Mercredi 23 octobre 2024
- Présidence de M. Olivier Rietmann, président -
La réunion est ouverte à 12 h 30.
Désignation d'un membre du Bureau de la délégation
M. Olivier Rietmann, président. - Mes chers collègues, je vous remercie pour votre présence. Comme vous le savez, deux sénatrices membres de notre délégation sont entrées au Gouvernement : Laurence Garnier, qui était également vice-présidente, et Nathalie Delattre.
Laurence Garnier est remplacée, sur proposition du groupe Les Républicains, par Brigitte Hybert, sénatrice de Vendée. À ce jour, le groupe Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE) ne nous a pas encore communiqué le nom du sénateur ou de la sénatrice qui remplacera Nathalie Delattre.
Par ailleurs, nous devons désigner une nouvelle vice-présidente. Le groupe Les Républicains a proposé le nom de Pauline Martin.
Mme Pauline Martin, rapporteure. - Je vous remercie Monsieur le Président, cette désignation m'honore. Je m'efforcerai d'être à la hauteur de vos attentes.
M. Olivier Rietmann, président. - Je vous rappelle que nous avons validé trois missions pour 2025, en fonction des moyens humains qui nous sont affectés en attendant le remplacement d'une administratrice.
Pour la mission « Made in France » ou « Fabriqué en France », je vous propose de désigner comme rapporteurs Franck Menonville et Anne-Marie Nédélec ; sur la mission « Entreprise individuelle », Sylvie Valente Le Hir et Emmanuel Capus ; et enfin sur la mission « Dépenses contraintes et difficultés des entreprises », avec deux focus sur l'assurance et l'énergie, Guillaume Gontard et Michel Bonnus.
Les désignations de rapporteurs sont validées par la délégation.
Examen du rapport d'information « Quel financement pour l'entreprise de demain ?»
M. Olivier Rietmann, président. - À l'instar de la mission sur les entreprises et le climat, cette réunion était initialement programmée au mois de juillet dernier mais a été reportée à la suite de la dissolution de l'Assemblée nationale.
Je remercie nos trois collègues pour leur investissement, car ils ont couvert un grand nombre d'aspects de ce sujet très technique. On nous dit régulièrement que c'est ce type de travail de fond qui fait aussi la réputation de la délégation aux Entreprises et contribue à la crédibilité de nos travaux.
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - Nous sommes heureux de vous présenter aujourd'hui notre rapport intitulé : « Financer l'entreprise de demain ». C'était un travail de longue haleine, puisque l'actualité politique de l'été nous a contraints à décaler de plusieurs mois cette réunion d'examen.
C'est donc à la fin du mois d'octobre plutôt qu'à la mi-juillet que nous nous réunissons, dans un contexte politique mais aussi économique et surtout budgétaire très différent. Depuis le début de nos travaux en février, il est devenu clair que l'état déjà sérieux de nos finances publiques s'est encore dégradé. Nous voyons dans le même temps des signaux d'alerte quant à la situation des entreprises du pays, avec une accélération des défaillances dans un contexte économique toujours peu porteur.
Cela a eu deux impacts sur nos travaux.
D'une part, il nous a paru plus que jamais important de rappeler le rôle majeur que jouent les entreprises, grandes, moyennes comme petites, pour notre économie et notre société : sans elles, pas d'emplois, de création de richesses, de progrès technologique. Cela nous renforce dans l'idée que nos politiques économiques, fiscales et budgétaires ne doivent pas laisser tomber nos entreprises et entrepreneurs, même dans un contexte qui appelle à faire des choix difficiles.
D'autre part, nous avons pleinement à l'esprit l'impératif de responsabilité qui s'impose à nous en matière de finances publiques, pour limiter les dépenses contribuant le moins à nos grands objectifs, mais privilégier celles au plus fort impact.
Nous avons formulé quelques recommandations fiscales. De nombreuses solutions peuvent faciliter le financement des entreprises sans aides publiques ni incitations fiscales. Nous voyons nos 30 recommandations comme une « boîte à outils » avec divers leviers. Notre rapport précise également les pistes à explorer plus en détail, particulièrement lorsque leur impact fiscal ou quantitatif reste insuffisamment documenté.
Le financement de l'entreprise de demain est un vaste sujet !
