles dans les observatoires locaux du foncier, dans les établissements publics fonciers, dans les services déconcentrés de l'État (DEAL et DRFiP), dans les chambres consulaires et auprès des notaires. La remontée de ces informations doit permettre notamment une meilleure coordination entre le ministère des outre-mer et la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) et de faire bénéficier la politique d'aménagement et du logement en outre-mer de l'ensemble des instruments et de l'expertise déjà disponibles pour l'Hexagone.
Après cette contextualisation de la problématique des conflits d'usage dans les outre-mer, je cède la parole à notre collègue Daniel Gremillet pour mettre la focale sur les problématiques spécifiques du logement et de l'agriculture et présenter cinq propositions pour « voler au secours » du foncier agricole.
M. Daniel Gremillet, rapporteur. - C'est avec grand plaisir que j'ai endossé le rôle de rapporteur sur ces questions de conflits d'usage en matière foncière dans les outre-mer car, au-delà des problématiques communes, j'ai découvert des situations d'une grande diversité et cela est très enrichissant : en effet, la nécessaire différenciation territoriale chère au président de notre délégation invite à la créativité !
Mon seul regret est de ne pas avoir eu l'occasion d'effectuer un déplacement sur le terrain, mais je comprends que les impératifs budgétaires et de calendrier n'y sont pas toujours favorables. Ce sera pour une prochaine fois...
Pour en venir à notre sujet, je concentrerai mon propos sur la question, au regard de la contrainte foncière, de la concurrence entre la politique du logement et le développement agricole des territoires. L'intensité de concurrence entre ces deux usages est d'autant plus élevée outre-mer que les besoins de développement sont importants dans ces deux secteurs.
À l'exception des Antilles qui ont achevé leur transition démographique et sont confrontées au vieillissement, la croissance démographique et la forte proportion de population située au-dessous des plafonds de ressources dans la plupart des territoires convergent vers une envolée des besoins de logement social dont la cadence de production reste inadaptée malgré les efforts déployés. La prégnance de l'habitat indigne aggrave encore la situation : le nombre de logements concernés est évalué globalement entre 70 et 90 000 malgré la loi du 23 juin 2011 relative aux quartiers d'habitat informel et à la lutte contre l'habitat indigne dans les départements et régions d'outre-mer. Il semble en effet que les dispositifs d'aide financière et de traitement de l'insalubrité mis en place par cette loi n'aient pas connu le succès escompté... et c'est un euphémisme ! D'après la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), on ne compte que cinq arrêtés préfectoraux en application des articles 9 et 10 de la loi relatifs respectivement, pour le premier, à l'instauration d'un périmètre d'insalubrité pour traiter un secteur dans le cadre d'un projet d'aménagement et, pour le second, à une procédure de police administrative. Quant à l'article 6, qui constituait une mesure phare avec la création d'une aide financière pour les occupants irréguliers perdant leur domicile du fait d'une opération d'aménagement motivée par une situation de menace grave pour la vie humaine, il n'a encore jamais été mis en oeuvre car les personnes concernées se trouvent en effet chaque fois dans l'incapacité de justifier d'une antériorité de dix années et de constituer le dossier administratif requis. Ainsi, la recommandation n° 2 du rapport d'information est-elle d'assouplir les conditions d'éligibilité de ce dispositif qui est actuellement stérile.
Les outre-mer sont victimes d'un effet de ciseau entre le rythme de progression des besoins de logements et les facteurs multiples qui freinent la construction et provoquent l'obsolescence d'une partie du parc existant.
L'Union sociale pour l'habitat (USH) estime en juin 2016 à 90 000 logements le déficit pour l'ensemble des DOM. Rappelons que l'article 3 de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer fixe un objectif de construction de 150 000 logements dans les outre-mer au cours des dix prochaines années, alors même que le premier bilan d'application du Plan logement outre-mer fait état d'un recul de la production amorcé en 2013-2014, recul qui s'est accentué en 2015 sous l'effet, notamment, de blocages administratifs dans la mise en oeuvre des aides fiscales. Aussi le régime du crédit d'impôt pour le logement social a-t-il dû être simplifié en juin 2016. Le passage à un régime de plein droit devrait avoir un effet de relance, mais un autre frein majeur est le prix des terrains aménagés : ainsi, à La Réunion, selon l'Association régionale des maîtres d'ouvrage sociaux (Armos), la part du foncier s'élève en moyenne à 26 % du coût de l'opération de production.