Premièrement, il nous a paru nécessaire de nous interroger sur ce que recouvrait « l'entreprise de demain ». L'entreprise de demain, c'est l'entreprise qui n'existe pas encore et qui va se créer, à la faveur de nouvelles technologies ou de nouvelles compétences. Mais c'est aussi l'entreprise d'aujourd'hui qui croît, qui se transforme, qui se transmet, qui fait évoluer sa gouvernance ou son engagement écologique. C'est aussi bien la jeune entreprise ultra-innovante, que la petite et moyenne entreprise (PME) ancrée dans son territoire qui s'ouvre à l'export, ou l'entreprise de taille intermédiaire (ETI) familiale dont le dirigeant s'apprête à passer la main. Cela recouvre donc des réalités très différentes, et nous avons pris soin de ne pas écrire un « rapport sur le financement des start-up ».
M. Fabien Gay, rapporteur. - Je remercie mes collègues rapporteurs pour ce travail transpartisan.
Il est évident que le nerf de la guerre de ces transformations, de cette croissance, est le financement : pour se décarboner, pour ouvrir de nouveaux marchés, pour recruter, pour investir, etc. Nous avons donc cherché à estimer les besoins de financement des entreprises françaises. Nous avons été surpris de constater qu'il existait très peu de travaux de chiffrage global, mais les études récemment réalisées anticipent toutes un besoin colossal au cours des prochaines années. Pour l'atteinte de nos objectifs environnementaux et climatiques, un récent rapport de l'Institut de la Finance durable chiffre de 20 à 40 milliards d'euros l'effort annuel supplémentaire qui devra être porté par les entreprises d'ici 2030, selon Rexecode, l'investissement des entreprises devrait augmenter de 10 à 13 %. C'est un effort massif que nous leur demandons !
Mme Pauline Martin, rapporteure. - Nous avons tiré le constat de modes de financement en pleine évolution. Le virage vers la « Finance verte » et les obligations en matière de performance extrafinancières sont déjà en train de changer l'orientation des financements. De nouveaux acteurs émergent, comme des néo-banques orientées vers les PME ou les plateformes de crowdfunding pour les créateurs d'entreprise. Au niveau européen, on réfléchit à de nouveaux produits d'épargne partagés pour donner plus de profondeur à notre marché bancaire et l'on permet aux États de mieux soutenir les projets structurants. Le moment est donc propice pour voir ce que l'on peut accélérer, soutenir et accompagner.
Nous avons structuré notre rapport en quatre grandes parties :
- le financement bancaire ;
- le renforcement des fonds propres, par les marchés d'action ou le capital-investissement ;
- la capacité d'autofinancement des entreprises ;
- le rôle des acteurs publics en soutien au financement des entreprises.
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - Nous avons pu confirmer que le financement bancaire continue à jouer un rôle majeur dans le financement des entreprises françaises, en particulier les TPE-PME, à la fois pour la trésorerie et l'investissement.
En France, le secteur bancaire est concurrentiel et performant, ce qui joue en faveur des entreprises. La situation d'accès au crédit est globalement jugée satisfaisante, nous avons pu le confirmer.
Nous avons cependant souhaité lire au-delà des chiffres rassurants de la Banque de France et examiner les signaux faibles d'alertes. Nous en avons trouvé trois :
- une autocensure des PME dans leurs demandes de crédit qui pourrait atteindre jusqu'à 10 %, face à la frilosité des banques dans une période économique compliquée. L'excellent accès au crédit des TPE-PME françaises doit donc être nuancé ;
- des difficultés persistantes de près d'un quart des entreprises dans le remboursement de leur prêt garanti par l'État (PGE), avec le risque d'une dégradation de leur cotation ;
- la perception d'une hausse des demandes de garantie ou de cautionnement formulées auprès des chefs d'entreprise, malgré les efforts récents pour limiter les demandes excessives des banques.
Nous signalons aussi que des textes européens prévoiraient de durcir le traitement fiscal des intérêts d'emprunt pour les PME, ce qui renchérirait encore le coût du crédit.
En cohérence avec les travaux de la délégation sur la simplification, nous demandons que les établissements bancaires puissent poursuivre l'allègement et l'harmonisation des procédures liées aux demandes de crédit, pour réduire la charge administrative bancaire pour les entreprises.
Enfin, les entreprises indiquent que la majorité des banques sont toujours hésitantes à soutenir financièrement les investissements risqués ou immatériels, pourtant essentiels pour la transition écologique. La logique de rentabilité à court terme domine. Il est nécessaire de la changer pour mieux soutenir l'innovation et les grandes transitions.
M. Fabien Gay, rapporteur. - Notre deuxième axe porte sur le renforcement des fonds propres des entreprises. Il est essentiel, car ce sont les fonds propres qui permettent de s'endetter et de soutenir la croissance ou l'innovation. 20 % des PME françaises restent sous-capitalisées par rapport à leur dette selon la Banque de France : 50 milliards d'euros seraient nécessaires pour les renforcer.
Ce renforcement peut passer par deux canaux.
Le premier canal est le capital-investissement, qui joue un rôle majeur pour les entreprises non cotées et dans le financement de l'innovation. Bien que le secteur européen ait beaucoup crû ces dernières années, fortement encouragé par les politiques de l'innovation, il reste sous-dimensionné. Il est presque impossible de financer en Europe de « gros tickets » pour des entreprises en forte croissance. Le résultat est que les entreprises françaises et européennes ont peu recours au capital-investissement et, lorsqu'elles le font, c'est auprès d'investisseurs américains. Il y a donc un véritable enjeu de souveraineté.
Nous avons beaucoup parlé, lors de nos auditions, du marché européen. Il y a une forme de consensus sur la nécessité d'améliorer sa profondeur et orienter davantage l'épargne des Européens vers les entreprises du continent. Nous pensons que réduire l'attractivité de dispositifs tels que le « Madelin », qui encouragent les particuliers à investir dans les PME, est une erreur. Il faut aussi inciter les produits comme l'assurance vie à s'orienter davantage vers l'économie réelle.
Enfin, nous avons rencontré des acteurs du crowdfunding. Le financement participatif est de plus en plus perçu comme une solution de financement en capital, notamment pour les jeunes créateurs d'entreprises. J'ajoute qu'en matière de fonds de propres, les obstacles sont tout aussi culturels que réglementaires. Seuls 12 % des PME françaises comptent un fonds d'investissement à leur capital. Beaucoup de dirigeants d'entreprises sont encore réticents à ouvrir leur capital et donc leur gouvernance, ce qui limite le développement notamment pour les ETI. Il faut donc que les acteurs du capital- investissement fassent la preuve de leur engagement durable auprès des entreprises dans lesquelles ils investissent et de leur plus-value réelle pour celles-ci, car c'est à ce prix que les chefs d'entreprise accepteront de s'engager dans cette voie.
Le second canal pour renforcer les fonds propres est le marché d'actions. Le rythme des introductions en Bourse de PME et ETI européennes a fortement ralenti ces dernières années et le montant des fonds investis dans ces entreprises s'est effondré, avec 8 milliards d'euros de collecte en cinq ans.
Les raisons sont multiples. Premièrement, les particuliers ont une faible propension à investir dans les actions. C'est 15 % de l'épargne en Europe, contre 45 % aux États-Unis. Les investisseurs institutionnels tendent également à se détourner des PME et ETI. Deuxièmement, les entreprises tendent à renoncer à se coter en Europe en raison d'un coût d'accès qui reste énorme, jusqu'à 10 % du montant levé pour une PME. La charge administrative et procédurale est perçue comme disproportionnée. Malgré des efforts récents de simplification des prospectus, les obligations de performance extrafinancière, comme la Directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), ajoutent de nouvelles couches de complexité. Enfin, un texte européen adopté il y a un peu moins de dix ans a eu un effet désastreux sur le secteur, en tuant les acteurs européens de l'analyse des petites et moyennes valeurs. Presque personne ne réalise aujourd'hui en Europe ce travail de suivi des PME et ETI prometteuses qu'il conviendrait de soutenir par l'investissement. Nous pensons que c'est regrettable.
Nous recommandons de travailler à mieux intéresser les particuliers et les institutionnels à investir dans les PME cotées. Il faut remédier au déficit d'attractivité du PEA-PME, qui ne représente que 2 % des encours totaux des Plans d'Épargne en Actions (PEA), approfondir l'union des marchés de capitaux en accentuant le fléchage vers des entreprises européennes et maintenir le soutien des États par une approche de « fonds de fonds » pour mieux orienter les investissements. Nous recommandons enfin aussi de poursuivre le travail pour lever les obstacles concrets à l'accès des PME et ETI au marché. Il faut veiller à ne pas surtransposer les obligations, à mieux les accompagner et à stabiliser le droit. Nous saluons aussi la création récente d'actions à droit de vote multiple, qui permettront aux fondateurs des entreprises de garder une forme de contrôle sur la gouvernance après une introduction en Bourse.
Mme Pauline Martin, rapporteure. - Nous souhaitons insister sur l'importance cruciale de l'autofinancement. Aucune entreprise ne s'engage dans un projet d'investissement sans une capacité d'autofinancement minimale, particulièrement les TPE et PME qui financent souvent leurs projets sur fonds propres. Pour assurer le financement de l'entreprise de demain, nous devons créer les conditions économiques, fiscales et réglementaires favorables à la création de valeur et de ressources.