L'inflation des prix du foncier dans les zones urbanisées et l'appétence des populations ultramarines pour l'habitat faiblement densifié et individuel renvoient de plus en plus les programmes de construction à la périphérie des agglomérations et favorise l'habitat diffus. La maîtrise du processus d'urbanisation reste très imparfaite dans les outre-mer. L'étalement urbain procède également de la prolifération de l'habitat informel, reflet des difficultés à produire des logements en nombre suffisant. Comme le souligne l'Agence d'urbanisme et de développement de la Guyane « l'urbanisation illégale s'affiche comme une réponse aux carences de la ville planifiée » ; l'agence estime à 40 % la part des constructions spontanées dans le bâti total.
Ainsi, dans les outre-mer, le conflit d'usage majeur oppose l'urbanisation au maintien de l'activité agricole, secteur d'une importance vitale pour l'équilibre économique et social des territoires. Les DOM recensent en effet quelque 43 000 exploitations et l'emploi agricole représente 47 000 emplois annuels à plein temps.
L'agriculture ultramarine reste très dépendante des grandes cultures exportatrices de la banane et de la canne, qui occupent des superficies importantes, mais il faut aussi dès à présent préparer l'avenir d'une part, en soutenant les filières de diversification végétale et animale pour tendre vers une autonomie alimentaire et, d'autre part, en développant des polycultures résilientes face aux évolutions climatiques. Lors de son audition en visioconférence, le président de la chambre d'agriculture de La Réunion a ainsi indiqué qu'il manquait, pour assurer l'autosuffisance, 4 000 hectares en matière d'élevage et de 500 à 800 hectares en matière de maraîchage. Il faut souligner que La Réunion est parvenue à mettre en place une filière agroalimentaire tout à fait performante et qui s'efforce d'aller vers un modèle d'économie circulaire.
En ce qui concerne la surface agricole utile (SAU), qui comprend les sols cultivés et les prairies, elle représente en 2012 30 % du territoire en Guadeloupe et en Martinique et seulement 20 % à La Réunion, contre plus de la moitié dans l'Hexagone. La première décennie du millénaire a vu les espaces agricoles substantiellement diminuer aux Antilles avant que ne s'amorce une stabilisation à compter de 2010. Grâce notamment aux deux schémas d'aménagement régionaux de 1995 et 2011, la SAU est en revanche restée stable à La Réunion, autour de 42 000 hectares dont la canne à sucre recouvre 57 % ; de lourdes pertes de foncier agricole y étaient intervenues au cours des décennies 1980 et 1990.
En Guyane, l'agriculture occupe 4 % de la bande littorale où se concentrent la population et les activités, soit 0,4 % de la superficie totale. De 31 000 hectares de SAU aujourd'hui, la collectivité de Guyane ambitionne d'atteindre 75 000 hectares en 2030, ce qui nécessitera de libérer un potentiel aujourd'hui bridé par une politique domaniale étriquée de l'État, qui a été dénoncée dans le premier volet de notre étude sur le foncier. La mise en valeur des terres suppose de pouvoir y accéder, et ce n'est pas chose facile en Guyane car la mise en exploitation implique de lourdes et onéreuses opérations de défrichage et la valorisation agricole optimale ne concerne en moyenne que 40 % de la parcelle attribuée car la qualité des sols n'est pas évaluée en amont. Ainsi, sur les 27 000 hectares attribués depuis 15 ans, seulement 25 % ont contribué à l'accroissement de la SAU. Le principal frein à l'installation des agriculteurs guyanais réside dans la longueur et la complexité de la procédure administrative d'attribution des terrains du domaine privé de l'État et dans le défaut d'accompagnement des porteurs de projets pour viabiliser leur exploitation : aussi proposons-nous, avec la recommandation n° 6, une refonte de la procédure d'attribution foncière à des fins agricoles en Guyane. En complément, et pour tenir compte des distances et des difficultés de communication, la recommandation n° 7 invite à associer aux attributions de foncier agricole l'octroi de parcelles constructibles pour l'installation des agriculteurs et de leur famille. Contrairement aux autres territoires ultramarins, le foncier agricole en Guyane n'est en effet pas encore menacé de mitage !