Or, la pandémie de Covid, a dégradé la trésorerie et la situation de nombreuses entreprises françaises. Elle a aussi engendré une hausse des retards de paiement, alors qu'ils avaient plutôt baissé ces dernières années.
En France, ce sont 12 milliards d'euros qui sont retenus sur la trésorerie des PME par les grandes entreprises qui les paient tardivement. Nous devons être attentifs à ces transferts de trésorerie, car ils peuvent mettre les petites entreprises de nos territoires en grande difficulté et freiner les investissements.
Je rappelle aussi que notre pays reste l'un des champions de la charge fiscale et administrative. Il nous faut poursuivre l'effort de simplification des normes, assurer la soutenabilité du coût des intrants, stabiliser le coût du travail, et mener à bien la réforme des impôts de production.
C'est avec ces actions que nous permettrons aux entreprises françaises de prospérer et de croître, et donc de dégager les ressources pour investir.
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - Enfin, nous nous sommes penchés sur les dispositifs de soutien public au financement des entreprises et sur le rôle des acteurs publics. Avant toute chose, nous avons confirmé le constat, déjà posé par notre délégation, d'une jungle des aides causée par la multiplicité des acteurs et des dispositifs. Pour les entreprises, elle est illisible et peut inciter à ne pas recourir aux aides. La charge procédurale de ces dispositifs semble parfois mal ajustée, avec des formats d'appel à projets ou dossiers qui sont décourageants pour les chefs d'entreprise ou des délais de réponse trop longs. Il nous semble donc urgent de clarifier le catalogue des aides, de travailler à la lisibilité des différents dispositifs, de mieux accompagner les TPE-PME et d'améliorer le dialogue entre administrations.
La réflexion autour de la création d'un guichet unique ne semble pas mûre, notamment en raison de l'éclatement des compétences.
Nous avons aussi confirmé le rôle majeur joué par BpifPI France en tant qu'apporteur de solutions de financement. Son action est globalement bien identifiée et bien perçue par les entreprises. L'action de garantie nous semble très importante, car elle permet à des TPE et des PME d'accéder au crédit. Nous appelons à assurer son financement.
M. Fabien Gay, rapporteur. - Dans le temps limité qui était imparti, nous n'avons évidemment pas cherché à faire une revue de l'ensemble des dispositifs d'aides. Nous relevons toutefois que le Gouvernement a commandé à l'Inspection générale des finances plusieurs rapports de revue des aides. L'un, sur les aides aux entreprises, est paru en septembre. Il appartiendra à la commission des finances d'examiner ces travaux et d'appréhender les suites à y donner.
Nous avons souhaité insister sur deux principes dans le contexte de finances publiques que nous connaissons en vertu d'un principe de responsabilité budgétaire.
Premièrement, nous devons clarifier et prioriser nos objectifs de politique publique pour dépasser l'instabilité normative et privilégier les aides les plus structurantes. Deuxièmement, il faut systématiser l'évaluation des dispositifs de soutien et mieux y associer les entreprises pour mieux comprendre leurs attentes.
Mme Pauline Martin, rapporteure. - Pour conclure, nous proposons de mieux mobiliser deux leviers concernant le rôle des pouvoirs publics dans le soutien au financement des entreprises.
D'une part, la commande publique est insuffisamment orientée vers l'innovation et le soutien aux PME. Les acteurs publics doivent être mieux informés et sensibilisés. Nous recommandons d'ajouter au plan France 2030 et au Programme d'Investissement d'Avenir (PIA), un volet commande publique qui permettrait de boucler la boucle depuis les premiers pas de la R&D jusqu'à la production des premières commandes.
D'autre part, le soutien à la transmission des entreprises pourrait être remis en cause à la faveur des textes budgétaires. Entre 250 000 et 700 000 entreprises doivent être cédées ou reprises d'ici 2032. Il faut créer les conditions fiscales propices pour cela et encourager les entreprises à anticiper cette échéance en sanctuarisant le pacte Dutreil et les abattements sur les cessions pour départ à la retraite des dirigeants.
Notre rapport présente 30 propositions, offrant un panorama large des financements et des enjeux, tout en se concentrant sur des thématiques spécifiques. Nous espérons ainsi alimenter les futurs travaux du Sénat sur le financement de l'entreprise de demain.
M. Olivier Rietmann, président. - Je vous remercie chaleureusement pour votre dynamisme et votre formidable travail. Comme Pauline Martin l'a souligné, ces éléments nous seront précieux dans les semaines à venir, particulièrement en ce qui concerne le projet de loi de finances (PLF). Les retours que nous avons reçus indiquent que certains amendements déposés à l'Assemblée nationale suscitent l'inquiétude des entreprises. J'encourage vivement chacun d'entre vous à rester vigilant afin de défendre les positions habituellement soutenues par notre délégation, notamment concernant le pacte Dutreil.