À Mayotte, la surface totale exploitable couvrait 55 % du territoire en vertu du recensement de 2010 mais, d'après la chambre d'agriculture, seulement 8 700 hectares sont effectivement cultivés du fait de l'étalement de la tâche urbaine sous la pression démographique. Contrairement aux autres DOM, c'est la part des cultures vivrières qui domine alors que les cultures traditionnelles telles que la vanille et l'ylang-ylang ont régressé, au point où il n'y a quasiment plus d'exportations désormais.
Dans les outre-mer, l'érosion des espaces agricoles et l'étroitesse des marchés fonciers, qui se doublent de mouvements spéculatifs, font obstacle à l'installation de jeunes agriculteurs. En outre, à Mayotte, un frein supplémentaire résulte du fait que le statut du fermage est lacunaire car il n'a pas été actualisé lorsque ce territoire n'avait pas encore accédé au statut de département. La proposition n° 3 est ainsi d'instituer à Mayotte une commission consultative des baux ruraux, qui procèdera notamment à l'établissement de baux-types faisant aujourd'hui cruellement défaut. L'installation effective d'un tribunal des baux ruraux est également recommandée.
Par ailleurs, l'expérience concluante des groupements fonciers agricoles en Guadeloupe, notamment dans la lutte contre l'hémorragie de foncier agricole, conduit à préconiser, avec la recommandation n° 4, la création de telles structures à Mayotte en considérant qu'elles auraient de bonnes chances d'y être bien reçues dans la mesure où, d'une part, la gouvernance en est collective pour une gestion indivise du foncier, ce qui est en harmonie avec les pratiques coutumières d'exploitation des terres et, d'autre part, permettrait de contourner en quelque sorte les problèmes d'indivision successorale qui aboutissent à laisser aujourd'hui en friche de nombreuses parcelles.
Enfin, la préservation des terres agricoles nécessite à la fois la mobilisation des outils de lutte contre le phénomène du mitage et la reconquête des terres laissées en friche. À cet égard, les commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) constituent un instrument essentiel car, dans les DOM, elles émettent des avis conformes sur toute demande d'autorisation d'urbanisme. Elles fonctionnent très bien en Guadeloupe et en Guyane, où leur activité est plus de deux fois plus dense que la moyenne nationale. En revanche, le dispositif est sous-utilisé en Martinique et à La Réunion avec un volume de dossiers examinés quinze fois inférieur. Nous suggérons donc, avec la recommandation n° 9, de mobiliser cette instance dans ces deux territoires afin de mieux faire face à la recrudescence du mitage. Enfin, malgré les efforts déployés par la Safer, le gisement de friches à La Réunion, de l'ordre de 8 000 hectares, ne régresse pas du fait d'une procédure complexe et des délais d'instruction excessifs : notre recommandation n° 10 invite à réaménager la procédure de mise en valeur des terres incultes ou en friche permettant d'imposer à un propriétaire la remise en valeur agricole d'un fonds par lui-même ou un tiers exploitant, en commuant la procédure d'enquête publique en une simple procédure contradictoire avec le propriétaire et en la fusionnant avec la phase de médiation conduite par la Safer, tout en maintenant une information du public dans un moindre formalisme.
Monsieur le président, mes chers collègues, voilà nos propositions pour la préservation des terres agricoles qui constituent un bien particulièrement précieux pour nos outre-mer. Je cède la parole à Antoine Karam pour présenter notre analyse de la mise en place des outils fonciers de planification.
M. Antoine Karam, rapporteur. - Nous parvenons au terme d'une enquête sur le foncier dans les outre-mer qui s'est révélée très riche et dont les propositions connaissent un début de mise en oeuvre, ce dont nous devons nous féliciter car les avancées enregistrées, qu'il s'agisse de la fiscalité forestière en Guyane, du transfert de la zone des 50 pas géométriques (ZPG) aux Antilles ou encore de la création d'une commission de l'urgence foncière à Mayotte n'auraient pas vu le jour sans notre initiative. Nous devrons rester vigilants au cours de la prochaine période triennale et continuer à jouer notre rôle d'éclaireur de conscience et d'aiguillon, en lien avec les acteurs locaux des territoires.