M. Simon Uzenat. - Je vous remercie pour ce travail remarquable qui complète celui que nous avons réalisé sur les entreprises et le climat avec mes collègues co-rapporteurs, Lauriane Josende et Brigitte Devésa. La convergence de nos rapports et leur présentation rapprochée peuvent nous aider à agir ensemble sur nos sujets d'intérêt commun.
Je souhaite revenir sur les points relatifs à la commande publique, sujet auquel je suis particulièrement sensible en raison de mes responsabilités passées à la Rrégion Bretagne. Je souscris entièrement à ce qui a été dit.
Concernant les délais de paiement, le document mentionne un délai moyen de 29 jours pour l'ensemble des pouvoirs publics. Je m'interroge : est-ce le délai actuel ? Sommes-nous constamment à la limite du délai prévu ? Y a-t-il eu une évolution ou une dégradation de ces chiffres ? Les variations en termes de ressources humaines et les changements de processus dans les collectivités peuvent en effet allonger ces délais. La Région Bretagne a mis en place, de manière pionnière, un observatoire des données de l'achat public, qui nous permet de suivre cet indicateur en quasi-temps réel. Nous nous étions fixé une limite de 21 jours, que nous parvenions à respecter. Cela rejoint votre point sur la nécessité d'une évaluation continue.
Au-delà des délais de paiement, la capacité des collectivités à offrir des avances est cruciale. Face à l'inflation élevée, nous avons augmenté nos taux d'avance de 30 à 60 % pour l'ensemble de nos marchés, en particulier pour les TPE et PME confrontées à la hausse des coûts des matières premières.
Vos recommandations 26 et 27 sur la formation sont pertinentes. Mon expérience à la Région m'a montré l'importance de l'organisation. Notre fonction achat était très décentralisée, ce qui limitait l'efficacité des agents consacrant seulement 10 ou 20 % de leur temps de travail à la commande publique. La montée en compétences doit s'accompagner d'une réorganisation. Le partage de bonnes pratiques, notamment dans le cadre du plan national des achats durables, est également essentiel. Enfin, concernant la commande publique pour les grands plans d'investissement, nous sommes d'accord sur la nécessité de donner aux collectivités les moyens d'agir. Malheureusement, tous les signaux sont actuellement préoccupants.
M. Olivier Rietmann, président. - J'ai soulevé une problématique lors de l'audition des banques et fédérations bancaires en réunion plénière, concernant le financement des entreprises de défense et d'armement. Je ne retrouve pas ce point dans le rapport, probablement en raison de limites de périmètre. Cependant, je considère que cette question mérite d'être approfondie, notamment sur les difficultés potentielles de financement liées à des considérations éthiques. Les retours des acteurs étaient contrastés : certains affirmaient qu'ils n'avaient pas de problème, tandis que d'autres évoquaient des restrictions importantes. Étant donné l'importance de ce secteur pour notre économie, je propose d'organiser une plénière dédiée en invitant des acteurs du domaine, afin d'examiner ce sujet en détail.
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - Le délai moyen de règlement est resté stable, passant de 28,2 jours en 2015 à 29 jours aujourd'hui. Nous devons néanmoins chercher à le réduire davantage, car c'est un enjeu crucial pour la trésorerie et les investissements des PME-TPE.
Nous avons formulé deux recommandations concernant les marchés publics. Premièrement, nous proposons d'abaisser les seuils pour faciliter l'accès des entreprises à la commande publique, jugée actuellement trop contraignante. Deuxièmement, nous suggérons la mise en place de nouveaux processus. Ces recommandations visent à répondre aux difficultés soulevées lors des auditions. Il appartiendra au législateur de les appliquer, mais notre délégation doit rester motrice sur ces questions.
Concernant le financement des sociétés de défense, je confirme l'existence d'un problème réel. Dans ma région, où sont implantés Airbus et ses sous-traitants, l'accès au crédit est particulièrement difficile. Bien que cette question n'ait pas été traitée dans nos rapports, elle pourrait faire l'objet d'une mission spécifique visant à apporter des solutions concrètes aux entreprises les plus touchées. Le secteur de la défense et de l'armement étant en pleine croissance, il est urgent de lui proposer des solutions de financement adaptées.