Pour parvenir à apaiser des conflits d'usage, d'autant plus aigus que le foncier mis à disposition reste une denrée rare, il est nécessaire pour les collectivités ultramarines d'élaborer des documents de planification sur la base d'un diagnostic précis et de mobiliser les outils fonciers à leur disposition pour mettre en oeuvre leur stratégie.
L'instrument majeur de planification stratégique à l'échelle des DOM est le schéma d'aménagement régional (SAR) dont l'élaboration revient aux régions, puis qui est approuvé par décret en Conseil d'État. Document dont l'élaboration est obligatoire, le SAR est doté d'un caractère prescriptif et s'impose aux documents d'urbanisme locaux comme les schémas de cohérence territoriale (SCoT) et, en l'absence de SCoT, les plans locaux d'urbanisme (PLU) et les cartes communales. Seule la compatibilité avec le SAR est exigée des documents de niveau inférieur afin de préserver l'autonomie des intercommunalités et des communes.
Les schémas régionaux des carrières doivent être pris en compte dans les documents d'urbanisme, cette disposition n'étant pas spécifique aux outre-mer. En Guyane, le SAR doit, en outre, prendre en compte le schéma d'orientation minière, qui est spécifique à ce seul territoire.
L'ensemble des régions d'outre-mer disposent d'un SAR approuvé, à l'exception de Mayotte qui dispose d'un plan d'aménagement et de développement durable (PADD) dont la transformation en SAR est encore attendue, sa révision étant engagée depuis 2011 et freinée par un imbroglio foncier en constante complexification.
En Martinique, le SAR, approuvé en 2005, vise à lutter contre le fort mitage et la consommation d'espaces agricoles, ainsi qu'à adapter le territoire aux transitions en cours : développement des énergies renouvelables, renforcement de l'armature urbaine et anticipation du vieillissement de la population. Sa révision, engagée en 2011, a été stoppée en 2015 au profit de l'élaboration d'un plan d'aménagement et de développement durable (PADDMA), qui n'est cependant pas opposable.
En Guadeloupe, le SAR a été approuvé par décret en 2011 et vise à limiter l'étalement urbain, protéger les terres agricoles et le patrimoine naturel remarquable, et maintenir les équilibres entre les diverses fonctions du littoral, avec un schéma de développement multipolaire pour tenir compte du caractère archipélagique. Une évaluation du SAR sera bientôt engagée, dans la perspective d'une éventuelle révision.
À La Réunion, le SAR a été approuvé par décret en 2011, définissant quatre objectifs : répondre aux besoins d'une population en croissance et protéger les espaces agricoles et naturels, préserver la cohésion d'une société réunionnaise de plus en plus urbaine, renforcer la dynamique économique dans un territoire solidaire et, enfin, sécuriser le fonctionnement du territoire pour anticiper les changements climatiques.
En Guyane, le SAR a été approuvé par décret en juillet 2016 après une longue élaboration sur quatre ans. Il s'agit du premier SAR à valoir comme schéma régional de cohérence écologique (SRCE). Il vise à favoriser la production de foncier aménagé, à désenclaver les territoires, à mettre en place une armature urbaine équilibrée entre les différents bassins de population, à développer les équipements fondamentaux tout en préservant la biodiversité. Ce document constitue une étape majeure dans l'affirmation des compétences de la nouvelle Collectivité territoriale de Guyane qui a vocation à piloter l'aménagement du territoire et la mise en valeur de ses ressources.
Les outre-mer comptent peu de communes par territoire, d'où une certaine interférence entre les niveaux de planification du SAR et du SCoT. La Réunion est couverte par quatre SCoT approuvés, la Martinique par trois, la Guyane et la Guadeloupe par un seul - sur quatre communes en Guadeloupe. Il pourrait être envisagé de ne conserver que le SAR, les SCoT préfigurant les futurs PLU intercommunaux (PLUi). À la différence de leurs équivalents hexagonaux, les SCoT des outre-mer sont prescriptifs et couvrent des espaces plus petits.
Un des enjeux majeurs est la capacité du SAR à guider effectivement les politiques foncières locales et, en particulier, à orienter la planification qui relève des communes, même s'il convient de constater l'impact aujourd'hui très relatif des documents d'urbanisme sur la maîtrise du développement urbain dans les territoires fortement marqués par l'habitat informel, phénomène contre lequel l'État doit lutter plus efficacement par l'usage de ses pouvoirs régaliens.
En Guadeloupe, à la Martinique et à La Réunion, 94 % à 100 % des communes sont couvertes par un document d'urbanisme. Ce taux est plus faible en Guyane : 63 %. À Mayotte, toutes les communes disposent formellement d'un PLU approuvé, mais ces documents ne semblent pas être en prise avec les réalités du terrain. En dehors de La Réunion, l'ingénierie locale est en effet difficile à mobiliser pour l'élaboration et l'actualisation de ces documents et, partout, un travail important reste à conduire pour rendre ces documents réellement adaptés aux besoins et aux évolutions prévisibles des territoires.
Les difficultés que rencontrent les maires sont souvent rendues inextricables par la pénible articulation de leurs outils de planification avec les documents produits par l'État, en particulier les plans de prévention des risques naturels (PPRN). Plus prégnantes outre-mer que dans d'autres territoires, en raison de la superposition des risques (inondation, submersion, glissement de terrain, séismes, etc.) et de la concentration de la population sur le littoral ou à flanc de colline, les contraintes qu'ils imposent limitent les marges de manoeuvre des collectivités. Ainsi, par exemple en Guyane, 20 communes sur les 22 du territoire sont concernées par le risque d'inondation d'après la DEAL. Or, l'évolution des documents de prévention des risques et des documents d'urbanisme souffre souvent de désynchronisation et appellerait davantage de coopération entre les collectivités et les services de l'État.
De surcroît, les zonages de protection des espaces naturels stérilisent de larges espaces et rendent parfois caducs les documents d'urbanisme sur lesquels se fondent les acteurs publics et privés pour planifier leurs projets. La Guyane est particulièrement touchée, puisque 75 % de son territoire est protégé par un dispositif national et 16 % par un dispositif régional d'après les calculs de la CPME. À La Réunion, des tensions fortes sont apparues entre les maires et le parc naturel national qui couvre 40 % de la surface de l'île. La politique très restrictive des autorités du parc a même suscité un fort antagonisme avec l'ONF.
Si d'un point de vue strictement juridique les collectivités ultramarines sont compétentes et maîtresses de leur politique d'aménagement, chacune à leur niveau d'intervention, en pratique, l'exercice de leurs missions est fortement contraint par les prescriptions des services de l'État, si bien que les documents d'urbanisme tendent à être des copies conformes souvent déconnectées des réalités.
La clef pour réussir une planification stratégique et opérationnelle efficace réside dans la nécessaire différenciation territoriale, l'État devant accompagner les collectivités pour affûter leurs capacités propres d'expertise et leur garantir ainsi une véritable autonomie foncière.
Cet accompagnement peut également être dispensé à la demande de collectivités jouissant de l'autonomie, telles que la Polynésie française : c'est ainsi qu'un schéma d'aménagement et de gestion des espaces de la Polynésie est en cours d'élaboration sous l'égide d'un comité de pilotage co-présidé par le président du Pays et le haut-commissaire, dont les objectifs ont été fixés en 2016. La Nouvelle-Calédonie s'est dotée en 2015 d'un nouveau code de l'urbanisme puis en août 2016 d'un schéma d'aménagement et de développement, le SAD, élaboré par le haut-commissariat et le gouvernement calédonien et approuvé par le Congrès. Cependant, les acteurs économiques calédoniens regrettent le manque d'outils fonciers : il n'existe pas en Nouvelle-Calédonie d'établissement public foncier territorial ni de droit de préemption urbain, et l'Agence de développement rural et d'aménagement foncier (Adraf) doit toujours être transférée à la Nouvelle-Calédonie par décret en Conseil d'État sur proposition du Congrès, mais aucun calendrier n'est avancé.
Hormis les outils de planification et la nécessaire coordination avec les rouages étatiques, les acteurs incontournables d'une stratégie foncière réussie sont les établissements publics fonciers.