Mme Pauline Martin, rapporteure. - En tant que participante à la session nationale de l'IHEDN cette année, je souhaite aborder la question cruciale de la reprise d'entreprise et de la succession chez les sous-traitants du secteur de l'armement. Ce sujet m'a été fréquemment soumis ces dernières semaines. Il est impératif de préserver ces sous-traitants, dont l'activité ne se limite pas à l'armement, et d'assurer leur pérennité. Concernant les autres points évoqués, nous nous abstiendrons de répéter les mêmes arguments.
M. Fabien Gay, rapporteur. - Les délais de paiement sont cruciaux pour de nombreuses entreprises. On constate que les grands groupes et les collectivités sont souvent les plus lents à régler leurs sous-traitants, ce qui peut créer des difficultés de trésorerie importantes.
L'obligation de dématérialisation des comptabilités, initialement prévue pour le 1er janvier prochain, mais reportée d'un an, pourrait améliorer la situation. En tant que chef d'entreprise, je suis conscient des efforts que cela implique pour les services comptables. Cependant, je pense que cela fluidifiera les processus, notamment dans les grands groupes où les factures doivent être co-signées par de multiples acteurs et transiter par plusieurs services.
Mme Pauline Martin, rapporteure. - Nous avons reçu de nombreuses demandes concernant la mise en place simultanée de la dématérialisation et des délais de paiement raccourcis.
M. Olivier Rietmann, président. - Le 14 novembre, nous visiterons le musée de l'Air et de l'Espace avec le Général Roucsseau, son directeur adjoint. Je vous invite à confirmer rapidement votre participation. Après la visite, nous disposerons d'une salle pour tenir une séance plénière où nous aborderons les questions de financement. Nous aurons une audition avec Serge Babary, ancien Président de notre délégation aux Entreprises et actuel Président de Smart Base RH, et une table ronde sur les défis des entreprises du secteur aéronautique avec Bruno Berthet, Président du Conseil de surveillance d'Aresia, et Alain Dulac, Président de Factem, représentant respectivement une ETI et une PME du secteur.
M. Serge Mérillou. - Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leur travail, qui m'a permis de découvrir plusieurs aspects. Le chiffrage de 40 milliards d'euros m'interpelle particulièrement. Il représente l'estimation du besoin d'investissement annuel supplémentaire des entreprises sur la prochaine décennie pour atteindre les objectifs climatiques. Je m'interroge sur l'évaluation des risques de perte de compétitivité face à la concurrence européenne et internationale, notamment vis-à-vis de pays comme la Chine. Ces derniers, déjà très concurrentiels, pourraient ne pas s'astreindre au respect des objectifs climatiques, créant ainsi un désavantage pour nos entreprises qui s'engagent dans cette voie nécessaire.
M. Michel Masset. - Je salue la qualité des rapports et leur complémentarité. Bien que je ne sois là que depuis un an, je trouve cette approche extrêmement pertinente. Les rapports se relient les uns aux autres, formant un ensemble cohérent. Cela souligne l'importance cruciale de la délégation aux Entreprises, que nous ne manquons pas de rappeler à chaque occasion.
La temporalité est essentielle en économie. Le marché et les modes de consommation dictent cette temporalité. Les recommandations et observations figurant dans le rapport, très claires et très intéressantes, concernent-elles déjà le présent ? Quelles sont les priorités, qui doivent tenir compte de la situation budgétaire de l'État, tout en préservant l'intérêt des salariés ?
Mme Brigitte Devésa. - Je tiens à vous féliciter pour la clarté et le caractère pédagogique de ce rapport, qui m'a permis d'apprendre beaucoup. Comme l'a souligné Simon Uzenat, il existe un lien évident avec le rapport que nous avons présenté récemment.
Je suis particulièrement interpellée par la section concernant le financement bancaire limité pour l'investissement risqué et dans la transition écologique. C'est un paradoxe, car les banques laissent entendre qu'elles soutiennent davantage les entreprises engagées dans la transition environnementale et la décarbonation. Or, il semble que ces dernières soient en réalité plus pénalisées.
Vos recommandations me paraissent pertinentes, notamment celle visant à s'opposer à toute augmentation du coût du crédit via la législation européenne. J'ai constaté que cette législation impacte souvent négativement nos entreprises. Serait-il envisageable d'inclure une recommandation sur la révision de l'impact des réglementations prudentielles européennes, qui limitent la capacité des banques à financer le risque ?
J'ai l'impression que l'Europe entrave parfois notre fonctionnement et restreint la liberté d'action des entreprises. Je souhaiterais comprendre comment nous pourrions renforcer notre opposition à certains aspects de la législation européenne, sans pour autant enfreindre les directives en vigueur. Cette question mérite d'être approfondie.