Créés par les collectivités territoriales pour faire face à la spéculation immobilière qui se développait outre-mer, les établissements publics fonciers locaux (EPFL) constituent désormais des instruments essentiels aux Antilles et à La Réunion pour produire du foncier à un coût maîtrisé et pour réguler les fluctuations du marché foncier. La Réunion fut pionnière avec la création d'un EPFL dès 2002, avant d'être rejointe par la Martinique en 2011 et la Guadeloupe en 2013 dont les EPFL montent progressivement en charge, notamment en achetant pour le compte des communes des terrains nécessaires à la réalisation de logements sociaux ou intermédiaires. Le logement social représente environ 40 % des interventions de l'EPFL de Guadeloupe. À La Réunion, sont établis des documents stratégiques, propres à chaque commune, qui repèrent les terrains disponibles à acquérir, publics et privés : l'EPFL les actualise en fonction de l'évolution des PPR, des PLU, des constructions achevées et des changements de priorités, et les communes ont largement délégué leur droit de préemption urbain.
Enfin, une excellente collaboration s'est instaurée entre les EPFL et les Safer, qui ont des activités complémentaires.
Comme cela a pu être souligné par les deux premiers volets de notre étude sur le foncier, en dépit de ces avancées en matière de planification foncière, deux territoires demeurent en situation d'urgence foncière : la Guyane et Mayotte. Je ne reviendrai pas sur ces imbroglios qui ont été largement détaillés.
Je rappellerai cependant que les collectivités territoriales guyanaises ne possèdent que 0,3 % du foncier contre 95 % pour l'État. Un handicap de taille lorsqu'on connaît les besoins patents du territoire, notamment en matière de logements sociaux. Je rappellerai d'ailleurs ici que, pour faire face à l'accroissement démographique naturel et au flux migratoire, on estime qu'il faudrait produire et viabiliser environ 175 hectares chaque année. Or, dans les faits, la production de surfaces viabilisées annuellement atteint seulement 50 hectares.
Nos propositions issues du premier rapport n'ont pas encore pu totalement se concrétiser mais des avancées récentes ont été accomplies avec la loi de programmation pour l'égalité réelle puis le protocole d'accord « Pou Lagwiyann dékolé » du 21 avril 2017 par lequel l'État s'engage notamment à céder gratuitement 250 000 hectares de son domaine privé à la Collectivité et aux communes. Notons que cet accord prévoit également la rétrocession de 400 000 hectares de terres aux populations autochtones pour qu'elles puissent mener une vie conforme à leurs aspirations. Pour ce faire, un office foncier des populations amérindiennes devrait être créé pour en assurer la gestion.
Le bénéfice de ces cessions au profit de la Collectivité territoriale de Guyane et des communes devrait être optimisé par l'action d'un Epag transformé depuis le 1er janvier 2017 en établissement public foncier et d'aménagement (EPFAG) au périmètre d'intervention élargi et, surtout, doté d'une gouvernance paritaire entre représentants des collectivités et représentants de l'État. L'EPFAG sera le bras armé de la mise en oeuvre de l'opération d'intérêt national (OIN), la première jamais lancée outre-mer, destinée à l'aménagement des principaux pôles urbains de Guyane.
Il est essentiel que les maires soient associés au pilotage de cette opération stratégique : aussi, notre proposition n° 8 préconise-t-elle une démarche partenariale et l'élaboration de contrats de territoire tripartites État-CTG-communes.
Concernant Mayotte, dont le deuxième volet de notre étude a évalué précisément l'imbroglio foncier et formulé un dispositif très complet de propositions destinées à apurer la situation, la création d'un établissement public foncier et d'aménagement d'État, qui réunit les compétences d'un établissement public foncier, d'un établissement public d'aménagement et d'une Safer, suscite une forte attente. Or, la phase de préfiguration a vu les collectivités mahoraises et l'État s'affronter sur les questions de gouvernance : la désignation par décret de son président parmi les représentants de l'État, prévue par la loi d'actualisation du droit des outre-mer de 2015, est ressentie par les élus comme une marque de défiance. De fait, ce type de désignation avait durablement enlisé l'action de l'Epag. Aussi, faudra-t-il envisager, et c'est notre proposition n° 5, lorsque l'EPFAM aura pris son essor, d'en faire évoluer la gouvernance pour que le président du conseil d'administration soit élu par ses pairs et non plus choisi au sein d'un collège.
Cette dernière recommandation vient clore notre présentation. Je vous remercie.
M. Michel Magras, président. - Messieurs les rapporteurs, je vous remercie pour ce travail conclusif d'une grande qualité. Il nous faudra veiller à ce que nos préconisations soient mises en oeuvre car le verrou foncier est une source majeure de blocage pour le développement de nos territoires.
M. Félix Desplan. - Vous avez évoqué la part écrasante de l'État et une part mineure des collectivités dans la possession des terres, est-ce à dire que la portion résiduelle correspond à des terrains privés ?
M. Antoine Karam, rapporteur. - En effet, les propriétaires privés détiennent près de 5 % du territoire.
M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur coordonnateur. - Au terme de ce travail de longue haleine sur le foncier que j'avais initié avec Robert Laufoaulu lors de la programmation de nos travaux, je tiens à remercier l'ensemble de nos collègues pour leur implication et l'intérêt porté à ce sujet de la plus haute importance pour nos outre-mer. Et s'il faut bien sûr veiller à ce que notre travail connaisse une traduction concrète sur le terrain, je dis ma satisfaction que certaines propositions aient déjà été traduites dans la loi.
La délégation sénatoriale aux outre-mer a adopté le rapport à l'unanimité des présents.
Bilan d'activité de la délégation
M. Michel Magras, président. - Le second point de notre ordre du jour est une présentation du bilan d'activité de notre délégation, bilan prévu par l'article 99 de la loi d'orientation pour l'égalité réelle dans les outre-mer qui confère désormais un socle législatif aux délégations aux outre-mer de l'Assemblée nationale et du Sénat.
Bien que l'obligation soit simplement de portée annuelle, il m'a semblé plus pertinent de procéder à une rétrospective triennale, ce qui permet de mettre en évidence la cohérence d'ensemble des travaux que nous avons menés.
Sur la méthode de travail tout d'abord, je me félicite que nous ayons toujours privilégié la collégialité, avec des équipes systématiquement mixtes de rapporteurs Hexagone/outre-mer et majorité/opposition, et une prédilection pour les réunions de travail effectuées en plénière. Ces modalités permettent en effet de faire partager les analyses et les constats au plus grand nombre et aboutissent à des propositions consensuelles. Hors les auditions effectuées au cours des déplacements en outre-mer, la délégation a tenu une cinquantaine de réunions plénières, soit en moyenne deux réunions par mois de semaines de séance.
Par ailleurs, plus de la moitié des membres de la délégation ont mis leur talent au service de la promotion de nos outre-mer, comme rapporteur ou intervenant, au long des trois dernières années. Cette large implication des membres de la délégation et une organisation permettant de « croiser les regards » sont désormais profondément inscrites dans l'ADN de notre délégation, et je dois rendre hommage à notre collègue Serge Larcher qui avait initié ces méthodes de travail dès l'origine. Je tiens également à souligner avoir souscrit pleinement au principe de non-télescopage avec les prérogatives des commissions qu'il avait instauré. Nous sommes bien plus utiles à inscrire nos travaux dans la durée en produisant des études de fond sur des sujets cruciaux pour le développement de nos territoires que de « courir après le temps législatif » en publiant des avis à l'intérêt très limité dès lors que la précipitation du calendrier ne permet pas de procéder à des investigations approfondies. Notre plus-value est d'explorer précisément les problématiques, en appréhendant la diversité des situations, afin de formuler des préconisations adaptées aux réalités du terrain.
Si la délégation n'a pas à interférer directement dans le processus législatif qui est l'apanage des commissions, il est cependant important de collaborer avec les commissions et de mener des travaux en commun. À cet égard, nous avons régulièrement travaillé en étroite intelligence avec la commission des affaires européennes dans le processus d'élaboration de nos résolutions européennes et nous avons créé un groupe de travail avec la commission du développement durable dans les mois qui ont précédé la COP21 pour mettre en lumière les réalisations de nos territoires en matière de lutte contre les dérèglements climatiques.
Cependant, il serait sans doute pertinent de resserrer encore les liens avec les commissions afin de les rendre plus systématiques pour diffuser plus largement la connaissance de nos territoires ultramarins auprès des collègues qui ne sont pas membres de notre délégation. Par ailleurs, il faudrait que le renouvellement de l'automne permette d'assurer, conformément à ce qui est prescrit par l'article 6 decies de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, une représentation équilibrée des commissions permanentes, condition qui n'est pas vraiment satisfaite aujourd'hui puisque, par exemple, on compte trois fois plus de membres de la délégation siégeant à la commission des affaires étrangères que de membres de la délégation siégeant à la commission des affaires économiques ou à la commission des finances. Or, la prise en compte des spécificités de nos outre-mer concerne tous les secteurs, et on peut dire que les dossiers économiques ou de nature financière pèsent lourd pour nos territoires !