M. Olivier Rietmann, président. - Avant de donner la parole aux rapporteurs, j'insiste sur un point mentionné par Michel Masset : n'hésitez pas à évoquer la délégation chaque fois que vous intervenez en séance ! Plus nous serons identifiés, plus nous pourrons démontrer l'importance de notre délégation. Cela me facilitera également la tâche lorsque je demanderai des ressources humaines supplémentaires.
Mme Pauline Martin, rapporteure. - Le risque de décrochage par rapport à nos concurrents chinois est réel et constitue une vraie préoccupation. Nous n'avons pas encore de solution, mais il est clairement identifié par toutes les entreprises.
Le crédit bancaire est probablement l'une des priorités. Lorsque nous interrogeons les banquiers, ils assurent que tout va bien et que tous les clients sont accompagnés. Cependant, il est difficile d'obtenir des chiffres précis sur le niveau réel d'accompagnement. Être accompagné quand on ne reçoit que 50 % de la somme demandée n'est pas vraiment satisfaisant. Il y a probablement un travail à faire avec les banques.
Concernant l'Europe, nous sommes toujours confrontés au problème des surtranspositions. Nous sommes souvent plus européens que l'Europe elle-même, ce qui devient un prétexte pour bloquer certaines initiatives. Les entreprises l'expriment clairement. Nous l'avons vécu avec la CSRD, qui est fortement critiquée aujourd'hui, non pas sur son principe, mais sur sa mise en oeuvre coûteuse, en particulier pour les TPE et PME. C'est une véritable source d'inquiétude.
M. Olivier Rietmann, président. - Je suis entièrement d'accord sur l'importance et la pertinence de la CSRD, comme l'ont démontré nos collègues dans leur rapport. Cependant, nous avons parfois tendance à agir avec précipitation et à imposer des mesures sans prendre suffisamment en compte leur impact sur nos entreprises. C'est précisément pour cette raison que l'étude d'impact est cruciale. Nous devons considérer les autres contraintes auxquelles font face nos entreprises et éviter d'aller trop vite dans la mise en oeuvre de ces changements.
M. Fabien Gay, rapporteur. - Concernant l'accès au crédit, je partage l'avis exprimé. Nous devrions approfondir cette question, car l'audition était éclairante. Les banques affirment que presque toutes les entreprises obtiennent les crédits demandés, mais la réalité sur le terrain est plus complexe. Certains entrepreneurs s'autocensurent, craignant de ne pas obtenir de prêt. D'autres obtiennent des montants inférieurs à leurs besoins réels. Il serait pertinent d'examiner ces situations plus en détail.
Une question porte sur notre compétitivité face à des pays comme la Chine, compte tenu de nos exigences sociales et environnementales. Contrairement aux idées reçues, la Chine, dont je ne suis pas un fervent défenseur, ne se contente pas de produire à bas coût. Elle investit massivement dans les industries d'avenir, l'IA et l'économie de demain, tout en poursuivant sa production traditionnelle. Notre priorité devrait être de ne pas rater le virage de la décarbonation et de la numérisation de notre industrie. Bien que cela puisse affecter notre compétitivité à court terme, c'est crucial pour notre position dans 20 ans.
En moins d'une décennie, SpaceX a révolutionné le secteur spatial. Cette entreprise lance aujourd'hui 70 % des satellites. Face à cette situation, nous devons être extrêmement offensifs. Si les exigences sociales et environnementales ont un coût, elles nous permettent de prendre de l'avance. Il faut soutenir ces efforts par des investissements publics massifs. Négliger ces aspects serait une erreur, d'autant plus que nos concurrents progressent sur tous les fronts simultanément.
M. Pierre-Antoine Levi, rapporteur. - Je souhaite compléter les propos de Serge Mérillou concernant les 40 milliards d'euros d'investissements dans la transition climatique. Les estimations indiquent que ces investissements doivent être compris entre 2 et 2,9 % du PIB pour atteindre nos objectifs climatiques. À l'horizon 2040, cela représente entre 68 et 100 milliards d'euros. Ces sommes considérables devront être trouvées malgré des taux d'intérêt en hausse, bien que les liquidités bancaires soient abondantes. L'enjeu sera de faciliter l'accès au crédit pour les entreprises.
Concernant le financement, Fabien a justement souligné l'autocensure et l'acceptation partielle des crédits. Lorsque l'Association Française des Banques affirme que 86 % des demandes sont acceptées, cela ne concerne pas nécessairement les montants demandés. Un client peut solliciter 100 000 euros, le banquier proposer 50 000, et finalement accorder 40 000. Pour les statistiques bancaires, il s'agit d'un crédit accepté, bien que le montant soit inférieur à la demande initiale. De plus, certains conseillers pratiquent l'autocensure en refusant d'étudier des dossiers jugés non viables, qui n'apparaissent donc pas comme refusés.