Concernant les travaux réalisés par notre délégation au cours de la période triennale, je dois dire que nous pouvons être fiers à maints égards car nos initiatives et nos propositions ont rencontré un réel succès, contribuant non seulement à démêler des situations inextricables auxquelles sont parfois aux prises nos territoires, mais également à conforter l'image de qualité attachée aux productions sénatoriales. Grâce à nos rapports sur le foncier, les normes ou le réchauffement climatique et à nos travaux sur les questions européennes, nous avons forgé une solide crédibilité auprès de nombreux interlocuteurs. Les cinq déplacements dans les outre-mer et les vingt-deux auditions organisées en visioconférence sur la période triennale nous ont permis de nouer de très nombreux contacts avec les acteurs locaux et d'ancrer nos travaux dans le concret. Les cinq colloques organisés au Sénat, trois conférences économiques et deux colloques sur le tourisme, ont connu une belle affluence et permis de mettre en valeur nos territoires, de montrer leurs capacités d'innovation et de contribuer à renforcer leur visibilité : plus de 200 intervenants ont ainsi apporté leur témoignage lors de ces événements qui ont été autant d'occasions de nouer des partenariats et de développer une démarche collaborative.
Enfin, la satisfaction de ces trois années bien remplies tient à l'impact très concret qu'ont pu avoir nos travaux : plusieurs de nos préconisations ont ainsi connu une traduction législative, concernant notamment le transfert de propriété de la ZPG, la fiscalité forestière en Guyane ou encore la création d'une commission de l'urgence foncière à Mayotte. L'étude sur les normes agricoles et les incidences de la politique commerciale européennes, qui avait donné lieu à une résolution adoptée en séance publique en novembre 2016, a fait l'objet d'une présentation au Forum des RUP le 30 mars dernier. Une autre de nos résolutions, sonnant l'alarme sur la situation de la filière canne, a aidé le gouvernement à obtenir une réouverture des négociations avec le Vietnam et un contingent à droits nuls réduit pour les sucres roux en provenance de ce pays. Autre exemple de répercussion concrète et bénéfique de nos travaux, l'étude sur les normes dans le BTP a suscité la mise en place à La Réunion d'un groupe de travail réunissant les différents professionnels et la DEAL pour inventorier les anomalies normatives et préconiser des évolutions.
Le succès de nos travaux se mesure enfin à la montée en puissance des sollicitations que nous recevons et à une audience en constante augmentation. Le lancement récent d'une lettre d'information contribuera à élargir encore notre notoriété.
Voilà pour les points saillants de notre bilan que je souhaitais mettre plus particulièrement en évidence ; je vous renvoie pour davantage de détails au rapport qui livre une synthèse tout à fait exhaustive.
Je veux ce jour remercier chaleureusement tous ceux d'entre vous qui se sont si activement impliqués dans nos travaux, ou qui ont marqué leur intérêt pour nos territoires par leur assiduité à nos réunions et leurs interventions en séance publique. Je forme le voeu que nous retrouvions une aussi belle mobilisation après le renouvellement. Mes remerciements vont tout spécialement vers ceux qui nous quittent, mais je suis certain qu'ils continueront à être de fidèles lecteurs et à venir assister aux événements organisés au Sénat auxquels ils seront toujours, bien sûr, cordialement invités.
Mme Gisèle Jourda. - Au cours de la période triennale, j'ai trouvé un grand intérêt dans les travaux de la délégation auxquels j'ai été associée comme rapporteur, j'y ai mieux découvert des territoires dont les potentiels restent encore par trop méconnus alors qu'ils constituent une vraie chance pour notre pays. J'ajouterai avoir beaucoup apprécié les méthodes de travail et le bon état d'esprit qui règne dans notre délégation et j'en remercie en particulier son président.
La délégation sénatoriale aux outre-mer autorise la publication du bilan triennal d'activité à l'unanimité des présents.