Ces éléments, confirmés lors des auditions et mentionnés dans notre rapport, soulèvent des inquiétudes quant à la capacité des entreprises à obtenir suffisamment de fonds pour atteindre leurs objectifs climatiques. Pour réduire leur empreinte carbone et devenir plus responsables socialement, elles auront besoin de moyens conséquents. Il faudra veiller à ce que ces investissements ne se fassent pas au détriment du renouvellement d'équipements nécessaires à leur fonctionnement.
Je souhaite également alerter sur des amendements votés récemment à l'Assemblée nationale, particulièrement préoccupants pour les Français et les entreprises. Deux d'entre eux concernent la fiscalité de l'assurance vie, placement préféré des Français. L'intégration des contrats souscrits avant 70 ans dans le barème des successions pourrait entraîner des retraits massifs, mettant en péril l'économie de ce secteur. De plus, la suppression de l'abattement sur la vente de résidences secondaires et l'instauration d'une clause de détention de cinq ans pour la vente de la résidence principale risquent d'avoir des conséquences négatives importantes.
Face à ces décisions potentiellement dangereuses, notre délégation devra jouer un rôle d'alerte crucial lors de la discussion du PLF au Sénat.
M. Olivier Rietmann, président. - Je partage vos inquiétudes concernant ces sujets, nous resterons vigilants sur leur évolution. Concernant la CSRD, j'insiste sur la nécessité de ne pas précipiter l'implémentation d'obligations coûteuses qui ne favorisent pas directement la décarbonation. Cependant, je soutiens pleinement l'investissement dans la décarbonation pour répondre aux demandes du marché et rester compétitifs.
Les Chinois investissent massivement dans ce domaine. Lors de notre visite dans le Finistère, on nous a expliqué que les panneaux photovoltaïques chinois sont désormais plus durables, performants et écologiques que ceux produits en France. La Chine a compris l'importance de ces investissements pour conserver et gagner des parts de marché.
Je remercie les trois rapporteurs pour leur travail. Nous allons maintenant procéder au vote pour l'adoption et l'autorisation de publication du rapport.
Le rapport « Financer l'entreprise de demain » est adopté à l'unanimité.
Cette unanimité démontre l'intérêt de notre approche transpartisane. Le rapport sera publié et il sera important de communiquer.
Questions diverses
M. Olivier Rietmann, président. - Nous réfléchissons au programme de la journée des entreprises du 20 mars 2025. Les thèmes de nos tables rondes correspondent aux deux rapports présentés récemment : entreprises et climat, et financement des entreprises. Ces sujets étant étroitement liés et d'actualité, ils devraient susciter des témoignages intéressants de la part des chefs d'entreprise présents.
J'informe les rapporteurs qu'ils seront sollicités et je les invite à réserver leur matinée du 20 mars prochain. Chacun d'entre vous peut convier jusqu'à 5 chefs d'entreprise à cet événement qui comprendra une séance de travail le matin, suivie d'un déjeuner.
M. Jean-Luc Brault. - Je profite de cette réunion pour vous alerter : nous avons construit trois gendarmeries et nous venons d'être informés par le préfet que l'État ne paiera plus, pour le moment, les 25 000 euros de loyers qu'il doit au territoire. Nous avons investi pour loger dignement nos gendarmes
M. Olivier Rietmann, président. - J'ai échangé récemment avec le nouveau commandant du groupement de gendarmerie de mon département. Un budget a été voté pour les gendarmeries. Malgré nos demandes, aucun budget rectificatif n'a été adopté cette année. Les interventions en Nouvelle-Calédonie, impliquant 35 escadrons de gendarmes mobiles, ont engendré des coûts considérables. Le transport d'un seul véhicule Centaure coûte plus de 3 millions d'euros. Avec les Jeux Olympiques et d'autres opérations, le déficit budgétaire de la gendarmerie atteint aujourd'hui 800 millions d'euros.
Face à cette situation, la première mesure envisagée était de suspendre temporairement le paiement des loyers, à l'exception de ceux dus aux petits propriétaires, petits bailleurs sociaux et petites communes. Cette proposition d'une année blanche pour les autres bailleurs était audacieuse. Un locataire ordinaire ou un exploitant agricole ne pourrait pas se permettre de ne pas payer son loyer ou son fermage pendant un an sans conséquences.
Bruno Retailleau s'est engagé à ce que les petites collectivités et les petits bailleurs soient payés avant la fin de l'année, avec un rattrapage pour les autres au début de l'année prochaine.
La réunion est close à 13 heures 40.